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La Maraîchine Normande
30 décembre 2019

ST-MARS-DU-DÉSERT - NANTES (44) - JULIENNE DAVID, CHOUANNE ET CORSAIRE (1777 - 1843)

 

David Julienne St-Mars z


Dans la matinée du 28 janvier 1843, un modeste cercueil, recouvert de l'humble drap mortuaire des indigents, sortait de la chapelle de l'Hôtel-Dieu de Nantes.

Sur le drap blanc, la main bienveillante de la chère Soeur gardienne avait pieusement déposé une couronne virginale. L'enfant de choeur, d'un air distrait, portait la petite croix de bois noir, l'un des aumôniers, récitant les dernières prières, précédait le corps, que n'accompagnait nul parent, nul ami.

Tel était le convoi de Julienne David.

DAVID JULIENNE

Julienne, bien connue à Nantes, sous le nom de Jacquot, ou du roulier Jacquot, servait, dans les dernières années de sa vie, comme garçon d'écurie chez Dardare, loueur de fiacres, rue de la Commune, 23. Souvent, nous avons pu la voir avec son pantalon gris, sa blouse bleue, son bonnet de coton légèrement incliné sur l'oreille, attelant les chevaux ou les conduisant à l'abreuvoir. Sa taille haute et forte, quoique courbée et amaigrie par l'âge, annonçait une constitution vigoureuse, et la vivacité de son regard dénotait une grande énergie.

david julienne portrait z

Au début de la guerre de la Vendée, elle fit ses premières armes en combattant pour la cause royaliste. Tombée au pouvoir des troupes de la République, elle fut condamnée à la déportation. Toutefois, elle parvint à s'échapper avant son embarquement, et se gagea chez des fermiers pour garder les bestiaux.

Mais une occupation aussi paisible ne pouvait longtemps convenir à son caractère remuant ; Julienne revint à Nantes, et, déguisant une seconde fois son sexe, s'enrôla, comme novice, sur le corsaire la Jeune-Agathe, armé par M. Dessaulx. Le rôle d'armement porte : "Jacques David, de Saint-Marc, près Nantes, 19 ans. Passé le 22 thermidor sur la prise LA MAIN DE DIEU. Débarqué à Nantes, de gré, à gré le 6 pluviôse an VI (25 janvier 1798) ; son nom est Julienne David, fille."

Elle toucha ses parts de prises, et dut sans doute son débarquement à une circonstance qui trahit son incognito.

Le novice Jacques David avait essayé du rude métier de marin. Travaux pénibles, veilles, insomnies, tempêtes et batailles ne le dégoûtèrent point. Après la rupture du traité d'Amiens, il résolut de tenter encore la fortune, et partit pour Paimboeuf, où, sous un nom supposé, il se fit admettre sur un corsaire en partance. Cette fois, impossible de retrouver ses traces. Après un rude engagement, le navire ayant été pris par les Anglais, l'équipage fut jeté sur les pontons.

C'est ici que se montre la puissance de son caractère et de sa volonté. Il lui suffisait de dévoiler le secret de son sexe pour recouvrer sa liberté ; mais elle préféra subir les tortures physiques et morales qu'éprouvaient ses compatriotes, avec lesquels elle avait navigué, plutôt que de les abandonner, aux jours de la douleur et des épreuves, croyant que ce serait une désertion.

Vaincue, un moment, par les misères de toutes sortes, les privations intolérables qu'il lui fallait endurer, Julienne David voulut attenter à sa vie, en prenant une forte dose de poison. Sa santé robuste l'empêcha de succomber ; et, après de cruelles souffrances, revenue aux sentiments religieux de son enfance, trop oubliés, elle laissa échapper ces paroles : "Dieu ne veut pas que je meure ainsi ; je ne me tuerai jamais."

Transférée, plus tard, dans une prison, à terre, elle reçut quelques adoucissements à son malheureux sort en devenant infirmier à l'hôpital de la prison. Là, au moins, elle pouvait rendre d'utiles services ; sans doute plus d'un malade, parmi les Français prisonniers, dut bénir les soins empressés, la main attentive et légère, les encourageantes paroles du matelot-infirmière.

Sa captivité durait depuis huit ans, lorsqu'un homme de sa commune la reconnut, par hasard, et révéla sa condition. Julienne David quitta immédiatement la prison ; et, en raison de sa bonne conduite et de ses services, fut comprise dans la première catégorie des prisonniers destinés à rentrer en France.

L'aventure fit grand bruit dans la ville de Portsmouth. Les salons ne s'occupaient que du marin redevenu femme française. Chacun voulait la voir, c'était à qui la recevrait, à qui lui ferait fête. Julienne, bien tournée, fort avenante, et même assez jolie, reçut de nombreuses avances, entendit des propositions et des sollicitations de plus d'une sorte.

Elle avait été corsaire ! ... Elle aimait donc la France, et, par conséquent, détestait les Anglais. Elle refusa toute espèce d'établissement en Angleterre, où certainement elle eût pu vivre dans l'aisance, pour revenir dans son pays, gagner péniblement, mais honorablement, son pain de chaque jour, puis mourir pauvre abandonnée et à l'hôpital.

 

David Julienne combat z

Fille de Pierre David et d'Anne Bidet, "demeurant à la métairie des Places, Julienne est née le 21 mars 1777.

David Julienne baptême

 

 

La Course et les corsaires du port de Nantes - S. de la Nicollière-Teijeiro - 1896.

AD44 - Registres paroissiaux de Saint-Mars-du-Désert et d'état-civil de Nantes.

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