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La Maraîchine Normande
23 novembre 2012

MONTFAUCON-SUR-MOINE ♣ 4ème et dernière partie ♣ LA MAISON DU TRAITÉ

Si le traité de paix de Montfaucon servit les projets ambitieux de Bernier, il eut aussi, on doit le reconnaître, des résultats heureux pour le pays, qui, épuisé comme il l'était à cette époque, ne pouvait lutter avec avantage contre les armées qu'on se disposait à lui opposer. La paix était donc nécessaire, d'abord, parce qu'elle évitait de nouveaux désastres, ensuite, parce qu'elle était désirée généralement par les Vendéens fatigués de la guerre.

La maison, où fut signé le traité de paix, devint, en 1815, le théâtre d'un autre drame, qui heureusement n'eut pas un dénouement tragique, comme son début l'avait fait craindre.

Cette maison appartenait alors à mon grand-père, qui y demeurait avec sa femme et son fils, depuis 1812.

Mon grand-père avait épousé, en 1791, une demoiselle des Melliers, dont la famille habitait au Pont-de-Moine. Ma grand'mère était tante de l'infortunée Angélique des Melliers, que nous allons retrouver tout à l'heure.

Travot Z

A la prise d'armes de 1815, le marquis de la Bretesche, commandant en chef de la division de Montfaucon, vint loger avec son état-major, dont mon père faisait partie, des royalistes de Montfaucon, le général Travot, ayant à son tour occupé cette ville avec son armée, fut aussi loger chez mes parents.

Un soir, Travot, entouré de ses officiers, causait avec les maîtres de la maison, quand un jeune garçon, âgé de quatorze ans, vint naïvement présenter à mon grand-père une lettre qu'un habitant de Cholet lui adressait.

Le général, qui avait été prévenu par ses espions de l'arrivée de ce messager, saisit vivement la lettre, puis l'ayant lue :

- Monsieur, dit-il en s'adressant à mon grand-père, cette lettre me prouve que vous entretenez des intelligences avec les ennemis du gouvernement ; en conséquence, vous serez fusillé demain matin à la pointe du jour.

- Général, répondit avec sang-froid le vieillard, est-il juste que je sois accusé et condamné tout à la fois, parce qu'il a plu à un inconnu de m'adresser une lettre dont vous me laissez ignorer le contenu ?

- Cette lettre me prouve que vous êtes un conspirateur ...

- Pourquoi ne vous convaincrait-elle pas aussi que quelqu'un a voulu me nuire en employant un lâche procédé ?

- Je sais à quoi m'en tenir et maintiens mon arrêt : demain matin vous serez fusillé !

En achevant ces mots, Travot fit renfermer mon grand-père dans une chambre du premier étage, dont la porte fut gardée par un factionnaire.

Ma grand'mère et une de ses soeurs implorèrent alors la clémence du général, qui se montra inflexible. Voyant cela, ma grand'mère demanda à partager la prison de son mari, ce qui lui fût accordé.

Pendant ce temps, l'imprudent messager était emmené par des soldats dans une des douves servant jadis d'enceinte à la ville. Là, le pauvre garçon eut à subir de terribles épreuves. Plusieurs fois, les soldats, pour lui faire dire de qui il avait reçu la lettre saisie, feignirent de s'apprêter à le passer par les armes. Enfin, voyant que les menaces et les mauvais traitements ne pouvaient pas vaincre son héroïque discrétion, ils le laissèrent aller.

Cependant, au milieu de la nuit, à la clarté des étoiles, ma grand'mère, l'âme torturée par la cruelle situation où se trouvait son mari, observait sous sa fenêtre Travot qui, au lieu de dormir, se promenait d'un air sombre dans la cour de la maison. Cette insomnie du général, la préoccupation dont il paraissait agité, donnait de l'espoir aux deux époux en proie à une anxiété que chaque heure écoulée rendait plus poignante. Depuis longtemps, Travot continuait dans la cour ses allées et venues, lorsque tout à coup le galop d'un cheval se fait entendre, le bruit approche et cesse au "qui vive" de la sentinelle placée au portail. Un instant après, une estafette, dont le cheval est trempé de sueur, présente au général des dépêches qu'il s'empresse de lire à la lueur de deux flambeaux que des officiers tiennent à ses côtés. Cette lecture paraît vivement le contrarier, il donne des ordres à ses officiers qui semblent consternés, puis il rentre dans la maison.

Bientôt la porte de la chambre où mon grand-père est prisonnier s'ouvre pour livrer passage à Travot, qui d'une voix grave ne dit que ces seuls mots : - Monsieur, vous êtes libre !

On sut alors ce que contenait la fatale lettre. Elle annonçait le désastre de Waterloo, et que cette foudroyante nouvelle était confirmée par les dépêches que Travot venait de recevoir.

CHARLES THENAISIE

Revue de Bretagne et de Vendée (Vannes)

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