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La Maraîchine Normande
8 mars 2023

MONTOIR-DE-BRETAGNE (44) PARIS (75) - ÉTIENNE CHAILLON, DÉPUTÉ (1736 - 1796)

ÉTIENNE CHAILLON
Sénéchal de la vicomté de Saint-Nazaire
Député des sénéchaussées réunies de Nantes et de Guérande.

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Étienne Chaillon naquit le 8 avril 1736, au village du Pin, en la paroisse de Montoir-de-Bretagne, riveraine de celle de Saint-Nazaire, de parents originaires de Donges, où ses ancêtres avaient exercé pendant plusieurs générations les fonctions de procureurs fiscaux de l'abbaye de Blanche-Couronne.

Le prénom d'Étienne, patron de l'église de Montoir, était héréditaire dans sa famille. Son père, son grand-père et son trisaïeul l'avaient porté ; un de ses petits-fils et un de ses arrière-petit-fils le reçurent après lui.

Après une solide instruction, on le fit recevoir avocat au Parlement de Rennes, et nous le trouvons dès 1762, à vingt-six ans, installé comme avocat à Montoir, exerçant devant les nombreuses juridictions de Guérande, Saint-Nazaire, le bailliage de Méan, Montoir et Donges.

Le futur député ne tarda pas à se faire une situation particulière au milieu de ses collègues et, dans la région, il fut bientôt connu sous le nom d' "avocat de la Brière" à la suite d'un procès qu'il soutint avec succès devant le Parlement, en faveur des habitants de la Grande-Brière contre les afféagistes, qui voulaient dessécher une partie de leurs marais. Aussi n'eut-il pas de peine à obtenir la charge de sénéchal de la vicomté de Saint-Nazaire et baronnie de Marsaint, qu'il occupa fort laborieusement depuis l'année 1772. La bibliothèque de Nantes possède plusieurs mémoires ou plaidoyers qu'il composa pendant cette période.

Il passa ainsi vingt ans, de 1760 à 1780, toujours sur pied, travaillant sans relâche pour élever les quinze enfants qu'il eut bientôt de son mariage avec Julienne Ollivaud, femme douce et dévouée, qu'il avait épousée à Montoir, le 21 juin 1762, tout au début de sa carrière.

nantes z

Vers 1780, il vint habiter Nantes, tout en restant sénéchal de Saint-Nazaire, et se fit une place honorable au barreau de cette ville. Comme presque tout ses confrères de Bretagne, il prit une part très active, en 1788, au grand mouvement réformiste qui précéda les États généraux. Nous trouvons son nom, à cette époque, parmi toutes les députations nantaises. Il fit partie de celles que la municipalité envoya le 4 novembre 1788 à Versailles, puis le 20 décembre aux États de la province, et bientôt après à Paris.

A peine revenu de cette mission, le 16 février 1789, il fut élu à Rennes, par l'assemblée du tiers, membre de la commission intermédiaire pour l'évêché de Nantes, et, le 19, député en Cour, pour la troisième fois, jusqu'à la convocation des États généraux ...

Élu, le 1er avril 1789, commissaire pour la rédaction du cahier des doléances des sénéchaussées réunies de Nantes et de Guérande par 257 voix sur 530 votants, Chaillon fut nommé, le 20 avril suivant, député titulaire aux États généraux. Il avait alors cinquante-trois ans révolus. C'était donc un des doyens de la députation nantaise.

De taille moyenne, très brun de peau, une énorme verrue entre ses yeux petits, mais noirs et vifs et continuellement en mouvement, les lèvres minces, toujours tendues par un sourire un peu moqueur, la tête rejetée en arrière, Chaillon, habitué aux succès oratoires du barreau, eût pu briller à la tribune des États, à côté de Le Chapelier et de Lanjuinais : mais il se contenta de s'agiter dans les bureaux et dans les séances du "Club breton". Tout ce que nous savons sur son rôle à l'Assemblée constituante, c'est qu'il siégea sur les bancs de la gauche, parmi cette majorité qu'une liste de 1791 appelle les "enragés se disant patriotes". Ce n'était pourtant pas un "enragé". Il appartenait à cette classe de réformateurs qui voulaient de nombreux changements, sans attaquer le principe monarchique vers lequel les portaient leurs instincts autoritaires et leur éducation religieuse. Comme tant d'autres, il se laissait aveugler par des illusions qu'il devait bientôt amèrement déplorer.
Sans chercher de plus près quelle fut sa part directe dans l'élaboration du nouvel état de choses, nous nous contenterons de dire qu'il signa, au mois d'octobre 1789, avec Giraud, Pellerin et Baco, une lettre à ses commettants dans laquelle nous remarquons ce passage :

"Au surplus, Messieurs, lorsque nous avons accepté l'honorable mission dont nous sommes revêtus, nous nous sommes pénétrés de trois grandes et importantes vérités : - La première, qu'il est bien difficile de travailler à la chose publique sans commettre parfois quelques petites erreurs, parce qu'elles sont dans la nature de l'homme ; - La seconde, qu'il est impossible de faire le plus grand bien de tous sans mécontenter quelque individu et déplaire aux gens de mauvaise humeur ou d'un esprit tortueux ; - La troisième enfin, que ce ne sont pas néanmoins des motifs pour perdre courage, parce que c'est moins la reconnaissance des autres que celle de notre propre conscience qui nous récompense toujours et avec usure d'une bonne et vertueuse action ..."

Le 11 mars 1790, ce fut Chaillon qui présenta, avec Blin, à la barre de l'Assemblée nationale la délégation patriotique de la fameuse assemblée de Pontivy, et, le 3 septembre 1791, nous trouvons son nom, comme secrétaire de l'Assemblée, au bas du décret qui arrête la Constitution.

Pendant la session de l'Assemblée, il fut élu, le 2 octobre 1790, juge au tribunal de district de Nantes ; mais cette nomination ne put avoir d'effet et constate seulement qu'il avait conservé la confiance du corps électoral.

De retour à Montoir, à la fin de la législature, il trouva son foyer fort triste, car sa femme était morte le 31 mars 1790 ; mais il lui restait neuf enfants sur quinze, et, pour distraire ses chagrins, il s'occupa très activement du fonctionnement de la nouvelle administration et fut chargé par le district de Guérande de recevoir les enrôlements volontaires et de concourir à l'assiette des contributions foncières et mobilières dans Saint-Joachim, Crossac, Saint-Nazaire et Montoir. En récompense, le 4 septembre 1792, il fut élu député à la Convention par 297 voix sur 468 votants de l'assemblée électorale convoquée à Ancenis. Il alla s'installer à Paris chez le graveur Hellemann, rue Saint-Honoré, avec deux de ses filles et une domestique de Montoir où il ne devait plus revenir.

CONVENTION Z

A la Convention, Chaillon fut d'abord un républicain enthousiaste. Dans une lettre du 2 octobre 1792, il parlait déjà du grand caractère qu'a déployé la Convention nationale, étonnant les factieux, "qui n'osent plus se montrer à découvert et qui bientôt seront anéantis." Mais le procès de Louis XVI devait lui ouvrir les yeux. Après avoir voté, le 15 janvier 1793, pour que le jugement fût déféré au peuple, il prononça ce discours fort courageux, lors de l'appel nominal pour l'application de la peine :

"Je suis convaincu que mes comettans ne m'ont pas envoyé pour juger, pas plus que pour exercer les fonctions de juré, mais pour faire des loix. Je tiens mon mandat d'hommes justes, ennemis de la tyrannie et qui auraient rejetté loin d'eux cette cumulation de pouvoirs. C'est donc comme homme d'État, et pour mesure de sûreté générale, que je vote pour la réclusion d'abord, et pour le bannissement après la guerre. Je m'oppose à la mort de Louis, précisément parce que Rome la voudroit pour le béatifier."

A partir de ce moment, Chaillon rentra dans le silence et se tint en dehors de toute politique militante, ce qui lui évita d'être inquiété après le 31 mai et lui permit de cacher pendant quelque temps son collègue Jarry. Il engagea même ses fils à rester dans l'ombre comme lui. Deux d'entre eux servaient dans la marine. On rapporte que le commandement d'une goëlette de la République ayant été proposé à l'aîné, Chaillon lui conseilla de ne pas accepter, en lui disant "que la tête d'un capitaine était trop près de la guillotine."

Malgré l'obscurité dont Chaillon cherchait à s'entourer, il ne put cependant échapper complètement aux proscripteurs. Son vote dans le procès de Louis XVI avait été trop éclatant pour être oublié. Mais il se trouva que le membre du comité de Salut public envoyé pour l'arrêter était son médecin, et Chaillon était alors atteint d'une fièvre putride qui permit au médecin de faire au comité cette déclaration catégorique : "Il est inutile de faire guillotiner ce b... de Chaillon. Il est f..."

Après le 9 thermidor, Chaillon fut délégué avec Gaudin près de l'armée de l'Ouest, pour travailler à la pacification de la Vendée. Il figure au nombre des signataires du traité de la Jaunaye (17 février 1795).

jaunaye z

Pendant leur mission survinrent les évènements de prairial : Chaillon et Gaudin adressèrent de Machecoul à la Convention une curieuse missive en forme de proclamation, de laquelle nous extrayons ce passage :

"Mais vous, représentants, dignes de défendre une si belle et si juste cause, vous avez paru tels que vous deviez être, grands comme le peuple qui vous a envoyés, impassibles comme la loi que vous vengiez, courageux comme les fondateurs et les athlètes de la plus belle république du monde.
.. Éloignés de vous, nous n'avons pu partager vos dangers, mais nous avons aussi les nôtres : nous savons imiter votre exemple et nous mériterons d'être associés à votre gloire ..."

Rappelé le 29 germinal an III (17 juin 1795), il rentra à Paris où sa santé ne lui permit plus de s'occuper activement de politique. Il passa cependant au Conseil des Anciens avec les deux tiers conventionnels.

Au commencement de l'an IV, âgé de 60 ans, il épousa en secondes noces Eulalie Bouillet, âgée de 40 ans, et nièce d'un médecin de Cordemais. Ce mariage ne lui porta pas bonheur. Quelques mois après, chose rare pour un député de la Révolution, il mourait tranquillement à Paris (5 avril 1796) dans son domicile, rue Caumartin, laissant neuf enfants et 80.000 # de fortune honorable, car il n'avait pas été mêlé aux tripotages contemporains et n'avait pas voulu que sa famille achetât des biens nationaux.

Il est intéressant de rechercher ce qu'est devenue la nombreuse postérité de Chaillon. Sur les neuf enfants qu'il laissa, trois seulement, deux filles et un garçon, se marièrent.

L'aînée, AIMÉE-GABRIELLE, née à Montoir le 22 septembre 1766, épousa à Nantes, en 1795, François-Sébastien Letourneux, ancien avocat de Rennes, qui avait été procureur-syndic du département de la Loire-Inférieure en 1791. Letourneux, nommé ministre de l'Intérieur le 21 septembre 1797 en remplacement de François de Neufchâteau, fut élu, en 1798, membre du Conseil des Anciens et, après avoir été exclu du corps législatif pour s'être opposé au 18 brumaire, il devint juge d'appel, puis conseiller à la Cour de Rennes. Il est mort en 1814 à Saint-Julien, près Nantes, et ses fils et petits-fils ont occupé des postes élevés dans la magistrature. L'un d'eux a été conseiller à la cour de Rennes, un autre fut vice-président du tribunal international d'Alexandrie.

Aimée-Gabrielle n'était pas à la hauteur de son mari, et, pendant le ministère de Letourneux, on s'amusait fort, dans les salons de la haute société du Directoire, des naïvetés dont elle émaillait sa conversation. Dînant un jour chez Talleyrand, alors ministre des Affaires étrangères, elle raconta qu'elle avait été le matin visiter le Jardin des Plantes. - Y avez-vous vu Lacépède, lui demanda Talleyrand ? - Non, répondit-elle simplement, je n'ai point vu "la cépède", mais j'ai vu "la giraffe" ! ...

La plus jeune, ADÉLAÏDE-HENRIETTE, née à Montoir le 5 janvier 1787, est décédée à Saint-Nazaire en 1883, laissant une assez nombreuse postérité. Elle avait épousé à Montoir, en 1816, un capitaine de navires nommé Étienne-Modeste Glotain, dont la fille unique épousa, en 1843, Guillaume Robert, notaire, puis maire de Montoir.

LOUIS-AUGUSTE, le seul fils de Chaillon qui se soit marié (les deux autres furent marins comme leur grand-père et dévorés par l'océan), épousa Marie-Louise-Aimée Mérot, la fille d'un notaire de Campbon. Il en eut huit enfants, dont quatre au moins ont laissé une très nombreuse postérité représentée par des Moyon, des Privat, des Taconet, etc. L'un d'eux, Alphonse Chaillon, docteur en médecine, est mort à Montoir, en 1861, de la fièvre jaune, contractée en soignant les malades atteints par ce fléau, pendant le déchargement d'un navire des Antilles à Saint-Nazaire. C'est là un événement assez extraordinaire dans nos contrées. pour qu'il mérite qu'on en garde le souvenir.


Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux États-généraux et à l'Assemblée nationale constituante de 1789 - par René Kerviler - 1885

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