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La Maraîchine Normande
22 novembre 2012

MAURIAC (15) - CATHERINE JARRIGE, LA CATINON-MENETTE ♣ 4ème et dernière partie

 

Jarrige Catherine - Catinon Menette

 

Pleines d'admiration pour les héroïques vertus de Catherine, poussées par un motif de reconnaissance et sûres de l'approbation générale, les autorités civiles et ecclésiastiques de Mauriac, dans le dessein de couronner au grand jour les belles actions de cette noble fille, demandèrent à l'Académie française, pour leur généreuse compatriote, un des prix de vertu fondé par M. de Monthyon. Un rapport, couvert de signatures, fut envoyé à Paris.

A diverses époques, l'Académie a décerné des prix de vertu à des personnages qui assurément, en fait de dévouement, ne montaient pas à la hauteur de Catherine. Quelques années après la mort de Catinon-Menette, Jeanne Jugan, de l'institut des Petites-Soeurs, parce qu'elle quêtait admirablement depuis quatre ou cinq ans, fut récompensée d'un prix de trois mille francs ; et notre pauvre Catherine, qui quêta toute sa vie, n'obtint pas même de quoi acheter une paire de souliers, comme elle disait naïvement. On le voit, Catherine n'a pas eu le prix Monthyon ; mais elle l'a mérité, et cela suffit. Il est vrai que cette humiliation, qui aurait été vivement sentie par tout autre, passa légèrement sur le coeur de la bonne fille. Elle ne s'était nullement préoccupée des démarches qui avaient été faites auprès de l'Académie, elle les ignora même d'abord ; et quand enfin elle en eut connaissance, elle se mit à plaisanter ; "Que vous êtes bons, vous autres, disait-elle, de croire qu'à Paris on s'occupe d'une mendiante comme moi !"

Trois ans après cet évènement, Catherine était dans la quatre-vingt-deuxième année de son âge. C'était la dernière de sa vie.

Quelques jours avant le commencement de la maladie qui la conduisit au tombeau, la pauvre vieille, dénuée de tout, reçut six chemises des soeurs de Nevers. Après sa mort, les bonnes religieuses redemandèrent ce linge pour le donner à d'autres indigents. On chercha en vain dans la mansarde ; Catherine l'avait distribué aux pauvres aussitôt qu'elle l'avait eu en sa possession. "Je veux mourir de la mort des justes", disait-elle souvent en jouant sur les mots.

Elle conserva jusqu'à la fin, avec son ardente charité, son énergie prodigieuse. Cinq jours avant sa mort, on voyait cette bonne vieille, toujours jeune par le coeur, parcourir les rues de Mauriac, vive, ingénue, le visage un peu pâle, active comme à l'âge de trente ans.

Le 30 juin 1836, un jeudi, elle allait ensevelir un mort, lorsque tout à coup elle se sentit saisie de tournoiements de tête et de douleurs vives au côté. Elle appelle Catherine Dalègre, une de ses filleules, et la prie de faire l'oeuvre dont il s'agit.

A son retour, celle-ci trouve Catinon-Menette gisant douloureusement dans son lit, si on peut appeler lit une vieille paillasse couverte de quelques défroques. Elle lui parle du médecin ; mais la sainte Dominicaine lui défend de dire à qui que ce soit son mal, ajoutant que ce n'était rien qu'un peu de paresse. Cependant son état présentant à chaque heure des symptômes alarmants, Dalègre ne croit pas devoir garder le silence, et dit à une voisine en sortant : "Catinon est malade, bien malade ; allez la voir".

Dès lors la triste nouvelle se répandit rapidement dans toute la ville. Dalègre avait trouvé le docteur Chabrat et lui avait dit : "Catherine est malade, allez lui donner des soins ; mais gardez-vous de lui dire que je suis venue vous avertir, car, vous le savez, elle ne veut pas qu'on s'occupe d'elle." Le médecin arrive, et, affectant de tout ignorer : - Où êtes-vous Menette, dit-il en entrant ; j'ai besoin de vous ... Un malade ... là-haut ... vous attend ...

- La bonne soeur lève la tête. - Tiens, vous voilà, au lit ... qu'avez-vous donc ?

Elle lui expliqua comme elle put le mal qu'elle éprouvait. C'était un point de côté couvert ; le médecin fit appliquer les sangsues.

Indifférente à tout, pleinement résignée à la volonté de Dieu, ne désirant ni vivre ni mourir, elle se soumettait volontiers à tout ce qu'on exigeait d'elle. Une seule chose l'inquiétait, l'empressement que l'on manifestait autour de son lit pour la secourir. - "C'est inutile, disait-elle, vos soins ne me guériront pas ; dans peu de jours, j'aurai rendu mes comptes à Dieu ... Je vous en prie, ajoutait-elle, ne vous occupez pas de moi." Son humilité souffrait de ce concours.

Les dames les plus honorables de la ville lui apportaient à l'envi tout ce qu'elles croyaient capable de procurer quelque soulagement à ses douleurs : remèdes, sucreries, linge blanc, tout était à souhait. Madame Périer, qui ne quittait point sa chère malade, voyant ses épaules légèrement couvertes, lui apporta une camisole neuve et riche. La malade la refusa, demandant instamment qu'on voulût bien la laisser mourir dans sa pauvreté. Cette camisole fut oubliée dans un coin de la chambre. Après le trépas de la servante de Dieu, les visiteurs se la disputaient et se l'arrachaient des mains, comme une dépouille sacrée. Madame Périer eut toute la peine du monde à leur faire comprendre que cet objet n'avait point appartenu à la défunte, et qu'ils avaient tort par conséquent de vouloir en faire de pieux souvenirs.

On parvint pourtant à faire accepter à la malade des draps de lit blancs, une coiffe blanche. Toinette, la douce soeur de Catherine, s'extasiait devant ces belles choses. Elle était dans sa quatre-vingt-sixième année, la pauvre fille. Ses forces corporelles s'étaient conservées, mais ses forces morales avaient faibli. Elle était à peu près retombée dans l'enfance, de sorte que tantôt elle pleurait, tantôt elle riait devant le lit de la mourante, dans l'admiration du bel effet de la coiffe blanche dont on avait paré la malade, elle s'écriait comme ravie : "Oh ! bonne soeur, jamais tu n'as été aussi "fière" ; oh ! que tu es belle ! que tu es belle ! Oh ! "qu'es ginto ! oh ! qu'es ginto !" Puis elle se mettait à fredonner quelque vieux cantique. Il était émouvant, biblique, le spectacle de ces deux bonnes vieilles : l'une tenant le lit, l'autre à genoux devant cette couche funèbre ; l'une priant et souffrant, l'autre chantant ; puis ensemble toutes deux s'entretenant pieusement, suavement de choses saintes.

Pendant tout le temps que dura la maladie, ce fut un concours extraordinaire, un va et vient continuel de toute la ville vers la sainte moribonde. Riches et pauvres, tous voulaient voir et entendre une dernière fois celle qui leur avait procuré tant de consolations et tant de secours. Dans la soirée du dimanche, quelques personnes manifestèrent devant la malade l'espoir que Dieu la leur conserverait encore. - "Non, non, répondit-elle, je n'ai que peu de temps à vivre ; demain je quitterai ce monde." A une autre personne, elle dit "Demain, dix heures et moi nous aurons à combattre ensemble." Madame Lafarge, sa cousine, qui l'avait veillée la nuit précédente, lui exprima le désir de la veiller encore la nuit suivante : "Non, répondit Catherine, tu es fatiguée, va dormir ; d'ailleurs je ne risque rien jusqu'à demain. ...

Caherine priait ardemment, et tenait son âme unie à son Créateur. On la vit une fois, dans un élan d'amour divin, lever ses bras vers le ciel, s'écriant en même temps : "Oh ! je la vois, je la vois cette pauvre enfant ; elle vient me chercher ; oui, oui, je la vois !" Elle parlait d'une petite fille qu'elle avait nourrie, et que le bon Dieu avait retirée bien jeune de ce monde.

Comme elle était sûre de mourir bientôt, Catherine demanda à recevoir les sacrements M. Pigeolat, un des vicaires, les lui porta la veille de sa mort. Ce fut avec une grande effusion d'amour de Dieu que cette âme prédestinée les reçut.

On s'empresse de plus en plus autour de l'agonisante. Les dix heures ne tardent pas à sonner. - "Quelle heure est-il ? dit en les entendant la malade d'une voix faible. - Il est dix heures. - Dix heures ! ah ! voici le moment ; c'est mon heure !" Elle ne fit plus aucun mouvement ; c'était un silence solennel : on sentait que Dieu était présent. Quelques minutes après, tout était fini ; Catherine n'était plus de ce monde.

Dans ce doux trépas, pas un soupir, pas un effort douloureux. La figure de la chère défunte prit une teinte qu'elle n'avait jamais eue, une teinte de blancheur douce et suave. On aurait dit, selon la comparaison des nombreuses personnes qui la virent, qu'elle était de cire fine et blanche. L'âme, en se retirant, avait laissé sur le visage l'empreinte de sa pureté, le reflet de son éclat.

Texte tiré du livre :

LA CATINON-MENETTE - Par M. l'abbé J.-B. SERRES - Aumônier du couvent de Notre-Dame, à Mauriac - 1864

 

JARRIGE CATHERINE acte décès Mauriac

Catinon-Menette est morte, à Mauriac, le 4 juillet 1836.

Le Père Cormier, du diocèse de Saint-Flour entama sa cause de béatification. Le pape Pie XII la déclara Vénérable en 1953

Catherine Jarrige a été béatifiée le 24 novembre 1996 à Rome par le Pape Jean Paul II. Sa fête a été fixée au 4 juillet.

Première partie, ICI

Deuxième partie, ICI

Troisième partie, ICI

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