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La Maraîchine Normande
25 septembre 2023

NANCY (54) - PARIS (75) - JOSEPH-SIGISBERT ARNOULD DE PRÉMONT, DERNIER BARON DE CIREY (1756 - 1818)

JOSEPH-SIGISBERT ARNOULD DE PREMONT
Chevalier, Seigneur de la baronnie de Cirey en Vosges, de la terre de Maisière et du fief de Prémont
Ancien officier de dragons au service de France.

Fils de Jean-Léonard (1711 - 1756), capitaine dans le régiment des gardes de Joseph le grand duc de Toscane, et de Marguerite-Françoise de Millet, Joseph-Sigisbert Arnould de Prémont est né à Nancy, paroisse St-Epvre, le 1er février 1756 et a été baptisé le lendemain.

naissance z

 

Jusqu'à la Révolution, la baronnie de Cirey, vendue en 1781, pour le prix de 280.000 livres de France ou 361.660 livres de Lorraine, l'acquéreur, qui devait être le dernier baron de Cirey était Joseph-Sigisbert Arnould, seigneur d'un fief appelé Prémont, que Léopold avait concédé à son père, gentilhomme ordinaire du duc.

Ancien officier de dragons, Joseph-Sigisbert s'était marié à Houdelmont (54), le 22 mars 1774,  à 18 ans à peine, à Madeleine-Félicité de Mortal, d'une vieille souche lorraine au passé fort honorable, mais plus âgée que lui de trois ans.

Des questions d'intérêt les avaient profondément divisés. Pour acheter Cirey, M. de Prémont avait prétendu vendre un bien que sa femme possédait à Saint-Germain au baillage de Châtel, à quoi celle-ci et sa mère s'étaient violemment opposées. Une séparation de biens, un procès en nullité de mariage, une séparation de corps, puis après la Révolution un divorce, devaient livrer à la malignité publique les phases prolongées de ces dissentiments familiaux. Mme de Prémont avait refusé d'habiter Cirey où, disait-elle, les vernis empestaient l'air. Malade, elle avait réclamé en justice à son mari "homme furieux, sous les coups duquel elle va périr", les subsides nécessaires pour aller aux eaux, et ensuite à Strasbourg, où les soins du célèbre Cagliostro, alors en possession d'une vogue universelle, lui étaient indispensables. Ces débats retentissants contribuaient à mettre en défiance contre leur nouveau seigneur les sujets de la baronnie. M. de Prémont ne fit rien pour recouvrer leurs sympathies. Non seulement il n'adoucit pas les rigueurs administratives dont ses prédécesseurs avaient été coutumiers, mais il prétendit faire revivre tout un régime de redevances féodales, dont l'exercice était depuis longtemps impossible, dans un pays qui ne s'était point encore relevé des misères du siècle dernier ...

mortal signature


M. de Prémont est moins connu pour son dévouement envers ses voisins de Haute-Seille, que pour le fameux procès en séparation qu'il soutint pendant de longues années, contre sa femme. Les nombreux mémoires et factums publiés par les deux parties sont remplis de griefs aussi piquants que ceux qui émaillent les procès en divorce auxquels nous assistons de nos jours. Il paraît que l'on n'a jamais connu que la discorde dans ce malheureux ménage, car la dame de Prémont dit "qu'elle s'aperçut, en descendant de l'autel qu'elle étoit la plus malheureuse des femmes", et elle assure ensuite "que la journée même de ses noces, elle n'entendit sortir que des reproches amers de la bouche de son mari ; que la première nuit qui fut toute occupée par une scène étrange, où elle fondit en pleurs, fut pour elle le signal de toutes les autres."

M. de Prémont subissait les effets de l'impopularité qui s'attachait à lui comme particulier et comme seigneur. Il avait cependant accueilli les idées libérales. Il avait été délégué de la noblesse aux États provinciaux de 1787, membre de l'administration départementale en 1790.

Haute-Seille site Blâmont

Avec l'aide de ses domestiques, il avait tenté d'empêcher le sac de l'abbaye de Haute-Seille. Mais les démêlés judiciaires qui s'agitaient entre sa femme et lui, laissaient prévoir une vente prochaine, bien faite pour allumer les convoitises. Se sentant inquiété et menacé, il partit à Strasbourg en alléguant l'état de sa santé. C'était assez pour le rendre suspect d'émigration. Ses biens, portés sur la liste des citoyens absents, furent bientôt séquestrés. Bathelot, juge et gruyer de la baronnie, dut se défendre, non sans peine, d'avoir fidèlement servi les intérêts d'un maître qui était, déclara-t-il pour sa défense, "dans le sens de la Révolution".

Extrait de la copie du procès verbal dressé à Haute-Seille par la Justice de Nancy, relatif à l'attaque perpétrée contre l'Abbaye de Haute-Seille, dans les premiers jours d'août 1789 :

"... Que M. de Prémont, seigneur de Cirey est venu, accompagné de plusieurs de ses gens, à leur secours, apprenant l'attroupement qui se formoit au devant de l'abbaye ; qu'il a fait tous ses efforts pour calmer tous ces furieux ; qu'il en a contenu plusieurs dans de justes bornes, et qu'ils lui sont redevables de la conservation de leur vie et de leur maison que ces séditieux vouloient réduire en cendres, et qu'il ne s'est retiré qu'après avoir passé plus de six heures au milieu d'eux et sur les avertissements réitérés qu'on lui a faits de se retirer".

J.-S.-A. de Prémont figure sur la liste des émigrés du département de la Meurthe ; la déclaration de ses biens, dans le district de Blâmont, porte qu'il en avait pour 18.000 francs et 8.000 arpents de bois estimés à 240.000 francs.

Une loi du 8 avril 1792, ouvrait dans chaque mairie un registre où se dressait, sur les déclarations de tout intéressé, un minutieux inventaire de tout ce que pouvait posséder l'absent. Nous savons par là que M. de Prémont redevait 50.000 francs sur son acquisition de la baronnie ; que sa soeur Ursule et M. de Turique, colonel en Toscane, étaient ses créanciers ; qu'il n'avait pas eu le temps avant son départ de payer ses gardes, ses domestiques, un boucher, un tailleur qui réclamait le prix d'une culotte de velours mordoré et d'un gilet de basin blanc. Les spéculateurs avides de ce bien contesté n'eurent pas de peine à en obtenir la vente. Mais ils allèrent trop vite. Une adjudication hâtive fut annulée, pour n'avoir pas assuré les droits justifiés de Mme de Prémont, qui se montaient à 78.000 livres.

prémont signature

Puis le dossier se perdit, accident qui en ce temps-là causait encore en haut lieu une légitime émotion. On a les réclamations sévères de la Commission des revenus nationaux, et les réponses embarrassées du directoire de Blâmont. Et d'ailleurs, M. de Prémont était-il réellement un émigré ? Strasbourg où il s'était retiré étant en France comme aujourd'hui. Une enquête sur sa résidence véritable n'aboutit pas ; seulement ceux que l'on interrogea étaient "presque sûrs" qu'il ne reviendrait pas dans le pays où il n'avait que des ennemis. De là des hésitations dont le zèle des spéculateurs eut quelque peine à triompher, et qui prolongèrent jusqu'à l'an IV l'agonie de la baronnie de Cirey. Enfin un mobilier estimé 18.000 livres fut vendu pour 4.132 francs ; puis vint le démembrement des 380 jours de terre et des 8.000 arpents de forêts, non compris les droits contestés sur les bois communaux ; enfin la mise aux enchères de deux maisons, l'une avec volière et potager, l'autre à plusieurs logements, serre, charmilles, verger et parterre avec un clos de 53 jours.

Ce démembrement définitif n'en reste pas moins inexplicable car M. de Prémont n'avait pas émigré. 

porte de la prison de Roanne

Il fut incarcéré "provisoirement" le 26 brumaire l'an IV (17 novembre 1795), prévenu d'émigration, à la maison d'arrêt St-Joseph de Roanne de la commune de Lyon.

Le prévenu est âgé de 37 ans, natif de la commune de Nancy, département de la Meurthe, taille de cinq pieds cinq pouces six lignes, cheveux et sourcils bruns, front rond élevé, yeux bruns, nez bien, bouche petite, menton rond, visage oval plein.

Le 22 pluviôse an V (10 février 1796), il s'évade. Un procès-verbal dressé au Greffe de la prison de St-Joseph par le citoyen Peyrard, juge de paix de l'arrondissement de l'Égalité, le 23 pluviôse an V de la République française", relate les faits :

"... Ayant été informé par le citoyen Joseph Pichon, concierge de la prison de Saint-Joseph, que deux individus vêtus en gendarmes, et ayant par dessus une rouppe, se sont présentés le jour d'hier sur les sept heures du matin, dans le Greffe des dittes prisons avec une réquisition signée le Capitaine de la Gendarmerie Picolet ; par laquelle il lui étoit enjoint de leur remettre la personne du nommé Arnould de Prémont qui étoit détenu aux dites prisons ; que sur le vu de la ditte réquisition soit disant faite en vertu d'une autre du Commissaire du Directoire exécutif près le Tribunal Criminel du Département ; qu'il a remis entre leurs mains le dit Arnould Prémont s'en rapportant à la sincérité de la ditte réquisition ..."

Arnould parut très surpris de ce qu'on ne l'avait pas averti la veille, en disant qu'il ne pouvait pas partir, vu qu'il était malade, et qu'il ne se trouvait pas de l'argent ...

Ce n'est que d'après le citoyen Picolet, capitaine de la gendarmerie, que le concierge de la prison sut que l'ordre était faux et que la signature de Picolet "était bien imitée mais que ce n'était pas la sienne".

C'est en l'an X seulement (1802) qu'il réussit à se justifier et à obtenir sa radiation. On lui rendit quelques débris de ses biens, qui n'avaient pas encore trouvé acquéreur ; mais il ne reparut pas à Cirey.

On le voit en 1810 réfugié quelque temps au village de Parux, et l'on sait qu'il mourut à Paris, le 26 janvier 1818.

 

décès

 

 

Catalogue des gentilshommes en 1789 et des familles anoblies - Volume 1 - 1866

Journal de la Société d'Archéologie Lorraine et du Musée Historique Lorrain - 43e année - 1894 - p. 175

Archives municipales de Lyon - Série l (Police, justice, hygiène publique) - Dossiers particuliers (1789 - 1815) - cote 2L/16

Bulletin mensuel de la Société d'archéologie lorraine et du Musée lorrain - 1 janvier 1920 - pp. 50 à 59

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