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La Maraîchine Normande
9 février 2019

VALLET (44) - 5 JUILLET 1814 - PASSAGE A VALLET DE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANGOULÊME

 

Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême peinture F

 

 

PASSAGE DANS LE BOURG DE VALLET DE SON ALTESSE ROYALE MONSEIGNEUR LE DUC D'ANGOULÊME
5 JUILLET 1814


La maire de Vallet ayant reçu de Monsieur le Préfet du département l'avis qu'il donne de Nantes le trois de ce mois du passage dans cette commune de Son Altesse Royale, Monseigneur le duc d'Angoulême pour se rendre à Beaupréau et l'invitation de faire les dispositions et préparatifs nécessaires, aller prendre de Monsieur le Préfet à Nantes les ordres qu'il avait à donner pour la réception de ce Prince, en conséquence desquels il écrivit sur le champ à Monsieur le Chevalier de Bruc de l'Hyvernière, Général Vendéen, pour se concerter avec lui sur leur exécution.

Monsieur le Chevalier de Bruc a répondu, qu'il était faché de ne pouvoir voir le maire avant le passage de Son Altesse Royale ; qu'il permettait d'aller chercher un arbre à la Parenthière pour décorer l'entrée du Bourg de Vallet ; qu'il avait écrit à Monsieur le Curé de publier à tous les hommes de se réunir pour aller aujourd'huy au devant du Prince qui avait déffendu que l'on fut armé excepté la garde du drapeau, qu'il annonce par une autre lettre devoir être formée de six hommes qu'il désigne.

Le maire avait consulté Monsieur le Préfet pour savoir s'il serait agréable au prince que la garde Nationale de la commune se présentât à son passage, il avait répondu qu'il avait chargé Monsieur de Bruc de l'Hyvernière des dispositions relatives à la force armée.

Le Maire en convoquant le conseil municipal et tous les fonctionnaires publics a exprimé au Commandant de la Garde Nationale le regret qu'il éprouvait de ne pouvoir l'employer dans cette circonstance, les ordres supérieurs qu'il avait reçu ne le permettant pas.

Le Maire s'est occupé des préparatifs et dispositions que le peu de temps et le défaut de moyens ne permettent pas de faire aussi bien qu'on le désirait en peu d'heures. On a élevé des arcs de triomphe en verdure, des feux de joie ont été dressés, surmontés de Mais, chargés de fleurs, les rues ont été nettoyées, arrosées, ornées de guirlandes et jonchées de fleurs, des tentures étaient disposées pour couvrir les murs. Une visite a été faite sur la grande route pour s'assurer de son état, on a pris des mesures pour réparer dans la nuit le ponceau du Puits-Jahail et dans l'attente de l'arrivée de Son Altesse Royale, le jour tardait trop à paraître au gré du désir des habitants.

Ce jour, à six heures, le Conseil municipal, le Tribunal de la justice de Paix, les administrateurs de l'hospice et de la fabrique se sont réunis à la Mairie ; Monsieur le Vicomte de Bruc de Montplaisir, ancien colonel, Monsieur Frédéric de Bruc son fils, officier au 10e de hussards, Monsieur de la Corbière, chevalier de Malte, Monsieur de la Corbière, son frère, tous deux chefs de cohorte, plusieurs autres personnes de distinction & MM. les Officiers de la garde nationale, se sont joints au cortège.

Le Maire, après s'être concerté avec Monsieur Le Normand, Vicaire de cette paroisse sur la présentation du clergé et avec A. Bouyer chargé par M. le chevalier de Bruc du commandement des gens armés sur la marche à suivre, a donné connoissance à l'assemblée du discours qu'il se proposait de tenir à S.A.R. pour lui offrir les hommages & les voeux des habitants de la commune, la rédaction en a été approuvé et sur la proposition de demander des réparations à la grande route & au canal de Goulaine, une pétition relative a cet objet a été adoptée & signée pour être présentée au Prince.

Le cortège s'est unis en marche précédé par le magnifique drapeau de la paroisse escorté par plusieurs hommes armés et s'est rendu sur la grande route du côté de Nantes à deux cents pas en avant de l'entrée du Bourg, ou un peuple inconnu était réuni.

A onze heures un quart avant midy, au bruit des acclamations d'une population transportée d'allégresse, arrive Son Altesse Royale Monseigneur le duc d'Angoulême !

Sa voiture s'étant arrêtée aux premières maison du Bourg, le Maire ayant obtenu un instant de silence et la permission de s'approcher de la voiture a prononcé avec une émotion qui partait du coeur, le discours dans lequel il offre en peu de mots à Son Altesse Royale, les hommages & les voeux des habitants & la joie que sa présence leur inspire. A l'accueil flatteur que le Maire a reçu le bon Prince a ajouté qu'il éprouvait beaucoup de satisfaction à traverser notre intéressant pays, qu'il était sensible aux sentiments qu'on lui témoignait, qu'il eut désiré alléger le fardeau des impositions si les circonstances eussent permis de le faire ... Sur la prière que le Maire lui fit d'être authorisé à porter, ainsi que ses adjoints et les fonctionnaires publics qui l'accompagnaient, la décoration du lys, Son Altesse Royale répondit avec une grâce toute particulière, "Je vous l'accorde volontiers". Les cris de Vive le Roi se sont confondus avec les expressions de reconnoissance qu'on lui adressait & ont continué avec un enthousiasme difficile à décrire. La voiture s'avançait lentement vers la place, le Maire l'accompagnait à pied le plus près possible de la portière droite, du côté de laquelle le Prince était placé.

A l'entrée de la place publique, M. le Curé de Vallet, revêtu de ses plus beaux ornements, à la tête d'un clergé nombreux, précédé du dais, a adressé au Prince un compliment fort bien fait, quoiqu'un peu long. Il engage le Prince à se rendre sous le dais dans l'église, ou une inscription rappellera le souvenir de son passage. S.A.R., après avoir répondu d'une manière aussi simple qu'agréable à M. le Curé, a dit à M. Le Normand qui réitérait ses sollicitations de venir se reposer à l'église, qu'il ne descendait jamais pour s'arrêter en route, alors le clergé chanta un Te Deum en actions de grâces de l'heureuse arrivée de S.A.R.. On profita de ce moment pour changer de relais.

Le Prince reçut avec la plus grande affabilité diverses pétitions qui lui furent présentées, il s'informa auprès du Maire du nom de la commune où il se trouvait, de l'arrondissement et du département dont elle faisait partie, de sa population, de ses produits, de son commerce & industrie et de la situation où elle se trouvait sous divers rapports & sous celui des contributions. Le Maire lui ayant répondu à chaque article, lui représenta en ce qui concerne le dernier que la commune avait été ruinée pendant la Guerre Civile et que la privation de commerce et les obstacles mis à l'exportation du vin lui causaient le plus grand préjudice. Le Prince lui donna l'espoir d'un meilleur avenir, il dit ensuite au Maire et de manière à n'être entendu que de lui seul : "J'ai appris qu'il existait dans votre commune de la division dans les opinions et de l'aigreur dans les esprits. Les ordres du Roi & ma volonté sont que tous les Français se réunissent & mettent le passé en oubli" et sur ce que le Maire lui fit des protestations de zèle & de dévouement en l'assurant du respect avec lequel les habitants qu'il administre, recevraient & suivraient ses intentions. "Communiquez à tous les habitants celle dont je vous ai fait part, ajouta-t-il, car je ne regarde comme bon Français, que ceux qui se montreront fidèles a Dieu, au Roi & soumis aux loix".

L'entretien que le Maire eut l'honneur d'avoir avec Son Altesse Royale durait depuis près d'un quart d'heure lorsque Monsieur Le Comte de Bruc du Clérai s'approchant de la voiture, salua le Prince et lui dit quelque chose de particulier, le Maire se tournant par discrétion voit Monsieur le Chevalier de Bruc qui commandait l'escorte & MM. les chefs Vendéens qui la composaient, reçut leur salut qu'il leur rendit. Les feux de joie ne furent point allumés, crainte ou accidents qui auroient pu résulter de la violence du vent. L'observation en fut faite au Prince qui le défendit.

Les relais étant placés, la voiture se mit en mouvement, traversant lentement le Bourg. Le Maire l'accompagna à toucher la portière de droite en face de la halle, un chef vendéen demanda au Prince l'authorisation pour les officiers et paysans qui avaient fait la guerre de la Vendée, de porter au chapeau un plumet blanc. Son Altesse répondit que cela ne se pouvait, que c'était un signe de ralliement que le roi seul pouvait accorder et il se pencha de la voiture pour répéter cette décision. Un autre chef à cheval s'approchant de la voiture de manière à faire croire qu'il voulait en écarter le Maire, celui à lui observa que c'était la place du Maire de la commune et qu'il ne la cèderait à personne. Le drapeau de la paroisse précédait la voiture et les habitants armés bordaient la haie et arrivé au dernier arc de verdure à l'extrémité du Bourg, route de l'Anjou, le Prince ordonna de presser la marche. La voiture partant rapidement, le Maire salua Son Altesse Royale en lui disant : Prince nos coeurs vous suivent ! Il daigna répondre : "Je ne l'oublierai pas !"

Le cortège municipal rentra avec le drapeau & les hommes de garde desquels il était confié, et ensuite on se rendit dans les lieux où des raffraîchissements étaient préparés.

Le conseil municipal voulant conserver et transmettre le souvenir de tout ce qui avait eu lieu au passage de Son Altesse Royale dans la commune de Vallet, a chargé M. le Maire d'en rédiger un détail exact et de l'inscrire au Registre de ses délibérations. En conséquence la relation cy-dessus a été faite par le Maire, lue au conseil municipal & approuvé ce jour, cinq juillet mil huit cent quatorze.

Signé : Charles Painparay.

 

AD44 - Délibérations municipales de Vallet - 1811-1820 - vues 13 à 15

Tableau de François-Joseph Kinson

 

 

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