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La Maraîchine Normande
26 janvier 2018

RENNES (35) - FRANÇOIS-ANNE-LOUIS PHELIPPES DE COATGOUREDEN DE TRONJOLLY (1751 - 1828)

 

Rennes vue z

 

FRANÇOIS-ANNE-LOUIS PHELIPPES COATGOUREDEN DE TRONJOLLY, plus connu sous le nom de Phélippes-Tronjolly, est né à Rennes, paroisse Saint-Sauveur, le 15 février 1751.

Phelippes-Tronjolly baptême z

François-Anne-Louis PHELIPPES-COATGOUREDEN DE TRONJOLLY se trouvait appartenir à une famille aisée et depuis longtemps mêlée aux affaires du Parlement et de la ville de Rennes ; il reçut de ses parents l'éducation qui se composait alors de l'étude des langues anciennes et du droit.

D'une stature peu élevée et d'une constitution nerveuse, extrêmement mobile, Phelippes fut de bonne heure, et dès le temps de ses études, mêlé à tous les mouvements qui se manifestèrent dès le milieu du dernier siècle dans l'ancienne capitale de la Bretagne, à la suite des résistances du Parlement et des États aux envahissements de la Cour.

A peine âgé de 21 ans, et dès lors juge-garde de la monnaie à Rennes, il s'essaya contre la noblesse dans un conflit soulevé entre lui et Pelage de Coniac, Sénéchal et Président des États. Sa fermeté et sa résolution dans cette lutte, lui valurent les suffrages presque unanimes de ses concitoyens pour la place de Procureur-Syndic de la ville de Rennes. Nulle charge ne pouvait évidemment mieux convenir à son ardente activité pour l'innovation, et s'il était besoin de faire concevoir tout ce que cette position nouvelle devait donner d'excitation à une ardente et jeune tête, il suffirait de rappeler que Phelippes en fut pourvu dans le temps où Louis XVI et ses ministres, en soutenant l'indépendance américaine, octroyaient chaque jour aux grandes villes de nos provinces quelques franchises empreintes de la plus large libéralité. Toutefois, il faut le dire, notre jeune compatriote, ainsi pourvu de l'une des premières charges de sa ville natale, au lieu de se laisser aller inconsidérément à une opposition vaniteuse et sans spécialité contre les actes du gouvernement, sembla avoir senti de bonne heure que l'homme de la communauté devait par-dessus tout s'occuper des intérêts de celle-ci.

Le sort des enfants naturels, déposés aux hospices de la ville, attira donc toute la sollicitude de Phelippes :

"Depuis plus de vingt ans, dit-il dans un de ses mémoires, ces malheureux enfants y périssaient en foule dans les premiers huit jours de leur naissance faute de soins et d'aliments appropriés à leur âge. Leur état n'était même pas constaté, et l'on faisait un trafic honteux de leurs cadavres, que les sages-femmes vendaient au pris de 24 sols aux élèves en chirurgie. - Alimentés avec des bouillies de sarrazin, ces malheureux êtres étaient alors entassés, comme on les voyait encore du temps de la République, dans des boîtes rangées sur des rayons depuis le plancher jusqu'au plafond, ainsi qu'on y aurait disposé des livres ou des épices."

Mais ces enfants n'étaient pas les seules victimes des préjugés de leur temps ; leurs malheureuses mères, ces femmes-filles que les lois d'Henry III obligeaient à déclarer leur grossesse, en comparaissant au bureau de l'économe, y étaient soumises à un interrogatoire indécent sur "faits et articles" qui blessait les moeurs et la pudeur de la manière la plus révoltante. - Phelippes attaqua de front l'un et l'autre abus, et, se trouvant en opposition avec les Administrateurs de ces établissements, il en appela à l'opinion publique par des mémoires, et des requêtes au Parlement. Mais divers sursis furent lancés en opposition à ses plaintes, et ayant pour juges plusieurs de ses adversaires qui étaient Administrateurs des hospices, il exerça autant qu'il dépendait de lui le droit de récusation ; mais à quoi servait alors un droit qui ne s'appuyait que sur le fond et la justice de la cause : ses ennemis obtinrent en 1783, après deux ans de lutte, "une défense royale" de passer outre.

Phelippes restait cependant Procureur-Syndic de la ville et de la police municipale, et, repoussé sur un point, il s'empressa de porter ses attaques sur un autre. Alors, et par une extension illégale des pouvoirs les plus étendus, le premier Président du Parlement de Bretagne et quelques Magistrats s'étaient attribué le droit de lancer eux-mêmes des lettres-de-cachet à la sollicitation des familles. Phelippes de Tronjolly assigna les gardiens de ces petites bastilles à l'audience de la police, afin qu'ils eussent à mettre en liberté tous ceux qui n'étaient pas détenus par "jugement ou par lettre-close du Roi lui-même". - Une dénonciation du sieur Champion, l'un des agents subalternes de l'omnipotence parlementaire, adressée à Nosseigneurs du Parlement, déconcerta encore le malheureux Procureur-Syndic, et, mandé plusieurs fois à la barre de ces Messieurs, force lui fut de renoncer à ses poursuites.

Mais ces seules luttes, ralenties par les formes légales et judiciaires du Palais, ne pouvaient suffire à l'ardente activité de Tronjolly. Se rappelant qu'il était défendu, par une ordonnance de police, de porter des cannes à épée, Phelippes ne passait pas près d'un gentilhomme sans observer si la canne qu'il portait renfermait l'arme prohibée, et, rencontrant un jour le beau-frère de l'Avocat-Général, Laux de Beaucourt, il lui arracha des mains le jonc qu'il portait et le brisa sous ses pieds avec l'épée qui s'y trouvait contenue.

S'élevant ainsi dans la faveur du peuple, et des écoles, par de sévères règlements sur la police municipale et par le maniement des armes dans les querelles privées avec les membres de la noblesse, Phelippes se vit bientôt porté comme l'élu de la ville de Rennes aux états qui allaient s'ouvrir vers 1784. Tout ce qui tenait au privilège des ordres et du rang fut pour lui l'objet de rodomontades, alors éminemment en faveur près des jeunes gens et du peuple. Est-il obligé de se tenir de trois pas en arrière de la noblesse, d'après les prescriptions du règlement, Phelippes court se mettre à côté du chevalier le Vicomte qui devait le précéder, et celui-ci, que la renommée ne désignait que sous le nom de "Diable-Boiteux", à cause de sa réputation de duelliste, le trouvant mauvais, Phelippes l'appelle au combat.

C'est à ces actes et à cette conduite qu'il dut d'être élu, après ses quatre ans d'exercice, au syndicat de la ville de Rennes et postérieurement à la candidature pour la place de maire. Mais déjà les grandes et profondes agitations de la révolution avaient remué toutes les classes de la société ; et la Bretagne, inquiète, attendait avec anxiété l'issue des états de 1788, signalés par tant de troubles. Dépositaire des armes de la milice bourgeoise comme son lieutenant-colonel, Phelippes ouvrit lui-même le dépôt de ces armes aux jeunes gens de l'école, et, conduisant avec lui Sevestre et Moreau au lieu de ce dépôt, il leur remit les drapeaux de la milice auxquels se rallia toute la bourgeoisie dans la lutte qui s'engagea aux Cordeliers entre la noblesse et le peuple, les 26 et 27 janvier 1789. Mais il se trouvait en même temps "premier avocat du roi" au présidial de Rennes, et il voulut poursuivre les assassinats commis dans les journées des 26 et 27 janvier ; il requit, en conséquence, des décrets de prise de corps contre le chevalier de Guer, le comte de Trémergat, et le baron de Boisgelin, président de l'ordre de la noblesse. - On sait ce qu'il advint de ces poursuites, et l'on connaît l'évocation qui fut faite de cette affaire au parlement, qui n'eut garde d'inquiter les fauteurs des troubles du mois de janvier 1789.

Ainsi s'était déjà posé, avant la révolution, celui de nos compatriotes, qui, par son éducation, ses moeurs, ses habitudes de place publique, nous semble avoir réuni en sa personne tout ce qui, dès cette époque, caractérise de la manière la plus franche et la plus large l'esprit de novation irritable qui constitua plus tard la vertu républicaine et sans-culottide avec ses excès et ses sacrifices. D'ailleurs, comment ce même citoyen dans lequel bouillonne déjà la sève républicaine, ne se serait-il pas laissé pousser en avant ; comme il le dit lui-même : "Pendant que les Robins, les Ministres, les fermiers généraux et les principaux chefs de la noblesse étaient mes ennemis déclarés, la commune de Rennes, en reconnaissance de mes services, crut devoir demander pour moi des lettres de noblesse que je refusai." - Et persistant, en effet, à combler Phelippes de ses faveurs, la même commune arrêtait, en mars 1790, qu'une place et l'une des rues de la ville prendraient son nom, que le plus jeune de ses enfants serait le filleul de l' "universalité des habitants de Rennes et qu'il porterait le nom de cette ville," ou, en d'autres termes, comme nous nous en sommes assurés à l'hôtel même de la commune, que "la ville de Rennes serait la marraine de son fils".

Cependant Phelippes, qui avait déjà refusé des lettres de noblesse, refusa aussi que son nom fût donné à l'une des rues de sa ville natale, et, allant lui-même arracher les plaques sur lesquelles on avait inscrit son nom, et les rapportant à la commune, il demanda que cette rue et cette place prissent le nom "des Jeunes Nantais".

Bientôt Phelippes, qui n'avait point été porté si loin dans la faveur du peuple sans se faire des ennemis, même parmi les patriotes les plus prononcés, dut quitter Rennes pour aller habiter la Loire-Inférieure, qui devint le théâtre de ses actions les plus énergiques. Avant de le suivre dans les crises nouvelles où nous le verrons entraîné, nous devons rappeler qu'après l'élection de Le Chapelier à l'assemblée constituante, et quand la faveur de ses concitoyens eut fait voter un monument à celui-ci, ce fut encore Tronjolly qui empêcha par une motion à la Société des Amis de la Constitution l'érection de ce monument qu'il regardait comme injurieux pour la ville de Rennes dans un moment où Le Chapelier, placé à la tête des feuillants, laissait percer ses inclinations secrètes pour la cour. - "J'empêchai l'exécution de l'arrêté déjà pris, dit Tronjolly, et je reçus trois coups d'épée ..."

Cette opposition à l'apothéose de Le Chapelier, paraît, ainsi que Phelippes le dit lui-même, avoir été la cause de son éloignement de la ville de Rennes ; du moins, il reçut presque aussitôt une nomination d'accusateur public près le tribunal du district de Paimboeuf. - Bientôt placé à la tête des patriotes de cette ville comme il l'avait été à la tête de ceux de Rennes, il fut nommé président de la Société Populaire, et peu de temps après, il fut appelé comme administrateur au Conseil-Général du département de la Loire-Inférieure.

Enfin, nommé juge au tribunal de Nantes, il y siégeait quand en mars 1793 éclata le premier soulèvement de la Vendée et de la Bretagne. On sait, et nous disons d'ailleurs, quelle fut cette terrible crise : c'est au plus fort de ces déchirements, quand les représentants du peuple affluèrent dans nos départements, après la condamnation du 21 janvier, que Phelippes Tronjolly, porté par le suffrage du peuple et le choix des administrations en permanence, fut nommé par les représentants à la présidence des tribunaux criminel et révolutionnaire du département de la Loire-Inférieure. Nous avons dit également, ce que ces tribunaux et les commissions temporaires alors formées apportèrent d'activité et de zèle pour comprimer les insurgés. Phelippes de Tronjolly nous dit lui-même à quelles fureurs et à quelles menaces il fut en butte après un an d'exercice, et combien de lettres anonymes le menaçant du poignard et du poison lui furent adressées à lui et à Villenave, adjoint à l'accusateur public.

Jeté en avant des partis les plus avancés de la révolution, Tronjolly devait les suivre tous, et les dépasser en quelque sorte, jusqu'à ce qu'épouvanté des horreurs qui se commettaient autour de lui, et quelquefois en son nom, il se sentit tout-à-coup indigné contre la lâcheté des égorgeurs. Ne trouvant plus que des victimes, il s'attaqua aux bourreaux eux-mêmes. Mais ne devançons pas les faits, et suivons pas à pas cet homme d'une énergie si exaltée pour le surprendre dans une de ses faiblesses, comme il le disait lui-même.

Comprimés un instant, les Vendéens venaient de reprendre l'offensive en s'emparant de Saumur, d'Angers et des deux rives de la Loire. Ils aspiraient à se rendre maîtres de Nantes, qui leur offrait une vaste communication avec l'Océan, et, s'avançant en masses formidables, ils s'approchaient de cette ville et la menaçaient de près. Les autorités permanentes, après avoir rappelé Canclaux et s'être adressées successivement à la Convention et à ses comités, encore troublés des journées du 31 mai et du 2 juin, sentirent très-bien qu'il n'y avait qu'un moyen de sauver leur ville, qui consistait à s'adresser simultanément à tous les départements de l'Ouest pour leur demander de prompts secours. Mais quels secours Nantes pouvait-il attendre des départements voisins, quand ceux-ci se fédéralisaient successivement à Rennes et à Caen, et ne songeaient qu'à renverser la Convention pour se venger de l'arrestation de leurs députés. Quoi qu'il en soit, Phelippes fut choisi par les Administrateurs de son département pour aller demander à Rennes et à ses anciens concitoyens les secours dont Nantes avait un si pressant besoin. Il remplissait cette mission le 17 juin 1793, et, assistant à l'une des séances des corps constitués de la ville de Rennes, qui s'occupaient alors activement de l'organisation de la force départementale plus tard dirigée sur Caen, "il demanda avec instance", ainsi qu'en témoignent les procès-verbaux de la ville de Rennes, "que la force armée que l'on voulait diriger sur Paris fût envoyée à Nantes pour y porter des secours". Et sa demande n'ayant point été accueillie, il rentra immédiatement dans la Loire-Inférieure pour se mêler aux combattants dans la célèbre journée du 29 juin 1793.

On sait comment Nantes, soutenu du seul courage de ses enfants, parvint à repousser les rebelles, dont l'armée s'élevait à 75.000 hommes. Un tel succès fut pour Nantes un motif de joie et de grand triomphe. Mais, ainsi d'ailleurs que les choses arrivent trop souvent, les partis, qui divisaient la ville et qui s'étaient réunis au jour du danger, se séparant de nouveau après la victoire, reprirent avec plus d'activité que jamais leurs haines et leurs aversions. La question des secours envoyés à Caen, par les autres départements de l'Ouest, en vue de contraindre la Convention à se dissoudre ou à rappeler dans son sein les 26 députés décrétés le 2 juin, se représenta naturellement et se trouva vivement soutenue par les membres du département et de la commune réunis. A leur tête étaient Baco et Beaufranchet, auxquels s'était joint Beysser, dont les services comme général avaient été décisifs dans la journée du 29 juin. Son grade donnait à celui-ci le commandement des troupes en l'absence de Canclaux attaché aux pas de l'ennemi, et il n'eut pas de peine à faire prendre toutes les mesures qui devaient réunir Nantes au parti fédéraliste.

Un arrêté entre autres fut pris qui interdit aux délégués de la Convention toute intervention dans les affaires de Nantes, et même l'entrée dans ses murs. C'était, pour la Loire-Inférieure comme pour les autres départements de l'Ouest, un acte positif de séparation. Or, toutes les autorités furent appelées à y donner leur adhésion, et Phelippes, comme les autres, y souscrivit de son plein mouvement ... Mais les choses ne pouvaient aller ainsi longtemps, les Représentants qui étaient à peine rendus à Ancenis, à la suite de Canclaux, s'inscrivant contre ces mesures, suspendirent Beysser, et ne donnèrent qu'un court délai aux fonctionnaires nantais pour se rétracter. Phelippes, que la mobilité de son caractère, autant et plus que ses principes, semble porter vers les évènements bruyants et décisifs, fut aussi prompt à se rétracter qu'il l'avait été à souscrire les arrêtés fédéralistes du 5 juillet ; mais ce qui le révèle tout entier dans cette circonstance, c'est la manière dont il envisage cet acte et dont il l'explique lui-même. "Un moment égaré avec la masse de mes concitoyens, je crus que la république avait été en danger aux célèbres journées des 31 mai et 2 juin, et le 5 juillet je signai volontairement, comme je l'ai toujours déclaré, l'arrêté des corps administratifs. L'erreur me fit commettre une faute, et comme elle en est le principe, elle doit en être l'excuse. Elle me servit successivement de justification entière dans une assemblée des corps administratifs renouvelés et auprès des Représentants du peuple qui déclarèrent : qu'ils me remettaient ma faute, à raison de mon civisme et de mes services ; qu'ils connaissaient la pureté de mes intentions et qu'ils étaient convaincus que je n'avais été qu'égaré ... Enfin le comité révolutionnaire lui-même m'a rangé dans la classe "des citoyens excusables ou trompés", et depuis il a reconnu que j'étais un patriote prononcé."

Comme nous le disions, Phelippes se révèle tout entier par ces paroles : et si le 5 juillet, il votait avec les fédéralistes, et que le 6, quand le club S-Vincent de la commune se furent ralliés aux Représentants, il se rétractait pour s'excuser près de ceux-ci, on doit déjà deviner ce que deviendra l'ancien Président des Tribunaux Exceptionnels dans le mouvement extra-révolutionnaire où sa fougue va le pousser, en même temps que son coeur et son énergie de Breton le retiendront encore. Nous n'aurons guères qu'à le laisser parler pour faire apprécier les tourmentes qui vont incessamment bouleverser cette âme de feu.

Phelippes, comme nous l'avons dit, avait été nommé Président des Tribunaux Criminel et Révolutionnaire de Nantes, à l'époque des insurrections de mars 1793 : il resta pourvu de ces fonctions après le siège de Nantes, qui eut lieu au mois de juin ; et quand Carrier fut envoyé pour affliger nos départements, il était encore saisi des terribles fonctions qui lui avaient été conférées. Mais alors fut aussi créé ce terrible Comité Révolutionnaire, qui avec ses "compagnons de Marat", jeta Nantes et la Loire-Inférieure dans une si profonde stupeur. Placé sur son siège, chargé de l'application des terribles lois qu'avait rendues le parti de la Montagne, Phelippes se croyait encore un Républicain, placé à un poste périlleux, mais que rien ne pouvait lui permettre d'abandonner ; et il jugeait et envoyait de nombreuses victimes à la mort, comme d'autres tuaient leurs frères dans les sanglants combats de la Vendée ...

Carrier z

 

Mais bientôt Carrier, Naux, Bachelier, Goullin, Grandmaison et tous "les compagnons de Marat", comme ils s'appelaient eux-mêmes, impatients des lenteurs de la loi, frappèrent les victimes de leurs propres mains, les fusillèrent sans procès, les firent périr à l'Entrepôt ou dans la Loire, et voulurent exiger des juges et de leur Président Phelippes, une sorte de sanction légale à leurs atrocités. - Ici Phelippes, qui plus d'une fois s'était senti l'âme bourrelée de tant d'horreurs, ne sut plus se contenir, et, s'apercevant que les égorgeurs, impatients de ses lenteurs, avaient déjà plusieurs fois remis aux commissions militaires les accusés qui ressortaient de sa juridiction, il s'aventura hardiment, et en homme de coeur, à démasquer les atrocités sans nombre du Comité Révolutionnaire de Nantes, alors que tout fléchissait devant ses membres et que pas un seul homme osât lever la tête.

Carrier était à peine depuis deux mois à Nantes que le Comité et les compagnons de Marat avaient déjà encombré de suspects toutes les prisons et les anciens couvents de la ville. La sombre terreur qui régnait dans toutes les classes de la société était d'autant plus grande que l'entrée journalière des prisonniers Vendéens, que les généraux républicains expédiaient après les victoires de Cholet et du Mans, semblait autoriser les Clubistes et le Représentant Carrier à tout se permettre. Cependant le 14 frimaire quelques détenus de la Maison de Justice ayant été condamnés par le Tribunal Révolutionnaire à la peine de mort, à raison de projets d'évasions ; et, pour l'exemple, ces condamnés devant être exécutés le soir même au flambeaux, Phelippes reçut l'ordre de se rendre immédiatement au département, où Carrier s'était déjà rendu. L'assemblée était présidée par l'Évêque Minier, et celui-ci s'étant étendu sur le rapport que venait de faire le Comité Révolutionnaire, au sujet d'une conspiration générale des prisons, qui ne tendait à rien moins qu'à l'insurrection, et à la sortie de tous les détenus, il fut proposé de surseoir à l'exécution des condamnés pour savoir s'il ne conviendrait pas "de prendre des mesures générales contre les prisonniers en masse" ... J'exposai avec force, dit Phelippes, que rien ne pouvait arrêter l'exécution d'un jugement et je me retirai pour faire exécuter les six victimes que la loi avait frappées."

Mais le lendemain, 15 frimaire, le tribunal révolutionnaire, se trouvant en séance, reçut une nouvelle lettre de Carrier pour se rendre au département, où le représentant et le comité conféraient déjà avec l'évêque Minier et ses adhérents. Cette fois on ne parla plus d'exécution en masse ; mais Bachelier et Grandmaison, tenant à la main une liste de 300 détenus, proposaient de faire un exemple et de s'en débarrasser. - Phelippes, s'opposant de toutes ses forces à une pareille atrocité, arguait du jugement rendu la veille et du respect dû à la loi, quand Carrier, fronçant le sourcil, lui donna une nouvelle énergie qui le conduisit à demander à quel titre on prétendait lui faire prendre part à de tels actes. "Le tribunal a ou n'a pas fait son devoir, ajouta-t-il. S'il ne l'a pas fait qu'on en nomme un autre : s'il l'a fait, laissez-le juger, c'est seulement au glaive de la loi à faire tomber la tête des coupables ..." Carrier se taisait ... Puis il s'écria tout-à-coup : "Il faut bannir, il faut chasser les modérés de l'assemblée". Et Goullin qui dominait le comité et une partie de l'assemblée, s'abandonnant à toute l'exagération de son fanatisme, traita Tronjolly de "lâche et de président contre-révolutionnaire". Grandmaison lui dit que les détenus pourraient bien ne pas être les seuls qui fussent destinés à périr ... Tronjolly, en se retirant, se rendit sans délai au greffe qui était voisin de la geôle ; il y resta couché, en vue d'éviter un grand crime, s'il lui était possible de le prévenir par sa présence.

Mais alors que cette scène se passait, un ordre signé Goullin, Grandmaison et Mainguet, était déjà donné au commandant temporaire de Nantes, pour que 300 hommes de troupes soldées enlevassent 4 à 500 prisonniers du Bouffay et des Saintes-Claires, avec charge de les lier deux à deux et de se transporter à l'Éperonnière pour les y fusiller "tous indistinctement et de la manière jugée la plus expéditive". - La résistance et les fermes propos de Tronjolly, joints à la répugnance du commandant, arrêtèrent seuls ce massacre.

Mais Tronjolly, qui avait passé 24 heures au greffe du Bouffay, ne pouvait y établir domicile, et dans la nuit du 24 au 25 frimaire eut lieu, encore sur les ordres de Grandmaison, cet enlèvement de 129 détenus qui furent les premières victimes livrées aux flots de la Loire.

Je n'ai pas ici pour tâche de retracer cette longue page de l'histoire de Carrier et de la ville de Nantes, et il me suffira de quelques faits pour reproduire avec sa sombre et terrible couleur de sans-culottisme la sauvage et sublime énergie du président Phelippes. Alors que tous se tait, que tout tremble, il veille ; et, après avoir été un instant l'instrument de ces monstres, il a le courage de les attaquer de face, de les dénoncer. - Dès qu'il sait que la Loire charrie des cadavres, il court de nouveau au Bouffay et se rend à la Geôle demandant au gardien Bernard Laguèze l'exhibition du reçu que les compagnons de Marat lui ont remis pour les 129 victimes qu'ils ont enlevées. - Mais le moment n'était pas encore venu cependant, de démasquer les égorgeurs, et la terrible puissance de Carrier aurait bientôt avisé à une opposition aussi intempestive ...

Le 27 du même mois, il reçut, toutefois, du représentant, lui-même, une liste de 24 réfugiés venus de Nantes chercher un asile et faire leur soumission à la suite de la déroute des armées vendéennes ; et au bas de cette liste étaient les mots suivants écrits précipitamment de la main de Carrier, et fortement chargés d'encre :

"Pour ordre au citoyen Phelippes, président du Tribunal Criminel de faire exécuter sur le champ, sans jugement, les vingt-quatre brigands ci-dessus, qui viennent d'être arrêtés les armes à la main.
Nantes, ce 27 frimaire l'an 2e de la République Française une et indivisible,
Le représentant du peuple,
CARRIER."

Le 29, même ordre pour 27 autres victimes parmi lesquelles quatre jeunes femmes de la même famille.

... Phelippes résiste ; et, après avoir fait consigner sur les registres du tribunal les ordres écrits du représentant, il s'obstine à ne point les faire exécuter, bien que Carrier et Goullin soient venus, au pied de l'escalier du Bouffay, lui intimer verbalement les ordres qui lui avaient été transmis par écrit. - Mais comment ces victimes auraient-elles échappé, l'accusateur public n'eut pas l'énergie du président, et les flots de sang qui ruisselaient alors sur la place du Bouffay, se grossirent au point d'inonder les boutiques qui faisaient face à la guillotine. Le bourreau lui-même en fut troublé : et, deux jours après, il avait cessé de vivre à la suite d'un long délire.

Il n'est pas besoin de dire, sans doute, que dès lors Phelippes, en butte à la haine des membres du comité révolutionnaire et aux soupçons de Carrier, dut se tenir sur la plus grande réserve pour ne pas succomber sous les attaques de ses ennemis ; mais c'était par eux, et après avoir passé un scrutin épuratoire du club Vincent la Montagne et du comité lui-même, qu'il avait été maintenu par Carrier au poste qu'il occupait. "Si je suis coupable, leur disait-il, vous l'êtes encore plus, et c'est vous qui avez trompé le représentant." A l'aide de ce sillogisme, prêt à quitter le siège de juge pour monter sur les degrés de l'échafaud, il se disposa à démasquer les monstres qui grossissaient la Loire des flots de sang qu'ils faisaient couler, et qui, ne prenant même pas le temps d'enterrer leurs victimes, les livraient aux eaux du fleuve ou à la dent des chiens qui parcouraient par bandes les carrières et les cimetières des environs de Nantes.

A cet effet, il rendit le 7 nivôse, et fit afficher le 11, une ordonnance portant défense expresse aux geôliers de toutes les prisons de Nantes de livrer aucun détenu "sans un décret de la Convention ou un ordre des Représentants du peuple". Mais, à ce moment même, il tombait malade, et, obligé pour quelques temps d'abandonner son siège de Président, Carrier, à la demande des membres du Comité, le fit remplacer par Le Peley, l'un des leurs, alors membre du même Tribunal et précédemment membre de l'Administration départementale. Cet acte de remplacement était du 26 pluviôse, et le lendemain Carrier quitta Nantes, où il fut momentanément remplacé par Prieur de la Marne, qui avait suivi l'armée d'opération au Mans et à Savenay.

A peine rétabli de sa maladie, Phelippes, comme ces patriotes qui ne cessaient de crier "vive la République" quand ils avaient le sabre dans le ventre, se présente au Tribunal révolutionnaire et redemande à Le Peley son siège qu'il n'a quitté qu'en raison de sa maladie. Le Peley et Le Coq, juge et autre agent du Comité, arguent de l'acte de remplacement signé par Carrier ... Force est à Phelippes de se résigner ; mais ne voulant point qu'il soit dit qu'il s'est démis volontairement d'une place" importante qu'un républicain ne peut abandonner sans lâcheté, il fait constater sa présence et sa demande sur les registres du Tribunal révolutionnaire, et, y étant rentré presque aussitôt en qualité d'accusateur public, il écrivit, dans le courant du mois de floréal, plusieurs lettres à Prieur pour lui notifier qu'il allait poursuivre, comme assassins et concussionnaires, les membres du Comité révolutionnaire, et qu'à cet effet il rendait compte de leur conduite aux Comités de la Convention et intimait l'ordre au Receveur de l'enregistrement de lui justifier l'emploi ou le versement des sommes provenant des saisies faites par le Comité et ses agents de la compagnie de Marat. Et, en effet, le lendemain 23 floréal, il lançait un réquisitoire contre les membres du Comité, concluant à ce que "tous huissiers et gendarmes assignassent les témoins dont il fournissait la liste", afin qu'ils vinssent le 28 au greffe du Tribunal déposer sur les faits qui peuvent jeter de la lumière "sur les assassinats et les concussions des membres du Comité". Mais Prieur, qui s'était opposé pendant sa mission aux noyades et aux exécutions en masse, crut sans doute que c'était aller trop vite, et il intima le 24 l'ordre précis à Phelippes de surseoir à toute poursuite jusqu'à l'arrivée de ses successeurs Bô et Bourbotte. - Ceux-ci s'étant rendus à Nantes aussitôt le départ de Prieur, qui eut lieu le 25 floréal, Phelippes leur adressa, le 28, la lettre suivante :

"Malgré mon acte légal du 23 de ce mois, le cours de la justice a été interrompu. J'ai accusé vrai ou faux ; je réponds sous ma responsabilité de ma dénonciation comme magistrat. Si j'ai voulu informer, d'après la notoriété publique, c'est que la loi impose à mon silence des peines pécunières, même celle des fers. Dès là qu'on m'a mis dans l'impossibilité de commencer l'instruction "que rien ne devait retarder", je sollicite, au moins de votre justice, d'adresser aux corps constitués mon acte, avec injonction de certifier par écrit la notoriété des faits y contenus, ou d'en nier la réalité ; s'ils sont déclarés faux, destituez-moi provisoirement : s'ils sont vrais, je laisse le reste à votre prudence ...
Salut et fraternité,
PHELIPPES."

Mais l'un des deux Représentants auxquels cette lettre fut adressée était lié d'amitié avec Carrier, et sentant sans doute où portaient les dénonciations de Phelippes, il ne fut donné aucune suite à ses lettres, aucune réponse à ses demandes. Mais à quelques jours de là, ces mêmes Représentants se trouvèrent conduits par le cri public à s'informer de la conduite des membres du Comité révolutionnaire, et se voyant amenés à des poursuites inévitables, ils prononcèrent le 24 prairial l'arrestation de Phelippes et de ceux qu'il avait dénoncés. Jeté au secret, sans connaître le motif de son arrestation, Phelippes, que les Représentants avaient déféré au Tribunal révolutionnaire de Paris, partit de Nantes le 4 messidor, ayant les menottes aux mains, et conduit de brigade en brigade, tandis que ses adversaires Chaux, Goullin, Bachelier, Grandmaison et autres, avaient obtenu la faveur de se faire conduire dans une chaise de poste.

A peine déposé dans l'une des prisons de la capitale, il recueille ses souvenirs, et, poursuivant avec la même énergie ceux qu'il a si fortement inquiétés à Nantes, il publie, à la date du 12 thermidor an 2, un mémoire récapitulatif des excès du comité révolutionnaire de Nantes, qu'il termine par le passage suivant :

"Parmi les satellites de Robespierre, il serait difficile d'en signaler de plus abominables que les membres du comité révolutionnaire de Nantes, et un de leurs complices (Carrier) que je ferai connaître lors de mes interrogatoires. L'histoire n'offre pas de modèles de scélérats plus consommés que ceux que j'ai livrés au bras vengeur de la justice. Les registres de tous les tribunaux criminels de l'Europe ne contiennent pas de forfaits qu'on puisse comparer à ceux de ces monstres, tous les éléments ont concouru à leurs assassinats : ils n'ont respecté ni le sexe, ni l'âge, ni la vertu, ni la nature, ni l'innocence, ni la beauté ; ils n'ont pas plus respecté d'innocentes victimes dans les fers."

Dans un deuxième mémoire écrit de la même prison et daté du 11 fructidor, c'est Carrier qu'il dénonce, et n'ayant pu obtenir, comme il l'avait demandé, à être entendu des comités de salut public et de sûreté générale, il contribua du moins par ses écrits à faire apprécier la vérité et à la faire envisager sous un jour favorable à la justice.

Enfin, traduit au tribunal révolutionnaire de Paris en même temps que les 93 nantais, restant des 132 victimes que le comité avait dévouées dans sa pensée, il fut acquitté et mis en liberté le 28 fructidor de l'an 2.

Là se termina en quelque sorte la carrière politique de Phelippes Coatgoureden de Tronjolly. Nous savons cependant qu'à sa rentrée à Nantes de l'an 4, il fut successivement nommé président de sa section, électeur, et plus tard président du tribunal criminel de la Loire-Inférieure. Mais le mouvement politique du 18 fructidor, an 5, l'enleva de nouveau à ses fonctions, et je retrouve une pétition de lui, datée du 27 messidor an 11, qui apprend qu'il était à cette époque sans emploi, chargé d'une nombreuse famille et sans ressources pécuniaires, les désastres de la révolution l'ayant forcé à vendre une partie de son patrimoine. - A l'époque du Consulat, Phelippes se fit appuyer des conseils municipaux des villes de Nantes et de Rennes, pour une place de sénateur ou de conseiller à la Cour de Cassation ; mais ses sollicitations et la récapitulation de ses services à Nantes touchèrent peu le premier Consul, à ce qu'il paraît, et nous savons qu'il est mort après avoir été longtemps attaché au modeste tribunal de Pontivy.

Il obtint pour son fils, à force de suppliques, une place de greffier au tribunal civil de Rennes, ville où il s'était retiré en 1809.

François-Anne-Louis Phelippes de Coatgoureden de Tronjolly est décédé en son domicile, rue de Toulouse, à Rennes, le 28 février 1828.

Phelippes-Tronjolly décès z

 

François-Anne-Louis était l'époux de  Mathurine-Anne Clémenceau, fille de maître Henri-Michel-Pierre Clémenceau, seigneur de la Gauteraye, procureur au parlement et de Dame Françoise Louvel, baptisée paroisse Saint-Sauveur, le 9 juin 1749, baptisée le lendemain. Le mariage eut lieu, paroisse Saint-Germain, à Rennes, le 9 octobre 1770.

La famille Clémenceau occupait à Rennes une situation notable dans la bourgeoisie ; elle était profondément chrétienne puisqu'elle se fit honneur de donner à l'Église un prêtre et deux religieuses. Le père, d'abord trésorier de la paroisse Toussaints, transporta plus tard son domicile sur la paroisse Saint-Sauveur, rue Beaumanoir.

Mathurine-Anne était soeur de l'abbé Henri-Claude Clémenceau, dit de la Bouillerie, Vicaire général et curé de la Cathédrale de Nîmes, né le 25 novembre 1742, paroisse de Toussaints ; il fut massacré, criblé de coups de feu et de coups de sabres, la tête fracassée, le 14 juillet 1792 à La Grave. Deux de ses soeurs, Marie-Anne et Jeanne embrassèrent la vie religieuse chez les Dames de Saint-Thomas de Villeneuve. La première mourut à la Plesse, près de Rennes, le 22 novembre 1792 et la seconde se trouvait à l'Hôtel-Dieu de Saint-Malo, et lors de la mission du sinistre Lecarpentier, elle fut incarcérée au château, du 2 avril 1794 au 3 février 1795.

Enfants nés de ce mariage :

- Marie-Anne-Michelle, née paroisse Saint-Germain, le 27 juillet 1771 ;

- une fille, née le 3 avril 1773 ;

- enfant anonyme, né et ondoyé, paroisse Saint-Étienne, le 26 février 1775 ; baptisé sous le prénom de Raoul, le 7 avril 1775 ;

- Joséphine-Yvonnette, née paroisse Saint-Sauveur, le 9 ou 10 juin 1777 (date non indiquée dans l'acte) ;

- un garçon né paroisse Saint-Sauveur, le 5 juillet 1779 ;

- Julien-Yves-Rennes, né paroisse Saint-Germain, le 25 février 1788, baptisé le 21 octobre de la même année.

 

Lors de l'incarcération de son mari, Mathurine écrivit une lettre de réclamation, datée du 14 thermidor an II (1er août 1793), qu'elle adressa aux Membres du Comité de Salut public :

lettre femme Phelippes-Tronjolly - AN F7 4422-35 vue 11

 

Grand dictionnaire universel du XIXe siècle ... par Pierre Larousse - 1866-1877

A. Duchatellier - Revue du Breton - 1836 - 1ère livraison

Lettre de la citoyenne Clémenceau - Archives Nationales - AN F7/4422-35 vue 11.

Mémoires de l'Académie de Nîmes - VIIe série - Tome XXXVIII - Années 1916 et 1917

Registres paroissiaux et d'état-civil de la Ville de Rennes

 

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