SAINT-PIERRE-DE-CÔLE (24) - LES FEMMES DE SAINT-PIERRE-DE-CÔLE EN 1794
LES FEMMES DE SAINT-PIERRE-DE-CÔLE EN 1794
Le 10 germinal, an II de la République (30 mars 1794), vers les trois heures du soir, le bourg de Saint-Pierre-de-Côle était en grande agitation.
C'était le jour de la décade.
La plus grande partie des habitants de la commune se trouvaient sur la place publique, en face de la modeste église, en ce moment sans autel et sans prêtre.
Des groupes, principalement composés de femmes, s'étaient formés sur tous les points, et de temps à autre des plaintes, vivement accentuées, se faisaient entendre contre le gouvernement révolutionnaire, qui avait remplacé les saintes cérémonies de la religion chrétienne par le culte dérisoire de la déesse Raison.
Les doléances se changèrent bientôt en cris d'indignation, lorsque le maire, entouré des officiers municipaux et ceint de son écharpe, se présenta pour publier ces ridicules et emphatiques maximes de la philosophie du XVIIIe siècle, qu'on voulait bien appeler, à cette époque, les "Préceptes de la Raison".
Inspirées par le même sentiment de répulsion, toutes les femmes se réunirent, prirent en quelques secondes une résolution commune, enjoignirent aux hommes de se retirer, et se précipitèrent sur le livre des préceptes révolutionnaires que le maire tenait à la main. Le livre fut déchiré et foulé aux pieds : - Force resta aux "insurgeantes" !
Mais le triomphe ne pouvait être que de courte durée. La municipalité reçut bientôt des auxiliaires, et quelques-unes de nos héroïnes durent comparaître devant le comité révolutionnaire d'Excideuil.
Elles conservèrent, devant le hideux tribunal, toute leur première énergie, et l'une d'entre elles répondit au président, qui lui demandait si elle avait bien compris ce qu'elle avait fait, par ces paroles d'un désespoir sublime : - "Que m'importe ! ne vaut-il pas autant mourir aujourd'hui que demain !" - On sait, en effet, que l'appareil judiciaire n'était qu'une formalité dérisoire, à cette époque d'exécutions sanglantes et immédiates.
Notre héroïne s'appelait Jeanne Larue, du village de Champlouviers : - C'était une métayère !
Armand de Siorac
Le Chroniqueur du Périgord et du Limousin - 1853 (A1)