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La Maraîchine Normande
21 juin 2016

NOIRMOUTIER (85) - LUBIN IMPOST "LIDENER", NATURALISTE ET POÈTE

NOIRMOUTIER-EN-L'ÎLE
LUBIN IMPOST


Lubin Impost naquit à Noirmoutier, le Dimanche 3 octobre 1790.

IMPOST LUBIN acte naissance

Son père, portant le même prénom que lui, était originaire des environs de Chartres. Attiré dans l'île par les travaux de la pointe de Devin, il y contracta un premier mariage et s'enrichit dans le commerce. Veuf, sans enfants, il épousa en secondes noces une nantaise, Louise Néron, qui fut la mère de Lubin. Il mourut laissant son fils en bas âge.

Celui-ci fit ses premières études à Nantes à la pension Roussic, puis il rejoignit le collège de la Flèche.

Lors de sa dix-huitième année, sa mère l'envoya à Hambourg étudier les langues du Nord, nécessaires à quiconque voulait exercer le commerce sur nos côtes.

Ces années de jeunesse passées dans la patrie de Schiller et de Goëthe, eurent une grande influence sur les oeuvres d'Impost ; on trouve dans ses écrits de nombreuses réminiscences des auteurs d'Outre-Rhin, et sa phrase, par sa forme, rappelle celle des Allemands.

De retour à Noirmoutier, il s'unit, le 17 juin 1813, à Mlle Rosalie Lebreton des Grapillières, appartenant à une famille honorable de l'île. Les plus beaux vers du poète lui furent inspirés par son aimable compagne, si chrétienne, si charitable envers les pauvres, si affable pour ses compatriotes et pour les savants qui venaient demander place au foyer.

Tandis que Piet racontait avec verve la guerre de la Vendée, à laquelle il avait pris une part active comme aide-de-camp du général Dutruy, Impost réunissait des notes sur l'histoire de Noirmoutier, feuilletait Ermentaire et consultait les vieilles chartes de l'île.

Il donna dès lors à ses travaux une double direction ; la science naturelle et la poésie. Personne n'explora avec plus de soin que lui nos champs, nos dunes et nos bois. Quand le souffle de la tempête avait bouleversé la côte ou qu'une grande marée laissait à découvert les bancs de récifs, il cherchait à dérober à la mer ses secrets, étudiant les moeurs des mollusques ou enrichissant son herbier de quelque algue nouvelle.

NOIRMOUTIER PORT

Impost était un classificateur consciencieux, un préparateur patient et un collectionneur infatigable. Dans sa petite maison de Noirmoutier, d'où la vue domine l'entrée du port, il avait réuni tous les produits de l'île dans les trois règnes de la nature.

Ses collections d'hydrophytes lui valurent l'amitié de M. Lloyd.

Ses oiseaux lui permirent d'écrire, pour la Statistique de Piet, l'excellent article intitulé : Ornithologie de Noirmoutier (1823).

Par ses recherches sur les crustacés, il se mit en rapport avec MM. Milnes Edwards et Audouin, qui reconnurent dans ses envois diverses espèces non encore décrites, et reçurent chez lui, ainsi que M. Adolphe Bronguiart, l'hospitalité la plus gracieuse.

Impost a laissé, à l'état de manuscrit, un essai, malheureusement inachevé, sur les mollusques de Noirmoutier. On y trouve des détails historiques très intéressants sur la pêche des huîtres dans la baie de Bourgneuf, sur les accidents produits par l'ingestion des moules, et surtout sur les mouvements de locomotion de certains bivalves, en particulier des Pecten.

Dans ce traité, l'auteur passe aussi en revue les balanes et les anatifes qui forment le groupe des cirripèdes.

Impost avait accompagné les d'Orbigny dans leurs premières courses géologiques. En 1823, il s'établit une correspondance entre M. Brongniart père et le naturaliste de Noirmoutier. Le directeur de la manufacture de Sèvres lui aida à déterminer les échantillons de roches et les fossiles qu'il lui avait adressés. Pour M. Brongniart, le calcaire coquiller de Barbâtre n'était que du calcaire grossier de l'époque parisienne.

M. Bertrand-Geslin reprit de main de maître l'étude de la constitution physique de l'île. Il détermina l'âge des divers terrains en particulier des quartzites du bois de la Chaise. Dans sa notice géognostique sur Noirmoutier, il cite souvent son hôte Impost lui ayant indiqué la nature des "Boeufs", rochers calcaires de la côte orientale, et celle de la chaîne granitique sous-marine qui unit l'îlot du Pilier au reste de l'île.

Enfin, dans sa seconde édition de la Statistique de la Vendée, M. de la Fontenelle de Vaudoré cite plusieurs fois le naturaliste noirmoutrin, comme lui ayant fourni des renseignements intéressants.

Les oeuvres littéraires d'Impost, tant imprimées que manuscrites, sont fort nombreuses ...

A Nantes, pendant l'hiver, à Noirmoutier, durant les loisirs que lui laissait la préparation des plantes marines, il composait des vers ou traduisait quelques pages des grands poètes allemands.

IMPOST LUBIN NOIRMOUTIER 3

Il avait adopté pour ses oeuvres poétiques le pseudonyme de Lidener, abrégé de son prénom, de son nom, et de celui de son pays, mot, qui du reste, en allemand, signifie chanteur.

Les ouvrages imprimés de Lidener sont les suivants :

1° Diverses pièces de vers publiées par le Lycée Armoricain de 1823 à 1829.
2° Trois volumes de fables, 1835, 1840, 1852.
3° Diverses pièces de vers publiées dans la Revue de l'Ouest de Guéraud (1853 à 1858), en particulier la gracieuse légende de Saint-Salafin ou de Notre-Dame-de-Follgoat.
4° Deux notices biographiques : l'une sur Edouard Richer, publiée à la fin du second volume des Fables nouvelles ; l'autre sur Louis-François de Tollenare (Revue de l'Ouest, t. II, année 1854).
Parmi ses manuscrits, nous devons citer :
1° Deux autres volumes de fables mises en ordre (1852 et 1853).
2° Un volume intitulé Ballades et Orientales, tirées de Burger, Goëthe, Schiller, Uhland, Henri Weine et Buckert, et librement traduites en vers, 1842.
3° Traduction en vers de la tragédie de Guillaume Tell de Schiller.
4° Traduction en vers de Camilla Galloti, drame en cinq actes de Lessing.
5° Traduction en vers de la première partie du Faust de Goëthe.
6° Élégies de Goëthe, traduites en vers.
7° Traduction de pièces diverses de Schiller.
8° Légendes et chants bretons.
9° Sonnets sur l'Italie, la Suisse, la Vendée et sur Noirmoutier.
10° Satyres du temps.
11° Poésies diverses.
12° Enfin, traduction en prose d'une délicieuse boutade du fabuliste Pfeffel, intitulée : Histoire d'un barbet.

Des fables de Lidener, les unes sont purement morales : elles forment, sous le nom de fables nouvelles, deux volumes publiés à Nantes : le premier chez Mellinet, 1835, le second chez Sébire, 1840. Les autres portent le nom de fables politiques. (Guéraud, 1852, un volume).

Sous la plume d'Impost, la fable, toujours exacte comme pensée morale, l'est aussi comme observation de moeurs des animaux. Elle offre quelque chose de cette bonhomie qui a fait de la Fontaine le maître inimitable de l'art. Le sujet n'en est pas toujours neuf ; on y reconnaît de nombreux emprunts faits aux fabulistes étrangers, Guy Pignotti, Gherardo de Rossi, Pfeffel, etc. Impost en convient avec dans sa préface, et cependant les trois quarts de ses fables sont bien entièrement nouvelles.

Le troisième volume, composé au milieu des orages de 1848, est l'écrit d'un citoyen sage et courageux, flagellant sans pitié les utopies de cette époque. On relit encore aujourd'hui avec plaisir les fables intitulées : l'égalité, les ouvriers et le fiacre, l'organisation du travail, et tant d'autres que nous pourrions citer.

Les satyres d'Impost sont de sanglantes diatribes contre les moeurs du temps, le jeu de la bourse, les spéculations hasardées, l'oubli de la politesse des anciens jours. C'est la dernière oeuvre du poète ; il allait livrer ce travail à la publicité, quand la mort est venue le frapper. Les satyres ne valent pas les fables : l'ironie cependant y est largement versée, et chaque coup porte juste contre un vice ou un travers.

La notice biographique faite par Impost sur Édouard Richer n'est qu'un abrégé de celle qu'écrivit Piet. Il n'en est pas de même de la notice sur L.-F. de Tollenare. Celle-ci offre pour nous un intérêt tout particulier, d'abord parce qu'elle est la vie d'un homme remarquble et d'un excellent citoyen, puis, parce que Impost, sous le voile du pseudonyme, se peint souvent lui-même ...

En 1836, Impost visita la Grande-Bretagne ; en 1842, il parcourut la Suisse et les bords du Rhin ; en 1845 et 1846, il visita le midi de la France et la chaîne des Pyrénées, herborisant à Bagnère-de-Bigorre, à la Maladetta et à Esquierry ; en 1853, il voulut voir l'Italie. Rome avec ses ruines païennes et ses monuments chrétiens lui inspira de nombreuses poésies. Là, il applaudit au début d'un jeune peintre, M. Paul Baudry, devenu une des gloires de la Vendée.

En 1821, il fut reçu membre de la Société Académique de la Loire-Inférieure ; il s'en sépara momentanément pour y rentrer en 1847. A cette époque, la Société nantaise d'Histoire naturelle, dont Impost était un des membres fondateurs, s'associait en masse à la Société Académique, où elle forme une section à part.

Impost fit aussi, pendant quelque temps, partie du comité de surveillance du Muséum et du Jardin des Plantes de Nantes.

En 1823, la grande Société Linéenne de Normandie l'accueillait dans son sein comme ornithologiste.

En Vendée, il ne jouissait pas de moins de considération. De 1830 à 1836, il fut élu membre du Conseil général, et aux réunions de cette assemblée, il siégeait au bureau en qualité de secrétaire. A Noirmoutier, il fit chaque année partie du Conseil municipal.

En 1830, ses idées libérales le firent nommer commandant de la garde nationale de l'île, et à cette époque, il refusa une sous-préfecture, voulant rester complètement en dehors des intrigues des partis.

Pour compléter cette notice biographique, nous extrayons des notes d'Impost le passage suivant. Lidener y fait sa profession de foi religieuse, politique et littéraire.

"Quelque sentiment, dit-il, quelque opinion que l'on veuille me prêter, je n'ai jamais eu dans mes écrits qu'une seule pensée, celle du beau, du bien et du vrai moral. Homme religieux par principe, je déteste l'hypocrisie ; homme d'ordre, je hais les anarchistes sociaux, de quelques utopies spécieuses qu'ils revêtent leurs idées ; homme littéraire, je déplore la route fausse et immorale dans laquelle vont se fourvoyer les plus beaux talents de notre époque. Je n'appartiens à aucun partis qui divisent notre belle France, qui, sans eux, serait si grande et si puissante au dedans comme au dehors."

Tous ceux qui ont connu Impost rendront témoignage de son extrême probité, de sa franchise, de son affabilité et de sa bienveillance. Ses fermiers qui se succédaient de père en fils et sans subir de changement dans les conditions de leurs baux, l'appelaient leur meilleur ami. Les pauvres le regardaient comme un père, et personne ne saura toutes les infortunes qu'il a soulagées, car il se servait presque toujours d'un intermédiaire pour ses bonnes oeuvres. A Noirmoutier, il faisait partie du bureau de bienfaisance et était aussi membre de la commission de l'hôpital et de la salle d'asile. Il avait contribué à la création de ces établissements philanthropiques par de fortes sommes, et en mourant il leur a légué presque toute sa fortune.

Le 30 mai 1852, Impost perdait son épouse chérie. Brisé par cette épreuve, il se rattacha de plus en plus aux idées religieuses. Restant sans enfant, il garda près de lui une de ses nièces, Mlle Marionneau, qui lui prodigua le dévouement de la fille la plus attentionnée.

Chaque hiver, Impost se retirait à Nantes pour revenir passer l'été à Noirmoutier. Aux premiers beaux jours de 1861, le besoin de la patrie se faisait sentir dans son coeur plus énergiquement que jamais. Impost, tourmenté par une cruelle maladie de l'estomac, prévoyait sa fin prochaine et ne voulait pas mourir loin de Noirmoutier.

Il succomba dans cette île, le 11 juillet 1861, à l'âge de soixante-dix ans ; sa mort fut digne de sa vie. Il se montra dans ses derniers moments à la fois philosophe et chrétien, puisant son courage et sa résignation dans la lecture de l'Imitation de Jésus-Christ. Une foule nombreuse, composée d'amis, de fermiers et de pauvres, l'accompagna à sa dernière demeure.

IMPOST LUBIN acte décès

Au mois d'août suivant, la Société Botanique de France se réunissait à Noirmoutier, sous la présidence de M. l'abbé de Lacroix. Si Impost eût vécu, avec quel bonheur il se serait joint à Lloyd pour servir de guide aux savants étrangers. Ceux-ci passèrent tristement près de sa petite campagne de la Linière pendant qu'on leur parlait de lui, et ils terminèrent au bois de la Chaise leur session extraordinaire dans l'Ouest, par quelques mots à sa mémoire et à celle des autres membres de l'Académie ambulante.


Dr Viaux-Grand-Marais
AD85 - Bulletins paroissiaux de Noirmoutier-en-l'Île - 1909

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