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La Maraîchine Normande
2 avril 2015

RENÉ-GUILLAUME-PAUL-GABRIEL-ÉTIENNE GESLIN DE LA VILLENEUVE, DIT LESAGE, COLONEL DE CAVALERIE

RENÉ-GUILLAUME-PAUL-GABRIEL-ÉTIENNE GESLIN DE LA VILLENEUVE, DIT LESAGE
né le 27 mai 1753 et baptisé le 30 à Saint-Malo (35)
Colonel à la suite de la Cavalerie
marchand, domicilié à Paris
Marié à Paris, le 28 août 1780, à Anne Louise de La Réale dont un fils : Édouard-René, comte Geslin de la Villeneuve, né le 1er novembre 1784.

Arrêté le 2 nivôse an IV (23 décembre 1795), à Tillières (27)

Condamné à mort le 6 nivôse an IV (27 décembre 1795) et exécuté (dans les 24 heures), à Paris.

 

acte naissance comte de Geslin

 


EXTRAIT D'UN MÉMOIRE SAISI A TILLIÈRES, DÉPARTEMENT DE L'EURE, le 2 Nivôse de l'an 4, sur l'ex-comte de Geslin.

Le seul amour de la vérité dicte à un sujet fidèle, sincèrement dévoué aux intérêts de son roi et jaloux de procurer par tous les moyens qui seront en son pouvoir, le rétablissement de l'autel et du trône, les réflexions suivantes :

Il paraît que son altesse royale, Monsieur, frère de sa Majesté, a été cruellement trompée dans les détails qui lui ont été donnés sur les Chouans et la Vendée. On ne doit attribuer qu'à cela seul, le non-succès de la descente projetée, et les revers subséquens.

Charrette [Charette], après avoir conclu la paix pour des motifs que son attachement à la cause excuse, a rompu prématurément cette paix sans l'aveu de ses collègues.

Cette rupture a fait pressentir à la République, que là devaient se porter les grands coups, et qu'il existait un projet tendant à réunir aux royalistes de la Vendée, la personne chérie d'un de leurs princes.

Ces pressentimens se sont changés en certitude par une suite d'indiscrétions qu'ont commis quelques individus que l'enthousiasme a fait parler à contre-temps et révéler dès leur naissance des projets dont le secret eût garanti l'exécution.

La République, alors triomphante sur le Rhin, fit refluer sur la Vendée une partie des forces que la paix de l'Espagne laissait à sa disposition, et porta, d'après l'état exact que j'ai sous les yeux, son armée, dans le pays, à quarante-cinq mille deux cent quatre-vingt-dix-sept hommes effectifs.

Nonobstant cette masse imposante, Charrette [Charette] eût pu faciliter la descente à Saint-Jean de Mons ; les forces républicaines n'étant pas alors bien distribuées sur la côte ; mais il assura qu'il avait reçu des renseignemens positifs qui lui annonçaient qu'il n'y aurait pas de descente, et l'un de ses chefs divisionnaires engagea très-imprudemment le combat de Saint-Cyr ; il y fut tué, les troupes de Charrette [Charette] battues, et son rassemblement dispersé.

Depuis cette malheureuse époque aucunes tentatives n'ont été faites par le général pour seconder le projet de descente, et il s'est constamment tenu dans l'intérieur du pays. A peine la saison a-t-elle anéanti ce même projet, pour un temps, que les forces républicaines placées à la côte, n'ayant plus rien à craindre du côté de la mer, ont reflué dans l'intérieur et entrepris de désarmer les royalistes de la Vendée.

Comment résister à cette masse autant aguerrie que féroce, dont les généraux prennent à tâche d'isoler la cause des chefs vendéens de celle des habitans, en épargnant ces derniers et menaçant les autres qu'ils représentent comme ayant trompé le peuple par de fausses promesses, abusé de la crédulité, compromis son existence et ses propriétés.

Peut-être l'aurait-on pu dans le principe de l'union ; mais, nous le dirons à regret, avec d'autant plus de franchise que nous avons moins d'intérêt à le dissimuler, Charrette [Charette] condamna Stofflet à mort, en décembre 1794, pour avoir créé des obligations imprimées et commerçables, afin de discréditer les assignats, ce qui a réussi. Il fit la paix sans l'en prévenir, s'offrit de marcher contre lui pour l'y contraindre, et ne se réconcilia avec lui, après la paix générale, que par la cession que lui fit ce dernier d'une partie de son territoire.

Depuis cette époque, il lui a suggéré d'envoyer au Comité de salut public et l'a ensuite désavoué. Il a déclaré la guerre sans l'en instruire, et marché pour favoriser la descente, sans se concerter avec lui. Ces torts difficiles à pardonner, s'ils n'étaient que personnels, le deviennent plus encore parce qu'ils intéressent le bien général ; il serait à désirer qu'ils s'évanouissent ; mais leur continuité d'une part, comparée avec les sacrifices de l'autre ne sert qu'à les aggraver. Le titre de généralissime accordé à Charrette [Charette] ne serait-il point encore un microscope propre à les grossir.

Stofflet se souviendra sans doute qu'il était major général de la Vendée entière, en 1793, lorsque Charrette [Charette] n'était que chef divisionnaire, soumis à ses ordres ; il se rappellera qu'en cette qualité il contribua à gagner les batailles de Vihiers, Evron, Châtillon, Doué, Saumur, Extrames, Dol, &c. auxquelles Charrette [Charette] n'assista pas, et qu'il eût aidé à recueillir à Torfou les restes fugitifs de l'armée de ce dernier, s'il n'eût pas reçu alors une balle dans la cuisse. Avec ces titres et la fausse annonce d'un grade qu'il n'avait pas, il est à craindre que la peine n'ait assiégé son coeur, et qu'il n'ait cru que l'on avait déprécié dans l'esprit du roi et de son altesse royale, les services qu'il avait rendus à la cause.

A ces maux malheureusement trop sentis, quels remèdes ! une guerre générale ! mais la saison y met des entraves : l'évacuation de l'Isle-Dieu décourage ; le nombre des forces républicaines effraie ; l'on craint une dévastation générale à la suite de laquelle la Vendée n'offrirait plus à son roi qu'un monceau de ruines.
Serait-ce une pacification générale ! la première fut un fléau, la seconde serait plus désastreuse encore et finirait par amortir l'esprit public dans ces contrées.

Quels moyens pourrait-on donc employer avec succès ? ouvrir des négociations avec la République ; les traîner en longueur en multipliant les difficultés ; tenir pendant ce temps le peuple en haleine et sur une défensive respectable ; entretenir des liaisons au dedans et au dehors ; préparer ses batteries avec plus d'assurance et d'union ; concerter un plan général pour l'époque la moins éloignée, et pousser ainsi la dure saison jusqu'au débarquement promis par son altesse.

Que résultera-t-il de ce plan ? que les côtes moins menacées se dégarniront, et que la République diminuera sensiblement la masse de ses forces dans la Vendée, avec d'autant plus de raison, qu'elle aura l'espoir d'appaiser les troubles de l'intérieur, et le besoin le plus pressant de ces mêmes forces pour compléter l'armée d'Italie, et s'opposer au succès de Clairfait et de Wurmser.

Ce plan dicté par la connaissance intime des projets de la République, des ressources du pays et du caractère des habitans, offre à son altesse royale un avantage inappréciable, celui de préserver du sort le plus désastreux une contrée déjà trop épuisée, qui se dévouerait elle-même, en faisant au milieu de l'hiver, une guerre active contre des ennemis qui ne l'attaqueront pas dans son entier, mais par parties et successivement avec toutes leurs forces.

Il est encore essentiel que son altesse sache que le dernier plan envoyé par elle aux chefs des armées catholiques et royales, ne peut être exécuté ; que les Vendéens ont passé la Loire une fois et ne le feront pas une seconde ; et que quand bien même ils le voudraient, la saison, la rapidité du fleuve grossi par les pluies, et les forces qu'ils ont sur les bras, ne le leur permettraient pas.

Nous ne pouvons encore dissimuler à son altesse, que le parti d'Orléans s'agite plus que jamais et s'applique à gagner dans l'intérieur, des prosélites et des agens.

 

Tillières 27

INTERROGATOIRE SUBI A PARIS, LE 3 NIVÔSE DE L'AN 4, PAR L'EX-COMTE DE GESLIN

L'an quatrième de la République française, une et indivisible, le trois nivôse, huit heures et demie du soir ; en conséquence des ordres à nous adressés par le citoyen ministre de la justice, par sa lettre en date de cejourd'hui, nous, Jean-Baptiste-Gaston-Thomas Duperron, juge de paix de la section de l'Ouest, nous sommes transportés dans une maison rue de Seine, section de l'Unité, dite maison de Seine : étant monté au premier étage, y avons trouvé le citoyen Petit, commissaire provisoire du pouvoir exécutif près l'administration municipale du canton de Tillières, département de l'Eure, avec un particulier gardé par deux gendarmes, à l'interrogatoire duquel nous avons procédé, d'après les ordres à nous donnés par le citoyen ministre de la justice, et les instructions particulières contenues en sa deuxième lettre à nous remise par le citoyen Petit.

Interrogé sur ses nom, surnoms, âge, qualité et demeure : a répondu qu'il s'appelait René-Guillaume-Paul-Gabriel-Étienne Geslin de la Villeneuve, dit Lesage, âgé de 41 ans, ci-devant colonel à la suite de la cavalerie, et actuellement marchand, suivant les patentes qu'il a obtenues, domicilié à Paris, rue de la Loi.

Interrogé depuis quel temps il a quitté le service :
A répondu ne l'avoir point quitté.

Interrogé s'il était au régiment lorsqu'il a quitté le service, et dans quelle ville et département ce régiment était :
A répondu qu'il n'était point à son corps, ne se rappelle point où était son régiment, qu'il était éparpillé par escadrons en différents endroits.

Interrogé où il a habité depuis mil sept cent quatre-vingt-douze, qu'il dit avoir quitté le service :
A répondu qu'au mois de mai mil sept cent quatre-vingt-douze, il demeurait à Saint-Germain depuis au moins quatre ans.

Interrogé s'il y a constamment demeuré depuis cette époque :
A répondu que non.

Interrogé quelle ville il a habitée, ou campagne, depuis qu'il a quitté Saint-Germain :
A répondu que, comme il a été incommodé, il a été pour rétablir sa santé, aux eaux d'Aix-la-Chapelle ; qu'il est à la connaissance de nombre de personnes de Saint-Germain, qu'il était perclus de ses membres lorsqu'il est parti pour aller prendre les eaux d'Aix-la-Chapelle.

A lui demandé en quel mois il est parti de Saint-Germain pour aller aux eaux :
A répondu que c'est en mai mil sept cent quatre-vingt-douze.

Lui avons demandé de nous représenter les passe-ports qu'il a dû obtenir à cette époque pour faire ce voyage :
A répondu ne pouvoir en représenter, parce que la loi sur les passe-ports était rapportée à cette époque : qu'il est en état d'en justifier par un certificat du procureur de la commune de Saint-Germain, qui atteste qu'il s'est présenter pour en obtenir.

A lui demandé s'il était au service à l'époque de la révolution, et s'il y est resté jusqu'au mois de mai mil sept cent quatre-vingt-douze :
A répondu qu'il n'a point rejoint son régiment depuis mil sept cent quatre-vingt-neuf ou quatre-vingt-dix ; que comme il était colonel à la suite, il n'y a point été mandé, qu'il n'a point donné sa démission.

Interrogé à quelle époque, il a quitté Aix-la-Chapelle :
A répondu qu'il l'a quitté lorsque les Français s'en sont emparés, et qu'il s'est retiré à la Haye, attendu qu'il était encore attaqué de la goutte ; ce qu'il peut justifier par les pièces qu'il produira.

A lui représenté qu'il ne pouvait ignorer la loi qui ordonnait à tous les Français de rentrer dans leur patrie, sous peine d'être réputés émigrés ; que son devoir était de satisfaire à cette loi ;
A répondu qu'il était dans son lit, que son domestique était obligé de le porter dans un drap pour le changer de lit ; qu'il lui eût été impossible d'obéir à la loi ; que ceux qui l'ont connu à la Haye sont en état de l'attester ; qu'il en a les certificats du médecin qui l'a traité en Hollande.

Lui avons représenté que la preuve qu'il n'était point réduit à l'impossibilité de se faire transporter en France comme il l'avance, résulte de l'aveu qu'il vient de faire, qu'il s'est fait transporter à la Haye à l'approche des Français à Aix-la-Chapelle :
A répondu qu'étant malade, il n'avait point eu la force de souffrir le transport ; que d'ailleurs, quand il l'aurait pu, il n'avait point voulu s'exposer à être la victime du régime de Robespierre, et se faire égorger comme tant d'autres personnes.

Lui avons représenté que s'il n'eût point été émigré, il n'aurait point fui à l'approche des Français, qui, le trouvant à Aix pour cause de maladie, et muni de certificats de médecins, ne lui auraient fait aucun mauvais traitement :
A répondu que les Français étaient obligés de fuir, parce qu'on les aurait égorgés, ainsi qu'à Liège, où on les fusillait.

Lui avons représenté qu'Aix-la-Chapelle étant sous la domination d'une puissance étrangère, même ennemie, il n'avait pu s'y rendre que furtivement, puisqu'il n'avait point de passe-port ; que tout Français a toujours été obligé d'en prendre lorsqu'il est question de passer chez l'étranger ; que le ministre des affaires étrangères a toujours donné ces passe-ports, et non les municipalités :
A répondu qu'il l'ignorait ; qu'il a passé par-tout sans qu'on lui en demande, notamment à Lille, où il était le jour que M. Dillon a été massacré.

A lui demandé quel genre de commerce il fait, puisqu'il nous a dit qu'il avait des patentes :
A répondu qu'il ne fait point de commerce ; qu'il les a prises par suite de sa rentrée en France.

Interrogé à quelle époque il est rentré en France :
A répondu qu'il y est rentré lorsqu'il a cru pouvoir le faire avec sûreté, lors de la proclamation pour la pacification des chouans.

A lui demandé dans quelle ville il est débarqué en arrivant en France :
A répondu que c'était dans la ville de Saint-Brieux ; qu'il s'est présenté à la municipalité pour demander à jouir du bénéfice de la proclamation, ce qui lui a été accordé par la municipalité.

A lui demandé quel motif a pu le déterminer à se rendre à Saint-Brieux :
A répondu qu'il est revenu de la Hollande par l'Angleterre, où il s'est embarqué au port de Southampton, il y a environ dix à onze mois, et est venu débarquer à la côte près Saint-Brieux.

Interrogé sur quel vaisseau il s'est embarqué à Southampton :
A répondu qu'il s'est embarqué sur un petit bâtiment sur lequel il y avait très-peu d'hommes, qui allaient quelquefois à la voile, quelquefois à la rame.

Interrogé s'il n'a pas servi dans les troupes anglaises qui y sont débarquées, ou autres troupes étrangères qui se sont réunies aux insurgés et aux Chouans :
A répondu qu'il n'a jamais porté les armes, ni en pays étranger, ni en France, contre sa patrie.

A lui demandé si, étant hors de France, il n'a pas eu des relations intimes avec les plus cruels ennemis de la République française :
A répondu qu'il n'a eu aucune liaison avec les ennemis de sa patrie, qu'il a toujours été occupé du soin de sa santé, et s'est contenté de faire des voeux pour le bien général.

A lui représenté qu'il ne nous dit pas la vérité ; que l'on est instruit qu'il a eu des liaisons et des conférences avec le ci-devant comte d'Artois :
A répondu que cela est extrêmement faux.

Interrogé s'il n'en a pas eu avec des personnes chargées de missions de sa part :
A répondu que non ; qu'il ne connaît personne qui ait eu des rapports avec lui, et que ce qu'il nous dit est dans la plus exacte vérité.

Interrogé s'il est venu à Paris depuis son débarquement en France :
A répondu que oui.

A lui demandé dans quel temps il y est venu :
A répondu que c'est environ trois mois après son débarquement, époque à laquelle les Chouans ont envahi la commune de Quintin et Châteaudin ; qu'il a quitté pour lors son domaine de la Villeneuve où il demeurait, qui en était à peu de distance ; que les motifs qui l'y ont déterminé ont été l'arrestation de Cormatin et autres chefs des Chouans ; qu'il a même cru utile à sa sûreté de prendre le nom de François Lesage, sous lequel il a obtenu des passe-ports pour éviter d'être arrêté, vu qu'il y a un Gelin qui a signé la proclamation.

A lui représenté qu'en quittant son nom pour prendre celui de Lesage, il donne lieu à penser qu'il peut être lui-même le signataire de la proclamation :
A répondu que la preuve que ce n'est point lui qui en a été le signataire, c'est que M. Gelin qui l'a signée a péri depuis.

Interrogé si par sa sortie de France sans passe-port, sa fuite d'Aix-la-Chapelle à l'approche des Français, sa fuite de la Hollande à l'approche des troupes victorieuses de la République, pour se retirer en Angleterre, pays ennemi de la République, il n'est pas lui-même regardé comme émigré ; qu'une telle conduite prouve qu'il en était lui-même convaincu, et qu'aux termes de la loi, il ne pouvait ni ne devait rentrer en France :
A répondu qu'il n'avait pu se déterminer à rentrer en France pour se mettre sous le couteau ; qu'il n'avait point hésité de s'y rendre avec empressement lorsqu'il a vu que les lois y étaient respectées ; qu'il a fui la persécution ; qu'il ne croit point avoir mal fait, et que depuis sa rentrée en France il n'a porté les armes contre sa patrie, non plus que dans les autres pays étrangers.

L'avons de nouveau interpellé de nous déclarer s'il n'a pas eu des conférences avec le ci-devant comte d'Artois, et dans quel endroit il l'a vu :
A répondu qu'il ne l'a vu qu'en France avant sa sortie en août 1789 ; que depuis cette époque il ne l'a point vu ni en pays étranger ni en France, ni personne chargé d'aucune mission de sa part ; qu'il ne sait pas même où il est, ne connaissant les affaires politiques que par la voix publique.

Interrogé depuis quel temps, il est sorti de Paris depuis son retour de Bretagne :
A répondu qu'il y a environ quinze jours.

A lui demandé dans quel endroit il a été depuis sa sortie de Paris :
A répondu que son but était de retourner pour ses affaires et celles de son neveu, dont il est tuteur, en sa terre de Villeneuve ; mais que, comme les nouvelles étaient très-alarmantes, que la route n'était point sûre, puisqu'une diligence avait été arrêtée et pillée, il avait pris le parti de revenir à Paris, et s'y rendait lorsqu'il a été arrêté à Tillières, département de l'Eure.

Lecture à lui faite de son interrogatoire, a dit que les réponses qu'il nous a faites sont dans la plus exacte vérité ; a déclaré qu'étant éloigné de tout conseil, il ne signerait point notre procès-verbal, faute par lui de connaître les usages usités en pareil cas ; qu'il demande qu'il lui soit permis d'en appeler un, ainsi que de se faire apporter les pièces nécessaires à sa justification. Ajoute que lorsqu'il a été arrêté à Tillières, on lui a ôté tous ses effets, même son porte-feuille et son argent, dont il demande la remise pour se procurer ses besoins et sa subsistance, et qu'il désirerait pouvoir conférer avec sa famille.

Interpellé une seconde fois par nous de signer notre procès-verbal, a déclaré qu'il ne le signerait point pour les motifs qu'il nous a déjà déclarés. Le procès-verbal en conséquence a été signé du citoyen Petit que nous en avons requis, et de nous juge de paix susdit. Quarante mots rayés comme nuls, approuvés, signé PETIT et DUPERRON.

Sur quoi nous juge de paix susdit, attendu que René-Guillaume-Paul-Gabriel-Étienne Geslin de Villeneuve, dit Lesage, est prévenu d'émigration, que son interrogatoire nous paraît en administrer la preuve, nous avons ordonné qu'en vertu de l'article LXXI du code des délits et des peines, et de l'article Ier de la loi du 12 floréal, il sera conduit en la maison d'arrêt du Plessis pour y être détenu jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, à l'effet de quoi nous avons délivré mandat d'amener aux citoyens Étienne-Pierre Hédouys et Jacques Morin, tous deux gendarmes à la résidence de Nonancourt, qui s'en sont chargés pour l'y conduire et nous en apporter l'écrou et leur décharge. Fait et jugé lesdits jour et ans.
Signé HÉDOUYS, MORIN et DUPERRON.

Et, à l'instant le citoyen Petit nous ayant requis de procéder au récolement des papiers et assignats trouvés lors de l'arrestation du prévenu Geslin, et mentionnés au procès-verbal qui en a été dressé à Tillières, par lui commissaire du pouvoir exécutif, et à la cote et paraphe desdites pièces, y avons procédé ainsi qu'il suit :
Deux assignats de quatre cents livres chacun, série 52, n° 144 ; l'autre, série 442, n° 168 ;
Un passe-port daté de Cholet, le 21 frimaire, quatrième année républicaine, signé le général en chef, L. Hoche ;
Un autre passe-port délivré en la maison commune de Rennes, le 19 brumaire, an quatrième, signé TENSÉ, officier municipal, et SOSÉ, secrétaire-greffier ;
Une patente délivrée à Paris, le 1er vendémiaire, au bureau d'enregistrement de la section Lepelletier, à François Lesage, demeurant à Paris, rue de la Loi, maison de Lebois, signée par Lecomte ;
Deux pièces trouvées dans la coiffe du chapeau, cotées 5 ;
6° Cinq pièces désignées au procès-verbal, liées avec de la faveur bleue ;
7° Sous la cote 7, cent soixante-dix-neuf assignats faux de quatre cents livres chacun, enveloppés d'un papier gris. Dans un porte-manteau, se sont trouvés redingotes, souliers et mémoire de Cormatin, des rasoirs et autres objets ne méritant description.
8° Dans un porte-feuille, un assignat de 1.000 liv., de la création du 18 nivôse an 3, signé Noël, n° 460, série 1463, et plusieurs billets de 5 liv., de 10 et 15 s, lesquels n'ont été cotés ni paraphés ; savoir : dix-sept assignats de 5 liv., montant à 85 liv. ; un assignat de 25 liv., deux de 15, un de 50 et deux de 10, montant le tout ensemble à la somme de mille quatre-vingt-onze livres cinq sous ;
Un coeur enflammé surmonté d'une croix, au-dessous duquel est écrit : Coeur sacré de Jésus, ayez pitié de nous ;
10° Une empreinte de cire d'Espagne rouge, représentant un écusson qui paraît être d'argent, sur un morceau de papier blanc, ledit écusson et chevron brisé, accompagné de trois croissans, surmonté d'une couronne de marquis ;
11° Un emblême en crayon à mine de plomb, représentant une croix portée sur un coeur appuyé sur deux épées en sautoir, au-dessus une couronne royale surmonté du cri de vive le roi ;
12° Un morceau de carte coupé par ondulation ;
13° Une reconnaissance signée Hervé, daté de Paris, le 4 frimaire, d'un duplicata remis par M. Geslin, pour faire un emprunt de 20.000 liv. en numéraire, en date du 1er novembre 1795, passé à son ordre le 3 du même mois par M. Leveneur.

Après le récolement fait, lesdites pièces ont été cotées et paraphées par le citoyen Petit, et par nous juge de paix, le citoyen Geslin ayant refusé de la faire, de ce interpellé : quant à un paquet contenant une bonbonnière et autres effets contenus dans un paquet qui nous a été représenté, scellé de deux cachets de l'administration municipales de Tillières, n'a été fait récolement des effets qu'il renfermait, les cachets n'ayant été par nous rompus, et étant ledit paquet cacheté resté entre les mains du citoyen Petit. Ce fait, avons clos notre procès-verbal qui a été signé du citoyen Petit et de nous juge de paix, à trois heures et demie du matin. Approuvent mots rayés comme nuls.
Signé PETIT - DUPERRON

 

JUGEMENT rendu par la Commission militaire, séant au Palais de Justice, à Paris, qui condamne René-Guillaume-Paul-Gabriel-Étienne GESLIN DE LA VILLENEUVE, dit LESAGE, ci-devant comte DE GESLIN, à la peine de mort.

Du 6 nivôse, an 4e de la République, une et indivisible.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS : Vu par la Commission militaire, établie sur l'arrêté du Directoire exécutif, en date du 4 de ce mois, par délibération de l'état-major général, convoqué et assemblé par ordre du général en chef, en vertu de l'article VII de la loi du 25 brumaire an 3, séant au palais de justice, à Paris ;

Le procès-verbal dressé le 2 nivôse présent mois à l'administration municipale du canton de Tillières, département de l'Eure, qui constate que le 2 nivôse, un particulier passant avec le courrier de la malle, présenta en paiement d'un objet qu'il avait acheté, deux assignats de quatre cents livres faux ; que ces assignats reconnus faux, le citoyen commissaire provisoire du Pouvoir exécutif auprès de ladite administration, donna l'ordre d'arrêter la voiture, et de conduire devant lui le courrier et les voyageurs ; ce qui a été exécuté par Étienne-Pierre Hédouys, gendarme à la même résidence ; qu'un individu, lequel a dit se nommer François Lesage, âgé de quarante-un ans, natif de Port-Malo, département des Côtes-du-Nord, taille de cinq pieds quatre pouces, visage ovale, cheveux blonds, front large, les sourcils blonds, les yeux bleus, le nez moyen, les lèvres vermeilles, menton fourchu, ainsi qu'il résulte d'un passe-port militaire par lui représenté, fait au quartier général de Chollet, le vingt-un frimaire, quatrième année républicaine, est celui qui a présenté lesdits deux assignats ; et que le gendarme Hédouys, ci-dessus nommé, l'a vu retirer de sa poche un paquet enveloppé dans une feuille de papier gris, et le jeter parmi les paquets de la malle, lorsque lui et son camarade furent pour se saisir du courrier et des voyageurs ; que c'est ce même paquet que lui Hédouys a saisi sur-le-champ en s'élançant dans la voiture, ainsi que d'autres petits papîers attachés avec de la faveur bleuf, épars dans ladite voiture, en demandant à qui ils appartenaient ; qu'alors ledit Lesage a pris lesdits papiers, qui par suite ont été retrouvés par le citoyen Morin, gendarme susnommé, sur le bord de la croisée de la cuisine du citoyen Glaçon, où avait été ledit Lesage ; qu'à l'égard d'un chapeau représenté et reconnu par ledit Lesage pour lui appartenir et être le sien, ouverture faite de la coiffe dudit chapeau, il s'y est trouvé plusieurs papiers dont description n'a pas été faite (y est-il dit) par prudence ; que le paquet de papier gris dont est parlé ci-dessus, également représenté, mais que ledit Lesage a dit ne pas reconnaître, s'est trouvé, ouverture faite d'icelui, contenir cent soixante-dix-neuf assignats de quatre cents livres faux ; que sur la présentation à lui faite d'un passe-port conçu en ces termes : "Au nom du roi, il est ordonné à tous officiers et soldats des armées catholiques et royales de Bretagne, de laisser librement voyager de Brest à Paris, et de Paris à Brest, M. le comte de Geslin, ainsi que par-tout ailleurs où ses affaires l'appelleront. Prions tous officiers et soldats des autres armées catholiques et royales du royaume, de lui prêter secours en cas de besoin. Donné au conseil général, le 2 novembre 1795, premier du règne de Louis XVIII. Signé le comte Joseph de Puysaye, général en chef, chevalier de la Crochaye, Lemercier de la Couterie, Guyon, Herondele, lieutenant ; de Boutreys, le général comte Vauban, maréchal général des logis. En marge est un cachet portant trois fleurs-de-lis surmontées d'une couronne royale soutenue par deux aigles ;" ledit Lesage a répondu n'avoir aucune connaissance de cette pièce ; que dans les poches dudit Lesage, il s'est trouvé une bonbonnière renfermant une croix de saint Louis et une de saint Lazare, que ledit Lesage a dit avoir achetées d'un marchand aux environs de Laval, dont il ignore le nom ;

Le mandat d'arrêt décerné par le juge de paix dudit canton de Tillières, ledit jour 2 nivôse présent mois, portant que ledit François Lesage, prévenu de projets contre-révolutionnaires et attentatoires à l'unité de la République, sera conduit devant le Directoire exécutif ;

Le procès-verbal dressé par le juge de paix de la section de l'Ouest, en date des 3 et 4 de ce mois, en vertu des ordres à lui adressés par le ministre de la justice, qui constate que ledit juge de paix s'est transporté rue de Seine, maison dite de Seine, où il trouva le citoyen commissaire provisoire du Pouvoir exécutif près l'administration municipale du canton de Tillières, département de l'Eure, avec un particulier gardé par deux gendarmes ; à l'interrogatoire duquel particulier, ledit juge de paix a procédé, d'après les ordres et les instructions à lui donnés par le ministre de la justice. Vu ledit interrogatoire, d'où il résulte que ce particulier qui avait dit s'appeler François Lesage, a déclaré que son nom était René-Guillaume-Paul-Gabriel-Étienne Geslin de la Villeneuve, dit Lesage, âgé de quarante-un ans, ci-devant colonel à la suite de la cavalerie, et actuellement marchand, suivant les patentes qu'il a obtenues, domicilié à Paris, rue de la Loi ; et que, de son propre aveu consigné dans ses réponses, il a émigré.

Vu lesdites pièces déposées pour conviction, entr'autres un bon ainsi conçu : "De par le roi, j'autorise M. de Geslin à prélever, chez les personnes qui sont restées fidèles à leur Dieu et à leur Roi, la somme de huit cent mille livres en assignats ; laquelle somme sera de suite employée pour la délivrance de huit officiers de Chouans de note, qui sont dans les fers à Paris, et qui vont être sous peu livrés au couteau de la République. Donné au quartier-général de Belleville, le 9 octobre 1795. Signé le chevalier CHARETTE, lieutenant-général en chef." Ladite pièce cotée 5, et paraphée.

Tout vu et considéré,


LA COMMISSION MILITAIRE, établie et séant au palais de justice, en exécution de l'article VII, titre V de la loi du 25 brumaire, an troisième, duquel article a été fait lecture ... a fait comparaître devant elle le nommé René-Guillaume-Paul-Gabriel-Étienne Geslin de la Villeneuve, ci-devant comte de Geslin, ayant pris le nom de Lesage, âgé de 41 ans, ci-devant comte et colonel à la suite de la cavalerie, et actuellement marchand, suivant les patentes qu'il a dit avoir obtenues, domicilié à Paris, rue de la Loi, convaincu d'émigration ; d'avoir été arrêté muni de passe-port à lui délivré par les chefs français émigrés, et commandans militaires des armées ennemies, et muni de commission qui le constitue agent et complice des rebelles armés contre la République. En conséquence et conformément aux articles 8 de la loi du 25 brumaire, an 3, sur les émigrés, et 598 de la loi du 3 brumaire dernier, code des délits et des peines, dont a été fait lecture...

CONDAMNE ledit Geslin, dit Lesage, à la peine de mort ; ordonne que le présent jugement sera exécuté dans les vingt-quatre heures, imprimé, et affiché par-tout où besoin sera.

FAIT et prononcé à Paris, le 6 nivôse, an 4 de la République française, une et indivisible, en la séance publique de la Commission militaire séant au palais de justice, où étaient présens les citoyens PEYRE, général de brigade ; DAURIÈRE, chef de la vingt-neuvième demi-brigade ; LANGLOIS, chef d'escadron du troisième régiment de dragons ; LIENARD, chef de bataillon de la cent-vingt-huitième demi-brigade ; et CHERY, capitaine des grenadiers de la Représentations nationale, à une heure du matin, qui ont signé la minute du présent jugement.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, il est ordonné à tous huissiers, sur ce requis, de faire mettre le présent jugement à exécution ; aux commandans et officiers de la force publique, de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis ; et au commissaire du pouvoir exécutif, d'y tenir la main : En foi de quoi le présent jugement a été signé par le président du tribunal et par le secrétaire.
Par la Commission militaire, le Général de brigade, PEYRE, président.
Collationné, SAUSSAY, secrétaire.

Lettre au Ministre de la Justice
Paris, le 6 Nivôse, an IV.
PETIT, commissaire provisoire du Directoire exécutif près l'administration municipale du canton de Tillières, département de l'Eure,
Au citoyen MERLIN, Ministre de la Justice.
CITOYEN MINISTRE,
Après avoir rempli mes devoirs dans l'affaire du ci-devant comte de Geslin, il me reste cependant quelques renseignements à vous donner, qui pourront intéresser le gouvernement.
J'avais gagné la confiance de Geslin par les procédés d'humanité dont je m'étais servi envers lui ; j'en profitai pour lui faire quelques questions.
Je lui demandai comment Puysaye était parvenu au généralat des soi-disant armées royales ; il me répondit : "Nous méprisons ses talens militaires, il n'en a aucun ; mais il est si intrigant, que c'est lui qui est parvenu à faire épouser notre cause par l'Angleterre : sous ce rapport, il nous a servi et nous sert encore ; ce sont de ces têtes exaltées dont on se sert pendant un temps ; car il est bouffi d'orgueil, il est même fort mal vu du parti."
Je lui demandai s'il était à Quiberon lors de la déroute des Royalistes, où Puysaye montra plus de dextérité dans les jambes que de bravoure ; il me répondit : "que beaucoup des leurs pensaient que Puysaye était plutôt l'agent de l'Angleterre que celui du prétendu Roi ; que pour lui, Geslin, il n'y était pas, mais qu'il n'y a pas six semaines qu'il avait eu une conversation avec M. le comte d'Artois, à bord de son vaisseau anglais, proche l'Isle-Dieu."
Il m'avoua aussi qu'il avait émigré ; mais ce qui n'est pas indifférent, c'est qu'en passant sur les bruyères d'Acon, commune située entre Tillières et Nonancourt, il montra au gendarme qui l'accompagnait dans la voiture, la place où il était lorsque les permanens de Nonancourt et de Dreux marchaient à Verneuil le 4 vendémiaire dernier. Anecdote très-importante, sur laquelle je ne me permettrai aucune réflexion.
Salut et respect.
Signé PETIT

Recueil de pièces relatives à l'émigré Geslin, condamné à mort et exécuté à Paris le 6 Nivôse de l'an IV - Paris - 1796

 

Il subit son jugement avec courage, s'écriant : "Je meurs pour mon Dieu et mon Roi".

Il avait épousé une fille naturelle de Louis XV. (Biographie nouvelle des contemporains ... Volume 8 - par MM. A.V. Arnault ; A. Jay ; E. Jouy ; J. Norvins et autres ... - 1822)

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