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La Maraîchine Normande
21 février 2015

GENÈVE - HENRI-ALBERT GOSSE - LE CORPS DE SAINT BENOÎT SAUVÉ PAR UN PROTESTANT GENEVOIS EN 1793

Henri Albert Gosse

 

Henri-Albert Gosse, de Genève, qui fut plus tard, correspondant de l'Institut de France, se trouvait à Paris, en 1793, étudiant en médecine et en pharmacie. Il demeurait dans la rue du Cloître-Saint-Benoît, vis-à-vis de la petite église de ce nom, qui fut convertie en théâtre vers 1834 et dont les restes viennent de disparaître pour faire place à la rue des Écoles. A cette époque, en France, les autels étaient détruits, les églises pillées, les prêtres dispersés.

 

église Saint-Benoît Paris

 

Le jeune Gosse avait beaucoup d'intelligence et d'autant de curiosité que de savoir. Il aimait un peu l'histoire et l'archéologie. Un jour qu'il était entré, poussé par son désir d'instruction, dans l'église de Saint-Benoît, il s'amusait à regarder l'architecture et les ornements de ses piliers et de ses voûtes, lorsqu'il fut accosté par le gardien, ou soi-disant gardien de l'édifice, qui lui proposa de lui montrer, moyennant quelques centimes, le corps de saint Benoît que l'on avait déjà enlevé de dessous le maître autel, où il reposait naguère dans une grande châsse.

 

st Benoît

 

 

On sait que saint Benoît, chef de l'ordre célèbre qui a porté son nom pendant plus de douze cents ans, naquit l'an 480, au territoire de Norcia, dans le duché de Spolète. Il mourut le 21 mars 543, âgé par conséquent de soixante-trois ans. Son corps fut déposé au mont Cassiu, jusqu'au temps où les Lombards, ayant fait irruption dans ce pays, pillèrent et détruisirent ce monastère.

Quelques auteurs affirmèrent que les restes du saint fondateur périrent dans l'incendie. D'autres soutinrent qu'ils furent respectés par les flammes. Ce qu'il y a de certain, c'est que, plus tard, Aigulfe, moine de Fleury-sur-Loire, prétendit avoir découvert ce précieux corps, dans les débris du couvent. Dieu nous préserve de suspecter la bonne foi de ce récit ! Mais nous devons dire cependant, pour être parfaitement d'accord avec l'histoire, que les reliques de saint Benoît devinrent un sujet de contestation et de controverse entre les bénédictins d'Italie et ceux de France.

On assure que ces restes furent donnés au roi de France et transportés dans notre pays, vers 60. Les bénédictins de France ont célébré cette translation pendant longtemps et avec solennité. Mais ceux d'Italie ne voulaient reconnaître ni la fête, ni la cause qui l'avait fait instituer. Ils assuraient toujours que le corps du saint avait été retrouvé, il est vrai, dans son propre tombeau, et parfaitement intact ; mais qu'il n'en était jamais sorti.
Nous nous garderons bien de voir, dans cette récrimination des moines d'Italie, autre chose qu'un dépit jaloux et par conséquent une opinion suspecte !

L'Église de Saint-Benoît de Paris possédait donc le véritable corps de saint Benoît. C'est ce corps qui fut montré au jeune Gosse, et l'étudiant fut émerveillé de sa conversation. Ce que voyant, le gardien moins amateur et moins enthousiaste lui proposa de le lui vendre. Le marché fut bientôt conclu, et le soir, à la dérobée, le jeune Gosse emportait dans sa chambrette, le corps du saint, après l'avoir bien et dûment empaqueté.

Vers 1800, ses études terminées, H.-A. Gosse revint à Genève accompagné de saint Benoît. Il l'avait enfermé dans une longue caisse sur laquelle il avait eu la précaution d'écrire : Objet d'histoire naturelle. Momie d'Égypte.

Gosse s'était beaucoup occupé d'anatomie et de zoologie. Aussi, ne fut-on pas surpris, dans sa ville natale, de le voir arriver avec un corps humain momifié. Il plaça ce corps dans son cabinet d'histoire naturelle où il est resté près de vingt ans dans une boîte semblable à une caisse de pendule vitrée par-devant. Toutefois, pendant les dernières années, à cause des domestiques auxquels ce cadavre faisait peur, on remplaça le vitrage par une porte en bois. Un grand nombre de personnes, encore vivantes (1er juin 1856), entre autres l'auteur de cette note, se souviennent d'avoir vu chez M. Gosse le corps dont il s'agit. Personne n'ignorait, dans la ville de Genève, que ce corps n'était pas une momie d'Égypte ; on savait d'où il venait, qui il était, voire même combien il avait coûté. Plusieurs bons curés des environs sont venus, à diverses époques, dire des prières devant le fondateur des Bénédictins.

Ce corps était de grande taille, il paraissait appartenir à un homme d'une soixantaine d'année, bien constitué ; il avait toutes ses dents et une grande partie de ses cheveux. Il était sec, dur comme du bois, d'un brun roux, et tout à fait momifié. Il paraissait avoir été embaumé avec des substances tannantes. L'extrémité de chaque pied avait été sciée, en travers, et fort adroitement. Probablement les deux morceaux avaient été donnés comme reliques.

Peu de temps après la mort de H.-A. Gosse, arrivée le 3 janvier 1816, son cabinet d'histoire naturelle fut vendu et dispersé ; mais le corps de saint Benoît ne suivit pas les collections, il resta chez le docteur André Gosse, fils unique du propriétaire, médecin distingué de Genève.

Enfermé dans une caisse, il fut déposé au galetas, et il est demeuré ainsi oublié dans un coin pendant dix-neuf ans.

 

Saint Benoît

 

Vers 1846, le docteur Gosse, appelé à Turin pour une affaire importante, eut occasion de parler du corps de saint Benoît au ministre des affaires étrangères. Il lui raconta comment ce corps se trouvait entre ses mains. Cette histoire intéressa vivement Son Excellence, laquelle laissa entrevoir au docteur, que si la relique en question était offerte à S. M. Piémontaise, le roi Charles-Albert, l'accepterait à coup sûr avec empressement et reconnaissance. Le docteur Gosse ne se fit pas prier.

S. M. Piémontaise chargea M. le chanoine Rendu (mort évêque d'Annecy) de se rendre à Genève, de faire une enquête minutieuse, de vérifier les faits allégués et de prendre possession de la précieuse relique.

Il fallait agir avec prudence et discrétion, parce que, dans l'Église romaine, un corps saint, une relique quelconque, ne peut pas sortir d'un diocèse sans l'autorisation de l'évêque gouvernant. Et il était à craindre que le prélat de Fribourg, dans le diocèse duquel Genève est située, ne voulût pas consentir au départ de saint Benoît, à moins que ce départ ne s'effectuât sans tambour ni trompette.

On nomma une commission composée de prêtres et de médecins pour examiner le corps. Parmi ces médecins se trouvait le docteur Major père. Cette commission rédigea une petite notice dont une copie se trouve encore entre les mains du docteur André Gosse.

Parmi les papiers présentés on trouva une lettre très curieuse, écrite par H.-A. Gosse à son fils, à l'époque où ce dernier étudiait en médecine à Paris. Le jeune homme avait prié son père de lui donner quelques détails sur l'église Saint-Benoît et sur l'endroit où l'on avait retiré le corps du saint. H.-Albert répondit par une notice fort détaillée de tout ce qu'il avait vu et de tout ce qui s'était passé en 1793.

Convaincu que le corps dont il s'agit bien celui de saint Benoît, ou du moins le corps resté pendant plus de trois cents ans sous le maître autel de l'église de Paris, l'abbé Rendu en prit possession secrètement, aida à l'emballer et à le ficeler de ses propres mains, puis emporta à Turin la sainte momie.

Madame Gosse, qui avait voulu bien faire les choses, avait ordonné de retirer le saint de la boîte à pendule et de le placer dans une caisse de noyer, confortablement préparée et doublée à l'intérieur de satin violet.

Le corps de saint Benoît fut mis dans un caveau de la cathédrale de Turin. Quelque temps après Charles-Albert fit présent au docteur André Gosse d'une fort belle tabatière enrichie de diamants avec son chiffre.

Et voilà comment le corps de saint Benoît est sorti de son église de Paris, pour aller dans la cathédrale de Turin, et comment il est resté quarante-deux ans, à Genève, dans le cabinet d'histoire naturelle ou dans le galetas d'une famille protestante.

M.-T.
Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français - Année 12 - 1863

 

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