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La Maraîchine Normande
25 décembre 2014

L'ÉGLISE ET LE CULTE DE SAINT-URBAIN (85)

L'ÉGLISE ET LE CULTE DE SAINT-URBAIN

 

Urbain Ier

 

 

En France, trois communes portent le nom du pape Saint Urbain Ier :
1° Saint-Urbain-sur-Marne, dans la Haute-Marne,
2° Saint-Urbain, dans le Finistère,
3° Saint-Urbain, en Vendée.

Plusieurs paroisses françaises qui n'en portent pas le nom, l'ont comme patron. Par exemple : La Garenne-Colombes, dans le département de la Seine.

 

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Il est possible de retrouver les origines de la paroisse vendéenne de Saint-Urbain, canton de Beauvoir-sur-Mer, arrondissement des Sables-d'Olonne.


Saint Filbert, abbé de Jumièges s'étant réfugié près d'Ansoald, évêque de Poitiers, en reçut la mission d'évangéliser l'île de Noirmoutier, à l'extrémité Nord-Ouest de son vaste diocèse qui comprenait tout le Poitou et le Sud de la Loire-Atlantique. De Noirmoutier, l'action du moine s'étendit jusqu'au Nord-Ouest du Poitou, jusqu'au territoire actuel de Saint-Urbain. Une chrétienté y fut-elle fondée dès ces temps lointains ? Peut-être, car sur ce territoire, il y eut un lieu dit Saint-Michel. Or, on sait que Saint Filbert avait une dévotion à cet archange. A Noirmoutier même, il avait fondé une église sous le vocable de l'archange et on lui attribue au Sud de la Vendée, la fondation de l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm.


Mais où l'hypothèse cède le pas à la réalité, c'est au temps des invasions normandes.


Devant l'envahisseur, doublé d'un destructeur, les moines de Noirmoutier quittent leur île et d'étape en étape, arrivent à se fixer à Tournus (Saône-et-Loire). C'est pendant leur séjour à Tournus qu'arrivent en France les reliques d'un Saint Urbain. Comme elles arrivent de Rome, le peuple a vite fait de les identifier avec les restes du pape Saint Urbain Ier qui régna de 222 à 230. Ces reliques déposées sur les bords de la Marne, au diocèse de Langres, furent l'origine de la commune actuelle de Saint-Urbain-sur-Marne, dans l'arrondissement de Saint-Dizier, département de la Haute-Marne. De là, se répandit le culte de ce pape.


Lorsque les moines noirmoutrins revinrent de Tournus à Noirmoutier, ils pensèrent dédier à Saint Urbain Ier la paroisse qu'ils allaient fonder (ou rétablir) dans un domaine qu'ils possédaient sur les rives du Marais de Monts. Si il y avait eu une église Saint Michel, elle avait été certainement détruite par les Normands. Les moines ne la relèvent pas. Ils s'établissent tout près de la rive et utilisent un petit édifice qui était certainement un oratoire funéraire païen dont les matériaux énormes leur servirent à bâtir un petit sanctuaire chrétien qu'ils dédièrent à Dieu sous le vocable du pape Saint Urbain Ier, dont ils avaient apporté le culte qu'ils avaient connu nous avons vu comment.

 

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Cette église évidemment petite, modeste, avait des fenêtres en plein cintre. On en trouve trace dans les murs du choeur. Au XIVe siècle on en refit totalement le chevet qui fut percé d'une fenêtre d'un excellent dessin. On la voit très bien du cimetière, derrière l'église.

 

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En 1783, l'accroissement de la population obligea à allonger l'église vers l'Ouest. Cette église n'avait pas de transept. En 1861, on lui en ajouta un qui agrandit bien le petit édifice.

 

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Trois fois pendant la révolution les soldats des colonnes infernales dévastèrent et brûlèrent l'église. Lorsqu'en 1797, le curé François Mazerolles revint d'exil il trouva son église réduite à quatre murs calcinés. Les paroissiens, pourtant peu fortunés, avaient tout perdu. Cependant, ils se décidèrent à recouvrir leur chère église d'un toit de chaume comme leurs bourrines. Et le culte reprit publiquement. On venait même de loin faire baptiser les enfants et contracter mariage. Les registres en témoignent. C'est l'une des plus belles pages de l'histoire du rétablissement de la religion dès la fin de la révolution.


Après la mort du curé Mazerolles était venu un Breton, l'abbé Terrien. Mais Napoléon supprimait la paroisse en 1807 et l'abbé Terrien était nommé curé d'Avrillé, aux environs de Talmont.

 

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A la suite de démarches qui durèrent de nombreuses années et de nombreux rapports, la paroisse fut rétablie mais le nouveau curé, jouant à l'aventurier, l'abbé Poiron se compromit dans le soulèvement de la Duchesse de Berry et ne put retourner à Saint-Urbain. Une paroissienne avisée n'hésita pas à faire le voyage, alors pénible, lointain, de Luçon, pour parler clairement, franchement, à l'évêque, Mgr Soyer, fort ennuyé et qu'un curé peu judicieux achevait de diviser. Elle désigna un prêtre "très maraîchin", originaire de Challans. L'évêque ne se le fit pas dire deux fois. L'abbé Charles Moreau fut nommé curé de Saint-Urbain. Il devait en être le pasteur, le restaurateur, durant les 40 ans de son pastorat.


Au début du règne de Louis-Philippe, l'abbé Moreau fit faire à Nantes le beau rétable corinthien qui orne encore tout le fond du choeur.

 

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A l'extérieur de l'église, le mur méridional est comme soutenu par deux énormes contreforts encadrant une porte basse en plein cintre. Ces deux contreforts ont été bâtis avec de très gros matériaux bien taillés provenant d'un édifice (petit ou grand) bien antérieur. Matériaux bien intéressants. Hélas, en 1939, M. le Curé a demandé à la municipalité qu'on revêtit les murs d'un crépi pour éviter l'humidité depuis longtemps combattue et toujours persistante. Ce qui est le cas dans tout le pays pour les maisons anciennes et même modernes. La municipalité chargea les Ponts et Chaussées, de Beauvoir-sur-Mer, de porter un remède qui serait pire que le mal. D'abord il "enfermerait le loup dans le bois", le salpêtre étant tout à l'intérieur. Puis il ferait disparaître les vestiges du passé. Murs et contreforts ont été couverts, barbouillés entièrement au ciment. Sous la modeste corniche subsistait un modillon, une tête humaine qui marquait à partir de quel endroit l'église avait été allongée. Elle ne trouva pas grâce devant le zèle des Ponts-et-Chaussées. C'était sans doute le seul modillon conservé de ceux qui soutenaient la corniche selon l'usage. Tout ce qu'il y avait d'intéressant en ce mur sud disparut sous le crépi, y compris évidemment la porte entre les deux gros contreforts. (Aujourd'hui, 24 décembre 2014, la porte entre les deux contreforts est devenue une fenêtre, voir photo ci-dessous ; je n'ai pu faire le tour complet de l'église, le cimetière étant, hélas, fermé à clé, j'aurais aimé vérifier si ce modillon était toujours là ...)

 

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Restait à barbouiller le beau mur de l'Est, orné d'une si belle fenêtre de style gothique rayonnant. Les Ponts-et-Chaussées décidèrent de boucher complètement la fenêtre avec des briques et des parpaings. Cette fois M. le curé refusa. Les Ponts-et-Chaussées se contentèrent de combler au ciment un vide au centre, entre les meneaux, vide rempli par un morceau de fer blanc et, après un si grossier vandalisme, fut sauvée au moins pour une fois la belle fenêtre, oeuvre d'art, témoins depuis six siècles des larmes des paroissiens de Saint-Urbain qui viennent enterrer leurs morts devant le chevet de leur église.


Souhaitons que tout ce mur encadré de beaux contreforts soit classé. Pour l'écoulement des eaux on a eu l'étrange idée de placer le tuyau exactement au milieu du contrefort : ce qui fait une ligne verticale de fer blanc, plutôt laide.


Le mur Nord a des contreforts ordinaires.


Primitivement, les cloches devaient être suspendues dans un clocher-arcade, si j'en crois les explications - pas assez précises - d'un sacristain célèbre : Elie Sochard qui exerça cette fonction 70 ans et 7 mois et que j'ai enterré le 21 mars 1918. Il se souvenait de beaucoup de choses, rendait grand service aux historiens locaux.
A la Révolution, il y avait deux cloches : Marie et Urbain, baptisées en 1777 par le curé Mazerolles. Elles furent descendues et cachées, pas loin, dans le pré dit des Belles Bosses. Après la Révolution la cloche Marie disparut peut-être volée par des habitants de Beauvoir-sur-Mer. Seule la cloche Urbain revint à l'église où elle sonne encore les offices et les évènements paroissiaux.


En 1876, à la cloche de 1777 fut ajoutée une nouvelle cloche par le curé Augustin Simoneau, un savant, correspondant de Quicherat ; ce qui obligea à édifier un clocher ; ce fut un beffroi carré, surmonté d'une flèche, le tout en bois, couvert d'ardoises. Ce clocher qui sert encore est l'oeuvre d'un charpentier de village : Jean Vincendeau (1814-1894) qui, avec juste raison, passait pour le plus habile ouvrier de la région.

acte de décès Jean Vincendeau


A l'embellissement de cette église, au cours du XIXe siècle, s'intéressa la famille de La Tour-du-Pin Chambly qui possédait en la commune de Saint-Urbain le château de la Bonnetière. Le baron de la Tour-du-Pin fut président du Conseil général de la Vendée. Lui et son gendre : l'Amiral de la Jaille, préfet maritime de Toulon, furent des bienfaiteurs pour l'église et la paroisse.


Il y avait un joli maître-autel en bois sculpté qui fut recueilli au château de la Bonnetière. En 1879, le curé Simoneau, aidé par les bienfaiteurs de la paroisse, le remplaça par un beau maître-autel, tout en pierre, fait à Nantes, qui fut consacré par Mgr Catteau, évêque de Luçon. Plus tard, M. le curé Zénon Grelier l'encadra de deux beaux anges adorateurs, ce qui constitue aujourd'hui un bel ensemble. Entre les colonnes du retable ornant le fond du choeur, il y a trois tableaux : au centre : la descente de Croix ; du côté de l'Evangile : la Sainte Vierge tenant l'Enfant Jésus ; du côté de l'Epître : le pape Saint Urbain Ier. Ce dernier tableau a de la valeur. Il est contemporain du retable. On peut le dater d'environ 1830. Malheureusement pas signé. (Hélas, ces tableaux n'y sont plus aujourd'hui (2014) ; que sont-ils devenus ?)

 

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A l'occident, la façade est percée d'une grande fenêtre où l'on voit un vitrail : Jeanne d'Arc écoutant Saint Michel. Ce vitrail, oeuvre du peintre-verrier de Nantes Meuret, fut placé en 1879, M. l'abbé Simoneau étant curé, M. Daniau, maire. Mais pour une bonne part c'est un don du baron de la Tour-du-Pin.


Mais revenons au maître-autel actuel. Lorsqu'en 1879, il fallut établir de solides fondations à cet autel, très lourd, on dut creuser profondément. Toujours occupé par l'autel majeur, jamais cet endroit n'avait été fouillé au cours des siècles. Quelle ne fut pas la stupéfaction des ouvriers de découvrir une antique sépulture : deux corps à côté l'un de l'autre. Peut-être l'homme et la femme, inhumés du Sud au Nord, donc sépulture païenne. (Les chrétiens étaient enterrés de l'Est à l'Ouest, regardant le soleil levant). A côté des squelettes, divers objets, en particulier une rencontre de cerfs. L'abbé Simoneau a donné de précieux détails sur cette sépulture païenne dans l'Annuaire de la Société d'Emulation de la Vendée, année 1882, pages 24 et 60-61. Tous ces objets, d'un très grand intérêt, furent transportés à Nantes, où bien entendu, on n'en trouve pas trace. Il est fâcheux que le baron de la Tour-du-Pin qui passait à Nantes une partie de l'année n'ait pas surveillé leur conservation.


Le sous-sol de l'église de Saint-Urbain est plein de sépultures. On connaît plusieurs curés qui y reposent avec Luc de Gabory, seigneur de la Bonnetière.


En 1861, on transporta du cimetière de l'église, devant l'autel de la Sainte Vierge, les restes d'une châtelaine de la Bonnetière, née à Tours, décédée à Saint-Urbain en ce château.


La sacristie possède une fort belle croix de procession, toute en argent, faite sous la Restauration, qui mériterait une étude, car il est probable que le Christ soit aussi antérieur à la Croix. Croix fleurdelisée, jadis très remarquée dans les grandes manifestations religieuses du XIXe siècle.


En terminant, souhaitons que les intempéries des saisons fassent tomber cet affreux crépi du mur Sud et que soient ainsi remis à jour tant de vestiges vénérables. Souhaitons aussi que la monographie de Saint-Urbain, publiée en 1882 par le savant abbé Augustin Simoneau soit refaite et complétée. Ce n'est pas en diminuer l'intérêt. Depuis la mort du bon prêtre, qui avait le mérite de travailler avec des moyens inférieurs à ceux dont on dispose aujourd'hui, les recherches des historiens et des archivistes peuvent compléter avantageusement les chroniques de cette petite paroisse vendéenne qui, dévastée et meurtrie par la Révolution, s'obstina ensuite à ne pas mourir pour garder intact le patrimoine de ses aïeux.

 

 

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Challans (Vendée), le 11 mai 1960
Les Sables-d'Olonne,
XVIe Congrès des Sociétés Savantes de l'Ouest
Lundi 16 mai 1960
Abbé Charles GRELIER.

Société d'émulation de la Vendée
1961-1962

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Commentaires
E
On peut rajouter qu'une quinzaine d'apparitions mariales eurent lieu dans cette Eglise vers la fin du XIXème siècle ou début XXème...
Répondre
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
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