ALES (30) - 1831 - CHAPEAUX GRIS ET RUBANS BLANCS

On lit ce qui suit dans la Gazette du Midi, sous la date d'Alais, le 24 avril dernier (1831) :

"Au commencement du printemps, un grand nombre de nos compatriotes ont adopté des chapeaux gris entourés d'un ruban blanc. Nous n'avions rien observé de bien remarquable dans cette coiffure, qu'on portait depuis plusieurs jours sans qu'elle eût été le prétexte des moindres désordres ; mais les yeux de lynx de notre procureur du roi ont pénétré tout le mystère. La couleur et la largeur du ruban, le noeud qui l'attachait surtout, lui ont révélé l'existence d'une vaste conjuration ; il n'y avait pas un instant à perdre, un coup d'état était devenu nécessaire, et M. Andrau-Moral se chargea de l'exécuter.

Un enfant osa se présenter au spectacle paré de la coiffure suspecte ; aussitôt l'intrépide magistrat s'élance, lui arrache le ruban séditieux, et revient étaler à tous les yeux le trophée de sa victoire. Mais les lauriers de Miltiade avaient troublé le sommeil de Thémistocle : M. Gaston Baragnon, substitut, voulut aussi faire de l'héroïsme, et le ruban que portait un malheureux pris de vin devint sa conquête sans égard pour la charte qui a aboli la confiscation.

M. J. Mayer n'avait encore rien fait, il s'était réservé pour frapper les derniers coups ; aussi vient-il de publier un arrêté, contresigné Ch. Ferréol, par lequel les chapeaux gris garnis d'un très-large ruban blanc avec une ganse très-apparente, sont déclarés atteints et convaincus de sédition, et comme tels prohibés."

Revue judiciaire, civile, criminelle, administrative et commerciale.
Journal des audiences ...
N° 15 - Tome III - 1ère année - Jeudi 5 mai 1831