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La Maraîchine Normande
25 novembre 2014

CAMBRAI (59) - 1794 - LES BIENHEUREUSES FILLES DE LA CHARITÉ D'ARRAS, DERNIERES VICTIMES DE JOSEPH LEBON

 

acte naissance Marie-Magdeleine Fontaine

 

MARIE-MADELEINE FONTAINE
Du mariage de Robert Fontaine et de Marie-Catherine Cercelot, naquit à Étrépagny, dans l'Eure, le 22 avril 1723. Elle fut baptisée le jour même de sa naissance, par le vicaire de la paroisse, l'abbé Cara, "assisté de Maître Caux, prêtre". Son parrain se nommait Pierre Dubuisson, sa marraine Anne-Madeleine Cercelot.
Son père, cordonnier de profession, eut quatorze enfants, onze de Marie-Catherine Cercelot, sa première femme, et trois de Marie-Madeleine Canivet qu'il épousa, en secondes noces, le 8 avril 1739.

 

acte naissance Marie-Françoise-Pélagie Lasnel

MARIE-MARGUERITE- FRANCOISE- PÉLAGIE LANEL
Elle naquit dans la petite ville d'Eu sur la paroisse de Notre-Dame, le 24 août 1745, et reçut le lendemain au baptême les noms de Marie-Marguerite-Françoise-Pélagie. Sa mère s'appelait Marie-Marguerite-Jeanne Hédin ; son père, Michel "Lasnel", était "tailleur d'habits" ; tous les deux profondément religieux donnaient à leur famille l'exemple des vertus chrétiennes. Ils eurent cinq enfants dont deux, Nicolas et Marie-Anne-Louise, moururent en bas âge.

 

Acte naissance Thérèse-Magdeleine Fantou

THÉRESE-MADELEINE FANTOU
Thérèse-Madeleine Fantou naquit à Miniac-Morvan le 29 juillet 1747, et reçut le jour même de sa naissance le sacrement du baptême. Louis Fantou et Marie Robidou, père et mère de notre martyre, eurent sept enfants, deux fils et cinq filles.

 

JEANNE GÉRARD
Jeanne naquit le 23 octobre 1752 au village de Cumières (Marne). Son père, Nicolas Gérard, appelé dans les actes "fermier laboureur" ou simplement "laboureur", cultivait en son nom une belle propriété et faisait en outre valoir une importante ferme des Dames de Saint-Maur. Il avait trente-trois ans, et Anne Bréda, son épouse, vingt-six. Leur premier enfant, né en juillet 1748, était mort quelques jours après sa naissance ; le second, Pierre, destiné à devenir de bonne heure le chef de famille, avait deux ans. Après Jeanne, cinq enfants devaient naître encore, deux pour mourir bientôt, les autres autres pour former, avec leurs aînés, la famille unie et chrétienne dont Jeanne fut l'ornement et la joie jusqu'en 1776.

 

bienheureuses d'Arras

 

Mgr de Conzié exilé se plaît à faire ressortir en 1794, "le refus de serment des soeurs malgré les sollicitations et les menaces". Les soeurs fortes du bon témoignage de leur conscience, évitèrent de provoquer les hommes de la Révolution et se résignèrent à modifier pour un temps leur costume religieux ; mises dans l'impossibilité de communiquer avec leurs supérieurs majeurs, elles s'unirent davantage entre elles, pour rester à leur poste et continuer plus longtemps leurs oeuvres de charité ; mais faire le moindre acte contre la Foi ou contre leur Vocation, elles ne purent jamais s'y résoudre, et préférèrent rester privées de pension jusqu'à la fin. Benoît XV a loué en ces termes leur attitude : "Elles refusèrent de prêter un serment pour des lois iniques, parce qu'elles voulurent garder immaculée leur foi, parce qu'elles n'écoutèrent que la voix de la conscience, qui les avertissait de ne pas s'écarter non seulement des commandements, mais des conseils du Chef suprême de l'Eglise."


... Joseph Lebon ordonna le 26 pluviôse an II (14 février 1794) l'arrestation des quatre bienfaitrices des pauvres ... Les soeurs furent conduite à l'Abbatiale de Saint-Vaast dans la rue de l'Arsenal. Dès le 17 octobre 1793, elle reçut des prisonniers de toutes conditions ; elle vit augmenter considérablement leur nombre en janvier 1794, sous l'impulsion vigoureuse de Joseph Lebon, et quand les soeurs y entrèrent le 14 février, elle était déjà presque remplie.

 

ARRAS


Un des premiers jours de mars, vers les deux heures de l'après-midi, une compagnie de chasseurs et de gardes nationaux, précédés de clairons et de tambours, s'arrêta tout à coup devant l'Abbatiale. Sur le commandement des chefs, les soldats chargent leurs armes et envahissent la prison. Ils rassemblent en toute hâte les détenus, font l'appel nominal des hommes, les placent au milieu des baïonnettes et les poussent au club, où sont dirigés en même temps les détenus des autres prisons. Il y avait foule pour jouir du spectacle.


Un siège immense, haut de dix pieds et appelé le "fauteuil redoutable", se dressait au milieu de la salle ; les prisonniers y furent hissés tour à tour. Lebon présidait ; "d'une voix formidable", il demandait le nom, l'âge, la profession, la cause de l'arrestation ; "les insatiables de crimes" répondaient suivant leur fantaisie, et la conclusion ou sentence ne variait guère. Sans laisser au patient le temps de donner la moindre explication, Lebon ajoutait vivement : "A l'Abbatiale" ; il fallait retourner tristement en prison ...
Après les hommes, ce fut le tour des femmes. Elles aussi durent monter sur le redoutable fauteuil, se montrer en spectacle aux membres de la société populaire, essuyer les grossières plaisanteries de Lebon et de ses agents, subit les outrages de la populace. Plusieurs jeunes filles rentrèrent à la prison plus mortes que vives.

 

Joseph Le Bon


Cette humiliante comparution au club fut épargnée, croyons-nous, aux Filles de la Charité. Leur cas était clair, leur refus de serment connu de tous, la sympathie du peuple pour elles toujours grande ; Lebon les laissa à l'Abbatiale où elles attendirent avec anxiété le retour de leurs compagnons d'infortune.


Un "dépouillement" barbare se fit les 8 et 9 mars. Ces deux jours, vers cinq heures du soir, la troupe pénétra dans l'Abbatiale avec ses armes chargées ; hommes et femmes durent, sous la surveillance des soldats, gagner la cour et le jardin ; tous furent rigoureusement fouillés et virent jeter pêle-mêle dans des corbeilles, avec une "mauvaise bande de papier" qui en indiquait les propriétaires, leurs objets les plus précieux : montres, papiers, portefeuilles, numéraire, etc., qu'ils ne devaient plus revoir. Les affidés de Lebon pénétrèrent ensuite dans les chambres, enlevèrent les effets autorisés précédemment, déchirèrent des papiers et des livres, apposèrent les scellés sur tout ce qui fermait à clef et finirent par se jeter sur les provisions et sur le vin des détenus : la première fois ils passèrent la nuit à l'Abbatiale et n'en sortirent qu'à 7 heures du matin.
Le "dépouillement" terminé, les autorités procédèrent sans retard à la distribution des prisonniers dans les différentes maisons de détention ... Les soeurs furent dirigées sur la Providence.

Une pièce, inscrite sur les registres aux dénonciations du Comité de surveillance et révolutionnaire d'Arras, est ainsi formulée :
"L'an deuxième de la République une et indivisible, le quinze germinal, le soussigné directeur de la Maison dite de Charité à Arras, déclare qu'il a été, le treize de ce mois, trouvé par l'une de ses filles, au-dessus d'un lieu de commodité, couverts avec de la paille, quatre paquets dont deux de Gazette Marchand des années 1789, 1790, 1791 et 1792, un des Courrier Boîteux et un autre paquet contenant une Délibération et Adresse des catholiques d'Alais, l'Ami des Campagnes ou Voyages en Flandre, Artois, Hainault et Cambrésis, Discours de Cahier sur les évènements du 20 juin 1792, Annales universelles et méthodiques concernant la politique, la législation, etc. et Dissertation théologique sur le décret national du 20 mars dernier, lesquels paquets, le soussigné a remis au Comité de surveillance et a signé la présente dénonciation les jours, mois et an que dessus.
Signé : MURY."
Le Comité trouva la dénonciation recevable ...


Le 15 germinal an II (4 avril 1794), après sept semaines de détention, elles furent tout à coup extraites de la prison de la Providence et amenées devant deux membres du Comité de surveillance, les citoyens Pater et Boizard. Le Comité avait le matin même décidé leur interrogatoire ...
L'interrogatoire des soeurs commença aussitôt. Il est court et laconique. Les questions posées dénotent chez les commissaires l'intention d'aller vite ...


Suivons l'interrogatoire de la soeur Fontaine ; il nous servira de base pour étudier ceux de ses compagnes et pour faire ressortir la nullité juridique du procès, ainsi que la véritable cause de la condamnation à mort :
"L'an deuxième de la République une et indivisible, le quinze germinal, en exécution de l'arrêté du Comité de surveillance et révolutionnaire de ce jour, a été amenée, pardevant les membres qui le composent, Madeleine Fontaine, laquelle a répondu de la manière suivante aux questions qui lui ont été proposées :
Interrogée de ses nom, surnom, âge, qualité et demeure - A répondu s'appeler Madeleine Fontaine, âgée de soixante onze ans, cy-devant soeur de la Charité d'Arras, actuellement en la maison d'arrêt dite de la Providence.
A elle demandé si elle sait pourquoi elle est en la maison d'arrêt. - A répondu que non.
A elle demandé si elle en soupçonne le motif. - A répondu qu'elle soupçonne que c'est à cause qu'elle a refusé de prêter le serment, ne le devant pas, n'étant pas religieuse.
A elle demandé qu'elles (sic) étoient ses liaisons pendant qu'elle étoit soeur de la Charité. - A répondu qu'elle n'en a eu qu'avec les pauvres au service desquels elle s'étoit dévouée.
A elle demandé si elle lisoit les papiers publics, et si elle en recevoit pour sa maison. - A répondu que non, qu'elle n'étoit pas assez riche pour cela.
A elle demandé si personne ne les lui faisoit passer journellement. - A répondu que non, qu'elle n'avoit pas le tems de s'abonner.
A elle demandé si elle n'a pas lu l'Ami des Campagnes et la Protestation des catoliques d'Alais et le Courrier Boîteux. - A répondu que non.
A elle demandé si elle a connoissance qu'il ait été déposé ches elle, quelques paquets de Gazettes Marchand, un paquet du Courrier Boîteux et les brochures cydessus. - A répondu que non.
A elle représenté lesdits paquets et demandé si elle les a vus ou s'ils ont appartenu à sa maison. - A répondu que non.
Lecture faite à laditte Fontaine de ses réponses aux interrogats (sic) cydessus. - Elle a déclaré qu'elles contiennent vérité et a signé.
Madeleine FONTAINE
PATER
BOIZARD, président."


A cinq heures du soir du même jour, le Comité de surveillance se réunit pour la seconde fois et prit l'arrêté suivant :
"Vu la dénonciation couchée, cejourd'hui, sur le registre reposant en la secrétairerie du Comité de surveillance et révolutionnaire d'Arras, par le citoyen Mury, directeur de la Maison de secours dite de la Charité, la déposition d'Eugénie Mury sa fille, aussi de cejourd'hui, les réponses des nommées Madeleine Fontaine, Marie Lanel, Madeleine Fanto (sic) et Jeanne Gérard, toutes quatre cy-devant soeurs de la Charité, actuellement détenues en la maison d'arrêt dite de la Providence, aux interrogats (sic) qui leur ont été aussi cejourd'hui proposés.
L'Assemblée, considérant qu'il résulte des pièces ci-dessus une violente présomption que lesdites Fontaine, Lanel, Fanto et Gérard ont caché en la maison par elles ci-devant habitée, des papiers de gazettes contre-révolutionnaires et tendant à exciter à la révolte et allumer la guerre civile dans ce département.
Arrête, que lesdites Fontaine, Lanel, Fanto et Gérard seront conduite en la maison d'arrêt du tribunal révolutionnaire du département, et que les pièces ci-dessus reprises, ensemble le présent arrêté, seront envoyés à l'Administration du District d'Arras dans les vingt-quatre heures, conformément aux dispositions de la loi du dix-huit nivôse dernier.
BOIZARD, Président,
GUILLEMAN, Secrétaire."


Ainsi de la négation unanime des quatre accusées, jointe à l'invraisemblance du fait reproché, et à l'impossibilité de trouver une preuve juridique, il résulte pour les juges de Joseph Lebon "une violente présomption" que les soeurs sont coupables.


Les soeurs furent incarcérées à la maison d'arrêt des Baudets. Le registre aux écrous de cette prison fait mention de leur entrée, à la date du 16 germinal (5 avril). "L'an 2e de la République une et indivisible ont été amenées en la maison des Baudets, les citoyennes Madeleine Fontaine, Marie Lanel, Madeleine Fanto (sic) et Jeanne Gérard, toutes quatre cy-devant soeurs de la Charité, transférées de la maison de la Providence, et ce, par ordre du Comité de surveillance et révolutionnaire d'Arras, avec défense au gardien de les laisser sortir avant qu'il en soit autrement ordonné." - En marge, nous lisons cette note froide et laconique : "Les dénommées ci-contre, sorties le 7 messidor pour être transférées à Cambrai", c'est-à-dire conduites à la mort.


Les soeurs trouvèrent, dans leur nouvelle prison, plus de désolation et de tristesse que dans la maison de la Providence. La maison d'arrêt des Baudets à Arras, comme la Conciergerie à Paris, était le vestibule du tribunal révolutionnaire, sinon le premier degré de l'échafaud ...

Les soeurs y furent retenues quatre-vingt-deux jours, du 16 germinal (5 avril) au 7 messidor (25 juin). Pendant les douze semaines de leur longue détention dans ce lieu de tourments, les soeurs virent de plus près les souffrances, parfois atroces de leurs malheureux compagnons de captivité.

Quelques rares échos de leurs sentiments intimes sont arrivés jusqu'à nous. La soeur Fantou parvint à donner des nouvelles à sa famille ; une lettre longtemps conservée et malheureusement perdue aujourd'hui, résumait l'état d'âme des Servantes de Dieu pendant la longue attente de leur dernière prison. Vivement frappées de la désolation qui régnait autour d'elles, elles souffraient surtout de voir tant d'innocents jetés chaque jour dans les cachots ; pour elles, loin de se faire illusion, elles n'attendaient que la mort et se préparaient généreusement à consommer leur sacrifice. La soeur Fantou avait appris la persécution qui sévissait terrible, en Bretagne, au lendemain de la défaite de La Rochejaquelein et de la grande armée catholique ; du fond de sa prison et en face de la guillotine, elle recommanda aux siens d'être fidèles à la Religion et à Dieu, et de tout souffrir plutôt que d'abandonner leur Foi.
Elle devait bientôt, fidèle jusqu'au sang, mettre en pratique ses propres conseils et donner un exemple salutaire à ses généraux parents, ceux-ci apprirent les circonstances extraordinaires de sa mort, et en conservèrent la tradition, comme un trésor de famille.


On était au 11 juin 1794. Les soeurs virent, pendant un mois, les charrettes fatales se remplir de malheureux, partir pour Cambrai, revenir à Arras ; et elles restaient toujours en prison. Le dimanche 7 messidor (25 juin), un convoi régulier était déjà parti. Après les transes mortelles de l'appel des condamnés et la tristesse des adieux, les détenus des Baudets se croyaient pour ce jour, à l'abri de nouvelles alertes, quand tout à coup arriva de Cambrai une lettre de l'accusateur public Caubrière, disant au citoyen Ansart, agent national près le District : "Frère, fais partir, sitôt la réception de la présente, les quatre ci-devant soeurs de la Charité dont l'administration a fait passer les pièces au représentant. Ne perds pas un instant. Fais-les venir la nuit au grand trot. Je compte sur ton zèle pour la punition des conspirateurs : je les attends donc demain de très grand matin.
J. CAUBRIERE."
La suscription portait ces mots significatifs : "Très pressé : par ordonnance".


Ce même jour, dimanche "7 messidor (25 juin 1794), à dix heures et demie du soir", le commandant de gendarmerie fut requis d'avoir à "faire sur-le-champ à Cambray, sous bonne et sûre garde, les nommées Thérèse-Madeleine Fantou, Marie Lanel, Magdeleine Fontaine, Jeanne Gérard, toutes quatre ci-devant soeurs de la Charité". L'instruction ajoutait : "Le chef de la gendarmerie donnera les ordres nécessaires pour que les personnes ci-dessus, arrivent demain, de très grand matin, à Cambray et qu'elles soient remises à leur arrivée entre les mains de Caubrière, accusateur public près le tribunal criminel et révolutionnaire."
Un convoi extraordinaire fut aussitôt organisé.

 

 

CAMBRAI


C'était un Lundi, Octidi de la décade républicaine, 8 messidor, 26 juin 1794 ... La charrette fut dirigée sur la maison d'arrêt du tribunal, située rue de la Force, tout près de l'Hôtel-de-Ville. Le geôlier n'attendait pas les nouvelles venues : mécontent, il prétexta le trop-plein de la prison ... La voiture dut se remettre en marche et prendre le Chemin de l'ancien Collège ou Séminaire. La nouvelle se répandit très vite que des soeurs d'Arras venaient d'arriver et qu'elles étaient conduites directement au tribunal et à l'échafaud. Des femmes du peuple très émues de ce douloureux spectacle et ne voulant pas se trouver sur la Place en face de la guillotine, quand coulerait le sang des Vierges consacrées à Dieu, vendirent au plus tôt, presque pour rien, leurs légumes, beurre ou autres produits, et quittèrent le marché.


Le moment arriva pour les soeurs de comparaître devant ces hommes qui n'avaient rien d'humain. Elles suivirent le couloir intérieur de la salle, gravirent l'escalier rapide de la grande estrade et parurent aux regards d'une foule plutôt sympathique ...
La condamnation à mort devenait inévitable, elle ne se fit pas attendre.

 

 

BIBLE ET CHAPELET


La soeur Madeleine Fontaine, principale accusée, était condamnée la première comme "Pieuse contre-révolutionnaire, ayant conservé pieusement et même caché sous un tas de paille une foule de brochures et de journaux renfermant le royalisme le plus effréné, ayant refusé le serment, ayant même insulté aux commissaires du district en leur disant que cela n'irait pas, qu'il n'y avait plus de diable (sic) dans l'enfer, qu'ils étaient sur la terre".
La même peine était portée contre les soeurs Jeanne Gérard, Marie Lanel, Thérèse-Madeleine Fantou, "complices de ladite Madeleine Fontaine." ...


Le peuple comprit lui-même, que la véritable cause de la prison et de la mort des soeurs, était leur titre de vierges consacrées à Dieu, leur attachement inébranlable à la religion chrétienne et à leur saint état. Aussi resta-t-il froid en écoutant la lecture de la cruelle sentence ; il ne battit point des mains à son ordinaire, il ne donna aucun signe d'acquiescement, et témoigna sa désapprobation par un morne silence. Il n'alla pas plus loin, cependant, il ne pouvait pas faire davantage et il laissa les bourreaux procéder tranquillement à la toilette des condamnées.


C'est alors, croyons-nous, que se passa un fait que signalent plusieurs documents et récits, mais dont ils ne précisent bien ni le lieu ni le moment.

Les soeurs tenaient à la main leur chapelet, dont la récitation les consolait et soutenait leur courage. Le bourreau voulut tout à coup les leur enlever, pour leur lier les mains derrière le dos ; elles, jusque-là douces comme des agneaux et, en apparence, insensibles à tout, qui, à l'exemple du divin Maître, s'étaient laissé arrêter, conduite dans différentes prisons, traduire devant les juges sans faire la moindre résistance, sans même dire un mot, pour la première fois, elles se montrèrent indignées, se redressèrent vivement, pressèrent le chapelet sur leur poitrine et refusèrent nettement de s'en dessaisir. Un des accusateurs publics, Darthé, ordonna grossièrement d'aller de l'avant et de leur arracher ce qu'il appelait des amulettes ; l'huissier André, plus spirituel, voulut soulever l'hilarité des spectateurs habitués à se moquer des choses les plus saintes, et, dans ce but, il proposa de placer les chapelets en forme de couronne sur la tête des victimes, ce qui fut accepté. On ne dit pas que la foule, déjà émue, ait répondu de quelque manière à l'impiété de l'huissier ; mais les soeurs virent dans cette couronne une preuve touchante de la bienveillance spéciale que leur témoignait leur Mère du Ciel.

A ce moment, le plus terrible de leur long et douloureux martyre, elles se sentirent divinement soutenues par la Vierge Puissante, la Gardienne fidèle des âmes consacrées à Dieu ; parées de leur virginale couronne, fortes d'une fidélité inébranlable à leur Vocation et à leurs Voeux, elles allèrent à la mort et au triomphe avec une douce joie. Elles continuèrent de prier sous le regards de la foule pressée autour de la charrette, et en imposèrent aux plus malveillants. Le silence réservé, sympathique, qui avait accueilli leur condamnation, les accompagna dans les rues de Cambrai.


L'attitude de la soeur Fontaine frappait plus particulièrement les assistants : elle était l'âme du groupe, elle avait davantage l'air inspiré et c'est elle surtout qui parlait et consolait au nom du bon Dieu.


Le cortège ne tarda pas à arriver sur la Place d'Armes et au pied de la guillotine. A la vue du couteau qui allait mettre fin à leurs longues souffrances, les soeurs tombèrent à genoux et attendirent, dans la prière, le moment de consommer leur sacrifice ; bientôt elles gravirent lentement, l'une après l'autre, les degrés sanglants de l'échafaud ; on entendit plusieurs fois, coup sur coup, le cliquetis funèbre du lourd couteau et on vit rouler trois têtes.

 

 

VITRAIL DE MINIAC-MORVAN


La soeur Fontaine mourut la dernière. Avant de se présenter au bourreau, elle voulut, une dernière fois, adresser des paroles de consolation et d'espérance au peuple assemblé qui n'avait cessé de les respecter, elle et ses compagnes. Elle s'avança vers lui, nous dit une lettre du temps, et, pleine de foi et de confiance, elle cria avec force : "Chrétiens, écoutez-moi. Nous sommes les dernières victimes. Demain la persécution aura cessé, l'échafaud sera détruit, et les autels de Jésus se relèveront glorieux." Sa tête roula sur la place et alla heurter celles des trois compagnes, tandis que sa belle âme, unie aux leurs, montait au ciel ; le peuple, de plus en plus sympathique, était vivement ému et attendri.


Les corps furent jetés dans la fosse commune du cimetière de la porte Notre-Dame, appelé aujourd'hui cimetière Saint-Géry.


L'immense fosse qui recevait les corps dans la chaux vive était creusée au fond, dans l'angle formé par la rencontre des enceintes du Nord et de l'Ouest. Celle-ci longeait comme aujourd'hui la route d'Escaudoeuvres, l'autre suivait l'allée transversale attenante à la concession actuelle des Filles de la Charité. ...

Elles furent béatifiées le 13 juin 1920 par Benoît XV.

Extraits :
Les Bienheureuses Filles de la Charité d'Arras
Dernières victimes de Joseph Lebon à Cambrai
par Lucien Misermont C.M.
Cinquième édition - 1920

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