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La Maraîchine Normande
7 février 2014

CHARLES-CANDIDE ET MARIE-LOUISE-JEANNE BOUTILLIER DU RETAIL

poitiers

 

Depuis le 28 avril la guillotine chômait, nous étions en décembre et l'année grégorienne ne devait pas s'achever sans que le couperet tombât sur de nouvelles têtes.


Une jeune femme, Marie-Louise-Radegonde Dupont, fille d'un ancien conseiller au présidial de Poitiers, mariée au représentant d'une notable famille Vendéenne, M. Charles-Candide Boutillier du Retail, s'enfuit sur les instances de son mari et vint, avec son plus jeune enfant, se réfugier à Charrais, près Neuville.


Dans l'anxiété, qu'on devine, elle attendait les évènements pendant que M. du Retail, suivi de ses trois fils aînés, à la tête des paysans de St-Michel-Montmalchus et de la Flocellière, rejoignait, à Pouzauges, le corps d'armée de Sapinaud.


Le précepteur des enfants, un certain abbé Jean Verdon, accompagnait la fugitive, avec le rôle évident de la protéger et de la défendre, dans la situation périlleuse où les circonstances l'avaient placée.


D'un jour à l'autre la pauvre femme appréhendait une visite domiciliaire aussi bien à la campagne que dans sa maison de Poitiers, où elle avait une dizaine de mille francs cachés.


Elle résolut de se rendre dans une autre propriété qu'elle possédait à Bapteresse, estimant que son trésor y serait plus en sécurité. C'est du moins l'une des versions qui nous est connue ; d'après une autre, elle aurait apporté, sur elle, ces fonds, de Vendée, dans l'intention de les confier à Thibaudeau.
Quoiqu'il en soit, il lui fallait pénétrer en ville et comme elle n'avait pas, pour cause, sollicité de certificat de civisme, elle se résolut à demander à une mercière de Neuville, la femme Chandor, de l'accompagner en voiture et de l'aider à entrer à Poitiers, sous le couvert de son laisser-passer de marchande.
Il fut ainsi convenu. Au cours d'un voyage Madame de Retail fit à la Chandor la confidence de son redoutable secret. Et bientôt, aux portes de la ville, les deux voyageuses prenant en mains des paniers passèrent sans être inquiétées par les municipaux. La mercière reçut ensuite une bienveillante hospitalité chez Madame du Retail et il fut convenu que le lendemain matin on se mettrait en route de bonne heure.
Mais la misérable Chandor avait, dès la veille, dénoncé la Vendéenne, qui fut arrêtée, saisie et attachée avec son jeune fils, pendant que celle qui l'avait si odieusement trahie recevait, pour prix de son forfait, le cheval et la valise de la voyageuse.


Emprisonnée aussitôt, ainsi que l'abbé Verdon, elle fut également condamnée à mort pour sa participation aux affaires de Vendée.
Le 13 nivôse, avec son escorte de gardes-nationaux et de gendarmes à pied et à cheval, la charrette arrive à la Visitation accompagnée de la clientèle ordinaire du Pilori, vile populace en haillons, armée de piques et coiffée de bonnets rouges.
Madame du Retail ne croyant pas la mort si proche, s'est laissé peigner le matin, comme à l'ordinaire. On lui fait une seconde toilette.
Sous les ciseaux ses cheveux tombent. Elle a compris, éclate en sanglots et fait entendre des cris déchirants qu'elle ne cessera de pousser sur le trajet de la guillotine.
Son fils pleure à ses côtés. En vain cette jeune épouse, cette jeune mère implore-t-elle qu'on la laisse vivre, et appelle-t-elle à son secours le capitaine de gendarmerie de la Salle qui précède le cortège et qu'elle a souvent reçu dans ses fêtes d'autrefois. L'officier - excellent homme d'ailleurs - se raidit pour ne point faiblir.
Nous voici arrivés au calvaire. Défaillante la victime embrasse une dernière fois son enfant, les bourreaux la poussent vers le billot et comme elle est de forte corpulence ils ont mille peines à faire pénétrer dans la lunette son énorme cou, qu'ils tailladent affreusement.
Les cris se font de plus en plus épouvantables, le martyre n'est pourtant pas achevé.
Le couteau se lève et tombe lourdement. Trois fois la lame sanglante retombe avant que la tête en lambeaux roule au pied de la guillotine.


"Que ferons-nous de ce petit bougre là ? Il faut le guillotiner ?", demande, en prenant l'orphelin par le bras, l'un des assassins de sa mère. Mais quelqu'un a fendu la foule c'est Madame Hindré, la femme, croyons-nous, du conseiller du district : - "Non, s'écrie-t-elle, tu ne guillotineras pas ce jeune citoyen ; je le prends, moi, sous ma protection !"
Ce cri du coeur avait sauvé l'enfant. Il fut adopté par celle qui venait de lui conserver la vie. Cinq ans plus tard, les mystérieux desseins de la Providence rappelaient l'orphelin près de sa mère et de son père massacré dans les prisons de Saumur !
Et l'abbé Verdon ? Jugé par le tribunal criminel, le 8 nivôse, pour avoir excité les Vendéens à la révolte ; délivré des passeports, donné et signé des billets et réquisitions de grains pour les troupes rebelles, déclaré même coupable "d'avoir commandé une partie de l'armée se disant royaliste et catholique", il avait été le premier conduit à l'échafaud. La légende rapporte qu'en livrant sa tête au bourreau, il se tourna vers la foule et prononça ces mémorables paroles : "Je meurs sans avoir rien à me reprocher, mais il vaut mieux périr innocent que de vivre coupable."

Extrait
Terreur à Poitiers
Etienne Salliard
1912


M. Boutillier de Saint-André, l'auteur de "Mémoires d'un père à ses enfants", raconte ceci : "Mon oncle du Retail était juge de paix à Pouzauges : il fut pris et conduit dans les prisons de Saumur, ensuite à Bourges, de là ramené à Chinon et bientôt après massacré sans jugement. Sa malheureuse épouse, amenée à Poitiers, y fut condamnée par le tribunal révolutionnaire. Elle fut exécutée avec un jeune ecclésiastique, précepteur de ses enfants ... Ma tante eut beaucoup de peine à se résigner à faire son sacrifice. Elle dit avant de se laisser lier : "Encore un moment, monsieur le bourreau". Elle était d'un embonpoint extraordinaire, et l'exécuteur, pour la placer à l'endroit où elle devait recevoir la mort, lui abattit la poitrine."

Charles-Candide Boutillier du Retail, né le 16 février 1748, conseiller du Roi, commissaire aux saisies réelles à Poitiers, officier vendéen, fusillé près de Blois, en 1794, marié le 19 septembre 1774 à Poitiers, avec Marie-Louise Du Pont, exécutée à Poitiers, le 3 janvier 1794.
[Mémoires d'un père à ses enfants : une famille vendéenne pendant la grande guerre (1793-1795) par M. Boutillier de Saint-André - 1896]

 

♣♣♣♣

Recherches personnelles :

Acte de naissance de Charles-Candide Boutillier du Retail

Charles-Candide Boutillier du Retail, né le 15 février 1748 à Mortagne-sur-Sèvre.
Fils de noble homme Jacques-Grégoire Boutillier, Sieur du Coin, Seigneur de la Boutarlière et de Saint-André et de Dame Marie Soullard.


Mariage le 20 septembre 1774 avec Demoiselle Marie-Louise-Jeanne Dupont, fille de Messire François Dupont, écuyer, conseiller du Roy, échevin de l'hôtel de ville de Poitiers, et de Dame Marie-Radegonde Mallet, en la paroisse de Saint-Hilaire de la Celle à Poitiers.


Enfants :

Marie-Jacques-Marin, né à Poitiers, le 6 juillet 1775
François-Louis-Marie, né à Poitiers, le 6 avril 1777
Charles-François-Victor, né à Poitiers, le 7 mars 1778
Charles-Martial, né à Poitiers, le 5 juin 1782.


(Etat-Civil - Archives départementales de Vendée et de la Vienne)



♣♣♣♣



ACTE DE NOTORIÉTÉ DE LA MORT DE CHARLES-CANDIDE BOUTILLIER DU RETAIL

"Le dernier jour complémentaire de l'an IV de la République (21 septembre 1796).
Par devant nous, Charles-François Duquesne, notaire public demeurant commune de Martigné-Briand, département de Maine-et-Loire, soussigné.
Furent présents : René Legeay, cultivateur, demeurant commune de Martigné-Briand, Michel Bordereau et Louise Gamichon, demeurant au même lieu, aussi cultivateur, Françoise Groyez, femme de Jacques Gasnault, demeurant à Cornu, même commune, Barthélémy Jamineau, tonnelier, demeurant à Saint-Aubin.
Lesquels nous ont attesté que le 18 frimaire l'an II (8 décembre 1793) de la République, étant détenus à Saumur avec quantité d'autres comme suspects, du nombre desquels était Charles-Candide Boutillier du Retail, résidant au canton de la Flocellière, commune de Saint-Michel-Montmalcus, ils furent sortis des dites prisons et transférés à Chinon et de là à Bourges et à Orléans ; que ceux qui, comme malades, étaient hors d'état de marcher, furent massacrés dans l'intérieur de la maison d'arrêt du dit Saumur du nombre desquels malades et massacrés fut le dit Boutillier.
Ce qu'ils affirment sincère et véritable, dont nous leur avons donné acte de leur dire et réquisition.
Fait et passé ... présents : Charles Boussinot, sellier, Mathurin Hacault, vignerons, témoins ...
Signé ...
Enregistré à Brissac, le 1er vendémiaire an IV, folio 115 verso, case 5 ...
Signé : LIEUTAUD."

Autre déclaration de 1796, qui se trouve dans les minutes de l'étude de Me Hanoteau, notaire à Cholet.

"Marie Aubin, supérieure des dames religieuses Cordelières de Cholet, et Marguerite Hérault, déclarent qu'en 1793, elles étaient prisonnières à Saumur ; que, en même temps qu'elles, était aussi prisonnier Charles-Candide Boutillier du Retail, ci-devant juge de paix du canton de Mortagne, demeurant à Nouzillac, près de Saint-Michel-Montmalcus, lequel, quoique malade, fut dirigé sur Bourges avec un convoi de prisonniers, mais qu'en route, près Blois, il fut fusillé par les conducteurs.
Déclaration du 21 thermidor an IV."
Extrait des notes de M. Charles Boutillier de Saint-André)

EXTRAIT DES REGISTRES DU GREFFE DU TRIBUNAL CRIMINEL DU DEPARTEMENT DE LA VIENNE

"Au nom de la République française, une et indivisible, 2 janvier 1794 - Du treizième jour de nivôse an second de la République et le premier de la mort du tyran.
Le tribunal criminel du département de la Vienne, vu une lettre des citoyens composant le comité de surveillance à Fontenay-le-Peuple aux administrateurs du département de la Vienne, en date du trentième jour du 1er mois de l'an IIe (21 octobre 1793) de la République une et indivisible et le premier de la mort du tyran, par laquelle ils déclarent que la femme du Retail est aussi coupable de brigandage que l'abbé Verdon, précepteur de ses enfants ;
Vu la déclaration de plusieurs témoins qui tous affirment que la dite du Retail a pris une part très active dans la révolte de la Vendée, en conseillant aux brigands de faire désarmer les patriotes et en faisant retenir un prisonnier et le gardant à vue, en se réjouissant de la captivité des patriotes, en leur promettant ironiquement de les faire sortir un sous trois jours et l'autre à peu près dans le même temps, ce qu'elle n'a pas fait ;
Vu l'interrogatoire de la femme du Retail, pris le vingtième du présent mois, par devant les membres du comité de surveillance révolutionnaire établi à Poitiers, signé de ladite Retail et du secrétaire dudit comité ;
Attendu qu'il est constaté par les pièces ci-dessus dénommées que ladite du Retail a pris part aux émeutes contre-révolutionnaires et aux révoltes de la Vendée, qu'elle a été instigatrice et chef des révoltés, autant qu'il était en elle, en exerçant des actes d'autorité ;
Le tribunal, après avoir entendu l'accusateur public dans ses conclusions,
Ordonne que Marie-Louise Dupont, femme de Charles-Candide Boutillier du Retail, juge de paix en canton de la Flocellière, district de la Châtaigneraie, département de la Vendée, native de Poitiers, sera dans les vingt-quatre heures remise entre les mains de l'exécuteur des jugements criminels et mise à mort conformément à la loi du 19 mars 1793 ;
Ordonne que le présent jugement sera exécuté à la diligence de l'exécuteur public, imprimé au nombre de 150 exemplaires, envoyés dans les chefs-lieux de district et de canton pour y être publié et affiché ;
Ordonne pareillement que les biens de la dite du Retail seront et demeureront acquis et confisqués au profit de la République ;
Fait et prononcé en la salle des audiences publiques du tribunal criminel du département de la Vienne, par nous Pierre-Jean Planier, président, en présence des citoyens Jean-Hilaire Papillault, juge au tribunal du district de Châtellerault, Etienne-Hilaire Morton, juge au tribunal du district de Poitiers, Pierre-Alexis-Auguste Durand, juge au tribunal du district de Loudun, tous juges en ce tribunal, pendant le présent trimestre de nivôse, et encore en présence du citoyen Motet, accusateur public, qui ont signé la minute du présent jugement. - A Poitiers, le 13e jour de nivôse, 2e année de la République ..."
(Suivent les signatures).


(Extrait des notes de M. Charles Boutillier de Saint-André).

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