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La Maraîchine Normande
23 juillet 2013

LES VENDÉENS A FROHSDORFF

LES VENDÉENS
A FROHSDORFF

Vendéens à Frohsdorff

Extrait de photographie :
On voit une partie seulement de la délégation (de gauche à droite et de haut en bas) : Gaborit, Couthouis, Pajot, Cailleton, Baudry d'Asson et Baudry d'Asson fils.
(Vers 1880)
Archives Départementales de Vendée

Les délégués vendéens représentant toutes les classes de la société avaient, depuis longtemps, prié M. de Baudry-d'Asson, leur député, de les accompagner à Froshdorff pour les présenter à Monsieur le Comte de Chambord. Cette députation, chargée en même temps de porter au Roi et à la Reine les adresses du banquet de Challans, arrivait à Vienne le mardi 19, à cinq heures du matin.

A l'hôtel de l'Impératrice Elisabeth, nos amis trouvaient une lettre de M. le comte de Blacas, leur annonçant que le Roi se faisait une fête de les recevoir le jour même de leur arrivée, et que M. le comte René de Monti viendrait les prendre à neuf heures et demie du matin, pour les conduire à Frohsdorff.

Oubliant la fatigue d'un parcours interminable de trente-six heures, les Vendéens se préparèrent à suivre à la résidence royale le jeune et sympathique secrétaire.

Son arrivée venait à propos adoucir les amertumes patriotiques de leur voyage à travers l'Allemagne.

Entendre parler français à quatre cents lieues du pays, rencontrer, pour leur souhaiter la bienvenue, un Breton, l'héritier d'un des noms les plus chers aux royalistes, c'était pour les Vendéens une bien grande joie.

La voie ferrée ne va pas jusqu'à Frohsdorff.
Quatre voitures de la Maison du Roi attendaient les voyageurs à Neustadt.

Ils arrivaient vers trois heures après-midi à la grille du beau domaine où les révolutions ont exilé l'auguste Chef de la Maison de France, et dans la solitude duquel Henri V, les yeux sans cesse tournés vers la patrie, attend impatiemment l'heure bénie où Dieu lui permettra enfin de relever la fortune et l'honneur de la nation très-chrétienne.

C'est le comte de Blacas qui reçut la députation vendéenne.

Avec cette courtoisie qui fait de ce digne serviteur de l'exil l'un de nos gentilshommes les plus distingués et les plus aimés, il fit savoir aux délégués qu'ils étaient tous les hôtes du Roi, que Monseigneur daignait leur accorder audience, dans une heure, aussitôt qu'ils auraient pris possession des chambres qui leur étaient destinées sous le toi même du Roi.

Enfin, le moment depuis si longtemps désiré est arrivé ! M. de Baudry d'Asson est introduit dans le cabinet particulier du Roi et présenté à Sa Majesté par M. le comte de Blacas. Une demi-heure après, la députation tout entière entre dans le salon de réception, où le député de la Vendée était allé la rejoindre. M. Pajot, le brave et fidèle Maréchin [Maraîchin], porte déployée la bannière de soie blanche sur laquelle les dames vendéennes ont brodé l'écusson aux armes de France avec cette inscription en lettres d'or :

LA VENDÉE AU ROI !

A ses côtés, ses compagnons de voyage comme lui pénétrés d'une inexprimable émotion, attendent immobiles, le regard fixé sur la porte à deux vantaux par laquelle va paraître le descendant de saint Louis, d'Henri IV et de Louis XIV. Il se passe un instant de silence solennel ; les visages pâlissent, et chacun entend les battements de son coeur dans sa poitrine oppressée. La porte s'ouvre ; elle donne passage au comte de Blacas, qui s'efface aussitôt, et dit d'une voix ferme :

"Le Roi !"

Tête nue, le regard lumineux, le visage bienveillant, Monsieur le Comte de Chambord s'avance vivement vers ses hôtes ; il prend la main de Pajot et dit :

Comte de Chambord"Ah ! mes amis, mes braves Vendéens, combien je suis heureux de vous voir ! Vous m'avez donné déjà bien des consolations à travers les tristesses des jours que nous traversons ; merci de votre fidélité, merci de votre dévouement et de votre affection ! Vous n'avez pas eu la patience d'attendre mon retour en France pour saluer le Roi ; je vous en exprime ici ma vive gratitude.
J'apprécie les sacrifices personnels que s'est imposés chacun de vous pour venir de si loin, à l'étranger, m'apporter, dans l'exil, le témoignage de votre inaltérable fidélité à la Monarchie légitime. Courage et persévérance, mes amis, nos épreuves patriotiques touchent à leur terme. Croyez-moi et redites-le bien haut : les évènements marchent vite ; nous approchons de l'heure du salut. Chaque instant accroît ma confiance dans le succès de la mission providentielle qui m'incombe, et je suis prêt, entendez-le bien, à remplir, quoi qu'il arrive, dans toute leur étendue, les devoirs sacrés que m'imposent ma naissance et les malheurs de ma patrie.
Continuez, multipliez encore, dans toutes circonstances, les manifestations de votre foi royaliste. Suivez et secondez de toutes vos forces les initiatives et l'action de votre député, M. de Baudry-d'Asson.
Non ! la France ne périra pas, et, Dieu aidant, elle reprendra bientôt le cours glorieux de ses destinées traditionnelles !"

Entraînés par l'ardeur des paroles énergiques du Roi de France, les Vendéens, dans un élan d'espérance patriotique, répondirent par l'acclamation : "Vive le Roi !"

La députation remit alors au Roi l'adresse qu'elle avait, le 19 août, soumise aux sept mille convives du banquet de Challans ; le Roi s'en montra fort touché et chargea nos excellents amis de remercier, en son nom, tous ceux qui avaient, de leurs deniers, de leur travail et de leur présence, coopéré à cette splendide manifestation.

Il reçut ensuite, des mains de M. Pajot, la bannière vendéenne et la remit à M. le comte de Blacas, pour qu'elle fût placée dans la chapelle du château de Frohsdorff.

Passant de l'un à l'autre de ses visiteurs, le Roi eut pour chacun d'eux un mot des plus aimables.

Il félicita M. Dupleix, conseiller d'arrondissement de Beauvoir, de sa brillante conduite à la Légion d'Antibes, des nombreux services rendus par lui à la cause du Roi. Il n'a point oublié que le commandant Dupleix fut compris dans la première série des dignes officiers de l'armée territoriale dont la République brisa naguère la vaillante épée.

A MM. Pajot et Babu, le Roi rappela le souvenir glorieux de leurs pères dans les levées d'armes de la Vendée. Il leur dit :

"Persévérez, mes amis, dans votre irréprochable conduite de tous les jours."

Il loua M. Fradin de l'honneur qu'il eut, il y a vingt ans, de subir trente-neuf jours de prison préventive pour avoir distribué, dans le Marais vendéen, des médailles à l'effigie du Roi.
Le Roi n'a point oublié non plus l'honneur que M. Fradin et M. Babu ont eu d'être, il y a trois ans, au premier rang, parmi les maires révoqués du banquet de Challans.

Par M. Gaborit, un vieillard de soixante-seize ans, dans l'âme duquel les années n'ont fait qu'aviver les généreuses ardeurs, il se fit redire le récit de la mort de La Rochejaquelein, dont le vétéran d'aujourd'hui avait été alors le jeune témoin au combat des Mathes.

Au fidèle Couthuis, le Roi dit : Vous savez depuis longtemps mes sentiments pour vous. Je n'ai point besoin de vous dire que je compte plus que jamais sur votre bravoure et votre dévouement."

"Je sais, daigna-t-il dire à M. Armand de Baudry d'Asson, fils du député de la Vendée, que vous vous destinez à l'armée. Je vous félicite. On y apprend encore à bien aimer la France et à servir noblement son pays !
Plus heureux que ceux qui vous ont devancé, vous, mon jeune ami, vous n'aurez pas à endurer les amertumes dont ils ont été si cruellement et si injustement abreuvés."

A M. Cailleton, auquel son père, âgé de quatre-vingt-deux ans, avait dit : "Va porter mes hommages au Roi de France, pendant ce temps, je tiendrai ta place au travail", le Roi rappela avec émotion les souvenirs des fidèles de la Gaubretière et de Montfaucon, lui donna l'assurance de sa gratitude pour les innombrables services rendus à la Monarchie nationale par sa famille.

Pour M. Bossard, de Saint-Etienne-du-Bois, Monsieur le Comte de Chambord s'est montré aussi bienveillant que pour ses compagnons de voyage.

"Je sais, lui a-t-il dit, monsieur, tous les services que vous avez rendus à la cause du Roi, et je vous en remercie sincèrement."

Cette revue faite de chacun des membres de la députation, le Roi dit :

"Messieurs, je vous retiens tous à dîner et vous garde sous mon toit jusqu'à demain, au départ de votre train pour Vienne."

Le soir, à la table du Roi, prenaient place avec lui : la Reine, LL.AA.RR. le Comte et la Comtesse de Bardi, une des dames d'honneur de la Reine, M. le comte de Blacas, M. le comte René de Monti et les heureux hôtes de la maison royale.

Dérogeant, pour cette fois, aux traditions du cérémonial, le Roi conduisit la Reine au milieu de la table, en face de la place qu'il allait occuper lui-même de l'autre côté. A sa droite, il appela M. Pajot, et à sa gauche M. Dupleix. Venaient ensuite, à la droite de Madame la Comtesse de Bardi, M. de Baudry-d'Asson ; à la droite du Comte de Bardi, M. Fradini, et les autres convives furent placés par rang d'âge.

Pendant tout le repas, le Roi tint la conversation sur la Vendée, sur son agriculture, sur son industrie hippique, sur ses produits et sur ses intérêts de toute sorte.

- Monseigneur, nous ont dit à leur retour les Vendéens, connaît aussi bien notre pays que nous-mêmes.

A la fin du dîner, le Roi se leva, et, la coupe à la main : "Aux Vendéens !" dit-il.

Tous répondirent : "Les Vendéens reconnaissants boivent au Roi de France et à la Reine de France !"

Au salon, les hôtes du Roi furent de nouveau présentés à la Reine. C'est alors que M. Armand de Baudry-d'Asson fils offrit à Madame, au nom des Vendéennes, l'adresse signée au banquet de Challans. Madame fut très-touchée de ce témoignage de fidélité de la part des femmes vendéennes, et elle chargea celui qui avait été désigné par la députation pour lui offrir l'adresse de porter aux Vendéennes organisatrices du banquet de Challans ses plus sincères remercîments. Un mot gracieux fut dit tout particulièrement à l'adresse de la comtesse de La Rochefoucauld-Bayers, qui, on se le rappelle, avait bien voulu présider la table des dames et donner la lecture de l'adresse à la Reine.

On a dit souvent : "Ah ! si la France connaissait le Roi !"

Nos amis disent depuis cette inoubliable soirée :

"Quel malheur que la France ne connaisse pas la Reine !" Sa bonté, sa douceur, son amabilité laissent à tous ceux qui ont le bonheur de l'approcher une sorte d'enthousiasme mêlé d'attendrissement.

Après le Roi, qui venait de recevoir de M. Babu le petit drapeau blanc que chacun portait à sa boutonnière au banquet de Challans, Madame daigna accepter avec une bienveillance sans égale, de M. Fradin, les photographies de ses filles, de sa femme, et promit de les conserver précieusement.

Marie-Thérèse, comtesse de ChambordA chacun, la Reine fit don de sa photographie signée de sa main : Marie-Thérèse.

C'est avec la plus vive émotion que nos amis prirent congé de la Reine, lorsqu'elle regagna ses appartements. Ils croyaient, hélas ! ne plus revoir, avant leur départ, l'aimable et sainte Souveraine.

Quelle ne fut pas leur joie, quand le lendemain matin, à sept heures, dans la chapelle du château, ils la virent dans la tribune royale s'agenouiller auprès de son auguste Epoux !

Madame avait voulu prier pour la France avec les Vendéens.

Par ordre du Roi et en souvenir des zouaves de Charette, M. Couthouis, debout, au pied de l'autel, tenait la bannière de la Vendée.

Seules, les pieuses veillées d'armes, passées sous les voûtes gothiques par les preux du moyen âge, pourraient donner une idée de la solennité de cette messe célébrée pour la France, sur la terre étrangère, en présence du Roi, de la Reine, d'un prince et d'une princesse de la Famille, des amis fidèles de l'exil, des serviteurs de la maison, et de ces vaillants Vendéens, en costume du pays, groupés autour de la bannière blanche fleurdelisée.

L'émotion était au comble ; jamais il ne fut si vrai de dire : "Tous versaient dans le sein de Dieu des larmes avec des prières."

Quels touchants et chaleureux appels montèrent suppliants, de ces coeurs français, vers Celui qui a fait les nations guérissables, et qui abaisse ou relève, quand il lui plaît, les peuples et les trônes !

C'est d'une voix entrecoupée par des sanglots que nos amis chantèrent l'invocation nationale : Domine salvum fac Regem !

A la sortie de la chapelle, Madame vint encore une fois remercier les Vendéens de leur ardeur royaliste et de leur dévouement patriotique.

Pouvant à peine retenir ses pleurs, la Reine jeta sur tous nos amis un regard de reconnaissance attendrie et s'éloigna. C'était la première fois, depuis nombre d'années, que Madame assistait à la messe de sept heures et au départ des hôtes de Frohsdorff !

Demeuré seul avec nos amis, le Roi, dominant son émotion, dit avec effusion :

"Messieurs, je vous vous embrasser tous dans la personne de Baudry."
Alors prenant dans ses bras le député vendéen, il l'embrassa à plusieurs reprises avec la tendresse d'un père et la dignité d'un Roi !

Il étreignit ensuite chaleureusement les mains de chacun de nos amis, et leur dit de sa voix vibrante :

"Au revoir, mes amis, à bientôt !"

Le Roi avait disparu que nos excellents amis étaient encore là, pleurant et sanglotant. Il fallut que MM. de Blacas et de Monti vinssent les emmener de ce salon où ils laissaient le meilleur de leur âme et tout leur coeur.

Quand les voitures repassent la grille du château, les Vendéens se retournent vers la demeure royale et jettent le cri enthousiaste :

"Vive le Roi ! Vive la Reine !"

Quelques heures après, ils étaient à Vienne et prenaient l'express pour Paris.

Hier, ils sont allés prier à la basilique de Saint-Denis, sur les tombeaux de nos Rois. Le soir, ils dînaient avec le général de Charette, auquel ils sont chargés de porter les embrassements du Roi, et ce matin ils monteront avec lui à l'église du Sacré-Coeur de Montmartre, prier pour la France.

Heureux Vendéens !!!

Roanne - Imprimerie Chorgron

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