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La Maraîchine Normande
25 septembre 2012

LE CHAMP DES MARTYRS (12) ♣ Fusillade du 27 germinal an 2 (16 avril 1794)

Treizième lettre

Fusillade du 27 germinal an 2 (16 avril 1794),

la dernière au Champ des Martyrs.

Monsieur,

Vers le milieu de germinal an II (avril 1794), une grande affiche imprimée sur quatre colonnes, portant en tête "égalité, liberté ou la mort", et pour vignette une Minerve le casque en tête et armée d'une pique surmonte d'un bonnet phrygien, était placardée sur les murs d'Angers, portant :

"Jugement de la Commission militaire extraordinaire et révolutionnaire établie par les représentants du peuple, près les armées de l'Ouest, le 10 juillet 1793 (style esclave),

qui condamne à la peine de mort quatre-vingt-dix-neuf conspirateurs, atteints et convaincus d'avoir eu des intelligences avec les brigands de la Vendée, d'avoir fait partie de leur rassemblement contre-révolutionnaire, d'avoir pris les armes contre les armées de la République et d'avoir provoqué enfin au rétablissement de la royauté et à la destruction de la République française.

Séance du 26 germinal l'an II (15 avril 1794) de la République française une et indivisible et impérissable."

Suivent les quatre-vingt-dix-neuf victimes, dont quarante-une femmes.

Parmi tous ces noms, je lis ceux de Jacques Chiron, clerc de notaire, du Marillais ; de Marie Lardeux, fille âgée de quarante-cinq ans, chirurgienne de Freigné, près Candé ; de Perrine Poitier, veuve de René Turpault, de Cholet ; de Jeanne Gourdon, de Sainte-Christine ; de Louise et Marguerite Robin, de Montjean ; d'Anne Maugrin, de Rochefort ; de Marthe Poulain-Forestrie, de Geneviève Poulain sa soeur, ex-nobles, d'Angers, etc., etc. ...

L'affiche se termine ainsi : "En exécution de la loi du 19 mars 1793 ... la commission militaire condamne, etc., etc.

Et sera le présent jugement exécuté dans les vingt-quatre heures.

Et enfin, en exécution de la même loi, etc., etc. ...

la Commission militaire déclare les biens des quatre-vingt-dix-neuf condamnés, acquis et confisqués au profit de la République.

Ainsi prononcé, d'après les opinions, par Antoine Félix, président ; François Laporte, Jacques Hudoux, Marie O... et Gabriel G... tous membres de la Commission militaire.

RAFFEY, secrétaire".

Au bas d'un extrait, signé de Lauréal, greffier en chef de la cour royale, etc., relevé en date du 5 mai 1816, sur la demande du sieur Turpault fils aîné, je lis : "Et le lendemain 27 germinal (16 avril), nous, président et membres composant la Commission militaire, etc., etc., nous sommes transportés au lieu fixé pour l'exécution du jugement à mort, rendu par nous contre les quatre-vingt-dix-neuf individus dont il est question, afin d'y être présents, laquelle exécution a eu lieu sur les dix heures du matin. Angers, etc."

Ledit extrait fait "sur le registre contenant les jugements rendus par la Commission militaire, etc."

Ce jugement est bien du nombre de ceux qui s'exécutaient sur l'échafaud, car il emporta la peine de la confiscation, ce que la mort par la fusillade n'entraînait pas, et cependant nous ne croyons point qu'il ait reçu son effet par voie de guillotine.

Voici quels sont nos motifs : l'extrait précité porte : "Laquelle exécution a eu lieu sur les dix heures du matin." Or, il est matériellement impossible d'exécuter quatre-vingt-dix-neuf personnes dans une matinée avec un seul instrument, et il n'y en avait qu'un sur la place du Ralliement. Aussi avons-nous trouvé au greffe de la cour, un document d'où il résulte que le bourreau n'a jamais exécuté plus de dix personnes par jour. Ce document proteste donc contre l'exécution sur l'échafaud de nos quatre-vingt-dix-neuf victimes.

Ce nombre de dix au plus par jour concorde bien avec les relevés du vénérable abbé Gruget.

D'un autre côté, l'adresse des citoyens, etc., en date du 5 frimaire an III, faite à la Convention, s'exprime de la sorte : "Il est un fait constant que les habitants de cette commune (Angers) attesteront, c'est qu'il n'y a jamais eu plus de dix personnes guillotinées dans le même jour sur la place du Ralliement". Ce qui ne détruit pas l'attestation des divers témoins qui affirment avoir vu du sang couler par le ruisseau de la chaussée Saint-Pierre, ce sang étant mêlé à l'eau qui servait à laver le couperet.

Mais si nos quatre-vingt-dix-neuf victimes ne furent pas exécutées place du Ralliement, est-ce donc qu'elles ont été sauvées ? En aucune façon !

Toutes subirent la mort par la fusillade. "Vers le milieu de germinal (avril 1794), lisons-nous dans l'adresse du 5 frimaire, six cents individus sont inscrits pour être fusillés. Trotouin, administrateur de la maison de détention du Calvaire, avec cette hardiesse qui caractérise l'homme libre, sans craindre les dangers auxquels il s'exposait, menace de dénoncer à la République entière les horreurs dont il était forcé d'être le témoin ; ses réclamations intimidèrent ces scélérats (les membres de la Commission) et sauvèrent la vie à cinq cents malheureux. Cent seulement, d'après un nouvel examen, sont réservés à la mort et subirent cette peine, le 26 germinal, à l'exception d'un nommé Macé, du Montglonne, qui, près d'être fusillé, fut mis en liberté."

L'adresse du 5 frimaire, confondant la date de l'exécution avec celle du jugement, se trompe d'un jour, mais il s'agit bien ici de nos quatre-vingt-dix-neuf victimes.

Elles furent donc fusillées le 27 germinal, mais en quel lieu ?

Ici, Monsieur, une circonstance particulière vient nous éclairer.

Sur la fatale liste, nous avons trouvé le nom de Perrine Poitier, veuve de René Turpault, de Cholet, et, par un hasard qui nous sert à souhait, nous avons rencontré dans les Archives de l'Evêché une lettre de M. Turpault, fils de la victime, en date du 4 décembre 1817, à l'adresse de Mgr Montault, à la fin de laquelle, je lis :

"Monseigneur ...

Ayant la certitude que ma mère a été fusillée et inhumée au Champ des Martyrs ; désirant, comme je l'ai toujours manifesté, que ce lieu à jamais saint et mémorable soit acquis et clos, pour y coopérer je charge le porteur de la présente de verser entre vos mains la somme de 300 fr. que je vous prie d'agréer provisoirement au nom de mon père, mes frères et soeur et moi. Lorsque toutes les personnes susceptibles d'y contribuer l'auront fait, s'il manque quelque chose, nous nous ferons un devoir de nous cotiser de nouveau.

J'ai l'honneur, etc., etc."

Ainsi donc, par ce qui précède, nous pouvons conclure que nos quatre-vingt-dix-neuf victimes, condamnées le 26 germinal et fusillées le lendemain, reposent au Champ des Martyrs.

Mais pourquoi les avoir jugées avec le cérémonial des personnes condamnées à l'échafaud ?

Ici la confiscation des biens résout l'effroyable exigence. Il y eut profit à confisquer, par conséquent à condamner à l'échafaud ; et profit à ne pas exécuter autrement que par la fusillade, plus expéditive et moins coûteuse.

Si nous nous sommes si longuement appesanti sur cette question, jusqu'ici restée dans l'ombre, ç'a été de notre part moins pour éclaircir un fait historique qu'afin de présenter à de nombreuses familles la douce consolation de pouvoir, par la prière et le souvenir, se mettre en plus intime communication avec les âmes des trépassés, sur le lieu même de leur martyre.

Agréez, Monsieur, etc.

.../...

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