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La Maraîchine Normande
29 juillet 2012

HASPRES SOUS LA RÉVOLUTION

 Les débuts de la révolution sont assez calmes à Haspres. Le 22 mars 1789, l'abbé Pontois, futur victime de la Terreur, lit en chaire la dépêche de Louis XVI proclamant la réunion des États Généraux. Ce prêtre sera guillotiné à Valenciennes le 15 octobre 1794 face à sa maison natale. 

      Le Prévôt de l'Abbaye, Ambroise Riche, le bailli d'Haspres Hayot de Thermicourt, quelques notables locaux : Pierre Mercier, Joly Raoult (futur maire) se rendent à Bouchain où ils présentent les cahiers de doléances. Haspres sera la ville la plus représentée (462 foyers : on disait à l'époque 462 feux). Tous les voeux des représentants locaux seront réduits en un seul cahier qui sera présenté en baillage du Quesnoy afin de préparer les états généraux de Paris.

      Le 14 décembre 1789, l'Assemblée Nationale vote une loi réglant l'administration communale. Haspres sera, comme toutes les ville de France, régie par un Conseil Municipal auquel on adjoindra quelques notabilités. Tandis que, le 14 juillet, à Paris, les vainqueurs de la Bastille promènent le tête du gouverneur De Launay au bout d'une pique, qu'une rixe sanglante causée par la vie chère éclate le 24 juillet à Valenciennes, les Haspriens gardent leur calme.

     1790 et 1791 seront encore deux années de calme relatif malgré la Constitution Civile du Clergé, la fuite du roi, la mise sous scellés des trésors de l'Abbaye... En novembre 1791, les citoyens actifs (ceux qui paient des impôts et ne sont pas en état de domesticité) procèdent à la 1ère élection municipale. Le premier maire élu sera Raoult (parfois écrit Raout)

.     Il faudra attendre la proclamation de la République le 21 septembre 1792 et surtout l'invasion autrichienne, pour que notre village soit plongé dans la tourmente révolutionnaire.

 

HASPRES, THEATRE DES GUERRES DE LA RÉVOLUTION.

   Après avoir été chassés de France en 1792-1793 (Valmy et Jemmappes en Belgique), les Autrichiens, commandés par le prince de Cobourg, reviennent envahir notre pays.

     En juillet 1793, Condé capitule et Valenciennes, après un siège de 87 jours et 42 bombardements, ouvre ses portes à l'envahisseur (sur le fronton de l'hôtel de ville ont lire : "Valenciennes a bien mérité de la patrie : convention Nationale"). Le 10août 1793, le duc d'York, lieutenant du prince de Cobourg vient occuper Haspres, Avesnes le Sec, Iwuy et toute la rive droite de la Selle. Après quelques semaines d'observation et d'escarmouches, un combat d'une violence inouïe met aux prises Français et Autrichiens. Le 12 septembre 1793, de grand matin, l'artillerie autrichienne postée au Camp de César à Iwuy bombarde les troupes françaises, puis, la cavalerie autrichienne partie des hauteurs d'Haspres et d'Avesnes se précipite sur les Français et les taille en pièces. Les fuyards durent se diriger vers Bouchain et, à la faveur de la nuit, se glissèrent dans les fossés de la Sensée pour rejoindre Cambrai.

    Il s'y donna entre une partie de leurs troupes un combat où les Français furent repoussés avec pertes.  Le combat eut lieu très exactement le 12 septembre 1793 de grand matin.  Les pertes françaises s'élevèrent à 2.000 morts, 1.000 blessés, 1.000 prisonniers.  Les Français perdirent aussi à Avesnes le Sec 18 pièces de canon, 2 obusiers et 9 drapeaux".

(Mémoires historiques 1791-1799 pour Cambrai et le Cambrésis).     

Certains historiens affirment que Chapuis, considéré comme responsable de l'échec des troupes françaises, fut guillotiné le lendemain de la bataille, d'autres prétendent que le général Desclaye fut appelé à la barre de la Convention et exécuté.

     Une partie des corps des victimes fut enterrée le lendemain au bout du chemin de Cambrai.     

Haspres resta donc sous l'occupation autrichienne pendant plus de 8 mois. Des engagements avaient lieu régulièrement avec la garnison française de Cambrai. Le prince de Cobourg rapporte dans ses mémoires que "Les Français étaient forcés à la retraite vers Villers en Cauchies et reculaient jusque Cambrai".

     Il faudra attendre avril 1794 pour que les troupes françaises commandées par Scherer chassent enfin les Autrichiens de notre village. Le 27 avril 1794, les français "entrent à Haspres, pillent les maisons, brise les serrures, mettent l'église au pillage, jettent les hosties et enlèvent les vases sacrés". (Archives Charles Laurent).

L'abbé Pontois qui avait exercé le culte sous la protection des Autrichiens sera emprisonné puis guillotiné.

LA TERREUR : LE CURE D' HASPRES EST GUILLOTINE.

De 1792 à 1795, la France va vivre la période la plus sanglante de la révolution : La Terreur. Les suspects, les ennemis du nouveau régime, les prêtres réfractaires les traîtres ... seront jugés, conduits à l'échafaud.

    Si à Paris, les ténors du barreau révolutionnaire avaient pour nom Robespierre,Danton, Marat, Couthon, St-Just ... notre région aura pour chef révolutionnaire Joseph Lebon.  Lebon est né à Arras en 1767 et occupait, près de chez nous, la cure de Neuville.  Lorsque la Révolution éclata, il abandonna la soutane, fut nommé maire d'Arras puis député du Pas-de-Calais, et responsable du Tribunal Révolutionnaire de la région.  Accusé de modération à ses débuts, il devint le terroriste exalté, s'en prenant particulièrement au clergé.  "Il faut, disait-il, que les prêtres arrachent leurs rabats comme je l'ai fait moi-même, il faut que le bonnet de la Liberté couvre toutes les têtes qui ne voudront pas tomber sous le couteau national".

     Ce chef révolutionnaire enverra notre curé à l'échafaud.  Après la chute de Robespierre, le 9 thermidor, une députation de Cambrai le condamnera et il subira le sort qu'il fit subir à tant d'autres ... il sera guillotiné à Amiens le 13 vendémiaire.

     En 1790, Louis XVI promulgua la Constitution Civile du Clergé déclarant le clergé indépendant du St-Siège. Les prêtres doivent prêter serment à cette Constitution et sont appelés prêtres assermentés. Ceux qui refusent seront appelés prêtres insermentés ou réfractaires.

     l'abbé Christophe, professeur au collège St-Michel de Solesmes mentionne dans son livre "les Choix du Clergé sous les Révolutions" que "si en France 50 % des prêtres ont prêté serment, il n'y eut dans la Valenciennois que 4 % de prêtres assermentés".  L'archevêque de Cambrai refusant la Constitution Civile du Clergé demanda aux prêtres de notre diocèse "que les ecclésiastiques refusent le serment, continuant à être les vrais et les seuls pasteurs de l'église" et leur conseilla en cas de danger "de s'éloigner de leurs fidèles paroissiens". (Histoire de Briastre par Chatelain).

     L'abbé Carré, prêtre cambrésien, natif d'Haspres, refusera de prêter serment. L'abbé Pontois, curé d'Haspres, va suivre lui aussi les conseils de son supérieur hiérarchique. Son refus de prêter serment le destituera et il devra s'enfuir pour éviter la prison. Il sera remplacé par un nouveau curé assermenté, Jacques Bailleul qui exercera le culte dans notre village. Les moines de l'Abbaye, craignant eux aussi des représailles, s'enfuient vers Mons où ils se mettent sous la protection des Autriciens. Quelques Haspriens qui n'avaient pas émigré (Laurent, Lestoille) furent recherchés par un peloton de cavaliers républicains et ne durent leur salut qu'à leur idée de se cacher dans la ferme Lestoille sur la place, entre le mur et le tas de fourrage.

     Nous avons vu plus haut que les Autrichiens vont revenir réoccuper la région.  Ils chassent le prêtre assermenté Bailleul, et l'ancien curé Pontois, de retour, retrouve sa cure.  Il va exercer le culte pendant 8 mois, jusqu'au 27 avril 1794.  A cette date les Français chassent définitivement les Autrichiens de chez nous.  Le curé d'Haspres sera emprisonné, jugé comme suspect par le tribunal révolutionnaire du célèbre Lebon, condamné à mort et guillotiné le 15 octobre 1794 sur la place de 'Valenciennes, face à sa maison natale. 47 prêtres ou religieux du diocèse de Cambrai subiront le même sort.  On cite parmi eux les curés de Maing, d'Escarmain,

de Briastre, de Curgies et de Jolimetz.

     Il est difficile d'évaluer exactement en France le nombre de victimes de la Terreur : 15.000 ? 30.000 ? Pour notre région on a avancé le nombre de 67 exécutions pour le Valenciennois et 135 pour le Cambrésis.

   Il y eut certes des abus : 11 Ursulines de St-Saulve furent guillotinées (béatifiées par le Pape en 1920).  Mais les victimes étaient-elles toutes étrangères à la misère et à la révolte du peuple ? Un de nos professeurs d'histoire auquel je laisse la responsabilité de son jugement comparait les quelques milliers de victimes de la Terreur avec les 1.400-000 tués de 1914-18, avec les 6 millions de juifs morts en déportation, avec les 36 millions de victimes de la dernière guerre. Quelques mois après ces événements sanglants, le 9 thermidor, Robespierre, Couthon, St-Just seront guillotinés à leur tour.  La tête de Lebon tombera sous le couperet de la guillotine d'Amiens. La Terreur prenait fin. La Prévôté d'Haspres disparaissait.  Elle fut vendue en 1792.  Les moines enfuis en Belgique ne revinrent pas.  D'après une légende citée précédemment, ils auraient enfoui une partie de leur trésor.

    L'église elle aussi sera vendue en 1799, démolie en partie, revendue. Elle reviendra à la Commune en 1803 et sera rebâtie en 1804. Les émigré qui avaient fui Haspres vont revenir. On cite parmi eux des Disler, Quarré, Massart. C'était la fin d'une époque.

Dans son histoire de Briastre, M. Chatelain nous dit qu'après le départ des Autrichiens, notre région n'était plus que ruines et désolation.  "La disette est extrême dans les régions traversées par la Selle".  L'assemblée Nationale sous le Directoire va voter une subvention de 2.000.000 de livres aux citoyens des départements du Nord et de l'Aisne ayant subi l'occupation autrichienne.

     Petit à petit Haspres retrouvera son calme et sa prospérité. La France s'achemine vers la Consulat, vers l'Empire, vers de nouveaux massacres.

    N.B Parmi ces 47 prêtres ou religieux victimes de la Terreur, indiqués ci-après, 37 furent guillotinés à Valenciennes.

    11 Ursulines de Saint-Saulve périrent elles aussi sur l'échafaud de Valenciennes.  Elles seront béatifiées par le pape en 1920.

      Le nombre des victimes de la Terreur (civiles et religieuses) S'élève, selon un document prêté par Augustine Moreau, à Valenciennes et à 135 à Cambrai. Pierre Pierrard dans son "histoire" du Nord" avance les nombres de 94 guillotinés à Valenciennes et 151 à Cambrai.

LISTE DES PRETRES VICTIMES DE LA REVOLUTION

DANS LE DIOCESE DE CAMBRAI

1 Ansart, capucin à Douai.

2 Bettrémiaux, récollet à Valenciennes.

3 Breuvart, vicaire à Valenciennes.

4 Brisson, professeur à Landrecies.

5 Brûlé, curé d'Oisy.

6 Caniot, professeur à Douai.

7 Danjou, vicaire à Condé

8 Delahaye, récollet au Quesnoy.

9 Dezitter, curé de Crochte.

10 Druet, desservant de Quarouble.

11 Dubois, chartreux à Valenciennes.

12 Duconseil, curé de Boiry.

13 Godez, capucin à Cambrai.

14 Gosseau, curé à Valenciennes.

15 Guiot, récollet à Lille.

16 Hanequand, curé de Poix.

17 Hauxel, vicaire de Nonain.

18 Honoré, chartreux à Valenciennes.

19 Huvelle, curé de Preux au Sart.

20 Jessus, récollet à Bapaume.

21 Laisney, desservant à Maing.

22 Lanciaux, curé de Jolimetz.

23 Larivière, bénédictin à Liessies.

24 Largillière, professeur au Quesnoy.

25 Lecerf, coadjuteur à Maing.

26 Lecoutre, coadjuteur à Valenciennes.

27 Ledoux, chartreux à Valenciennes.

28 Lévêque, récollet au Cateau.

29 Lempereur, bénédictin à Maroilles.

30 Libert, curé de Sebourg.

31 Mabille, desservant à Onnaing.

32 Malaquin, curé d'Escarmain.

33 Maillet, cistercien à Vaucelles.

34 Nisse, chanoine à Phalempin.

35  Ochin, curé de Curgies.

36 Pannier, curé de Saint-Vaast là Haut.

37 Pavot, récollet à Valenciennes.

38 Peugniez, cordelier (Oise).

39 Pontois, curé d'Haspres.

40 Preux, curé de Catillon.

41 Richez, curé de Briastre.

42 Saladin, curé à Lille.

43 Saudeur, capucin à Maubeuge.

44 Selosse, curé à Valenciennes.

45 Tranchant, bénéficier à Cambrai.

46 Vienne, vicaire à Valenciennes.

47 Willerez, récollet à Bapaume.

(Prêtres victimes de la Révolution dans le diocèse de Cambrai, 1792-1799, par l'abbé J. Dehaut.  Oscar Masson, Cambrai, 1909).

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