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La Maraîchine Normande
10 avril 2012

Pierre-Claude-André Rasse : un curé de choc

Pierre-Claude-André RASSE : Un curé de choc, gendarme sous la Terreur, maquisard sous l'Empire, décoré de la Légion d'Honneur par Napoléon, condamné à mort par les Autrichiens, et ... curé de Moux.

 

 

Pierre-Claude-André est né à Moux le 23 avril 1758, de Joseph RASSE et de Pierrette BROCHOT.

Ses frères et soeurs sont Antoinette (1745-?), Louis (1746-?), Théodore (-) et Reine.

La famille RASSE est alors une famille de marchands, venus du Luxembourg dans la première moitié du XVIIIe siècle et installés à Moux.

 

Il fait ses études au collège d'Autun (où Napoléon sera élève en février 1779), puis au grand séminaire de cette ville, où il est ordonné prêtre, aux Quatre temps de décembre 1783.

 

Il est vicaire à Dun-les-Places (30/12/1783), St-Père-sous-Vézelay (26/10/1784) et Vievy (25/05/1785), puis curé à Verrey-les-Larrons (27/01/1787)

 

 

Le 17 octobre 1785, alors qu'il est vicaire à Vievy, il vient à Moux célébrer le baptême de Claude, fils de Jacques-Jean COLLENOT et d'Antoinette RASSE, sa soeur. Il est le parrain de l'enfant.

1789 : La Révolution le trouve Curé à Voudenay. Il fait le serment demandé aux prêtres, mais que beaucoup refusent.

 

1793 - 1800 - Du goupillon au sabre

 

15 décembre 1793 : La Terreur. Pierre-Claude-André RASSE, comme de très nombreux prêtres de France, quitte ses fonctions.

 

 

1794 : Après diverses péripéties, il est nommé gendarme à Arnay-le-Duc.

Dans cette fonction il sauve de la prison et de la mort probable des familles de nobles émigrés qui se cachent dans la région et plusieurs prêtres menacés par des perquisitions. Ces faits sont relatés par plusieurs témoins et chroniqueurs :

  • Sébastien-Joseph COMEAU, dans ses mémoires : "Françoise-Xavière, soeur de Jean-Baptiste ESPIARD de MACON, recueille les enfants ESPIARD et se réfugie chez sa fille aînée, Melchiore de COMEAU, à Brazey. L'ancien curé de Moux, devenu gendarme, les avertit lors des perquisitions." [ voir cet épisode]),
  • Jean-François BAUDIAU, curé de Dun-les-Places, qui dans son livre de 1867 dit avoir interviewé l'intéressé : [ voir ce récit]
  • L. CHARRAULT dans son livre "Dans l'ombre du Morvan".
  • Jean BRUNEAU dans sa Monographie d'Alligny en Morvan - 1905 (voir ci-dessous).

1800 - 1813 - Le retour à l'orthodoxie

 

1800 -1802 : Curé de Moux

 

Le 15 juillet 1802, alors qu'un nouvel évêque vient d'être nommé à Autun, il lui écrit une lettre particulièrement significative de son ... adaptabilité :

 

A Moux, mercredi 26 messidor an X

Monsieur l'Evêque,

Je viens d'apprendre avec une vive joie votre arrivée à Autun.

Je ne doute plus à présent qu'animé des principes de justice et d'équité qui sont votre apanage, votre présence dans votre diocèse fera renaître le bon ordre et dissipera les troubles scandaleux qui depuis longtemps affligent et avilissent notre sainte religion et ses ministres.

Permettez que je vous fasse ici ma profession de foi bien sincère. Je déclare que je professe et professerai toute ma vie la religion catholique apostolique et romaine ; que j'adhère de tout mon coeur aux articles et dispositions passées entre le Souverain Pontife et le Gouvernement français ; que je vous reconnais pour mon légitime évêque et en cette qualité je vous promets toute l'obéissance dont je suis capable, ainsi qu'à MM vos vicaires généraux ; et renonce à la constitution civile du clergé.

C'est avec ces sentiments que j'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect,

Monsieur l'Evêque,

Votre très humble et très soumis serviteur,

RASSE, prêtre

(Source : Archives de l'Evêché d'Autun)

 

15 juillet 1802 : Curé de Gien-sur-Cure. La paroisse n'est pas maintenue au Concordat (publié le 18 avril 1802).

20 mars 1805 - 1815 : curé d'Alligny-en-Morvan.

 

Une prime de cheval de 300 francs

En 1809, "le conseil municipal, considérant que la commune d'Alligny présente une étendue et une population considérables, ce qui donne au desservant plus de difficultés que dans une autre pour l'exercice du ministère et le met dans la necessité d'avoir un cheval ; qu'alors il y aurait injustice de lui refuser un supplément de traitement, arrête : il sera annuellement fourni par la commune d'Alligny un supplément de traitement de 300 francs" (Archives municipales)

 

1814 et 1815 - Le maquisard décoré par Napoléon

 

19 janvier 1814 : Les Autrichiens envahissent Dijon et la région, avec une importante garnison à Autun. Pierre-Claude-André RASSE se met à la tête des maquisards partisans de Napoléon, appelés par le préfet "les bandes de Saulieu". Ceux-ci sont réunis au camp des Latois, dans un bois entre Moux et Blanot, à la lisière des 3 départements de Côte d'Or, Nièvre et Saône-et-Loire.  Il organise de nombreux coups de main contre l'occupant , dont l'enlèvement, le 5 mars, de l'estafette Franz Meuzel, et une attaque des troupes qui occupent le château de Lucenay-l'Evêque.

 

Le camp des Latois rassemble bientôt 2 000 hommes qui multiplient les coups de main. Napoléon soutient le mouvement en envoyant son estafette Forbin-Janson pour l'organiser plus militairement. Mais la capitulation de Paris et l'abdication de l'Empereur (6 avril) vont mettre rapidement un terme à l'aventure.

 

11 avril 1814 : proclamation de Louis XVIII. C'est le début de la première Restauration. Les "bandes de Saulieu" s'opposent à la proclamation de Louis 18 dans la commune d'Arnay-le-Duc et continuent à lutter contre les Autrichiens. Les dernières actions sont signalées jusqu'au 14 avril.

 

Juin 1814 : Les Autrichiens quittent la Côte d'Or. Pierre-Claude-André RASSE reprend son ministère à Alligny.

 

16 mars 1815 : Un grand jour pour Pierre-Claude-André RASSE. Napoléon, de retour de l'IIe d'Elbe, après avoir passé la nuit au château de Chissey, s'arrête au relais de poste de Pierre-Ecrite où il décore notre héros, dans le bureau du maître de poste, M. BEAUJARD. Une plaque, à l'intérieur du relais, rappelle cette date : "NAPOLEON 1er ESCORTE DU 13e DRAGON ET DE SES LANCIERS POLONAIS S'EST ARRETE A CE RELAIS LE JEUDI 16 MARS 1815 A 1 HEURE APRES MIDI SE DIRIGEANT SUR AVALLON ET PARIS".

 

(A-t-il reçu la Légion d'Honneur, créée par Napoléon ? Ce point reste inconnu, car le nom de l'Abbé RASSE ne figure pas dans les listes des récipiendaires de cette décoration.)

 

1815 - Condamné à mort

 

Juillet 1815 : Après la défaite de Waterloo et l'abdication de Napoléon, l'armée wurtembergeoise envahit la région. Pierre-Claude-André RASSE est arrêté, son presbytère d'Alligny est occupé par les troupes et ravagé, le mobilier dispersé. Il est conduit à Autun où un conseil de guerre le condamne à mort. L'intervention de l'évêque, Mgr Imbertie, auprès des autorités militaires et une pénible séance d'amende honorable, pour sa conduite et ses opinions, un dimanche, dans l'église de Montsauche, lui sauvent la vie. Il est interdit de ministère par son évêque. Malade, il rentre à Moux dans sa famille.

 

1er septembre 1816 : il est nommé curé de St-Agnan-en-Morvan

1er octobre 1817 - 1832 : Curé de Moux, il habite le presbytère aux Perruchots de 1817 à 1825

 

13 septembre 1832 : Pierre-Claude-André RASSE décède à Moux dans sa maison où il vivait avec son frère Théodore, juge de paix. Il est inhumé dans l'église (selon Baudiau).

 

 

Un héros local...

 

Pierre-Claude-André RASSE a laissé une trace profonde dans l'histoire de la région. Voici ce qu'écrivait de lui en 1905 Jean BRUNEAU, curé d'Alligny :

 

"Labbé Rasse était un homme de haute valeur qui aurait pu jouer un très grand rôle dans une autre position. Pour soulever les populations, comme il le fit en 1814 et en 1815, il fallait non seulement de l'initiative, mais il fallait avoir conquis à l'avance l'affection et l'estime du peuple par des services rendus, par des entreprises habiles, par des relations adroites et bienveillantes. Et, en effet, l'abbé Rasse avait le coeur bienfaisant, un esprit ouvert et communicatif, et qui comprenait les besoins des pauvres gens. Si Napoléon, qui se connaissait en hommes, l'a décoré, c'est parce qu'il a découvert en lui un homme énergique et habile, capable d'exercer une très grande influence. Il aimait à rendre service, était toujours disposé à entendre la plainte d'un voisin malheureux, et à fournir conseil et assistance pour se relever ; mais il aimait aussi qu'on lui en fût reconnaissant. On disait familièrement de lui : il n'a pas peur, il sait faire marcher les affaires ; mais il ne faut pas l'oublier, quand il a donné un coup de main.

 

Homme à la fois intelligent et ardent, le curé Rasse éprouvait sans cesse le besoin de se remuer et d'agir. Quand la vie du prêtre ne lui fut possible ; quand à l'époque de la Révolution, il lui fallut se cacher ou s'exiler, son coeur s'émut à la vue des impossibilités qu'il voyait de toutes parts. "me cacher ! se dit-il, mais je ne puis plus vivre sous terre comme une taupe, ni dans un grenier sans faire de bruit. Je m'emporterai contre les injustices et contre les criminels, je serai pris à cause de mes imprudences et je compromettrai les amis généreux qui m'auront abrité. - me sauver ! mais je risque d'être arrêté pour les mêmes raisons, avant d'arriver à la frontière ; et quand même j'échapperais, l'ennui s'emparera de moi et je mourrai à l'étranger de chagrin et de misère."

La question fut murement débattue avec ses nombreux amis et l'on décida qu'il resterait, qu'il se montrerait aussi républicain que les autres, dans l'espoir d'empêcher un crime ou deux et même de sauver quelques innocents. Cela vaudrait mieux que de perdre ses amis ou de travailler avec les ennemis de la France.

Comme son caractère entreprenant l'avait mis en rapport avec une foule de gens de tous les partis et que ses manières cordiales lui assuraient le dévouement de toutes ses connaissances, il lui fut facile de se faire recommander et accepter comme gendarme dans la brigade d'Arnay-le-Duc. ...

 

... Une fois revêtu de l'uniforme de policier, l'abbé Rasse se fit un plan très simple, mais dangereux pour un homme moins habile : "je serai républicain ou patriote, tant qu'on le voudra, disait-il, et j'empêcherai le mal que je pourrai, sans me perdre moi-même".

 

... il lui était facile de dire en passant à l'oreille d'un suspect : "Demain, dès le matin, nous vous arrêterons chez vous" ou bien de glisser cette commission à l'oreille d'un intermédiaire fidèle : "Allez prévenir un tel que sa maison sera fouillée aujourd'hui même". On conçoit qu'avec de telles précautions le gendarme pouvait montrer le zèle le plus subtil, le plus farouche même, sans s'exposer à arrêter les innocents ou à compromettre ceux qu'il voulait aider. Au retour, on inscrivait au rapport : "les patriotes s'étaient trompés" ou bien "le gibier était parti" ou encore "d'affreux réactionnaires avaient donné l'alarme".

 

(Source : BNF - Monographie d'Alligny en Morvan - Abbé Jean BRUNEAU - 1905)

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