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La Maraîchine Normande
18 octobre 2018

TOULOUSE (31) - JEAN-DENIS CAILHIVE, UN CURIEUX PRÊTRE (1769 - 1832)

UN CURIEUX PRÊTRE
JEAN-DENIS CAILHIVE (1769 - 1832)

 

Notre-Dame de Dalbade Toulouse z

JEAN-DENIS CAILHIVE est le fils du sculpteur toulousain, Pierre Cailhive (1732-1795) et d'Antoinette-Françoise-Thérèse Dernis. Il est né à Toulouse le 15 octobre 1769 et a été baptisé à Notre-Dame de la Dalbade, sa paroisse, le lendemain, ses parents habitant alors rue Pharaon. Il avait pour parrain son oncle Jean-Denis Cailhive et pour marraine sa tante Marguerite Cailhive.

 

BAPTËME Z

 

Petit et bossu, malade de la poitrine, d'une santé défaillante, il échappe grâce à sa faiblesse physique à toute conscription pendant la Révolution et la Société Populaire le déclare incapable de porter les armes. Il obtient même, en 1794, un passeport pour Castres où réside son oncle et parrain qui est loin de partager les idées nouvelles ; ce dernier a d'ailleurs été arrêté et emprisonné en 1793.

La famille de Jean-Denis est très attachée à la religion catholique. Sa soeur, Brigitte, après avoir essayé d'entrer au carmel de Toulouse, est allée chez les carmélites de Pamiers, où elle prononce ses voeux en 1813 et y vit jusqu'à sa mort en 1851. Le curé de Saint-Quirc en Ariège, Paul Dernis, sans doute son grand-oncle maternel refuse de prêter serment à la constitution civile du clergé, et, en septembre 1792, émigre en Espagne malgré son grand âge.

Jean-Denis a sans doute commencé ses études au petit séminaire de Toulouse qui est fermé en 1791. Il se retrouve au collège tenu par Germain Pujol, rue Ninau, qui utilise comme maîtres d'anciens ecclésiastiques et forme clandestinement de futurs prêtres. Jean-Denis sera l'un d'eux. Loin de renier ses convictions religieuses, il poursuit ses études théologiques pendant la Révolution et reçoit les ordres mineurs à Notre-Dame de Garaison (Hautes-Pyrénées) dans la nuit du 18 au 19 mars 1791 des mains de Mgr du Pin-Montauban, archevêque d'Auch. Il devient l'un des professeurs du collège Pujol et en 1794 aura comme élèves, entre autres, Guillaume de Montbel et les frères Victor et Eugène de Marsac. Il est ordonné prêtre secrètement en avril 1795 par Mgr de Maillé, évêque de Saint-Papoul, qui n'a pas émigré.

Peu de mois après, par ordre du vicaire épiscopal l'abbé Dubourg, il appose, tout jeune vicaire, le sceau de l'archevêque de Toulouse, Mgr de Fontanges, alors en émigration, sur les reliques de saint Sernin, sauvées de la profanation en 1794 ramenées solennellement dans la basilique par les élèves de l'institut Pujol le 23 juillet 1795.

De 1795 à 1798, Jean-Denis Cailhive exerce son ministère dans l'illégalité, baptisant dès le 10 avril à Saint-Étienne de Toulouse, célébrant des mariages dans la maison de son frère Guillaume-René, puis baptisant dans la banlieue toulousaine et en Lauragais. Il est curé de Fontenilles ; mais les Jacobins font de nouveau fermer les églises et il est chassé de Vallègue où il réside. Il se réfugie chez sa soeur rue Rémézy, non loin de l'église de la Dalbade à laquelle il est plus ou moins rattaché.

Malgré les dangers, Cailhive n'hésite pas à porter la communion aux malades, même à l'hôpital Saint-Jacques.

Dénoncé, il est arrêté le 22 février 1798 et condamné à la déportation ; il s'évade pendant le transport entre Toulouse et Bordeaux, mais est repris. Il demande en vain au préfet de Haute-Garonne sa libération le 14 avril 1800, renouvelle sa demande en février de l'année suivante et est enfin libéré le 4 mars 1801. Depuis plusieurs mois déjà, le premier consul et le pape avaient entrepris des négociations pour rétablir officiellement le culte catholique en France. Le Concordat sera signé le 15 juillet 1801, la libération de Cailhive s'inscrit dans ce contexte d'apaisement.

Jean-Denis Cailhive est intégré comme prêtre réfractaire dans le clergé mis en place par le Concordat et devient en 1802 vicaire à la Dalbade où il reste jusqu'en 1815. De ces années troublées si difficiles pour lui, il gardera toute sa vie une opposition farouche à la Révolution et un attachement passionné à la royauté, symbole de la vraie religion rétablie. Pendant les Cent Jours, il est du nombre des prêtres qui refusent de prier pour l'empereur et est considéré comme dangereux. En récompense de sa fidélité au roi, il est nommé en 1815 curé de Lanta, où il ne demeure d'ailleurs que deux ans. On ignore tout de sa vie dans cette paroisse.

Le 24 mars 1817, Jean-Denis Cailhive devient curé de Lézat, l'Ariège faisant alors partie du grand diocèse de Toulouse. Mais ici les incidents se multiplient en raison de son caractère difficile, de son esprit procédurier et de son âpreté au gain. Quelques mois à peine après son installation éclate une première affaire à propos des reliques de saint Antoine, Cailhive a été chargé d'apposer le sceau de l'archevêché, à lui confié, sur les reliques du saint pour les authentifier après la Révolution, ce qu'avait négligé de faire son prédécesseur. Il effectue toutefois cette reconnaissance en secret sans la présence d'aucun membre de la fabrique ni de la municipalité, se comportant comme s'il en était propriétaire. On l'accuse d'ailleurs d'en avoir prélevé une parcelle pour la donner à un des membres toulousains de la Congrégation qui la lui avait demandée.

La même année, Jean-Denis Cailhive prétend qu'on a promené le jour de la saint Jean-Baptiste, fête du pays, un drapeau tricolore dans les rues par ordre du maire. Or il s'agit de la bannière suspendue aux voûtes de l'église qu'on porte en procession ce jour-là en distribuant le pain bénit ... et le préfet ne se prive pas de le souligner dans sa réponse.

En février 1818, une altercation avec un de ses paroissiens provoque une plainte du curé à qui on aurait refusé de payer des frais d'enterrement et qu'on aurait en outre injurié. En septembre, c'est avec le sacristain que Cailhive a des démêlés ; il prétend que celui-ci lui a fourni des hosties empoisonnées qui ont causé sa maladie et il cherche à le faire partir ; or dans la famille du sacristain on exerce cette fonction de père en fils et les paroissiens ont l'habitude de donner en remerciement quelques gerbes de blé, que Cailhive voudrait s'approprier.

En 1819, les relations entre le curé et ses ouailles s'enveniment ; ce ne sont plus des discussions avec des individus mais c'est la lutte entre le maire et le curé à propos de l'exercice même du ministère paroissial. Les reproches à l'égard de Cailhive sont nombreux. Le curé a fait sonner les cloches en semaine lors de la Chandeleur, fête de Notre-Dame de février, et a conduit une procession dans les rues de la ville, toutes choses contraires aux lois qui repoussent au dimanche suivant la célébration de cette fête et cantonnent la procession dans l'église. Mais quand il s'agit des Rogations le curé se contente d'une procession en ville au lieu de parcourir la campagne. Cailhive s'absente au moins une semaine par mois pour aller à Toulouse, mais n'installe pas de remplaçant ; il faut donc faire appel à la bonne volonté des prêtres voisins pour célébrer les enterrements ou porter l'extrême onction aux malades. Il n'a pas voulu conserver le vicaire que payait la ville et n'accepte même pas qu'un prêtre résidant à Lézat puisse célébrer une messe dans l'église paroissiale quand il fait très mauvais temps ; il chasse ce prêtre, laisse les cloches appeler les fidèles à l'église mais ne veut pas célébrer la messe. Cailhive est aussi accusé par ses paroissiens de refuser d'enterrer un enfant dont le corps a été apporté à l'église par ses parents et de frapper ses enfants de choeur pendant les cérémonies. Ils se plaignent également de son âpreté au gain : il faut lui payer le casuel même si l'on a dû faire appel en son absence à un prêtre extérieur ; il a célébré trois mariages le même jour à la même messe, chaque couple devant lui payer le casuel. La rumeur dit aussi qu'il ne veut pas porter l'extrême onction aux malades si on ne lui fournit pas un cheval sellé. Enfin il se livrerait à un fructueux commerce de poudre qu'il impose à ses paroissiens d'acheter quand ils sont malades en prétendant les guérir ainsi de toutes les maladies imaginables.

La situation est devenue tellement grave et Cailhive est si contesté que l'autorité religieuse réagit et envoie le curé de Saint-Sulpice-sur-Lèze enquêter sur ses agissements (juillet 1820). Le résultat en est que Cailhive est obligé de démissionner et de se retirer à Toulouse, où il habite d'abord rue des Nobles, puis rue Tolosane.

A peine installé dans sa paroisse de Lézat, Jean-Denis Cailhive avait acheté une tuilerie à Jeanne de Rochefort, veuve de Dufaur de Saubiac. Il en confie l'exploitation en 1822 à Raymond Peyloubet et ses fils moyennant 600 francs par an et la fourniture d'un certain nombre de tuiles cuites.

Durant son séjour à Lézat il n'oublie pas ses intérêts toulousains et c'est pourquoi sans doute il revient régulièrement dans cette ville. En 1818, il a prêté à Toulouse une somme de 2.000 francs à un commissaire aux poudres alors en résidence à Perpignan. Après diverses tractations, il obtient en 1822, en remboursement, la propriété d'une maison rue de l'Observance appartenant à un tiers. Ce sont, semble-t-il, les seules opérations immobilières qu'il ait effectuées.

Une constitution de rente le 29 août 1825, annulée dès le 13 octobre suivant, paraît sans intérêts pécuniaire sinon le remboursement du capital. Avec le transport à son profit d'une somme de 3.000 francs due à son beau-frère Jacques Labrouillère, mari de sa soeur Charlotte, en 1823 et la constitution d'une rente de 400 francs dès 1812 pour une somme de 8.000 francs prêtée en 1804, on a fait le tour des affaires financières ayant donné lieu à des actes notariés. Mais il est vraisemblable que la plupart de ces opérations n'étaient pas consignées dans un acte authentique car on ne peut s'expliquer autrement que Jean-Denis Cailhive ait laissé à sa mort une somme de près de 21.000 francs en pièces d'or ... quel que soit le bénéfice que lui laissait son commerce de poudre médicinale.

L'abbé Jean-Denis Cailhive est mort à Toulouse, le 14 juillet 1832. Il avait rédigé son testament dès 1809 et avait alors choisi pour héritier son frère Guillaume-René, ou, à défaut, le premier enfant mâle petit-fils de sa soeur Charlotte et donc son petit-neveu. Or Guillaume est mort avant lui le 7 octobre 1831 et le testament est contesté par ses soeurs Brigitte et Charlotte, alors veuve, qui s'oppose à son petit-fils Adolphe-Jacques Rey, représenté par son père. Une transaction intervient un an plus tard aux termes de laquelle Charlotte reçoit une rente viagère de 300 francs et Brigitte 2.000 francs et 39 livres de piété dont les titres sont précisés dans le testament.

Un inventaire après décès a été dressé en 1832 ; la fortune mobilière du défunt s'élevait à près de 25.000 francs, la maison du faubourg Saint-Michel n'ayant pas été évaluée.

Cet inventaire permet de pénétrer un peu dans l'intimité de l'abbé Cailhive. Il habitait alors 15 rue Tolosane dans une maison appartenant à Mme Belmont où il occupait au premier étage un logement de quatre pièces principales : deux sur la rue, la salle-à-manger-laboratoire, avec un cabinet où couchait sa gouvernante, et sa chambre à coucher pourvue d'une pièce obscure, et deux sur le jardin, une pièce servant de cuisine et possédant un poêle en faïence et le salon-bibliothèque. Vêtements, linge de corps et de maison étaient usés comme il est normal chez un homme âgé. Le mobilier comportait de nombreuses tables et chaises ordinaires ; mais le salon était plus luxueux avec son canapé, ses deux bergères, ses six fauteuils en noyer couverts de velours jaune, sa console à dessus de marbre, son trumeau, ses chandeliers argentés et ses quatre flacons de cristal. A noter également, outre le secrétaire où il rangeait son trésor, son lit de noyer avec ciel de lit et rideaux, deux caisses d'horloge, un bureau de noyer, une grande armoire peinte en rouge renfermant l'argenterie (une timballe, deux grandes cuillers, six fourchettes, six cuillers à soupe, douze petites cuillers à café, le tout en argent ; il y avait aussi des couverts de fer). La vaisselle, dont on signalait spécialement deux douzaines d'assiettes octogonales, était de faïence blanche et non de porcelaine.

La bibliothèque comptait deux mille volumes environ, souvent dépareillés, plus des brochures, le tout réparti sur des rayonnages ou dans des caisses, dont la moitié concernait la religion. L'abbé Cailhive possédait un calice d'argent avec sa patène, conservés dans un étui de cuir, et un bel ostensoir garni de roses de diamant, dont il avait disposé dès 1809 en faveur de l'église de la Dalbade où il était alors vicaire. Une petite croix d'argent et trois croix de bois complétaient le mobilier religieux. Quoiqu'à la retraite, Jean-Denis Cailhive avait conservé de nombreux ornements liturgiques, la plupart usés, où se remarquaient toutefois quelques étoles en bon état de soie brodées d'or ou d'argent. A côté de ces vêtements, il avait placé une "toilette" en velours cramoisi doublé amaranthe avec galons d'or, déjà signalée en 1809 et destinée à être transformée en ornements. Tout ce mobilier ne saurait étonner chez un ecclésiastique.

L'abbé Cailhive affirmait ses goûts personnels par la présence d'autres objets. Il jouait parfois aux échecs ou aux dames mais il n'y avait chez lui ni jeux de cartes ni dés. Il possédait deux petits tableaux peints sur bois représentant deux mendiants, deux petites Vierges peintes sur cuivre, un tableau peint sur bois représentant saint Jérôme, sans compter plus de deux cents tableaux, grands ou petits, sur toile ou non, encadrés ou non, déposés dans la pièce obscure.

En bon fils du XVIIIe siècle, l'abbé Cailhive avait reçu une teinture scientifique : cartes géographiques, équerre et compas sont des objets courants. L'intérêt pour l'astronomie est moins fréquent ; un assortiment de trois longues vues en carton, six lunettes en bois et cuir, quatre grandes lunettes en fer blanc peint et cuivre ainsi que deux pieds de lunette prouvent sa curiosité en cette matière. Il avait aussi un goût marqué pour la chimie, ainsi qu'en témoignent un mortier, une petite balance romaine, 115 grammes d'or non travaillé, une commode pleine de drogues non inventoriées ... et les poudres qu'il prescrivait à ses paroissiens de Lézat. Agates et topazes en vrac ont pu servir à diverses expériences. Une presse à bois et des caractère en acier évoquent un imprimeur en chambre. Enfin deux objets inattendus ont été trouvés dans ses affaires, une croix de la Légion d'honneur en or et une médaille en or représentant d'un côté Napoléon et Marie-Louise, de l'autre le roi de Rome, sans doute conservées en raison de leur valeur intrinsèque en métal précieux.

La personnalité de Jean-Denis Cailhive présente donc des facettes variées. Sa foi profonde le fait affronter sans peur les dangers de la Révolution, mais à Lézat il se montre mauvais pasteur et se croit sans raison victime de persécutions. Il aime thésauriser non seulement des pièces d'or mais encore des objets du culte de valeur. Il a le sens de la famille, ne veut pas que sa fortune soit dispersée et il choisit un héritier mâle même s'il ne s'appelle pas Cailhive. Enfin, malgré son goût pour l'argent, ou peut-être à cause de lui, il s'intéresse à l'astronomie et à la chimie ... à moins que ce ne soit à l'alchimie.

 

décès z

Jeanne Bayle
L'Auta - septembre 1996

AD31 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Toulouse

 

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