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La Maraîchine Normande
19 septembre 2017

THOUARCÉ (49) - UNE BROCHURE CONTRE PIERRE-LOUIS-ÉTIENNE COURONNÉ, L'INTRUS DE THOUARCÉ (1791)

 

Thouarcé église z

PIERRE GODARD, curé de Thouarcé, refusa le serment à la constitution civile du clergé. En conséquence, le 22 mai 1791, les électeurs du district de Vihiers nommèrent à sa place PIERRE-LOUIS-ÉTIENNE COURONNÉ, gardien des Cordeliers de Saumur, qui prit possession immédiatement.

Au mois de juin 1791, on répandit dans la paroisse une petite plaquette, sans lieu ni date ni nom d'auteur, intitulée :

"Catéchisme sur le schisme à l'usage de M. l'abbé de Périgord, adressé et appliqué au R.P. Couronné, religieux cordelier, défroqué et intrus, à Thouarcé, par la grâce de la Constitution."

Voici le texte de cette brochure, qui pourrait bien être l'oeuvre de M. Chatizel, curé insermenté de Soulaines, ancien membre de l'Assemblée Constituante :

Les apologistes de la religion ont remarqué, comme un miracle de la Providence, que les plus mortels ennemis de la religion chrétienne, les Juifs, soient les plus fidèles dépositaires des oracles qui en prouvent la divinité et viennent offrir eux-mêmes les preuves qui les condamnent. Je ferai la même observation sur le respect hypocrite qu'affectent pour le Saint-Siège ceux mêmes qui se révoltent contre ses décisions. C'est une preuve bien irréfragable de l'autorité du Pape que ceux mêmes qui, par leurs nouvelles doctrines, se séparent de la chaire de Saint-Pierre ou qui sont retranchés du corps de l'Église par les anathèmes de son chef, soient forcés de rendre hommage au grand principe de la nécessité de la communion avec le pape, en protestant qu'ils ne veulent pas rompre l'unité. Telle a été de tout temps la conduite des hérétiques et schismatiques, depuis Arius jusqu'au Révérend Père Couronné. Tous ont protesté, comme lui, qu'ils étaient inviolablement attachés à l'Église de Rome, qu'ils ne s'en sépareraient jamais ; qu'en vain elle les retrancherait de son sein, qu'ils s'en rapprocheraient toujours, du moins par leurs voeux ; et ce n'est que longtemps après qu'ils ont vu toute union impossible, qu'ils ont déclaré qu'elle était inutile, et qu'ils ont commencé à paraître mépriser ce qu'ils ont affecté de respecter. Telle fut la conduite d'Arius, de Pélage, Donat, Luther, Calvin, etc. Le Révérend Père n'est que le singe de leur hypocrisie, comme de leur révolte contre le Saint-Siège.

C'est une chose curieuse que d'entendre le Père Couronné soutenir sérieusement qu'il ne sera pas schismatique parce qu'il voudrait bien ne pas l'être, et qu'il restera toujours dans la communion du pape. Quoi ! quand le pape l'aura solennellement interdit, anathématisé, frappé des foudres de l'excommunication, solennellement dénoncé à l'Église universelle comme un membre gangrené, retranché du corps des fidèles, il sera encore dans sa communion ! La communion ne suppose-t-elle donc pas une union réciproque ? Suffit-il que vous affectiez de reconnaître le pape ? Ne faut-il pas aussi qu'il vous reconnaisse ? Le schisme n'est qu'une décision ; or, la division existe, dès qu'une des parties se sépare de l'autre. Peut-être direz-vous que c'est le pape qui est schismatique, puisque c'est lui qui vous sépare. En ce cas, il vous reste à le déclarer excommunié, ce qui serait fort curieux. Je vous préviens cependant qu'il vous faudra, sous le même anathème, envelopper toute l'Église unie de communion avec lui, et soutenir que la véritable Église a disparu de la surface de la terre et qu'elle ne se trouve plus que dans la secte des pasteurs constitutionnels de France. Peut-être n'oserez-vous pas faire cette démarche hardie, qui serait trop risible.

Peut-être la conscience très délicate du Père Couronné se tranquillise sur ce qu'il professe, dit-il, la même foi que le Souverain Pontife ; mais, outre que le Souverain Pontife dit le contraire et déclare que cette constitution civile du clergé, principal article de foi reconnu par le Révérend Père, n'est qu'un amas et une source de plusieurs hérésies (Bref du 13 avril 1791) ; de plus, croire que l'unité de foi suffit pour celle de communion, c'est une erreur grossière. Pour en guérir le Révérend Père intrus, je vais lui citer un docteur qui n'est pas, il est vrai, comme lui, un Père de la nouvelle Église gallicane ; un docteur qui peut-être fera rire un homme qui ne connaît d'autre théologie que celle de Rousseau et de Voltaire, mais qui est révéré dans toute Église : c'est saint Thomas, qui dit qu'on appelle schismatiques, ceux qui ne veulent pas se soumettre au Souverain Pontife ou communiquer avec les membres qui lui sont soumis. Membres qui lui sont soumis : voici une réflexion qui doit troubler la tranquillité du Révérend et lui faire craindre qu'il ne soit schismatique, même après qu'il aura dit tranquillement : Je ne veux pas être schismatique.

Il est clair que nous et vous, nous sommes en état de schisme. Nous fuyons vos temples, nous abhorrons vos offices ; nous vous nommons schismatiques, vous nous appelez non conformistes. La division est consommée, le schisme est total entre nous. Or, cependant nous sommes unis et en communion avec le pape et l'Église universelle ; ils nous reconnaissent comme nous les reconnaissons. Vous, au contraire, le pape vous renie, vous repousse, vous foudroie, malgré les efforts hypocrites que vous faites pour vous accrocher au vaisseau de l'Église, hors de laquelle il n'y a point de salut. Vous êtes donc schismatiques, puisque vous ne communiquez pas avec nous, qui communiquons avec le Saint-Siège ; car l'Église ne fait qu'un corps ou une assemblée, dont les membres doivent être unis et soumis au chef visible de l'Église, qui est le pape. Cela est-il dans l'ancien Catéchisme, mon Révérend Père ? Lisez-le, je vous en conjure.

Si le Révérend Père Couronné, lorsqu'il était au couvent, eût lu les Mémoires du Clergé, il eût su qu'en réponse à une Adresse présentée à l'Assemblée de 1715, dont les auteurs disaient aussi : Quand Rome voudrait-il se séparer de nous, nous ne nous séparerons pas d'elle ; il n'y aura pas de schisme tandis que la séparation sera de son côté et non du nôtre ; jamais nous ne pouvons devenir schismatiques malgré nous ; il eût su, dis-je, que le clergé répondit : Sifflement trompeur du serpent ! n'est-ce donc pas se séparer du Saint-Siège que de se révolter contre ses plus solennelles décisions ? Ainsi Luther protesta qu'il demeurait attaché à l'Église romaine, pendant qu'il combattait la foi.

Si le Père Couronné eût étudié les Pères de l'Église, il eût su que jamais ils n'ont eu d'autre marque pour reconnaître ceux qu'ils devaient admettre à leur communion, que le jugement du Saint-Siège. Rome vous reconnaît-elle ? Nous vous reconnaissons. Rome vous a-t-elle rejetés ? Nous vous rejetons. Aussi les Pères du concile de Constantinople (tenu en 536) disaient : Nous recevons à notre communion tous ceux avec lesquels le Saint-Siège communique, et nous condamnons ceux qu'il condamne.

Mon Révérend Père, voilà votre arrêt de condamnation. Voyez si vous pourrez être en communion avec l'Église après votre excommunication, quoique vous disiez très tranquillement : Je ne veux pas être schismatique.

Je n'ai plus qu'un mot à vous dire, mon Révérend ; c'est au sujet de vos voeux. J'ai lu dans le Bref du pape (10 mars 1791) que Luther, qui fut infidèle à ses voeux, était un apostat et un déserteur de son ordre. Le Saint-Père rapporte ces paroles du prophète, tirées du psaume 75 : Engagez-vous par des voeux avec le Seigneur votre Dieu, et gardez-vous ensuite d'y être infidèle. Le chef de l'Église ajoute : Si vous avez fait un voeu à Dieu, ne tardez pas à l'accomplir ; une promesse vaine et sans effet est un crime à ses yeux. Soyez donc fidèle à tenir tout ce que vous avez promis (Ecclés., V, 1). Que dois-je donc penser de vous, mon Révérend Père ? Vous avez fait voeu de pauvreté. La pauvreté religieuse se perd dans la propriété, et vous avez fait des acquisitions. Vous avez fait voeu d'obéissance. Cependant, vous avez déserté votre couvent, quitté le froc, et vous menez une vie indépendante. Vous avez fait voeu de chasteté ... Ah ! mon Père ! ... C'est ainsi qu'au mépris des lois de Dieu et de l'Église, vous avez violé vos voeux solennels de religion. Croyez-moi, mon Révérend, reprenez votre robe et tous les attributs d'un bon religieux. A la vérité, l'habit ne fait pas le moine, mais un bon moine ne quitte point son habit. Retournez donc dans votre cloître et pleurez-y le reste de vos jours votre double et scandaleuse apostasie.

Je vous autorise à faire part de ces vérités à l'intrus de Faveraye, ce prêtre sacrilège, le misérable abbé La Haye, déjà si avancé dans la voie de perdition ! Répétez-lui sans cesse qu'il est excommunié comme vous ; qu'il est sans pouvoir et en horreur à l'Église ; qu'il n'est point le pasteur légitime ; que tous les actes de juridiction qu'il prétendra exercer, sont frappés de nullité ; en un mot, dites-lui que je lui adresse les mêmes expressions qu'à vous : méditez-les de concert. Puissent-elles vous décider tous les deux au gré de la véritable Église catholique, apostolique et romaine, et vous faire rentrer dans le bon chemin !

J'aurais bien voulu étendre plus loin ces réflexions, pour opérer la conversion du Père gardien et seconder l'envie qu'il a de n'être point schismatique. Mais je lui offre gratuitement toutes les instructions dont elle a besoin.


L'intrus de Thouarcé ne démissionna que le 5 février 1794.


L'Anjou historique - juillet 1924

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