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La Maraîchine Normande
28 décembre 2016

LA CHAIZE-LE-VICOMTE (85) - LE CLERGÉ SOUS LA RÉVOLUTION

LA CHAIZE-LE-VICOMTE
GARNIER, Curé de Saint-Jean ;
MOREAU Jacques, curé de Saint-Nicolas

 

La Chaize-le-Vicomte église St-Jean

Nommé à la Chaize en 1778 comme procureur fiscal, M. Péchard écrivait à M. Paillou après la Révolution :

"En arrivant à la Chaize, j'y trouvai M. Dougé, curé de Saint-Jean et de M. Moreau, curé de Saint-Nicolas, qui vivaient en bonne intelligence avec les habitants.

Après M. Dougé est venu M. Garnier à Saint-Jean, qui jouissait du même avantage".

Douze ans plus tard, l'accord n'existait plus ; la séance du directoire du département du 7 septembre 1790 en fait foi :

"Rapport fait des difficultés qui se sont élevées entre les paroisses de Saint-Jean et de Saint-Nicolas de la Chaize-le-Vicomte relativement à la réunion des municipalités au chef-lieu de canton, au sujet de la confection du tableau des indigents, attendu la concurrence des deux paroisses pour être chef-lieu de canton, parce que le chef-lieu est indiqué d'une manière générique sous le nom de Chaize-le-Vicomte, le directoire, considérant que des circonstances particulières ne devraient pas s'opposer à ce qui est prescrit pour le bien public, a délibéré, sans cependant rien entendre préjuger sur les droits et les prétentions de l'une et de l'autre des paroisses, que la paroisse de Saint-Nicolas de la Chaize-le-Vicomte se réunira avec les autres paroisses, formant le canton en la paroisse de Saint-Jean de la Chaize-le-Vicomte, où s'est tenue l'assemblée primaire à l'effet de remplir le tableau dont il s'agit ;

Invite au surplus les deux municipalités à écarter toute mésintelligence et à se rappeler les principes de paix, d'union et d'honnêteté qui doivent sans cesse faire la base de leurs procédés respectifs."

A M. Dougé, nommé curé de Girouard, avait succédé, dans la cure de Saint-Jean, M. Garnier, précédemment curé de Saint-Vincent-Sterlanges en 1776, puis des Habittes en 1780.

 

garnier signature

 

Caractère sans fermeté, M. Garnier Joseph prêta sans hésiter le serment constitutionnel, et resta comme curé dans sa paroisse. On ne l'y retrouve plus après le 10 décembre 1792. Il se retira à la Rochelle dans une maison en face de la Poissonnerie.

 

La Chaize-le-Vicomte église St-Nicolas

 

M. Jacques Moreau, curé de Saint-Nicolas, avait succédé à M. Gilaizeau enterré le 19 août 1775 ; la première signature du nouveau curé sur les registres paroissiaux est du 15 décembre 1775.

[Fils de noble homme Jacques Moreau, sénéchal de la Guibourgère, et de demoiselle Marie Dougé, Jacques Moreau est né à Ancenis le 24 décembre 1737 et baptisé le même jour.]

 

Moreau - la Chaize-le-Vicomte naissance

 

En 1789, le curé de Saint-Nicolas fut au nombre des députés du clergé du Poitou envoyés à Poitiers pour l'élection des députés aux États-Généraux ; il logeait, avec plusieurs de ses confrères, chez M. Cremière, rue Saint-Didier.

Il refusa le serment, et resta dans le pays ; le dernier acte signé par lui est du 19 octobre 1795 ; il mourut quelques semaines après, à la Limousinière. L'acte de sépulture, rédigé par M. de Beauregard, et inscrit sur le registre de la Limousinière, renferme des mentions intéressantes :

Moreau - la Chaize-le-Vicomte signature

"18 janvier 1796. - Je soussigné certifie que les marches des armées n'ayant pas permis d'inscrire sur les registres de la paroisse de Saint-Nicolas de la Chaize-le-Vicomte l'acte de sépulture de feu Messire Jacques Moreau, curé de la susdite paroisse, il est constaté, d'après les informations que j'ai faites et particulièrement par les témoignages de Me J. B. Péchard, président du conseil d'administration civile de la Chaize et notaire, et de Me Pierre Raimbert, inspecteur civil et notaire de la Limousinière, soussignés avec moi, que le corps de Messire Jacques Moreau, curé de la susdite paroisse de Saint-Nicolas de la Chaize-le-Vicomte, né en Bretagne, au diocèse de ...... ancien avocat au parlement de Rennes, veuf, avant sa promotion aux saints Ordres, de feue Louise Clémenceau, est décédé le 18 du mois de décembre 1795, et a été enseveli le 19 du même mois au cimetière de la paroisse de la Limousinière par M. Doussin prieur-curé de la paroisse de Sainte-Marie de l'Île de Ré et desservant de celle du Bourg-sous-la-Roche, qui n'a pu dresser l'acte de sépulture, en l'absence des registres.
A la Grange-Hardy le 18 janvier 1796.
BRUMAULT DE BEAUREGARD, vic. gén. du diocèse."

 

Moreau - la Chaize-le-Vicomte décès

 

Quelques pages des Mémoires de M. Brumault de Beauregard, qui desservit également cette paroisse en décembre 1795 et janvier 1796, donnent un tableau saisissant de la situation religieuse même après la Terreur.

"Quand j'arrivai à la maison de bois de M. Péchard dans la forêt de la Chaize, on y pleurait ma mort ; on y avait su mon arrestation, et le bruit s'était répandu que j'avais été fusillé ; ma présence ne changea rien aux dispositions déjà faites ; nous étions logés ainsi : dans la maison de planches, Mme de la Corbinière occupait un des coins, j'étais vis-à-vis, M. Péchard avait le troisième coin, et le quatrième était rempli de froment. La cabane en chaumes était aussi divisée en quatre cases occupées par Mlle de la Corbinière, l'abbé de Grigny, le vieux serviteur François et la cuisine. C'était au mois de décembre ; nous n'avions point de lumière, ni huile, ni bougie, sinon pour dire la messe. Pendant le jour chacun allait dans la forêt amasser des fagots de bois mort pour nous éclairer ; c'était à l'aide de semblables flambeaux que nous pouvions réciter notre bréviaire.

Les ruches avaient été détruites par les Bleus, et les pauvres femmes nous apportaient de petits morceaux de cire pour l'autel. Deux oeufs étaient pour nous un rare présent, et nous vivions bien durement. Dans cet état, de Grigny et moi nous confessions, assis dans la forêt sur des tronçons de bois ; nous avions fait pour nos pénitentes des sentiers et des cabinets de fougère. Non loin de cette habitation se trouvait Mlle de la Brossardière, qui avait aussi sa petite maison ; d'autres cabinets encore étaient assez près de nous. Les paroisses se soumettaient peu à peu, les républicains resserraient progrissement leur cercle.

L'hiver se passa ainsi jusqu'à Noël. La veille de cette fête nous confessâmes les habitants des cabanes et nous convînmes, l'abbé de Grigny et moi, de dire chacun une messe de minuit. Vers les onze heures et demi je me disposai à le faire, je revêtis un habit qu'il serait difficile de décrire et que nous nommions une soutane ; j'avais des souliers de femme en manière de pantoufles ; mais nous avions un calice, un autel portatif et un ornement ...

Le dernier jour de décembre les Bleus firent irruption au milieu des cabanes ... Notre retraite n'était plus tenable, nous nous décidâmes à nous retirer au château de la Grange-Hardy, chez Mlle de la Brossardière ; elle reçut autant de monde qu'il lui fut possible, et chacun se casa comme il put. La grande salle nous servait à la fois d'église et de lieu de réunion. Dès le lendemain nous fûmes visités par les pillards de l'armée des Bleus qui enlevèrent des moutons, du linge, et ravagèrent le jardin ... Nous étions en janvier 1796 ... On n'était point sans crainte à la Grange-Hardy ; les Bleus parcouraient tous les environs et venaient jusqu'au château.

Je me mis cependant à faire des instructions ; les bons habitants venaient au catéchisme ; je fis établir un autel dans la grande salle, j'y disais la messe et, le dimanche, je faisais le prône.

Je continuai à célébrer mes messes, mais les officiers républicains n'y venaient plus. Les habitants révolutionnaires de la Chaize, qui avaient quitté ce bourg quand la Vendée pris les armes, y revinrent alors qu'ils virent que les officiers de Charette tournaient à mal. Ils retrouvèrent leurs maisons qui dans cette partie-là n'avaient pas été incendiées. Voulant attirer les habitants pour les intérêts de leur commerce, ils représentèrent au général commandant de la Chaize qui était protestant, qu'il leur serait avantageux d'avoir le culte, et ils l'engagèrent à me faire venir dans ce bourg.

Un vendredi, comme je dînais, un ordonnance vint me signifier l'ordre de me rendre au quartier-général M. Péchard voulu bien m'accompagner. Ce dernier demanda au soldat bleu pourquoi on me demandait. - "Oh ! dit-il, c'est que nous avons le culte dimanche."

Avant de me rendre chez le général, qui se nommait Dupuy, je fus visiter l'église. On en avait fait une boucherie pour l'armée, et quand j'y entrai, quelques hommes étaient occupés à niveler le sol qui avait été bouleversé, et dont les pavés avaient été enlevés ; mais les murs étaient teints de sang et l'édifice exhalait une odeur révoltante. Je ne répondis rien à quelques hommes qui se faisaient une victoire de me voir contraint à venir parmi eux ; j'entrai chez le général.

Je me trouvai en présence de quelques officiers, assis sur des bancs ; un petit homme, vêtu de brun, se tenait dans un coin du foyer ; il n'y avait dans cet appartement qu'une chaise, le général me l'offrit et me força à l'accepter. - Je me rends à vos ordres, lui dis-je ; que demandez-vous de moi ? - Le culte réunit les hommes, dit Dupuy ; vous êtes d'un caractère paisible, les habitants m'ont invité à faire célébrer votre culte dimanche prochain, je vous le demande. - Mais il me faut un logement, du pain ; qui me le donnera ? - Vous viendrez seulement pour le culte. - Général, la distance est bien longue, les chemins difficiles.

Il ne répondit rien. - Les objections que je viens de vous faire sont faciles à faire disparaître, continuai-je ; mais j'y vois une autre difficulté invincible. - Laquelle ? - C'est l'état de l'église. Toutes les religions ne se réunissent pour honorer Dieu et le prier que dans des lieux toujours décents. La foi catholique nous enseigne que le sacrifice de l'Eucharistie est l'offrande du corps de Jésus-Christ ; jamais je ne pourrai célébrer la sainte messe dans une boucherie toute sanglante. Général, vous êtes de la Confession d'Augsbourg ; je m'adresse à votre conscience ; voudriez-vous célébrer les cérémonies de votre culte dans une boucherie dont les murs sont couverts de sang, et dont l'odeur est révoltante ? - Non, monsieur, me répondit-il sur-le-champ ; je n'exige plus rien de vous, et vous pouvez continuer à célébrer votre culte dans la maison où vous êtes. - Mais ne vous opposez-vous pas à ce que je visite les malades et à ce que je remplisse mes fonctions dans les sépultures ? - Non, je vous promets sécurité et liberté ; vous êtes sage et prudent dans vos exhortations, vous pouvez rester sans crainte sous mon commandement.

Je sortis et je pus aussitôt visiter un malade ; je le confessai, je revins lui administrer les sacrements ; il mourut, et deux jours après je lui donnai publiquement la sépulture en présence de quelques soldats bleus. Je parcourus depuis ces contrées, et je ne fus plus inquiété.

M. Péchard était resté après moi dans la chambre où le général Dupuy m'avait reçu ; il put me dire ce qui s'était passé à ma sortie. A peine la porte était-elle fermée derrière moi, que le personnage en habit brun, que j'avais aperçu près du foyer, dit au commandant des Bleus : "Vous traitez avec bien de l'indulgence ce prêtre fanatique qui vient de sortir ; il ne vous a dit qu'un mot, et aussitôt vous vous êtes rendu. - Tout ce que ce prêtre m'a dit était juste et raisonnable, répondit Dupuy. Je ne vois pas pourquoi vous vous permettez de le traiter de fanatique ; rien ne décèle en lui cette fâcheuse inculpation ; son extérieur est grave et poli. Mais puisque vous aviez cette pensée, pourquoi ne l'avez-vous pas manifestée en sa présence ? J'ai remarqué que vous avez affecté de tenir les yeux baissés ; il m'a semblé qu'il vous imposait. "Cet homme était un mauvais curé du diocèse ; il avait renié son caractère et il était devenu commis aux boucheries.

Le général Dupuy m'avait donc envoyé l'autorisation écrite d'exercer mes fonctions partout où besoin serait ; mais je fus averti qu'une femme qui demeurait aux Sables et qui ne m'avait point pardonné les démarches que j'avais faites pour la faire enfermer, m'avait dénoncé au général Grouchy alors tout puissant dans la Vendée ; je demandai un passe-port pour Beaufou et je m'y rendis. Nous étions au mois de mars."

Le dernier acte de M. de Beauregard sur les registres de la Chaize est du 4 avril 1796, le premier du 18 janvier précédent. Dans les actes de mariage, il est dit que "les bans des conjoints ont été publiés aux messes paroissiales célébrées à la Grange-Hardy."

Revue du Bas-Poitou - 12ème année - 1ère livraison - 1899

 

 

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