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La Maraîchine Normande
16 septembre 2016

CONCARNEAU - QUIMPER (29) - ALEXANDRE-HYACINTHE DU LAURENT DE LA BARRE, VICAIRE GÉNÉRAL (1716-1798)

 

Du Laurent de la Barre naissance

 

Le futur abbé de la Barre naquit à Concarneau, le 26 juin 1716 et baptisé le 1er juillet suivant. Nous lisons ce qui suit au registre des Baptêmes de cette paroisse :

"Le vingt sixième juin mil sept cent seize est né et baptisé le premier juillet de la même année Alexandre Hyacinthe fils naturel et légitime descuyer Antoine du Laurent sieur de la Barre et de demoiselle Marie Anne Ollivier ses père et mère, Parain noble homme Alexandre Faguer directeur des domaines de Bretagne et dame Catherine le Guern dame Rosanduc maraine qui signent
Catherine LE GUERN DE ROSANDUC. Catherine TANIOU DE ROSANDUC. Mathieu MILLON FAGUER, DANIELLOU DE LABARRE DE LEPINE. FAGUER Charles LOHÉAC. DELABARRE DU LAURENS. F. ADÈS prêtre."

L'enfant avait deux frères plus âgés que lui, Antoine-Jacques-François né le 17 février 1714, et André-Marie, né le 25 mars 1715.

Concarneau

Le 1er mars 1723, M. Du Laurent père, devenu veuf, contractait mariage avec Marie-Anne Billette. De cette union naissent Marie-Anne (9 décembre 1723), Jean-Jacques (26 mai 1725), Marie-Jeanne (15 août 1727), Bonaventure-Louis (29 novembre 1729), Joseph (2 mars 1731), Marie-Gabrielle (5 mars 1735), Pierre-Jean (20 avril 1736), Anne-Marguerite (10 mai 1737).

Alexandre du Laurent, entré au Séminaire de Quimper, le quitta en 1734 pour continuer ses études au Séminaire de Saint-Sulpice. Voici ce que porte en effet le registre des entrées de ce dernier établissement : "Alexandre du Laurens, clericus corisopitenais, entré le 27 octobre 1734, sorti le 3 août 1736. Remarques : peu de santé, de l'esprit, médiocre (c'est-à-dire assez bien) pour la vertu. Pour la science : Bon, ayant cependant beaucoup de difficulté à s'énoncer. A Lisieux".

Lisieux signifie sans doute communauté de Lisieux. Il y avait au XVIIIème siècle sur la montagne Sainte-Geneviève une trentaine de collègues. C'étaient, pour la plupart, des maisons de famille où l'on hébergeait des étudiants. Dans quatre ou cinq maisons seulement on enseignait la philosophie, la théologie et la science. Ces maisons de boursiers s'occupaient exclusivement de la formation morale de leurs pensionnaires.

Le collège de Lisieux, aidé par l'évêque de Lisieux, recevait aussi des élèves de Théologie, et Saint-Sulpice, vers 1735, s'était chargé de les instruire.

L'abbé du Laurent, promu à la prêtrise fut professeur de théologie, et principal du collège de Cornouaille, à Paris. C'est une pièce conservée aux Archives du Finistère qui nous l'apprend : en voici le sommaire "Procuration pour décret de mariage de Gabrielle du Laurent de Montbrun "avec qui bon lui semblera" octroyée par son frère "messire Alexandre Hyacinthe du Laurent de la Barre, prêtre, docteur et professeur en théologie de la Faculté de Paris, et principal du collège de Cornouaille, fondé et étably en l'Université de Paris, rue du Plâtre, paroisse Saint-Séverin, demeurant au dit collège". - Du 4 août 1759".

Consolateur en même temps qu'aumônier de Marie Leczinska, l'abbé revint en Bretagne, à la mort de cette reine vertueuse et infortunée. Il fut alors nommé grand-vicaire à l'évêché de Quimper (1768).

De mai à novembre 1761, nous le trouvons à Lorient, dont il est le curé.

Retourna-t-il en cette fin d'année au diocèse de Quimper ? Nous l'ignorons. Toujours est-il qu'en 1769, il signe comme vicaire général Quimper plusieurs délibérations du Bureau ecclésiastique de Cornouaille.

Après la mort de Mgr de Saint-Luc le Chapitre le confirme dans sa charge, et il accomplit avec le plus grand zèle, avec le courage le plus décidé, tous les devoirs que lui impose sa qualité d'administrateur du diocèse.

Saint-Yvi Quenac'h-Gueguen 3

Ayant refusé le serment à la Constitution civile du clergé, il se cacha au manoir de Quénéquégen (Quénéac'h Guéguen ?), en Saint-Yvi, qui appartenait à son neveu Jean-Jacques du Laurent "Les prêtres du diocèse, qui connaissaient le lieu de sa retraite, y venaient, déguisés en paysans, le consulter et fortifier, au contact de la sienne, leur volonté de mourir plutôt que de manquer à leur devoir. Grâce à la sollicitude de sa famille, et, une fois, à la bienveillance du médecin, qui le déclara incapable de supporter un déplacement, il échappa à plusieurs visites domiciliaires. Le saint vieillard se soumettait avec peine à ces précautions et à ces moyens employés par ses parents et amis, pour le mettre à l'abri des agents de la Révolution. Ils étaient opposés à la simplicité et à la droiture de son caractère. Il désolait sa nièce qui, après avoir pu laisser ignorer sa présence dans la maison, l'entendait, lorsque les gendarmes y étaient encore, tousser et marcher dans sa chambre. Il ne voulait pas qu'on leur mentit, en disant qu'il ne s'y trouvait pas".

Interné en 1792 à la Retraite de Quimper, il est transféré à Kerlot le 27 février 1793. De là il passe aux Capucins de Landerneau, et est ramené à Quimper le 3 février 1795, puis un peu plus tard libéré.

La loi du 11 Prairial, an III (30 mai 1795) qui impliquait la soumission aux lois de la République souleva des inquiétudes chez les prêtres fidèles. Dans notre diocèse le clergé de Quimper avec M. du Laurent se prononça pour l'acceptation de la loi ; le clergé des campagnes y demeurait hostile. Cet état d'esprit nous est révélé par la lettre suivante, dont une copie sans date ni signature se trouve aux Archives de l'Évêché :

"Je suis vraiment désolé comme vous de la triste division qui règne parmi nos bons et fidèles confrères ; puisque les prêtres de la ville sont pour la soumission, il faut croire que M. Dulaurens et M. le théologal sont pour cet avis, et dès lors je n'ose les blamer. Ces MM. étant sur les lieux et près des administrateurs sont plus à même de savoir qu'el est le sens de la Loi et l'intention des législateurs. La restriction qu'ils mettent à leur soumission me paroit équivaloir à celle que vous désirez ; car bien entendu qu'ils ne rejettent formellement tout ce qui est relatif à la maudite constitution civile du clergé que parce qu'ils veulent tenir à l'Église catholique, apostolique et romaine ; cependant je serais bien de vôtre opinion, le parti des prêtres de la campagne est préférable, car combien de décrets, comme vous l'observez, hors de ladite constituion auxquels on ne peut se soumettre, v. g. le décret qui authorise le divorce, qui établit des décades pour détruire les dimanches, qui ordonne la vente des biens soit disants nationaux, et d'ailleurs cette soumission semble reconnaître l'authorité, authorité à la quelle des ministres de Dieu de toute justice et de toute puissance, ne peuvent se soumettre. Si les intrus triomphent de cette division, ils ont assurément grand tort, n'en peuvent rien conclure pour leur serment, quelle différence ! Les Évêques le Saint Père ont condamné celui-cy, ils n'ont pas prononcé contre la soumission ; dans le premier cas on exigeoit une adhésion active et positive, on juroit de maintenir de tout son pouvoir ; dans le second cas on n'exige qu'une soumission négative, c'est-à-dire qu'on ne trouble pas le régime des républicains ; je ne doute pas plus que vous, mon cher compatriote, que nos frères fidèles soient dans les dispositions les plus pieuses, les plus édifiantes et que tous se réuniront à la voix du pasteur, dès qu'elle se sera fait entendre, Erunt omnes deo docibiles. En attendant, ils sont encore véritablement unum ovile".

M. du Laurent fut de nouveau arrêté, le 24 brumaire an IV (15 novembre 1795) et interné à la maison d'arrêt de Quimper, pour n'avoir pas voulu se soumettre au serment civique exigé par la loi du 7 vendémiaire (29 septembre 1795). Il dut être élargi à la fin de 1796.

Le 18 vendémiaire, an VI (6 octobre 1797) le commissaire du Directoire exécutif près l'Administration centrale du Finistère écrivait au ministre de la Police générale.

"Citoyen Ministre,
Il serait bien à désirer que l'article 26 de la loi du 19 Fructidor put être appliquée à Alexandre Hyacinthe la Barre du Laurens, prêtre, ex-chanoine. Cet individu régit en qualité de soi-disant grand-vicaire tous les prêtres réfractaires du ci-devant Évêché de Quimper, et sous ce point de vue, il peut, il doit même à mon avis, être considéré comme chef de bande contre révolutionnaire et d'autant plus à craindre qu'il sait mettre dans sa conduite une extrême réserve ; il s'abstient de l'exercice de son culte, mais il n'épargne aucun moyen pour encourager les fanatiques, aussi tous s'étoient abstenus de faire la déclaration exigée par la loi du 7 Vendémiaire an IV, et tous ont encore refusé de faire le serment prescrit par la loi du 19 fructidor. Quand il s'est agi de la déclaration du 7 vendémiaire plusieurs sont convenus avec moi qu'ils l'auroient faite sans la défense expresse de ce prétendu supérieur et Je Joins ici dans les interrogatoires de Le Guellec, prêtre réfractaire, une preuve non équivoque de l'Influence et de menées de ce supérieur.

"Ce La Barre du Laurens est presque octogénaire et par conséquent autorisé à rester en France ; retiré à la campagne chez un de ses neveux, il peut agir avec une grande sécurité et sans être même aperçu par L'oeil vigilant des Administrateurs les plus actifs, il continuera les mêmes intrigues influencera et fanatiques sera de nouveau nos crédules et ignorans cultivateurs, et Je lui vois d'autant plus de moyens, que les prêtres cachés dans les campagnes à l'époque de la loi du 7 vendémiaire y sont encore pour la plupart, et que les autres déportés, rentrés ne quittent pas non plus le territoire de la République.
Salut
LEGOAZRE".

Le Goazre de Kervélégan

Voici les passages des interrogatoire du prêtre Le Guellec à laquelle fait allusion le citoyen Legoazre :

"24 fructidor an V
A lui demandé quel est le pretre en chef qui le dirige ainsi que ceux qui comme lui ne se sont pas conformés aux lois
Répond que c'est l'abbé Dulaurens
5ème jour complémentaire an V (21 septembre 1797)
D. - Quel est le principal chef qui vous gouverne vous et les autres prêtres dans ce canton ? Si c'est l'abbé Dulaurens, à quel titre le fait-il ?
- Répond que l'abbé Dulaurens est grand vicaire et qu'il gouvernoit le diocèse avant que lui interrogé fut fait prêtre.
D. - Si l'abbé Dulaurens avoit fait sa soumission aux lois de la République, l'eussiez-vous reconnu et L'eussiez vous fait également ?
- Répond qu'il ne peut le savoir".

Au début de Brumaire an VI le ministre de la Police générale adresse au Directoire exécutif le rapport suivant :

"Votre commissaire près l'Administration centrale du Finistère, m'informe qu'il existe dans son département un certain Alexandre Hyacinthe La Barre du Laurens, prêtre ex-chanoine et soi-disant grand vicaire qui dirige à son gré tous les ministres réfractaires retirés dans le cy-devant Évêché de Quimper.

Cet individu que l'on peut considérer comme un chef de bandes contre-révolutionnaires est d'autant dangereux qu'il sait mettre une extrême réserve dans sa conduite. Il s'abstient d'exercer publiquement son culte mais il n'épargne aucun moyen pour exciter à la rebellion les fanatiques qui lui sont soumis.

C'est d'après ses exhortations que tous les prêtres insermentés du Finistère ont refusé de faire la déclaration prescrite par la loi du 7 vendémiaire an IV et de prêter le serment exigé par celle du 19 fructidor dernier, le fait est prouvé par la déposition d'un prêtre interrogé par le Directeur du Jury de l'Arrondissement de Quimper.

Comme le Commissaire qui le dénonce assure que ce perturbateur ne cessera d'intriguer du fond d'une campagne ou il s'est retiré pour échapper plus aisément à la surveillance des autorités constituées, J'ai cru devoir vous demander sa déportation, et J'y suis d'autant plus fondé que je sais qu'il peut trouver dans les déportés rentrés et autres réfractaires qui sont restés cachés dans le Finistère, des moyens infaillibles de troubler la tranquillité publique de ce Département.

Je vous propose en conséquence le projet d'arrêté cy joint.

Le Directoire exécutif après avoir pris connaissance du rapport du Ministre de la Police Générale,

Considérant que le nommé Alexandre Hyacinthe Labarre du Laurens, prêtre, ex chanoine et soi-disant grand vicaire ne cesse d'exciter les prêtres réfractaires du cy-devant Évêché de Quimper a ne point se soumettre aux lois ...

Considérant qu'il est instant de délivrer de sa présence un Département ou cet inficidu a acquis une grande influence sur les fanatiques, et ou ce lui seroit facile de faire d'autant plus mal qu'il pourroit trouver dans les prêtres déportés et autres réfractaires qui s'y cachent des moyens surs d'exécuter des projets désorganisateurs, arrête.

Art. Ier. - Le nommé Alexandre-Hyacinthe Labarre du Laurens sera sur le champ arrêté et déporté.
Art. 2. - Le Ministre de la Police est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Vu et approuvé.
Expédié le 11 brumaire an VI."
Par ordre de Le Goazre, l'abbé du Laurens est arrêté et acheminé vers Rochefort le 30 brumaire an VI (20 novembre 1797).

Arrivé à Vannes, le vénérable vieillard, incapable de continuer son voyage, en raison de ses infirmités, fut interné à la maison de justice de cette ville. Il ne tarda pas à faire auprès de sa parente, Madame Letheilly, qui elle-même habitait Vannes, une démarche en faveur de son transfert au Petit-Couvent.

"Madame, écrivait-il, je vous supplie d'implorer pour moi la pitié et l'indulgence du respectable papa. La seule inspection de ma personne le toucherait de commisération et mon innocence aussi. Je désirerais d'être en arrestation au Petit-Couvent où la surveillance ne cause aucun embarras, vu surtout l'âge et la situation déplorable où je me trouve. Ma famille a l'honneur de vous appartenir, et elle est censée vous faire la même prière que moi. Quelque soit le succès de vos démarches compatissantes, j'en aurai toujours la plus vive reconnaissance et ne cesserai d'être très respectueusement, Madame, votre très humble serviteur.

Du Laurens, prêtre."

A l'instigation de Mme Letheilly, M. Faverot adressa à l'Administration centrale du Département du Morbihan, la lettre suivante :

"Vannes, 13 frimaire an VI (3 décembre 1797)
Vu la pétition expédiée à l'Administration Centrale par du Laurent prêtre du Département du Finistère, condamné à la déportation par arrêté du Directoire exécutif du 13 brumaire dernier, par laquelle il expose que, sorti de Quimper avec huit autres déportés comme lui, il s'est rendu à Vannes, où son âge de près de 82 ans et ses longues infirmités ne lui ont pas permis de se rendre à Rochefort, lieu déterminé pour son embarquement, sans courir risque de la vie.
Le certificat de l'officier de santé rapporté le jour du départ de Vannes des autres déportés du Finistère atteste l'impossibilité de faire au nommé du Laurent continuer son voyage de Rochefort.
L'administration arrête, le Commissaire du Directoire exécutif entendu, que du Laurent, prêtre réfractaire sera de nouveau visité par deux officiers de santé à ce commis en présence d'un administrateur municipal de Vannes, et au cas qu'il soit justifié par le Procès-Verbal qui sera rapporté que le dit du Laurent est hors d'état, attendu son âge et ses infirmités de se rendre à Rochefort, l'Administration ordonne sa translation sous escorte de la maison de justice où il est maintenant détenu, à la maison d'arrêt de la commune de Vannes où il sera écroué à la requête du commissaire du Directoire exécutif.
L'administration municipale de Vannes est chargée de l'éxécution du présent arrêté. Elle fera visiter fréquemment par des hommes de l'art le détenu pour qu'instruite par elle, l'Administration centrale puisse donner des ordres pour sa conduite à Rochefort, aussitôt que l'état de sa santé pourra le permettre."

Le même jour le Département du Morbihan écrivait à l'Administration municipale :

"Nous vous adressons cy une expédition de l'arrêté que nous venons de prendre pour la translation en la maison d'arrestation dite le Petit-Couvent, de la personne de du Laurent, prêtre, personnage sans doute bien dangereux, puisque son âge et ses infirmités n'ont pu le soustraire à l'arrêté de déportation prononcé contre lui par le Directoire exécutif, le 18 brumaire."
Quelques mois plus tard, l'Administration centrale du Morbihan recevait de celle du Finistère la lettre qui suit :
"Quimper, 4 brumaire an VII. (25 octobre 1798)
Citoyens collègues, le nommé du Laurent, prêtre insoumis, fut condamné en l'an VI par arrêté du Directoire exécutif à être déporté.
En conséquence d'après notre arrêté du 29 brumaire an VI, il fut dirigé sur Rochefort. Nous avons appris que depuis cette époque, il est à Vannes. Ses infirmités vous auront sans doute déterminé à le retenir dans votre ressort. Les mêmes principes d'humanité nous animent. Mais les correspondances fréquentes de l'abbé du Laurent et l'influence qu'il a eue sur les esprits crédules et fanatiques de ce département nous font redouter sa présence sur le sol de la République. Nous craignons aussi, Citoyens collègues, qu'il ne tache de proposer ses principes dans votre ressort. Nous vous invitons au nom de la chose publique à le diriger sur l'île de Rhé conformément à la lettre du Ministre de la police générale du 30 germinal dernier, et à nous accuser réception de la présente lettre. Nous vous aurions la plus grande obligation si vous vouliez nous donner connaissance des motifs, sans doute impérieux, qui vous ont déterminé à le retenir sur votre territoire.
Salut et fraternité.
F.-J. LE DEAN, LE GAL,
LALANDE, président par intérim,
SAILLOUR, surv. en chef,
TREHOT CLERMONT."

Le 16 brumaire (6 novembre 1798), l'Administration centrale du Morbihan en transmettant cette lettre à l'Administration municipale de Vannes, lui écrivait :

"L'Administration centrale du Finistère nous envoya le 1er Frimaire dernier des individus sujets à la déportation au nombre desquels était l'ex-chanoine Alexandre La Barre Dulaurens condamné à être déporté par un arrêté particulier du Directoire exécutif du 13 brumaire précédent, pris en conformité de l'art. 24 de la loi de Salut public du 19 fructidor.
Le 5 frimaire voulant joindre les déportés du Finistère aux susceptibles de la même peine existant dans le Morbihan, nous prîmes un arrêté où l'on récapitule tous ceux qui devaient partir pour Rochefort tant étrangers que du Département et le prêtre du Laurent ne fut point oublié, mais il présenta une pétition dans laquelle il parla de ses infirmités et de son grand êge, il avait en effet 82 ans, il réclamait la même faveur qui avait été accordée dans le Finistère à des prêtres beaucoup plus jeunes que lui, et demandait à être transféré à la maison d'arrêt du lieu de sa prison où il était détenu, et où les incommodités du local ajoutaient encore à ses douleurs. Le 14 frimaire, l'ancienne Administration prit un arrêté portant que deux officiers de santé de la commune de Vannes en présence d'un administrateur municipal constateront l'état de ce prêtre du Laurent. Par une disposition de cet arrêté il était dit que vous feriez visiter fréquemment ce détenu par des hommes de l'art pour lui faire suivre sa destination aussitôt que sa santé pourrait le permettre. Cependant depuis cet arrêté qui vous a été adressé le même jour, le 14, et dont vous ne nous avez point accusé réception, vous avez gardé le silence. Veuillez bien le rompre. Une lettre du 11 courant que nous écrit l'administration du Finistère, nous porte à presser votre réponse."

L'Administration municipale de Vannes répond le 26 brumaire (16 novembre 1798).

"Le nommé Hyacinthe Labarre du Laurent prêtre (ex-chanoine) du Finistère, condamné à la déportation par arrêté particulier du Directoire exécutif, en date du 13 brumaire an VI, arriva en cette commune avec plusieurs autres déportés le 4 frimaire suivant. A son arrivée ici, il fut déposé à la maison de justice. Les autres condamnés à la déportation partirent le sept, mais du Laurent était si malade qu'on ne put le faire partir. Des officiers de santé constatèrent fréquemment son état, et enfin le 14 nivose dernier, sa santé se trouvant meilleure, il fut remis à la gendarmerie et conduit de brigade en brigade jusqu'à Rochefort. Depuis ce moment nous n'en avons plus entendu parler. Salut et fraternité.
DE GASINES, administrateur municipal.
LARONDE, administrateur municipal."

Le lendemain, 27 brumaire, l'Administration centrale de Vannes répondait à celle de Quimper :

"Citoyens Collègues. Lorsque le prêtre du Laurens arriva dans cette ville, l'intention de l'Administration était bien de lui faire continuer son voyage. Mais cet individu alléguant ses infirmités demanda à rester à Vannes. Nous ordonnâmes une visite de deux officiers de santé patriotes qui affirmèrent que le malade était hors d'état de suivre sa route. Nous dîmes en conséquence qu'il aurait été détenu à la maison d'arrêt de Vannes et qu'il y resterait sous la surveillance des Administrateurs municipaux jusqu'à ce que sa santé lui eut permis de voyager. Une disposition de notre arrêté chargeait l'administration locale de nous instruire de cette époque. Cependant depuis notre arrêté jusqu'au moment où nous avons reçu votre lettre, il ne nous a point été parlé du prêtre du Laurent, et nous l'avions perdu de vue, mais aussitôt que vous nous avez rappelé ce souvenir, nous avons demandé des renseignements à l'administration municipale de Vannes qui vient de nous adresser la lettre dont nous vous remettons ci-joint une expédition certifiée. Elle vous apprendra que dès le 14 nivose, du Laurent avait quitté notre ressort et vous verrez que s'il n'a pas fait fausse route, il est depuis longtemps au lieu où nous voudrions transplanter tous les ennemis de notre gouvernement."

 

Rochefort prêtres déportés

 

Parti de Vannes, le 14 nivôse an VI (3 janvier 1798)le pauvre vieillard, malgré ses quatre-vingt-quatre ans, fut garrotté, traîné en charrette "comme un cadavre", les mains tellement serrées et meurtries, qu'arrivé à Rochefort, il mourut, à l'hôpital. C'était le 16 décembre 1798.

"A son arrivée, dit un témoin oculaire, les chaînes faisaient sortir le sang de ses mains".

L'abbé du Laurent entra à l'hôpital de Rochefort le 23 janvier. Et de là, il adressait, le 12 février, au citoyen ministre de la Police générale l'émouvante lettre qu'on va lire :

"Citoyens Ministre,
"Je suis âgé de quatre vingt deux ans, ainsi que l'atteste mon extrait de naissance déposé avec mes autres pièces à l'Administration Municipale de Rochefort. Je suis accablé d'infirmités considérables depuis neuf ans à la connaissance publique. Je vois très peu et j'entends encore moins ; on ne m'entend presque pas, une extinction de voix m'étant survenue à la suite d'une fluxion de poitrine, enfin J'ai le marcher entièrement coupé par la faiblesse de toute la machine, et "J'excitois la plus grande commisération à tout le peuple qui me voyait jetter comme un cadavre dans la voiture de déportation, et m'en retirer de même.
Et c'est dans de pareilles circonstances et dans une si triste situation que l'on a eu soin de vous cacher, Citoyen Ministre, qu'on s'est porté à solliciter auprès de mois un ordre de déportation c'est-à-dire un arrêt de mort.
Je n'ai jamais eu un esprit perturbateur, un pareil reproche seroit sans preuve authentique, il seroit même contradictoire, puisque dans le même temps l'on feignoit de me regarder comme émigré, malgré L'évidence du contraire, comme le département du Finistère L'a attesté lui-même.
Je réclame donc, Citoyen Ministre, votre Justice, votre humanité, votre commisération et ma liberté, et vous supplie de permettre que Je retourne dans ma famille pour y finir mes tristes Jours sous son cautionnement et sous la surveillance de la commune si vous le Jugez nécessaire.
à l'hôpital de Rochefort le 23 pluviôse L'an 6 de la République.
Citoyen Ministre
Salut et respect.
Alexandre Hyacinthe DU LAURENT, prêtre".

Le Ministre de la Police générale resta sourd à la supplique de l'abbé du Laurent, et quelques semaines plus tard, le 26 mars, le pauvre vieillard adressait une nouvelle requête au Directoire de la République.

"Citoyens Directeurs
Je fus traduit il y a six mois à votre tribunal comme ayant sur les prêtres une grande influence qui n'étoit propre qu'à les détourner de la soumission aux lois de la République, et qu'à former des plans désorganisateurs. Heureusement cette accusation générale ne porte sur aucun fondement solide, ni sur des faits prouvés par un concours de témoignages. En effet je n'ay jamais troublé nulle part l'ordre public et L'on me rendra partout cette Justice.
Dans le même temps que L'on m'accusoit de pouvoir devenir perturbateur par la prétendue influence qu'on m'imputoit, L'on me conduisit devant votre Tribunal, Citoyens Directeurs, comme émigré, on m'a donné un certificat contraire ; mais cette contradiction seule doit faire sentir le défaut des imputations dont on a voulu me noircir devant vous.
Ce n'est pas dans les circonstances et dans la triste situation ou Je me trouve que L'on a la force ou la volonté de troubler l'ordre public. Je suis âgé de quatre vingt deux ans et accablé d'infirmités considérables à la connaissance publique. Je joins ici mon extrait baptistère. J'excitois la plus grande commisération à tout le peuple qui me voyait jetter comme un cadavre dans la voiture de déportation et m'en relever de même.
Je réclame donc, Citoyens Directeurs, votre pitié, votre justice et votre humilité pour vous supplier de permettre que je retourne librement dans ma famille sous son cautionnement et sous la surveillance de ma commune et y terminer le reste de mes tristes jours.
Salut et respect
A l'Hôpital de Rochefort le quatre germinal an 6 de la République une et indivisible,
DU LAURENS, prêtre."

Le 26 FRIMAIRE DE L'AN VII (16 décembre 1798) le malheureux déporté partait pour une vie meilleure. Il finissait ses tristes jours à l'hôpital même de Rochefort.

Voici le document officiel où le Commissaire de cette ville notifie son décès au Ministre de la Police générale :

"Rochefort le 29 frimaire an 7 de la République française une et indivisible.
Citoyen ministre
Je vous adresse l'acte de décès d'Alexandre Hyacinthe Labarre du Laurent, ex prêtre et chanoine condamné à la déportation par arrêté du Directoire exécutif du 13 brumaire an 6. Je fais passer une pareille pièce au Commissaire du Directoire près l'Administration centrale du Département du Finistère.
Salut et respect.
TEXIER."

Et voici cet acte de décès, extrait du registre mortuaire tenu au bureau de l'hôpital de la Marine du port de Rochefort :

"Alexandre Hyacinthe Labarre Dulaurent, âgé de quatre vingt deux ans, natif de Concarneau, Département du Finistère, ex-prêtre et chanoine condamné à la déportation, entré à l'hôpital le 4 pluviôse an 6 de la République Françoise, mort le 26 frimaire de l'an 7.
Fait à Rochefort, le 28 frimaire de l'an 7 de la République Françoise, une et indivisible.
HERBOUR".

du Laurent de la Barre - Rochefort 26 frimaire an VII

 

Extrait : Les prêtres du diocèse de Quimper morts pour la foi ou déportés pendant la Révolution - Tome II - M. Perennès - 1929

 

 

- AD85 - L'Étoile de la Vendée - n° 2233 - Jeudi 19 mars 1908

- La Semaine Religieuse du diocèse de Quimper et de Léon - 42e année - n° I - Vendredi 7 janvier 1927

- L'Imitation et la vie de Jésus-Christ ... par E. du Laurens de la Barre - 1864

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