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La Maraîchine Normande
3 décembre 2015

JEAN-ANTOINE LECLERC DE MILFORT : TASTANÉGY, GRAND CHEF INDIEN ET GÉNÉRAL FRANÇAIS

 

Thin-le-Moutier maison Pache


Le général, de son nom Leclerc, et qui devait prendre successivement, pendant sa carrière d'aventures, les surnoms de Milfort et de Tastanégy, était né à Thin-le-Moutier (Ardennes), le 2 février 1752.

Celui qui s'appelle encore Jean-Antoine Leclerc s'engage à douze ans comme enfant de troupe dans le régiment d'Infanterie de Lorraine.

En 1775, son goût pour les voyages le porte à se rendre aux États-Unis, où il débarque en avril. Là, non content de visiter les états de l'Union, il s'enfonce dans le pays des "Peau-Rouges", au sud de l'Ohio.

Après avoir marché au hasard pendant trente-deux jours, il arrive chez les Creeks et fait, comme soldat, sous un de leurs chefs, une première campagne, dans laquelle il se bat avec courage et fournit un plan au commandant de l'expédition.

Dans une seconde campagne, l'armée lui doit son salut, et il reçoit, pour récompense, le titre de "Petit chef de guerre".

 

Creeks indians

 

Une troisième expédition, commandée par lui-même, a un tel succès, que peu de temps après (1780), les chefs de la nation réunis autour du feu du conseil, le nomment "Grand chef de guerre" ou Tastanégy, haute fonction propre au temps de guerre seul, et qui n'est subordonnée à aucune autre.

Notre grand chef reste près de vingt ans chez les Creeks, et ne donne sa démission que le jour où l'Espagne, l'alliée de ces peuplades, vient à déclarer la guerre à la France.

Il se rend d'abord à Philadelphie, où il communique à Fauchot, notre ambassadeur, un mémoire sur l'alliance possible de la France avec les Creeks, et la cession éventuelle de la Louisiane, car l'Espagne peu aimée des Indiens ne tire qu'un très mince profit de cette colonie. Puis, muni des recommandations de l'ambassadeur, Milfort arrive en France le 9 thermidor an III (27 juillet 1795 et expose ses vues au Comité de Salut public. [Il rentre après la mort de sa femme, laissant ses enfants au sein de sa nation adoptive.]

Il est nommé général de brigade le 19 avril 1796 (avec un brevet au nom de François (?) Tastanegy) et est prié de rester en France.

Il se remarie avec Marie Béga et a un nouvel enfant, François.

En l'an IV, l'affaire est soumise au Directoire qui l'agrée, et charge les ministres de la faire aboutir. En attendant, Milfort est nommé général de Brigade avec jouissance de la solde affectée à ce grade. Il jouit de ces avantages jusqu'au 1er vendémiaire an IX (23 septembre 1800), époque où l'on met son plan à exécution sans l'employer lui-même. Il attribue cette disgrâce aux manoeuvres de ses ennemis qui ont su persuader au gouvernement qu'il n'avait aucun crédit chez les sauvages.

En 1810, il est placé à la retraite, avec une solde non négligeable, mais sans avoir commandé en Europe.

 

Chestres

 

En 1814, lors de la campagne de France, Leclerc-Milfort fait de sa maison une petite forteresse. Aidé par son épouse et sa servante ..., il échange des coups de feu avec des uhlans commandés par le baron Ludwig Adolf Wilhelm von Lützow qui pensaient prendre un peu de repos dans ce site et sur une position avantageuse. La légende veut qu'il ait tué une douzaine d'hommes. Les Prussiens préfèvent lever le camp devant ce fou furieux.

Tastanégy se retire alors à Chestres, petit village à 2 kilomètres de Vouziers, et c'est là que se passe en 1814, le drame extraordinaire que l'on va lire.


"Le général Leclerc, dit Milfort, dit Tastanégy, à Monsieur le baron de Frain, le Préfet du département des Ardennes.

Monsieur,

Ce rapport est officielle, il contient la substance d'une affaire assez sérieuse qui s'est passez chez moy dans le village de Chêstre près de Vouziers, le quinze du présent moy dernier dans la soirée jusqu'au seize le matin.

Depuis six semaine que l'on attendait l'ennemy et particulièrement des brigands, j'avait fait de mon vestibulle une petite redoutte, ou aboutisset cinq porte différant pour pouvoir dans ma redoutte me deffendre si l'occasion s'en présentait. Mardy dernier quinze du présent, a passer à Vouziers deux cent cinquante cosaque ou environ, ils ont en passant à Vouziers crié vive Napoléon, afin que l'on les croient des Français ; je ne doute pas qu'ils ayent des Français parmi eux, il avait pris un guide à quatre lieues de Vouziers pour se faire conduire directement à Chêstre. En arrivant ils se sont également dit Français, ils ont vu le maire et l'adjoint, leur ont demandé de leur fournire une grande courre, qu'il voulait rester en masse et y passer la nuit ; le croyant réellement ce qu'il disait, on leur a indiqué ma cour. Malgré que la barrière fut fortement barricadé et clouée, ils ont ouvert sans fracture, ils ont poser des piquets tout le long des mures de mon jardin, ont attacher leurs chevaux, leur ont donnée paille avoine et foin, le restant des chevaux était dans ma courre ; tous les hommes s'y sont ensuite réunis, tous cela sans auqu'un bruit ; pendant ce temps là je dormait profondément. Mais à dix heures précise ils ont attaqué toutes à la fois les cinq porte qu'ils donnait dedans ma redoutte.

Mon épouse me réveille alors et j'entant effectivement un tapage infernalle, je mabille et dessent l'épée à la main prendre possessiont de ma petite redoutte pour reconnaître l'endroit ou la brêche serait le plutôt ouvert ; le bruit continue encore un moment, j'entant tout à coup rire fortement dedans ma cuisine, il y avait une douzaine d'hommes qui ouvrait la trancher à coup de hache, j'en fut fort comptant, vu que c'était la plus forte place de ma retraite et de ma forteresse. Je monte un petit esquallier et je vis que la brêche s'ouvrait assez fort pour passer un homme, vu qu'ils avaient couppé plusieurs pièces de bois dans l'embrasure de ma porte. Je prends ma montre, je vois que la mort vient de sonner dix heures et quart ; le premier qu'il s'a présenté à la faut de la mort fut un jeune homme dont la dolescence d'environ vingt ans et une figure fort douce et bien belle, je me dit en moi-même malheureux jeune homme dans deux minutes tu vat être chez Pluton, en disant cela je lui perse le coeur, il jette un cri douloureux, les autres qui était en bas riait beaucoup croyant que c'était la peure qu'il fesait tomber ; aussitôt un gros sappeur monte à l'assaut, et moy je ris en disant tout bas et lui persant le coeur, voilà pour boire monsieur le Bucheron ; il tombe en faisant un cri douloureux, pour le coup l'on ne rit plus, ils éteigne leur lumière qu'ils avaient, jette leurs deux hommes par la fenêtre et ils saute eux-même promptement. Ceux qui était dans la courre avait allumer un grand feu, je saute alors à une meurtrière que j'avais préparé d'avance, qui dominait et protégait toute ma cour, mes armes était prêt et en bonne état.

Je prends un fusil double qui était chargé de six chevrotines par coups, avant de placer mon fusil dans la meurtrière je regarde et voit une masse d'hommes de plus de deux cents, en suite je place mon fusil dans la meurtrière je couche ensuite en joue quatre officiers qu'ils causait ensemble, une voix française se fait entendre : tirre dit-il sy tu est assez ardy. Je quitte les officiers et je lui donne la préférence en lui logent six chevrotinnes dans l'estomat et il tombe le visage dans le feu, je dirige de suite l'autre coups sur les quatre autres officiers dont trois furent blesser. En suite je prend une arme chargé en lingot et comme ils était à dix pas je lache le coup et taille en plein draps, je lache l'autre égallement et fait voller les balles parmi eux, je prends une autre arme et fait voller le plomb. Je m'apperçois alors que cinq hommes allait remonter dans ma cuisine pour retourner à ma trancher, je prends un pistolet et vise le conducteur, les quatre autres rentre dedans la foulle, je tire encore dans la foulle trois coups. Mes armes sont toutes déchargée, je profite d'un moment de tumulte, prends des cartouches ; deux minutes me suffisent pour tout recharger, je recommence la dance et eux commence à se sauver, c'était comme une bande de mouton, et moy je continue de leur envoyer du chasse coquin, tout à coup un deux prend un tison de feu et courre pour entrer dans l'écurie ou j'avait beaucoup de bois, il ne me restait plus qu'un coup de charger. Je lui en fait cadot. J'envoie l'homme chez le diable et le tison reste dans la courre, je recharge mes armes, j'avais à peine fini que j'apperçois un de ses coquin la torche à la main, il passe devant ma porte et vas par derrière mettre le feu dans une grange pleine de bois de graines foin et paille ; onze heure venait de sonner, le feu était éteint dans ma courre ; les hommes et les chevaux était encore dans le chemin le long de mon jardin, il chargeait les morts et les mourants dans une voiture couverte ; j'apperçoit alors une lanterne et deux hommes, c'était un de mes voisin qui portait charitablement la lanterne.

L'officier portait un fusil à deux coups, m'envoye une balle. Moi qui ne suis pas ingrat je lui en envoi une autre qui aussitôt lui fait passer la barque de Caron. Pendant ce temps le feu portait des progrès dans la grange, deux téméraires veulent jouir de leurs forfaits en venant sur leurs chevaux par de ma courre près de la grange, leurs crime était bien éclairée par le grand feu qui en sortait éclairant bien la courre, j'ean profite et les tue tous les deux, ont les enlevée, et en sortant de ma courre avec leurs morts j'envoit encore au porteur trois coups de fusil, un deux dit en sortant sacre nom de dieu, c'était sans doute encore un Français et le champ de bataille me reste.

Le feu avait communiqué alors au superbe pressoire Peltier, et clocher de l'église qui tient au dit pressoire, onze heure et un quart une heure de combat. Quinze morts et quelque chose de plus de blesser dangereusement. Arrivent ensuite les propriétaires de la ditte grange et du pressoire, ils sonnent le toxin, les habitants acourrent et avec leur aide parviennent promptement à faire tomber les toitures, ce qui a empêcher le feu de ce communiquer chez aucun voisin, il y a eu une petite partie du clocher endommager par le feu et une partie des habitants travaillèrent courageusement jusqu'à dix heures du matin.
J'ay l'honneur d'être Monsieur le Baron,
Votre très humble serviteur.

Signé : TASTANÉGY."

Le 18 juin 1815, la Bataille de Waterloo est suivie d'une nouvelle invasion du territoire français. Leclerc-Milfort dirige une compagnie de corps francs.

En 1817, sa seconde épouse le quitte, gardant leur fils avec elle. Elle regagne Charleville et s'y installe comme couturière.

Lui va s'installer à Villevallier (Yonne) où il vit seul, avec un domestique. Après une vie extraordinaire, il y décède dans son lit le 16 juillet 1821, à l'âge de  69 ans.

 

acte décès général Tastanegy

 

MADAME MILFORT, "FAISEUSE DE MIRACLES"

1820 - Madame Milfort, veuve du général Leclerc-Milfort de Thin-le-Moutier, couturière, installée au 57 des Allées à Charleville, se fit faiseuse de miracles pour survivre. Elle portait secours à des âmes esseulées en leur demandant notamment de réciter des prières qu'elle concoctait elle-même.

Mme Cascaret, propriétaire de la maison habitée par Mme Milfort, attire la clientèle.

Mme Milfort, par prudence et par crainte de la justice, ne recevait pas l'argent directement ; Mme Cascaret se chargeait de la partie financière de l'entreprise. Les pauvres donnaient deux sous, trois sous pour avoir le bonheur d'être admis auprès de la sainte femme ; les plus riches allaient jusqu'à trente sous. En outre, chaque visiteur devait se munir d'une prière composée par Mme Milfort : l'impression de la prière coûtait à Mme Milfort 20 francs le mille ; elle la vendait à quatre sous la pièce, ce qui constituait un assez beau bénéfice.

Exemple de "consultation" assumée par la Carolopolitaine : un enfant de Nouzon était malade de la poitrine. Sur les instances de la famille, Mme Milfort va le visiter. L'enfant était sur son lit. Elle le fait lever, le fait mettre à genoux, lui récite la prière et déclare qu'il est guéri. Effectivement, ce jour-là, l'enfant put faire une petite promenade ; il mangea même d'assez bon appétit ; mais au bout de quarante-huit heures, il était mort.

Les "consultations" se faisaient aussi par courrier, des dizaines de patients écrivaient, en joignant quelque argent, des départements voisins.

Sur les plaintes du curé Delvincourt et des dizaines de "patients" floués, en 1820 - 1822, le parquet de Charleville et le président du tribunal correctionnel de Charleville, Genty de Touly, finissent par entamer des poursuites contre Mme Milfort et son acolyte ...

Le premier jour du procès, l'avocat de Mme Milfort - qui souhaitait au début de sa plaidoirie réciter des versets de l'Évangile selon saint Marc - déchaîne les foudres du président. Le président ordonne à l'avocat de se taire, puis l'huissier de le faire sortir de l'audience ; la résistance effrontée de celui-ci porte au comble l'irritation du président, qui balbutie encore quelques mots et tombe foudroyé par une apoplexie.

Mme Milfort cria au miracle, selon elle, le doigt de Dieu était visible.

Le 11 avril 1823, les deux "sorcières" sont internées à la prison des Capucins pour une année d'emprisonnement.

Sources :

Revue du Cercle militaire - 22 mai 1887
Extrait : article de Gérald Dardart - Carolo mag' - La Vallée aux sorcières - n° 145 - Décembre 2010
Villevallier - Bulletin municipal - Décembre 2013
Revue d'Ardenne & d'Argonne - 18e année - n° 5 - Juillet-Août 1911

AD89 - Registre d'État-civil de Villevallier

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