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La Maraîchine Normande
29 août 2015

NUILLÉ-SUR-VICOIN (53) - 13 AVRIL 1794 - JAMBE D'ARGENT - ATTAQUE DU POSTE RÉPUBLICAIN

Nuillé-sur-Vicoin

 

Nuillé-sur-Vicoin, comme un grand nombre de communes du département de la Mayenne a été le théâtre de la lutte des Chouans et des Républicains ; on peut même dire que Nuillé a été un des principaux centres de la lutte.

Les Chouans, après la forêt de Concise et les environs de Saint-Ouen-des-Toits, choisissaient comme repaires et lieux de réunions les villages et notamment les Châtaigneraies de Nuillé-sur-Vicoin.

Les habitants de Nuillé formaient une des meilleures bandes de Chouans.

Un des premiers faits qui se sont passés dans la commune, c'est la réunion d'avril 1794. Là, toutes les bandes chouannes, qui ne voulaient pas défendre la France faisaient au contraire la guerre à ses soldats et se réunissaient avec quelques Vendéens.

Le lieu de réunion était le bois de la Bodinière. Les insurgés étaient au nombre de 500, (on y remarquait les bandes de Houssay, St-Sulpice, Origné, Montigné, Ahuillé, Astillé, L'Huisserie, Quelaines, Nuillé. Ils commençaient à peine à discuter lorsque surgirent tout à coup une centaine de soldats républicains ; malgré la bravoure et l'adresse de ceux-ci, les chouans ne purent être délogés de leur repaire, grâce à leur nombre et à leur abri. Après une attaque vigoureuse, les soldats de la République battirent en retraite laissant 17 morts sur le terrain.

Quelques jours après, des soldats venus de Laval, prirent possession du bourg de Nuillé et établirent leur poste dans l'église ; c'est alors qu'apparaît un des chefs chouans, Jambe d'Argent (Tréton, surnommé Jambe d'Argent, était né à Quelaines. Infirme d'une jambe, il était obligé de mendier et parcourait les communes de Quelaines et de Nuillé. Il était connu de tous les chouans. Ceux-ci en firent leur chef. Il mourut peut de temps après la pacification.)

 

JAMBE D'ARGENT

 

L'attaque du poste républicain, établi au bourg de Nuillé, fut fixé au Dimanche des Rameaux (13 avril 1794).

Dans la nuit du samedi au dimanche, environ 100 hommes armés se rassemblèrent, et, avec eux, un pareil nombre de jeunes gens qui n'avaient que des fourches et des bâtons. On se partagea en trois bandes. Avec la première, Treton se chargeait d'assaillir à l'improviste la sentinelle placée dans le cimetière, et tout aussitôt il devait se précipiter dans l'église avant que les Républicains pussent s'y barricader.

Moustache, avec la seconde bande, s'était engagé à se montrer au premier coup de fusil pour attaquer le poste par derrière en plaçant des échelles contre les fenêtres.

Enfin, les nouvelles recrues avaient à garder la hauteur qui domine le pont du Vicoin à la sortie du bourg. De là on pouvait arrêter facilement l'ennemi s'il voulait se retirer sur Laval. Le jour paraissait à peine, et, de plus, il faisait un brouillard fort épais, lorsque Jambe d'Argent, sans armes et cachant sa cocarde et son plumet, s'avança seul vers l'église. Derrière lui, Hermimé (chasseur) suivait se tenant prêt à faire feu sur la sentinelle dès qu'elle se mettrait en défense. Le reste de la bande s'était arrêté à cinquante pas plus loin. Le chef, favorisé par l'obscurité, ne se trouvait plus qu'à vingt pas du factionnaire lorsqu'il en fut aperçu, et comme il ne répond point à ses "qui vive", celui-ci le couche en joue, mais Hermimé tire et le Bleu tombe mort.

Alors Jambe d'Argent s'élance à la porte entr'ouverte de l'église. Agitant son plumet blanc, il se montre aux Bleus, criant : "A Jambe d'Argent, à Jambe d'Argent !" Au bruit du coup de feu, à ce cri de combat, déjà redouté, à l'aspect subit de ce Chouan venant sans armes les braver, les Bleus, encore mal éveillés, prennent l'épouvante. A peine vêtus et laissant leurs fusils, ils s'enfuient par une petite porte placée au fond de l'église. Mais ils ont à passer devant la troupe de Moustache qui débouchait de ce côté ; ils essuient sa décharge, elle leur tue quatre hommes et en blessent six ; le reste, dans une pleine déroute, se sauve par le chemin de Laval Bien peu se fussent échappés si les Insurgés nouveaux venus, postés sur la hauteur eussent défendu le passage du pont ; mais tous étaient tout à fait neufs au métier de la guerre, ils se laissèrent effrayer par la foule des fuyards, accourant de leur côté, et se dispersèrent à travers les champs sans même essayer de les arrêter.

Jambe d'Argent, voyant son plan ainsi dérangé, arrêta la poursuite. Il avait hâte de s'assurer des armes et des munitions laissées par l'ennemi, craignant que le bruit de la fusillade n'attirât les Républicains des autres cantonnements. Le but obtenu par cette victoire si peu disputée, passait toute espérance ; on trouva cinquante fusils et assez de cartouches pour en donner à tous le monde.

Jambe d'Argent, s'étant rendu maître du poste de Nuillé, dès le commencement de la matinée, on délibéra sur ce qu'il convenait de faire encore ce jour-là. Le succès avait exalté les têtes ; Place-Nette, Housard et Larisque proposèrent d'aller attaquer le cantonnement d'Ahuillé ; c'était leur paroisse ; mais Treton ne fut pas de cet avis. Il pensait que le poste républicain devait être averti de l'affaire de Nuillé, qu'il se tiendrait sur ses gardes et qu'il était impossible de le forcer s'il restait retranché dans l'église qui avait été crénelée. On ne l'écoute point. Moustache lui-même, animé par l'idée d'un nouveau combat se rangea à l'avis de Place-Nette. Il fut donc décidé qu'on marcherait sur Ahuillé. Mais Jambe-d'Argent déclara qu'il n'irait pas "Vous gâterez ce soir le triomphe de ce matin, dit-il ; c'est une mauvaise besogne et vous la ferez malgré moi et sans moi". Les cris de "En marche ! En marche !" couvrirent sa voix et bientôt, il se trouva seul. Toute la troupe était partie, chantant et tiraillant des coups de fusil comme si elle était à une noce. Elle passa ainsi au bourg de Montigné qui n'avait pas de garnison républicaine, et s'y arrêta longtemps à boire.

Enfin, toujours criant et chantant, elle arriva en vue du bourg d'Ahuillé. L'ennemi était sur ses gardes. Dès qu'il aperçut les Chouans, il se retira par le chemin de Cossé sans faire aucune démonstration hostile, mais toutefois marchant en bon ordre et sans précipitations. Quelques coups de fusil lui furent tirés de loin, il ne riposta point.
C'en fut assez pour les vainqueurs de Nuillé ; ils ne s'occupèrent plus des Bleus, ayant hâte d'entrer en triomphe dans le bourg. Là, pleins de confiance, ils se dispersèrent pour se faire donner à manger. Un seul d'entre eux, le Grand Chasseur, avait vu avec méfiance la retraite de l'ennemi ; il craignait quelque surprise et deux femmes, à sa prière, se chargèrent de faire le guet.

Jambe d'Argent, après qu'on l'eût quitté, s'était rendu à la métairie de Ligonnière, en Nuillé. Il voulait s'entretenir avec le colon qui, la veille, lui avait dit être mandé à Laval par son maître pour affaire concernant les Chouans. Le paysan n'était pas encore de retour. Treton l'attendait, assis à la porte de la maison quand le bruit lointain d'une fusillade frappe son oreille. Il écoute ; les coups sont peu fréquents, ils partent de plusieurs points à la fois. C'est donc une poursuite de fuyards et, de plus, ces fuyards sont les Chouans ; car les Bleus en déroute se sauvent toujours sans se disperser. Il faudrait courir au secours, mais que peut faire notre boiteux ? En ce moment arrive le métayer de Ligonnière, monté sur son cheval : "J'ai quelque chose à vous remettre, dit celui-ci". - "C'est ton cheval qu'il me faut, réplique Jambe d'Argent". Et tout aussitôt le voilà en selle. Franchissant les haies et les fossés, il se dirige vers le lieu où l'on se bat ; piquant sa monture de la pointe de son sabre, le novice cavalier la lançait mieux que ne l'eût su faire le plus habile écuyer ; il eut bientôt atteint la route de Cossé à Laval. Là, il s'arrête, les coups de fusil se faisaient entendre à peu de distance, et il ne tarde pas à voir cinq fuyards qui, traversant la route, viennent vers lui. Ils le reconnaissent et lui crient : "En déroute, Jambe d'Argent ! En déroute, sans toi ! Sauve-toi !" Mais tu les arrêtes : "J'amène du renfort, dit-il, courage donc, courage ! Avec moi les braves ; nous allons tenir ici !"

Deux des fuyards Dur-au-Feu et Montgazon avaient été grièvement blessés ; l'un atteint à la jambe ne se soutenant qu'à peine ; l'autre frappé à la tête était aveuglé par son sang. Jambe d'Argent, en grande hâte, les fait placer tous les deux sur son cheval. Il leur dit : "Laissez-nous vos fusils, allez à Ligonnière de Nuillé, on vous y soignera, et vitement, partez !" Cela fut dit et fait en un instant. Trois autres fuyards se montrent encore, on les appelle : "A Jambe d'Argent ! A Jambe d'Argent !" Ils viennent et voilà six hommes tout à l'heure épouvantés, qui, à la voix du boiteux, se retrouvent pleins d'énergie et vont combattre de pied ferme. La petite troupe alla prendre position en deçà de la route, à l'abri d'une haie. Les fusils étant chargés, il ne lui restait que 18 cartouches ; mais ainsi embusquée, elle pouvait barrer le passage à l'ennemi tandis que les blessés se sauveraient. De là, on découvrait au loin les Républicains. Ils avançaient, mais lentement, et en continuant leur fusillades sur le même point. Une voix rugissante se fit entendre. C'était Moustache qui soutenait seul le feu et jusque là, pas un Bleu ne l'avait encore approché impunément. On ne tarda pas à l'apercevoir ; il faisait feu à l'ennemi, reculant lentement en prenant pour rempart chaque arbre, chaque buisson. A sa vue, Jambe d'Argent saute dans la route disant à ses hommes : "Ne bougez pas, gardez votre poste, c'est à moi de dégager notre vieux camarade". Alors, traversant deux champs sous les yeux des Bleus, il arrive à Moustache qui chargeait son fusil de sa dernière cartouche. Ils s'entendent d'un mot et tous deux au pas de course, viennent se rallier à l'embuscade. Cependant l'ennemi les a suivis de près, et bientôt, la route seule les sépare d'une troupe de Républicains. Jambe d'Argent crie : "Laissons approcher ! Ne tirons qu'à bout portant !" Et se montrant à découvert, le fusil en joue, il reste là, immobile, en face des Bleus qui s'arrêtent. Ils jugent qu'ils vont trouver sur ce point une défense sérieuse et, comme la nuit s'approche, ils se décidèrent à faire retraite ; mais en partant, ils envoient leur décharge sur l'homme qui les brave ainsi. Une seule balle frappe juste ; elle coupa son plumet blanc. Moustache veut alors brûler sa dernière cartouche ; il tire, mais son fusil, que la poudre a encrassé, ne part pas. Il prend celui d'un camarade et allait poursuivre l'ennemi. Jambe d'Argent l'arrête : "Finissons là notre journée dit-il, la besogne a été assez rude ; gardons nos balles pour une autre occasion". "J'obéis, répond Moustache, tu as le droit de nous commander car c'est toujours toi qui nous mets hors de peine".

Dès que les Bleus se furent retirés une dizaine d'hommes qui s'étaient tenus cachés dans les fossés et les broussailles, vinrent rejoindre nos braves. Ceux-ci les accueillirent par des reproches et des moqueries et une querelle allait s'en suivre. Jambe d'Argent l'apaisa. "Tout le monde a eu des torts aujourd'hui, dit-il, moi le premier ; je ne devais pas vous quitter ce matin. A présent, n'en parlons plus et faisons mieux désormais".

Les Chouans avaient eu là une rude et dure journée ; ils comptaient environ 30 blessés et plusieurs morts. Tels sont en résumé, les principaux faits qui se sont passés en la commune de Nuillé-sur-Vicoin en l'année 1794.
(Nota - La partie historique a été en partie extraite d'un ouvrage de M. L.J. de la Beauluère)


Extrait : Monographie communale - Nuillé-sur-Vicoin - AD53 - MS 80 04/07 - pp. 13 à 16

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