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La Maraîchine Normande
19 août 2015

JUIN 1793 - LA FLÈCHE (72) - LES QUATRE CAVALIERS DU ROI

LA VERSATILITÉ DES FOULES
L'Audace doit la plupart de ses succès à la Versatilité des foules.
Curieux exemple relevé dans l'histoire de La Flèche.

 

VENDEENS 7

LES QUATRE CAVALIERS DU ROI : MM. Dupérat, Duchénier, de Boispréau et Meignan (*)

L'Évènement dont je désire évoquer le souvenir fit beaucoup de bruit à l'époque, non seulement dans la Ville (La Flèche) mais à Angers d'où venaient les jeunes cavaliers qui le provoquèrent, au Mans et même à Paris où l'administration supérieure apprit la nouvelle avec autant de mécontentement que de surprise.

Madame de La Rochejaquelein en parle du reste dans ses mémoires, les historiens de la région signalent le fait dans leurs divers récits de la Guerre de Vendée et Henri Chardon lui consacre plus d'une page dans son étude si documentée sur les Vendéens dans la Sarthe.

Mais avant de raconter cet Évènement local qui causa une si forte émotion dans l'administration gouvernementale d'alors, il importe de rappeler quel était l'état d'esprit des Fléchois et des Vendéens à la veille du jour où il se produisit, c'est-à-dire dans le courant de juin 1793.

C'est tardivement que les Fléchois adoptèrent les idées révolutionnaires et il fallut l'intervention du Maire et du Curé assermenté pour recruter les premiers adhérents au Club dont ils étaient les fondateurs.

Sous l'influence d'orateurs étrangers, en particulier de représentants de la Nation, envoyés de Paris, pour "prêcher la doctrine nouvelle", l'opinion publique fut vite et entièrement modifiée. A peine une douzaine au début, les Clubistes virent bientôt leur nombre grossir au point que l'Église des Capucins où ils tinrent leurs premières réunions devint trop étroite pour les contenir et qu'ils transportèrent leur assemblée dans la Chapelle du Collège.

Point n'est besoin d'insister sur les idées prêchées dans cette Assemblée et sur la façon dont elles furent accueillies par les nombreux auditeurs. Il suffit de signaler les félicitations que les Clubistes du Mans et d'Angers adressèrent à leurs zélés collègues de La Flèche pour se rendre compte de la besogne accomplie.

Dans un pareil milieu où les hommes se plaisaient à porter le bonnet rouge et où les femmes elles-mêmes se paraient de la cocarde tricolore, les royalistes n'étaient certes pas considérés comme des amis, non plus d'ailleurs que les Vendéens qui étaient, chacun le sait, volontiers traités de "brigands".

Les Vendéens, de leur côté, étaient loin d'être satisfaits des procédés employés par les républicains contre leur Roi, contre leurs Prêtres, contre leur Religion, contre leurs parents et amis, etc., etc. Aussi avaient-ils levé l'étendard de la révolte.

Nous ne dirons rien des résultats bien connus de cette cette lutte fratricide à ses débuts. Ce qu'il convient de faire ressortir c'est que depuis leur victoire à Saumur (9 juin) et depuis leur entrée à Angers (quelques jours plus tard), les Vendéens avaient confiance dans leurs propres forces, ne redoutaient plus leurs adversaires et ne désespéraient pas d'obtenir, en combattant, la liberté religieuse qu'ils réclamaient.

Telle était la mentalité du moment, tant du côté Fléchois que du côté Vendéen, lorsque cinq jeunes cavaliers, appartenant à l'armée royaliste stationnée à Angers, soit par forfanterie, soit simplement pour occuper leurs loisirs, décidèrent de se rendre à La Flèche où l'un d'eux, Meignan, avait, quelques temps auparavant tenu garnison comme lieutenant de dragons et qui, par conséquent, connaissait le pays.

 

La Flèche

 

C'est la mise à exécution de ce projet follement audacieux, adopté d'enthousiasme par des jeunes gens à l'esprit aventureux, qui jeta l'alarme dans le personnel gouvernemental et qui eût un retentissement énorme dans la contrée.

Voici, d'après le chirurgien Ch. Boucher, comment les choses se passèrent :

Le 24 juin, jour de la saint Jean, dès 7 heures du matin, les cinq cavaliers se présentent du côté de la Boirie, portant ostensiblement la cocarde blanche.

Après un repos de quelques minutes, l'un d'eux déploye un large drapeau blanc fleurdelisé que les quatre autres, sabre au poing, entourent et protègent.

Tous alors lancent leurs chevaux au galop, et traversent les rues de la ville en criant : "Vive le Roi ! Vive le Roi !"

Grande fut la stupéfaction des habitants de La Flèche à la vue de ces soldats royalistes se dirigeant, pleins d'assurance, vers la Municipalité. Beaucoup n'en croyaient pas leurs yeux.

Cependant, des rassemblements se forment et l'on se demande quel malheur menace la ville. L'anxiété gagne les troupes et l'on s'attend aux pires nouvelles.

Pendant que ses camarades l'attendent, Meignan monte à la Municipalité. Les Officiers municipaux se montrent atterrés. Meignan profite de leur surprise et, payant d'audace, annonce que quinze mille royalistes vont arriver incessamment à La Flèche ; il réclame, en conséquence, "au nom de Sa Majesté", la libération des prisonniers, plus la destruction des emblèmes révolutionnaires. Il ne se retire, du reste, qu'après avoir obtenu la promesse que satisfaction entière lui serait donnée.

Meignan et ses compagnons se dirigent alors vers la prison que le geôlier s'empresse d'ouvrir. Un seul détenu s'y trouvait à ce moment. On le met immédiatement en liberté.

Les cavaliers royalistes se rendent ensuite au Collège où ils savent qu'existe un dépôt de chevaux pris récemment dans les châteaux du voisinage et ils réclament un cheval pour le prisonnier libéré.

Le préposé aux écuries se met à leur disposition et leur offre le plus beau de ceux qui ont été confiés à sa surveillance. Oubliant même son rôle de patriote fougueux, ledit gardien les avertit qu'il existe dans l'établissement un guidon blanc dont se servaient autrefois les élèves du Collège ; il s'empresse de l'aller chercher et gracieusement en fait hommage à ses visiteurs.

Heureux et triomphants, les jeunes cavaliers, suivis de leur nouveau compagnon, se répandent dans la ville et manifestent leur contentement en criant de plus en plus fort, devant les groupes de Fléchois qu'ils rencontrent : "Vive le Roi ! Vive le Roi !"

Enthousiasmée à son tour, la population répond sur le même ton, c'est-à-dire bien haut : "Vive le Roi ! Vive le Roi !" et, pour bien montrer que son opinion est conforme à celle des royalistes, elle se rend sur la place, abat l'arbre de la Liberté et y met le feu.

Un grand nombre d'hommes et de femmes ont d'ailleurs épinglé la cocarde blanche dès qu'ils ont appris la réception faite aux cavaliers par la Municipalité, et l'on peut voir alors les républicains les plus notoires se promener dans les rues avec ce signe anti-révolutionnaire.

Un revirement si inattendu de l'opinion publique comble de joie les parents d'émigrés qui, sortant de leur maison close, se montrent à leur balcon et manifestent eux aussi leur satisfaction.

On conçoit aisément tout le bruit occasionné par ces démonstrations d'allégresse d'une foule d'autant plus prompte à l'enthousiasme qu'elle a été longtemps dominée par la tyrannie jacobine et obligée de contenir ses sentiments intimes.

On manifestait donc bruyamment, tout en activant les préparatifs pour recevoir les quinze mille hommes annoncés.

Cependant l'armée royaliste tardait à se montrer.

Un voyageur arrive, venant justement d'Angers. On s'empresse autour de lui, on l'interroge et l'on apprend avec étonnement qu'il n'a pas rencontré la moindre troupe sur son chemin.

Les Officiers municipaux en sont informés. Ceux-ci soupçonnent alors les cavaliers de leur avoir joué un mauvais tour. Sans oser exprimer trop haut leur sentiment, ils s'informent discrètement et cherchent à les joindre pour les interroger et au besoin s'emparer de leurs personnes. Malgré les précautions prises, les soupçons se communiquent et l'attitude de la foule devient gênée.

Descendus à l'Hôtel du Lion-d'Or, les cavaliers sont en train de déjeuner copieusement lorsqu'une servante les avertit qu'on parle de les arrêter.

Meignan et ses camarades n'hésitent pas un instant sur le parti à prendre. Ils quittent prestement la table, sautent sur leurs chevaux et, au grand galop de leur monture, accompagnés de leur prisonnier libéré, ils reprennent la route d'Angers, n'osant pas trop regarder ce qui se passe derrière eux, mais bien fiers d'avoir démontré que quatre hommes et un caporal, doués d'un peu d'aplomb et d'audace, peuvent, en temps anormal, s'emparer d'une cité importante alors même que la population paraît en majorité hostile.


Dr CANDÉ
Les Annales Fléchoises et la Vallée du Loir - 7ème année - Tome X - Janvier-Décembre 1909

(*) Extrait du livre de Henri Chardon, "Les Vendéens dans la Sarthe" - Volume 1 - 1869

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Commentaires
L
Ce qui prouve bien que la population n'a jamais été plus républicaine qu'autre chose. On criait vive la république en 1793, vive l'empereur en 1804 et vive le Roi en 1815.
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La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
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