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La Maraîchine Normande
31 janvier 2015

L'ANNÉE CRITIQUE DE JACQUES-CHRISTIAN PAULZE D'IVOY, PRÉFET ET PACIFICATEUR DE LA VENDÉE (1833)

L'ANNÉE CRITIQUE DE PAULZE D'IVOY

PRÉFET ET PACIFICATEUR DE LA VENDÉE (1833)

 

LES DÉBUTS DE PAULZE D'IVOY

 

Jacques-Christian Paulze d'Ivoy, né en 1788, était fils de Christian-François-Joseph Paulze et de Sophie-Hélène Gaudin. Son grand-père fut fermier-général et conseiller secrétaire du Roi sous Louis XVI. Sa tante avait épousé l'illustre savant et fermier-général Lavoisier. Par tradition, sa famille est au service de l'État. Il sera lui-même l'un de ces grands commis qui, dans une époque troublée, à travers les révolutions et les changements de régime, ont assuré la continuité et la stabilité de notre administration.

de la POYPE Jean-François général de division

Il épouse, en 1809, la fille du général comte de La Poype de Serrières et entre, la même année, dans l'administration impériale. Il est chargé de mission dans plusieurs grandes villes de l'Europe. En juin 1811, en qualité d'auditeur au conseil d'État, on le trouve à Cologne où il fera fonction de commissaire spécial de police. En 1814, il retourne en France, est envoyé dans l'Ouest par le ministère de la Police générale. C'est son premier contact avec la Vendée et l'occasion de collaborer avec Boissy d'Anglas, chargé d'une importante inspection dans la région.

Maître des requêtes au Conseil d'État depuis le 8 juillet 1814, il quitte cependant une première fois l'administration. La mention d'Ivoy, après le nom de Paulze, se rapportait à une terre en Berry que sa mère possédait, en même temps qu'une usine de verrerie. En 1818-1819, il réorganise cette exploitation. Il décide ensuite de rentrer dans l'administration. C'était le temps du ministère Decazes. Il fut appelé à la préfecture de l'Ardèche (30 janvier 1819) et y restera jusqu'en 1824. Il rétablit l'ordre et le règne de la loi dans un département où l'arbitraire et l'illégalité s'étaient maintenus depuis la Terreur blanche. C'est alors que Boissy d'Anglas, dans une correspondance qui a été conservée, apparaît comme son mentor. Il aurait pu choisir plus mal que cet homme politique si riche d'expérience : constituant, conventionnel et membre du Conseil des Cinq-Cents sous la Révolution, membre du Tribunal et du Sénat sous l'Empire, de la Chambre des Pairs sous la Restauration. Paulze d'Ivoy fut aussi en relations amicales avec des survivants libéraux de la Constituante : La Fayette, Théodore de Lameth. Intellectuellement, Paulze est un disciple des philosophes du XVIIIe siècle, un admirateur de Voltaire, de Rousseau ...

Il n'est pas surprenant qu'il ait été révoqué et placé en disponibilité par Villèle, en 1824. Il fit alors une nouvelle incursion dans le monde des affaires, en devenant directeur administratif de la compagnie des mines d'Anzin que contrôlait la banque Périer. Il y resta deux ans et demi, de 1825 à 1827, donna sa démission après un incident personnel, laissant dans le Nord, où il garda des amis fidèles, le souvenir de son équité et de son honnêteté scrupuleuses.

Il reprit alors ses fonctions au Conseil d'État. A ce titre sans doute, le ministère Polignac fit choix de Paulze pour soutenir un projet de loi qu'il déposait devant la Chambre, car on ne voit guère l'ancien préfet de l'Ardèche ministre ultra de Charles X. En juillet 1830, au poste important et difficile de préfet du Rhône, si Paulze d'Ivoy échoue c'est que Louis-Philippe renonçant à la politique de "mouvement", a appelé au ministère Casimir Périer, représentant de la "résistance" et du juste milieu. Le désaccord du préfet et du maire de Lyon ainsi qu'une affaire de volontaires et d'armes que le préfet aurait laissé passer en Italie sont des prétextes suffisants pour une révocation brutale (avril 1831). Paulze avait vu de près les conditions déplorables du travail à Lyon. Son médiocre successeur ne pourra pas éviter la révolte sanglante des canuts de la Croix-Rousse. L'un des correspondants de Paulze, en 1833, lui fait honneur d'une "noble et patriotique démarche lors des évènements de novembre" (1831).

Les années 1831 et 1832 ont été en partie occupées par les efforts de Paulze d'Ivoy pour se faire élire député dans le Rhône ou dans l'Ardèche. Il est tenté par une carrière politique. Il subit un net échec au milieu d'intrigues compliquées que facilitait le petit nombre des électeurs censitaires. Il se résigne à revenir à la carrière administrative. Mais il ne peut être préfet qu'en se ralliant à la politique de "résistance" qui a prévalu. La mort de Casimir Périer, en 1832, aplanit les obstacles. D'Argout, ministre de l'Intérieur, est un ami de Paulze d'Ivoy. Le 30 mars 1833, il le nomme préfet de la Vendée et il sera installé le 1er mai.

 

PAULZE EN VENDÉE - MÉTHODES ET COLLABORATEURS

 

L'année critique de Paulze d'Ivoy se situe de mai 1833 à avril 1834. Les légitimistes, vaincus en 1832 et qui n'ont rien pu faire d'efficace en faveur de la duchesse de Berry, comptent passer de nouveau à l'action, quand le gouvernement sera aux prises à Paris avec les républicains. Mais, avant que des insurrections éclatent à Lyon et à Paris, la Monarchie de Juillet, bien servie par son préfet, aura déjà gagné en Vendée la difficile partie de la pacification.

Dans une lettre confidentielle au Ministre du 21 mai 1833, Paulze décrit ses difficultés administratives et n'hésite pas à en rendre responsables ses prédécesseurs : "J'ai trouvé l'administration mal organisée ; le travail dans les bureaux de la préfecture est mal réparti ; le nombre des employés est insuffisant ... La correspondance des maires ou avec les maires est, si l'on peut dire, nulle ; les liens de l'administration sont affaiblis ; à la moindre difficulté, sur la moindre observation, les maires adressent leur démission, mettent le marché à la main (sic). Il faut apporter de l'ordre, de la régularité, donner de l'énergie, apporter de la discipline dans l'administration ... Cet état de choses est attribué à l'incapacité et à l'insouciance de M. de Sainte-Hermine qui ne faisait rien par lui-même et au court séjour dans ce département de M. de Jussieu qui ne put s'occuper dans les premiers moments que de la répression de la Chouannerie et qui, d'ailleurs, ne s'est jamais considéré que comme étant de passage dans le département ..." Et Paulze conclut : "Je réclame appui et confiance au gouvernement car j'ai la conviction que je les mérite". Le ministre répondra le 31 mai : "Vous savez si nous comptons sur vous ..."

Les méthodes de Paulze d'Ivoy sont celles d'un administrateur consciencieux et expérimenté, d'un travailleur assidu. Les nombreuses minutes, écrites de sa main et qui gonflent les dossiers, témoignent d'une rédaction nette et précise, d'un esprit judicieux mais elles tendent toujours à l'action. Ses adversaires eux-mêmes rendent hommage à sa célérité de décision et d'exécution.

Dès ses deux premiers mois en Vendée, il répond à toutes les exigences du ministère (rapports, enquêtes ...) : il prend contact avec les fonctionnaires, les maires, les autorités judiciaires, militaires, établit la liaison avec les départements voisins, troublés eux aussi par la chouannerie.

Général baron ROUSSEAU

Ses relations cordiales avec le général baron Rousseau qui commande les troupes de Vendée aideront beaucoup la pacification. Dès le 18 juin, le préfet pourra se flatter d'avoir rétabli "l'harmonie". Dans le même temps, administrateur itinérant, au cours de plusieurs tournées à travers son département, il se rend compte des situations locales. Parcourant l'arrondissement de Bourbon-Vendée et une grande partie du Bocage, il voit tous les maires et une grande partie des habitants notables. Il passe en revue aussi les gardes nationaux. Au retour, il ne négligera pas de se rendre à la foire de Bourbon-Vendée où il rencontrera un nombre considérable de maires, de propriétaires, de paysans.

Le préfet demande à ses maires une collaboration loyale et leur donne l'assurance qu'ils peuvent compter sur lui : "Je vous recommande toujours exactitude et franchise dans vos correspondances avec moi et je vous renouvelle l'assurance de mon empressement à vous répondre et à vous donner satisfaction et appui." Paulze est obligeant et serviable, soutient son personnel, recommande à leurs chefs tous ceux dont les services ont été particulièrement utiles. Il écrit au lieutenant de gendarmerie des Herbiers : "Vous savez combien de soin j'apporte à faire ressortir auprès du gouvernement tous vos bons services". Aussi partout où il est passé, il s'est fait une clientèle. Sa correspondance de 1833 le montre pour Lyon où il était resté si peu de temps.

Il était impossible enfin d'être plus économe des deniers publics. Il fait réduire de 420 francs à 200 francs une note d'imprimeur, réviser la note d'un médecin qui avait soigné un garde-champêtre blessé par les chouans. Les ministres successifs de l'Intérieur louent sa "prudente gestion" des fonds de la police secrète. Et, d'une façon générale, en décembre 1833, d'Argout rend justice à un préfet qui s'acquitte de ses devoirs "avec une fermeté constante".

Paulze d'Ivoy ne peut ignorer que sa situation personnelle en Vendée est celle d'un préfet écartelé. Une lettre du 15 août 183 - qui ne porte pas de signature - le lui rappelle : "Le gouvernement connaît bien peu la Vendée ; il veut vous jeter entre deux camps ennemis avant que les feux soient éteints ; la position n'est pas tenable ... Vous ne ferez donc jamais assez de concessions pour plaire aux ennemis de la liberté qui deviendront de plus en plus exigeants et, si peu que vous en fassiez, les patriotes en masse s'éloignent de vus car le "juste milieu", dans nos contrées, est aussi imperceptible que le parti républicain."

Il faudra des prodiges d'habileté et de diplomatie pour que Paulze d'Ivoy se maintienne entre la masse des adversaires irréductibles et ses alliés toujours mécontents qui acceptent la dynastie mais frondent le gouvernement. Quand il arrive en Vendée, tous les députés du "pays légal" font partie de l'opposition.

Il saura tirer le meilleur parti possible des moyens d'action mis à sa disposition. Et d'abord de ses collaborateurs administratifs dans le département : bureaux de la préfecture, sous-préfets, maires. Le conseiller de préfecture Tireau, lui sera précieux en toute occasion mais surtout pour ce qui concerne, dans les rapports et enquêtes du début, l'histoire de la Vendée de 1830 à 1833. Le sous-préfet Delange, ancien avocat aux Sables, qui espérait, après 1830 devenir préfet de la Vendée (il en exerça les fonctions par interim) accueille ce rival heureux avec mauvaise humeur mais il est gagné par les bons procédés du préfet qui appuie toutes ses demandes en haut lieu. Delange est intelligent, fort considéré aux Sables ... Hugroy, à Fontenay, est plus discutable, compromettant, car il est inféodé au parti du mouvement. Paulze accepte de le garder, bien que Sainte-Hermine et Jussieu aient demandé son départ ; c'est le Ministère qui le remplace brusquement (vers le 15 août 1833), Paulze insistera pour qu'il obtienne une compensation. Son successeur, Loyson, jeune, riche, intelligent, mais négligent et désinvolte, a tout à apprendre de son métier.

Le point de départ de l'oeuvre préfectorale fut la série de rapports et enquêtes par lesquels Paulze d'Ivoy informa le Ministre de l'Intérieur de la situation de la Vendée 1833 et aussi des causes des guerres de Vendée, justifia l'armée et l'administration des griefs (exactions et crimes) que leur imputaient les carlistes et leur opposa le tableau des violences de toute sorte commises par les nouveaux "chouans". Le ministre d'Argout avait voulu faire le point avant de fixer les principes d'une action efficace dans l'Ouest. Il prescrivait des enquêtes analogues dans d'autres départements : Gabory (Les Bourbon de la Vendée, Paris, 1947, p. 313)  mentionne une enquête pour la Loire-Inférieure mais à la date de juillet 1836. A ces investigations Paulze d'Ivoy apporta le concours le plus actif. Il ne se contenta pas de consulter les dossiers incomplets et en désordre de la préfecture. Il établit l'exposé et la réfutation des exactions commises dans le département, sur les informations recueillies dans les greffes des tribunaux, auprès des juges de paix et des maires.

Les réponses des maires (qui n'ont pas été publiées) sur la situation morale de leurs communes constitueraient le plus intéressant des tableaux de la Vendée à cette époque si, malheureusement, l'enquête faite hâtivement, dans un climat d'inquiétude et de méfiance n'était fort incomplète. Elle porte sur 57 communes et il y en avait alors 297 en Vendée.

Pour compléter les enquêtes faites sur place par les autorités administratives, le ministre envoya de Paris dans plusieurs départements, dont la Vendée, M. Lanyer, maître des requêtes au Conseil d'État. Il avait pour mission spéciale de se renseigner sur l'organisation et le rôle de la garde nationale, sur la formation des listes électorales pour les conseils généraux et d'arrondissement sur l'organisation des conseils municipaux. Soit que le ministre ait laissé à M. Lanyer la faculté d'étendre le champ de son enquête dans la mesure qu'il jugerait utile, soit que Paulze, infatigable, ait saisi l'occasion de faire connaître d'autres aspects de la situation en Vendée, le préfet adressa à l'enquêteur officiel des "renseignements généraux qui se rattachent à la prospérité du département". C'était un tableau intéressant de l'économie vendéenne en 1833 mais le préfet y fait figurer avant tout l'instruction primaire.

Après les troubles de 1832, la tâche la plus urgente du préfet est d'assurer la destruction des bandes carlistes, la répression des faits délictueux et criminels qu'elles commettent, d'user aussi d'indulgence à l'égard des "égarés" pour multiplier les soumissions et ralliements, d'accomplir enfin la pacification morale de la Vendée.

Dans la courte période d'une année, deux attitudes du préfet se sont manifestées. Au début, il exagère les difficultés de sa mission, semble ne compter que sur les mesures de rigueur, écarte l'amnistie, regrette la levée de l'état de siège, la suppression des garnisaires. Et il s'en prend à la population vendéenne tout entière des obstacles qu'il rencontre. Dans son rapport pour l'enquête Lanyer, il assurait que les Vendéens étaient beaucoup plus arriérés que les habitants des départements où il était déjà passé : "Il y a, écrivait-il, dans le caractère de la masse de la population, de la brutalité, de la mauvaise foi et de l'immoralité et une absence d'intelligence qui contrastent d'une manière étrange avec les récits des historiens des guerres de Vendée". Paulze visiblement force la note car il est susceptible, sujet à s'abandonner à une impulsion sentimentale ; il ressent vivement, longtemps, certaines blessures d'amour-propre. Ses adversaires du clergé l'appelaient "le vindicatif proconsul".

A la fin de 1833, et dans les premiers mois de 1834, son attitude s'assouplit. Il use de modération, de bienveillance, est heureux de recevoir personnellement les soumissions volontaires, se réjouit des approbations que lui vaut son indulgence.

 

LES MOYENS D'ACTION - LA POLICE SECRÈTE

 

Pour réprimer la chouannerie, Paulze d'Ivoy qui se souvient d'avoir été fonctionnaire de la police impériale a demandé au ministre, dès le 19 mai 1833, un subside pour des investigations de police. Le premier budget de sa "police secrète", qu'il gère avec beaucoup de sollicitude, fut de 1.200 francs. D'Argout et Paulze sont d'accord sur l'emploi des fonds : pas d'agents à traitement fixe mais des gratifications raisonnables pour des avis utiles et des services réels. Ainsi le maire des Essarts lui fera connaître l'indicateur Soulard qui s'est mis dans les bandes pour mieux les trahir et enivrera l'un de leurs chefs, Barbotteau, pour le faire prendre. Parmi les agents les plus actifs, il y a une femme, Assuline.

La vie de ces espions n'est pas sans risques. Dans une lettre du juge de paix des Herbiers au préfet, datée du 4 mai 1834, il est question de la grande peur d'un agent secret qui avait fait arrêter un chouan et que les paysans avaient démasqué, le menaçant de mort : "Il se tourmente encore davantage, écrit le juge, depuis qu'on a découvert dans une rivière, non loin d'ici, le cadavre d'un homme de la commune de Saint-Prouant, massacré par les chouans pour avoir trop parlé".

Les fonds de la police secrète ne servent pas seulement à rétribuer les espions, ils permettent aussi de récompenser ceux qui ont contribué aux arrestations des membres des bandes, par exemple les gardes-champêtres, qui ont guidé les détachements lors de la capture de Raballand et de Grelier. Le préfet fit admettre aussi le principe de gratifications accordées aux gendarmes ou douaniers qui participaient à la capture des chouans.

Paulze d'Ivoy, qui aime la régularité en tout, fixe des tarifs : 100 francs pour un réfractaire ou "brigand" ordinaire, davantage pour un chef. Le ministère qui fait d'abord, au fur et à mesure des besoins, des versements irréguliers puis trimestriels pour le fonds normal de la police secrète, alloue en outre à Paulze, de janvier à avril 1824, un mandat mensuel de 500 francs qui servira spécialement à des gratifications aux colonnes mobiles qui pourchassaient alors avec succès les derniers débris des bandes.

Grâce à ces fonds, dont il faut un usage méthodique, le préfet coordonne tous les efforts de la répression, de la pacification. En exécution d'une loi de février 1834, les colonnes mobiles, après avoir joué un rôle décisif, seront remplacées (fort lentement) par des gendarmes supplémentaires. On ne sera plus sur le pied de guerre ; on reviendra à des opérations normales de police.

 

SURVEILLANCE DES SUSPECTS

 

La surveillance des suspects est l'oeuvre de tous les collaborateurs du préfet qui la dirige avec une vigilance constante. Il est tenu au courant des réunions des carlistes notoires, des personnes qui étaient présentes, des propos tenus, des insignes séditieux portés sur les habits. C'est Madame de Feriet, aux Sables, qui vient d'Angleterre ou de Jersey et a fait de sa maison le repaire de tous les carlistes de la région ; c'est Bienvenu, notaire à Saint-Cyr-des-Gâts, qui annonce partout l'avènement d'Henri V pour octobre 1833 ; ce sont les sieurs Enau Pierre et Brisson de l'Orbrie chez qui se sont réfugiés des échappés de Port-la-Claye et de la Pénissière mais il y a surtout les nobles qui continuent à conspirer dans leurs châteaux : M. de Lépinay au Moulinet près de Saint-Martin-des-Noyers, M. de Chabot à Venansault, M. de Carcouet à La Nouë, M. de Chabot du Parc à Mouchamps et de M. de Bagneux, le plus gênant peut-être. Les carlistes ont des agents plus modestes. La surveillance conduit jusque dans tel cabaret  mal famé de Bourbon-Vendée. Mais le mari de l'aubergiste ramène encore à M. de Bagneux qu'il prétend n'avoir vu que pour solliciter un poste de garde-chasse. M. de Bagneux finira par être arrêté. Seront aussi l'objet de mandats d'amener MM. de Cornulier et de Surgères, prévenus d'intelligences avec les "chouans" et de relations avec la bande du redoutable Depienne qui opère aux confins de la Vendée et de la Loire-Inférieure, échappant aux forces de l'ordre d'un côté pour les surprendre par une brusque irruption de l'autre.

Le préfet ne manque pas de faire vérifier les rumeurs les plus invraisemblables mais, après l'équipée de la duchesse de Berry, peut-on attendre, dit-il, quelque chose de raisonnable de la part des carlistes ? Ne dit-on pas que deux commissaires d'Henri V, l'un civil, l'autre militaire (Bourmont encore) vont être envoyés dans l'Ouest pour  diriger le soulèvement et que la duchesse de Berry reviendrait en Vendée, qu'elle essaie de rallier par tous les moyens les populations et que, pour attirer les femmes dans le mouvement, "elle leur promet une extension des droits sociaux". On prend plus au sérieux les bruits qui courent au sujet de projets de prises d'armes ou pour le moins de désordres à l'occasion de la majorité du duc de Bordeaux.

A une chouannerie, il faut des chefs. On guette particulièrement l'arrivée ou le passage possibles en Vendée de M. ou de Mme de La Rochejaquelein, d'un fils de Bourmont, des officiers qui ont combattu en Espagne et en Portugal pour Carlos et Miguel et que l'échec des prétendants oblige à rentrer en France. Quant à la duchesse de Berry, si elle paraît à nouveau, Paulze d'Ivoy prescrit qu'on l'arrête immédiatement et qu'on la conduise, sous bonne escorte, à la forteresse de Briançon.

 

LA POURSUITE DES BANDES - DOUANIERS, GENDARMES ET SOLDATS

 

La poursuite des bandes, composées surtout de réfractaires - les paysans qui en faisaient partie en 1832 ayant presque tous regagné leurs villages - est l'oeuvre des douaniers, des gendarmes, des troupes.

Le gouvernement est hanté par la crainte des débarquements d'armes. On parle de dépôts déjà constitués à Noirmoutier, à l'Ile d'Yeu et dans les îles bretonnes. Paulze n'y croit pas, ne cesse de rassurer son ministre. D'Argout insiste. Paulze se fait prêter par le préfet maritime de Rochefort une péniche pour la surveillance des côtes. Les douaniers sont renforcés par des cantonnements de troupes bien placés. On en établira encore un, en octobre 1833, à La Barre-des-Monts. Le 29 décembre, un combat mettra aux prises deux yoles, l'une des douaniers, l'autre de "chouans" : c'est le lendemain que les douaniers arrêteront Martineau, réfractaire de Saint-Jean-de-Monts. Le 15 avril 1834, les douaniers arrêteront un autre réfractaire, Béty, de Saint-Gervais.

Beaucoup plus important est le rôle de la gendarmerie. Il y a, au chef-lieu, un capitaine de gendarmerie (Fouré) pour toute la Vendée, des lieutenants de gendarmerie à Bourbon, aux Herbiers, à Fontenay et aux Sables où sont les principaux détachements, en outre un bon nombre de brigades dispersées. Le personnel est de valeur très inégale. Le préfet demande, dès le mois d'août 1833, le remplacement des lieutenants de Fontenay et des Sables, le premier très fatigué et mal remis d'une maladie mentale, le second mou, lent, et que les suites d'un accident empêchent de monter à cheval. En revanche, les lieutenants de Bourbon et des Herbiers sont zélés et courageux (Paulze ne manquera pas de recommander à la bienveillance ministérielle Roquette et "le brave Chotard"). Des chefs de petits détachements se signaleront dans l'arrestation des réfractaires et mériteront des gratifications.

Le rôle de l'armée est de toute évidence le plus considérable dans la répression. Les bonnes dispositions militaires prises, après la révolution de juillet, ont étouffé dans l'oeuf l'insurrection de 1832. Si les premiers mouvements des "chouans" avaient eu quelque succès, tout était à redouter.

Quand Paulze commence à administrer la Vendée, le gouvernement juge qu'il a la situation suffisamment en main pour pouvoir supprimer les mesures exceptionnelles prises en 1832. Au milieu de juin 1833, le préfet communiquera l'ordonnance royale prononçant la levée de l'état de siège. Les chefs militaires avaient déjà dû renoncer au logement des troupes chez les parents des réfractaires et à leurs frais, disposition illégale, condamnée par le tribunal de Fontenay le 13 octobre 1832, et qui rappelait trop les garnisaires de l'Ancien Régime, les dragonnades du temps de Louis XIV. Toutes les conséquences de l'état de siège ne seront pas abolies. Il avait permis de désarmer la Vendée, de réquisitionner 11.702 armes dont 10.700 fusils environ. Paulze s'opposera à leur restitution (pourtant prévue par une décision royale) et le gouvernement lui donnera gain de cause.

La levée de l'état de siège était blâmée par les "patriotes" qui craignaient de n'être plus défendus. N'était-ce pas la préface d'une réduction des troupes qui occupaient la Vendée ? Beaucoup de maires firent au préfet des déclarations analogues à celles des maires du canton de la Rocheservière : "ils m'ont déclaré, disait le préfet, qu'ils se croiraient obligés d'abandonner leurs communes et de réfugier dans les villes, si les cantonnements qui les protégeaient étaient levés". Le 19 septembre 183, les effectifs des troupes en Vendée étaient de 3.322 hommes appartenant aux 32e, 44e et 50 régiments d'infanterie et à la compagnie départementale de la Vendée. Il devaient être réduits à 1.800 hommes. Les soldats étaient répartis en détachements ou cantonnements nombreux et à effectifs variables (une vingtaine d'hommes en moyenne). Non seulement Paulze d'Ivoy proteste contre toute réduction d'effectifs mais il réclame une augmentation, 7 à 800 hommes de plus. Il en faudrait au total, d'après lui, au moins 4.000 afin d'avoir de 100 à 120 cantonnements de 25 à 30 hommes et des garnisons plus nombreuses à Bourbon, aux Sables, à Aizenay, à Mortagne, à Montaigu, aux Herbiers, à Pouzauges. Le ministre trouva que Paulze exagérait. Il lui adressa (ce dut être la seule fois) une admonestation assez vive. Mais Paulze était appuyé par le commandement de la 12e division militaire, le lieutenant général comte d'Erlon et par le général Rousseau qui commandait les troupes de Vendée. Il tint bon. Le 11 novembre, le comte d'Erlon lui faisait savoir que les troupes stationnées en Vendée allaient être portées à 5 bataillons ce qui permettrait d'augmenter les cantonnements et de donner plus d'activité aux colonnes mobiles.

Des précautions sont prises pour maintenir le moral des soldats. Paulze obtient que les anciens réfractaires réincorporés soient dirigés vers des régiments éloignés des provinces de l'Ouest. La discipline imposée exclut toute violence, toute cruauté. Les généraux et le préfet sont d'accord pour imposer aux soldats l'obligation de ne faire usage de leurs armes qu'en cas de légitime défense. Il arrivera cependant à plusieurs reprises que des soldats, après avoir fait les sommations ou sans les avoir faites, tireront sur des individus qui s'enfuyaient. Des paysans et des femmes seront blessés par des soldats (à Montaigu, en juin, à Venansault en août 1833, deux fois encore en mars et avril 1834). En mars 1834, un sergent est puni pour avoir procédé à une arrestation illégale, un autre sergent puni aussi pour des visites domiciliaires abusives.

 

VICISSITUDES DE LA RÉPRESSION - L'AFFAIRE DE BEAUVOIR

 

La répression eut ses heures difficiles où, soit un attentat plus audacieux que les précédents, soit des exactions plus nombreuses donnaient à Paulze l'impression décourageante d'une recrudescence de la chouannerie. Le préfet avait parcouru, en juin, les cantons de Beauvoir, Challans, Saint-Jean-de-Monts, constaté que l'on circulait paisiblement sur les routes. Il ne s'attendait pas à de graves difficultés du côté du Marais du nord. Son attention était concentrée sur le Bocage. Paulze n'était pas inquiet. Au reste, en mai, juin et la plus grande partie de juillet, l'activité des bandes parut fort réduite. A la fin de mai, on signala de petites bandes près de Cugand et La Rocheservière, aux confins de la Vendée et de la Loire-Inférieure. Un peu plus tard, ce fut une bande d'une vingtaine d'hommes que l'on vit dans le canton des Herbiers.


Si Paulze d'Ivoy était hostile à l'amnistie générale, réclamée par Mgr Soyer, évêque de Luçon, et vers laquelle le gouvernement semblait pencher, il n'excluait pas des commutations de peines et des grâces opportunes. Il ne lui déplaisait pas que des journeaux interprètent comme une demi-amnistie l'indulgence accordée aux réfractaires. N'avait-on pas vu, en juin 1833, le 2e Conseil de guerre permanent de la 12e région condamner à un jour de prison seulement le jeune Airault, prévenu d'insoumission. Le préfet trouvait beaucoup d'excuses à ces réfractaires. Il revenait le 29 juin de présider le tirage du recrutement de la classe 1832 et avait été frappé de voir à quel point le service militaire était redouté : "Tous ces pauvres jeunes gens, écrivait-il, paraissent, en prenant leur numéro, sous le poids d'un état convulsif vraiment affligeant".


Paulze d'Ivoy était enclin alors à l'optimisme. Les bandes ne lui paraissaient plus si redoutables. Il les décrit dans son rapport du 29 juin, peu nombreuses, sans armes apparentes, demandant mais n'exigean pas de vivres. De petits groupes de "chouans" se tiennent ainis dans le pays habité par leurs parents, ce qui leur permet d'obtenir plus facilement des vivres et de se livrer à quelques travaux.


L'affaire de Beauvoir - assez importante pour que Paulze lui ait consacré tout un dossier - fut le coup de théâtre qui, d'une part, le justifia aux yeux du Ministère pour ses protestations un peu vives contre toute réduction d'effectifs mais, d'autre part, l'inclina vers des mesures de rigueur et d'une sévère appréciation du caractère vendéen.


Arrêtons-nous à cet épisode caractéristique des obstacles que rencontrait la pacification. A Beauvoir, la population est surexcitée par un service célébré récemment par le curé pour la fête de la Saint Henri. La cérémonie religieuse a été suivie d'un banquet carliste dont les convives (le curé n'en était pas) étaient décorés de rubans verts ou avaient à leur boutonnière des brins de jasmin (fleur blanche et feuille verte). Le vert était devenu le dernier signe de ralliement des légitimistes en souvenir des Verdets du comte d'Artois, en 1815.


L'affaire commença par l'arrestation dans un cabaret de Saint-Urbain des deux réfractaires : Piberne, de Saint-Gervais, et Quaiveau, du Perrier. On les avait mis en prison à Beauvoir. On aurait dû les transférer imméditement à Challans, mais le transfert fut ajourné en raison de l'absence des gendarmes de Beauvoir qu'une diversion (probablement fortuite) avait entraînés à Saint-Jean-de-Monts, où, dans une rixe, des carlistes avaient molesté des patriotes. On confia la garde des prisonniers à quelques douaniers renforcés par quelques grenadiers du 50e de ligne, appelés de Challans par le maire de Beauvoir. Les gendarmes rentreront dans la nuit mais, fatigués, iront se coucher.


L'attaque de la prison eut lieu par 40 à 50 "chouans", d'après les évaluations les plus probables. Dans la première émotion, on parlera de 80 hommes et même de la concentration de plusieurs bandes du Marais et du Bocage. Les "chouans" furent guidés par des signaux lumineux et pénétrèrent dans la prison par une porte donnant sur le jardin qu'avait ouverte un jeune ouvrier de 17 ans qui cherchait à fuir. Deux soldats furent tués ainsi que le geôlier ; un autre soldat fut blessé ; les prisonniers furent délivrés. On pensait que plusieurs chouans avaient été blessés ; en fait, l'un d'eux, un réfractaire, avait été tué et laissé sur place.


De Bourbon-Vendée où il était retenu par la session du Conseil-Général, le préfet dirigea la répression, déclenchée aussitôt. Vingt-cinq gendarmes mobiles accoururent et le général Rousseau amena un détachement de soldats. Des battues seront lancées dans le Marais. Au cours de l'une d'elles, le fameux Raballand, de Saint-Jean-de-Monts, sera pris. Le substitut du procureur du roi et le juge d'instruction des Sables, venus immédiatement, ont entendu de nombreux témoins et fait des perquisitions. Seize mandats d'amener ont été lancés (sans parler des dix individus arrêtés à Saint-Jean-de-Monts, à cause de la rixe et transférés aux Sables). Tous ceux qui ont été arrêtés sur le soupçon d'avoir pris part à l'affaire de Beaucoir, sont de la commune ou de Saint-Gervais, commune voisine, ce qui achève de montrer la complicité de la population. Le préfet, persuadé de la mauvaise influence du clergé, écrira à l'évêque, afin de réclamer une sanction contre le curé. Et comme, par ailleurs, le succès de l'attaque par surprise tenait à ce qu'on avait tardé de conduire à Challans les deux prisonniers, Paulze prescrivit que désormais, tout individu arrêté fut amené, sans aucun délai, à la brigade de gendarmerie ou au cantonnement le plus proche, à condition qu'il fut au moins de 24 hommes.


Trois condamnations aux travaux forcés à perpétuité et une à dix ans de détention furent la conclusion judiciaire de l'affaire de Beauvoir. Menuet, capitaine de paroisse, qui avait commandé les chouans, était condamné aux travaux forcés. Le préfet s'opposa à l'avance à toute réduction de peine que le clergé pourrait demander en sa faveur car il était cousin germain d'un vicaire général de l'évêque de Luçon. Pour transférer les prisonniers à Rochefort, on prit les plus grandes précautions, dans la crainte d'une attaque des chouans pour les délivrer ; on avait échelonné des détachements à des distances très rapprochées.


Le comte d'Argout, voyant le préfet fort impressionné par un accident - qualité de catastrophe par le sous-préfet des Sables - lui disait en substances : "Vous laisserez-vous dicter la loi par une trentaine d'insoumis ? Les patriotes de Vendée ont-ils donc si peu de courage ?" Le préfet répondait qu'il y avait en réalité 177 réfractaires, qu'il s'y ajoutait un bon nombre d'aventuriers et de vagabonds. C'était la complicité de la population qui les rendait si difficiles à saisir. La répugnance au service militaire faisait le réfractaire mais le sentiment politique exploitait cette répugnance, poussait dans les bandes et l'y maintenait.


On s'inquiétait alors de l'incursion dans le canton de Pouzauges d'un autre chef de bande, Moustache, ex-sergent de la garde royale suisse. Et une agression contre le maire de La Meilleraye amenait à placer un cantonnement dans cette localité. Paulze d'Iroy s'impatientait, écrivait au ministre : "Le brigandage continue, s'accroît même. Non, nous n'avançons pas, au contraire ; et cependant il faudrait en finir ..."


Le préfet reçut de la population une aide inattendue. C'est que, même favorable aux carlistes, celle-ci se lassait de soutenir et de nourrir les bandes. Les actes de brigandage inquiétaient, bien que les victimes fussent presque toujours des partisans du gouvernement. Une centaine d'habitants de Saint-Gervais et soixante-dix ans environ de Sallertaine venaient de se réunir et de voter des motions par lesquelles ils s'engageaient à s'aider mutuellement pour résister aux exigences des réfractaires et à leurs attentats contre les personnes et les propriétés. Paulze d'Ivoy plaidera la cause de ces associations de défense en face d'un ministre méfiant qui ne veut pas armer les habitants les uns contre les autres et rappelle que la seule association de défense reconnue par la loi est la garde nationale.


Paulze, certes, n'a pas négligé la garde nationale et, si elle ne participe pas aux opérations de la répression (selon les instructions du gouvernement), la seule présence, dans 102 communes de Vendée, rassure les patriotes des villes et bourgs où elle est organisée. 13.324 gardes nationaux, armés de près de 8.000 fusils et mousquetons, ne constituent pas une force négligeable et, en cas de soulèvement carliste, seraient un suprême secours.

 

VERS LA PACIFICATION


Vers septembre et octobre 1833, une augmentation des vols de vivres et d'argent montrerait plutôt que les petites bandes qui subsistent sont aux abois. La solde, bien que fort réduite (22 fr. 50 par mois dans la bande de Depienne, 7 fr. 50 dans telle autre bande) n'est plus payée régulièrement. Les paysans qui les ravitaillaient refusent de le faire ou sont moins généreux. Les chefs sont traqués jusque dans leurs "caches" les plus secrètes.

On a découvert celle des Triballeau, mais ils n'y étaient pas. Moins heureux, Robert des Chateigniers (que l'on dit ancien compagnon de Diot a été pris dans la Loire Inférieure. Théodore Robert, le frère de Charles Robert, responsable des premiers troubles de la Vendée, le 9 octobre 1830, à Saint-Jean-de-Monts, se terre à Nantes et y vit misérablement. On a intercepté sa correspondance : "Toutes les bourses nous sont fermées, dit-il. Les gens du parti se conduisent horriblement à notre égard". La confiance du préfet se raffermit. Pour remplir "les rangs dégarnis de la chouannerie expirante", comme l'écrit M. d'Argout, les chouans ne peuvent guère compter sur les réfractaires des dernières opérations de recrutement. Leur nombre se réduira à une vingtaine, d'après Paulze d'Ivoy : "On se rapproche des époques où les levées se sont effectuées le plus avantageusement en Vendée" (début de novembre).


On vient d'arrêter Barbotteau qui a participé à tous les brigandages dans le canton des Essarts. La réponse de sa bande sera l'attentat contre Guilbon, maire de Fougeré, sa femme et sa fille, qui sont gravement blessés. Dans la commune, un paysan a été maltraité et on lui a volé 1.500 francs. Une battue, organisée immédiatement dans la forêt de la Chaize, n'a pas donné de résultats. Mais, comme on apprend que la bande (15 à 18 hommes conduits par le réfractaire Dupuy) s'était arrêtée avant son agression au château du marquis de Piberneau absent d'ailleurs, on décide de faire un exemple. Un cantonnement de 20 hommes sera installé au château et dans les métairies voisines. Il surveillera la région et protègera la route de Bourbon à Fontenay. Plus grave que soit cet incident, on admettra que le préfet cède trop aux impressions du moment quand il parle de nouveau de recrudescence de chouannerie "qui viennent renverser toutes les espérances, tromper tous les calculs".


A la fin du mois de décembre, plusieurs réfractaires sont arrêtés. Paulze, qui s'est ressaisi, s'occupe activement de tarir une autre source de recrutement des bandes :


"Je fais une guerre impitoyable à tous les vagabonds, rôdeurs et colporteurs qui affluent dans la Vendée, sans passeports réguliers, sans marchandises et sans motifs légitimes de voyage". - Le préfet a pris enfin ces contacts humains auxquels il attache tant d'importance. Spontanément, deux paysans, Gou et Herbreteau, prévenus d'avoir attaqué la maison du maire de Saint-André-Goule-d'Oie, se sont présentés devant lui pour protester de leur innocence. Il entrevoit un rôle à jouer qui satisferait ses sentiments d'humanité en même temps qu'il hâterait la pacification. Et, il écrit : "Des ménagements savamment calculés ne sont pas incompatibles avec l'action de la justice."


La bienveillance de Paulze d'Ivoy à l'égard des réfractaires qui se rendraient spontanément sera bientôt connue et obtiendra de nombreuses soumissions volontaires tandis que, de Paris, venait l'initiative qui portera le dernier coup aux bandes traquées de toutes parts. Le comte d'Argout décidera d'attribuer des primes aux détachements des colonnes mobiles qui captureraient réfractaires et chouans. Il réveille ainsi l'activité des troupes stationnées en Vendée. Paulze, nous l'avons vu, répartit équitablement ces primes imputées sur les fonds de sa police secrète. Quatre mois où la rigueur (pour les irréductibles), quatre mois d'activité intense seront suffisants. Le pays sera assez pacifié pour que l'insurrection à Paris elle-même soit incapable d'avoir des contre-coups sérieux en Vendée.


Certes, poursuivis âprement, les réfractaires ont eu quelques réactions dangereuses. Des vols toujours ... Mais surtout l'attentat contre le garde-champêtre de Vendrennes : Fontenil, blessé très grièvement de plusieurs coups de pistolet, parce qu'il avait servi de guide à plusieurs colonnes mobiles, notamment lors de l'arrestation de Grelier dans la forêt du Parc.


Refuge des chouans, cette forêt leur échappe. On y a découvert des "loges", c'est-à-dire des cabanes-abris de planches destinées à les recevoir. Paulze demande qu'un cantonnement soit établi dans les dépendances du château du Parc, car M. de Chabot est soupçonné d'intelligences avec les chouans.

 

POLITIQUE D'INDULGENCE DU PRÉFET


De plus en plus, le préfet escompte le résultat salutaire de l'indulgence. Il dispute au général Rousseau les chouans arrêtés par les troupes ou qui se sont soumis volontairement. Il veut les interroger, examiner leur cas avec bienveillance, les prendre même sous sa protection, s'ils n'ont commis aucun crime. Le général prétend que tous les réfractaires, étant soldats, doivent lui être envoyés. Le préfet finalement lui concède les réfractaires qui ne font l'objet d'aucune prévention judiciaire. (Ils comparaissaient devant un Conseil de Guerre et s'en tiraient à bon compte). Quant aux autres, le préfet examinait la gravité des charges relevées contre eux. Si elles paraissaient légères, il essayait de les faire maintenir dans leurs foyers jusqu'à leur comparution en cour d'assises, arguant que cette bienveillance entraînerait de nouvelles soumissions. Il prenait soin que le tribunal fut informé qu'ils s'étaient rendus volontairement, afin qu'on leur en tint compte.


La correspondance de Paulze d'Ivoy en faveur des soldats REVAUD et PRÉAUD alla jusqu'aux trois ministres de l'Intérieur, de la Guerre et de la Justice. Et Paulze qui prenait à coeur recevait entre temps les deux réfractaires pour leur expliquer la marche de leur affaire et les rassurer. Il fit tant et si bien que les deux réfractaires furent acquittés par la cour d'assises de Bourbon-Vendée en avril 1834.


Dès janvier, faisant le bilan de 21 arrestations et soumissions volontaires en un seul mois, Paulze pouvait affirmer : "Le pays est entré dans une véritable voie de pacification complète". Des maires s'associent à son oeuvre et lui envoient des réfractaires. Il écrit à l'un d'eux (le 1er février) : "Il n'est pas d'oeuvre plus digne d'un patriote et d'un bon maire que de concourir à la pacification de la contrée". Et voici d'autres soumissions volontaires et plusieurs arrestation (en février, 10 soumissions et 6 arrestations). Dans la chasse à l'homme des colonnes mobiles, il y a des prisonniers, mais presque jamais un tué ou un blessé (Bocquier, de Saint-Gervais, cependant, est tué en janvier).


Pressés surtout par les soldats du lieutenant-colonel Brisson commandant, en Vendée, les troupes du 44e, les réfractaires sont réduits à se soumettre dans des régions, comme celle de Pouzauges, qui leur avaient été longtemps des asiles inexpugnables.


On ne se borne pas à faire la chasse aux réfractaires dangereux des bandes. Même ceux qui n'ont pas fait parler d'eux sont poursuivis. Tels les réfractaires des environs de Girouard que le préfet juge "inoffensifs". A l'occasion d'un vol à main armé de 900 francs dans la commune de Grosbreuil, Paulze invite le sous-préfet des Sables à organiser des recherches "dans cette partie du département où il y a beaucoup de réfractaires et où, dit-il, nous n'avons encore eu aucun succès". Il inspire maintenant assez de confiance, même aux carlistes les plus compromis, pour qu'ils s'adressent à lui afin de sortir des situations les plus dangereuses. La famille Morand engage des démarches auprès du préfet en vue de la soumission de deux frères, chefs de chouans, condamnés à mort par contumace.


Non seulement les règles établies en Vendée par le préfet sont approuvées par le ministre de l'Intérieur en ce qui concerne les réfractaires arrêtés ou se soumettant volontairement mais, après échange de lettres entre le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Guerre, ce dernier accepte d'adopter pour les départements de l'ouest une suggestion de Paulze d'Ivoy : n'envoyer en Algérie que les insoumis arrêtés, punissant ainsi la persévérance dans l'insoumission, récompenser au contraire les soumissions volontaires et les encourager en maintenant en France les réfractaires qui se présentent spontanément.


Une sage justice distributive n'exclut donc pas l'indulgence, Paulze d'Ivoy pouvait, en février 1834, rappeler à son ministre sa méthode personnelle. Sans leur faire concevoir des espérances irréalisables, n'était-il pas intervenu auprès du gouvernement en faveur d'individus qui montraient de la bonne foi et du repentir ? N'avait-il pas obtenu une commutation de peine en faveur de Cougnaud ? Et, tout récemment, des dispositions avantageuses en faveur de Revaut et de Préaud ? Il avait le droit de conclure : "Il n'est pas de branche du service à laquelle j'ai apporté et je continue à donner plus de soins". Sa réputation d'équité compréhensive et de bienveillance active lui avait gagné bien des coeurs. Un climat d'apaisement s'établissait. Il était déjà loin le temps où le préfet avait bien du mal à empêcher la majorité du Conseil Général d'inscrire dans la motion qu'elle allait voter une phrase signifiant que "le parti vainqueur pourrait imposer sa loi au parti vaincu."

 

COLLABORATION AVEC LA JUSTICE


Collaborant avec les autorités judiciaires, Paulze estime qu'elles devraient épargner le plus possible, la piétaille des réfractaires et des chouans, pourvu qu'ils n'aient pas commis des crimes, qu'il fallait, au contraire, frapper les chefs de lourdes condamnations, mais, dans tous les cas, tenir largement compte de la soumission volontaire. Paulze ne croit pas à des soulèvements spontanés en Vendée mais à des troubles provoqués, organisés. C'est ce qu'il a dit dans son rapport de juillet 183. Il faut donc frapper les agitateurs, les meneurs.


Il n'est pas impitoyable. Il recherche l'effet d'intimidation d'une condamnation à mort ; il n'en désire pas l'exécution. Il la déconseille même si le gouvernement lui demande son avis. Le jour viendra (après la période que nous étudions) où sera arrêté, après une lutte corps à corps un réfractaire nommé BOURRON, "cinq fois condamné par la cour d'assises de la Vendée, pour incendie, meurtre, vols à main armée et, en dernier lieu, à la peine de mort". Le ministre de la Justice demandera à Paulze s'il pensait qu'il importât que l'arrêt reçut son exécution. La réponse fut catégorique : "Je n'hésite pas, dans la situation où se trouve actuellement le département à répondre négativement. "Aucune des condamnations à mort prononcées contre les réfractaires, ayant fait partie des bandes armées, n'a été exécutée dans mon département et, cependant, sa situation, sous le rapport du brigandage et de l'affermissement de l'ordre et de la sécurité, est peut-être plus avancée que celle des départements voisins, d'où je forme la conjecture que les exécutions capitales ne sont pas un exemple nécessaire à la pacification du pays. Je crois une erreur de le considérer comme un véritable chef de chouans exerçant quelque influence sur le pays ...


Il ne faut pas perdre de vue que les crimes commis par les réfractaires de la Vendée ont leur cause première dans les convictions politiques et religieuses à l'aide desquelles on est venu réveiller des souvenirs traditionnels entourés d'un certain prestige de gloire dans la contrée. Je pense donc que les questions de ce genre doivent être résolues par ces considérations de haute sagesse et d'humanité qui ont préservé la Révolution de Juillet de répandre le sang pour des causes politiques."


Les accusés passaient, pour la plupart, devant les assises de Bourbon-Vendée mais le gouvernement envoya un certain nombre d'entre eux devant les tribunaux plus ou moins éloignés que l'on supposait plus impartiaux (à Orléans, Bourges, Angoulême, Rennes, Versailles ...). Les jugements que rendirent les divers tribunaux se soldèrent très souvent par des acquittements ou des peines légères, s'il ne s'agissait que de l'accusation d'avoir fait partie des bandes. Les bourgeois des jurys sanctionnèrent plus sévèrement les attentats contre les personnes et la propriété. Et on n'hésita pas à montrer une grande sévérité pour les contumaces, sans doute parcequ'on la savait inopérante.


Aux assises de Bourbon-Vendée du 2ème trimestre de 1833, il y eut dix condamnations à mort (toutes par contumace), une aux travaux forcés. "Les grands coupables courent encore", constatait le préfet. On relevait sur la liste des condamnés par contumace trois de La Rochejaquelein, deux de Saint-Hubert, deux de Germond ... Et il y avait des acquittements surprenants.


La session suivante des assises fut à peine satisfaisante. A part les sanctions dans l'affaire de Beauvoir, qui firent bonne impression, assure le préfet, le jury avait montré de la faiblesse dans les autres causes. Il fallait donc s'occuper avec plus de soin de la formation du jury "tant sous le rapport des sentiments politiques que de la capacité". Paulze voulait en exclure carlistes et républicains.


D'une façon générale, bien que Paulze d'Ivoy s'attachât à maintenir l'entente avec les autorités judiciaires et, en particulier avec le procureur du Roi à Bourbon-Vendée, ses habitudes personnelles de promptitude dans la décision et l'exécution s'accommodaient mal des lenteurs de la procédure, des scrupules de la magistrature. Le 2 octobre, il écrit au commissaire central de la Loire-Inférieure que l'autorité judiciaire "n'agit qu'avec timidité et lenteur".


Cependant la Cour d'assises, dans sa session de janvier 1834, allait seconder efficacement la politique de pacification en montrant le sort qui attendait les obstinés. Barbotteau, impliqué dans plusieurs crimes et actes de brigandage, était condamné à mort et ROBERT DES CHATAIGNIERS à la déportation.


Dans sa session d'avril 1834, la Cour acquitta plusieurs réfractaires sur l'accusation d'avoir fait partie des bandes, tout en les retenant pour qu'ils se justifient de vols à main armée. Les frères MORAND, REVAUD, PRÉAUD, HERBRETEAU étaient acquittés purement et simplement. Il y avait une condamnation à cinq ans de travaux forcés (MARTINEAU pour complot et vol), deux autres à cinq ans et à un an de réclusion pour vols à main armée.

 

LE PROGRÈS DE LA PACIFICATION


L'opinion publique s'améliorait : "Il est certain, observe Paulze, que les réfractaires ne se rendent que par l'influence de leur famille et de la population". Un père demande un sauf-conduit pour aller chercher et ramener au préfet son fils repentant. Les bandes n'osent plus contraindre les paysans à les secourir. Celle du canton des Essarts, réduite à cinq ou six hommes, se heurta à la résistance d'un paysan qui lui ferme sa porte et déclare qu'il se défendra si l'on veut entrer de force. Les chouans se retirent aussitôt ... D'ailleurs il n'y a plus que deux ou trois cantons du département "où les bandes, faibles à la vérité, et presque inoffensives, sont encore réunies".


Les soumissions volontaires ne se ralentissent pas. Le préfet en annonce 7 le 2 mars, 4 huit jours plus tard, 4 de nouveau la semaine suivante.


Les maires et les familles ne craignent pas d'invoquer la "clémence" et la "bonté" du préfet et du général Rousseau en faveur de leurs administrés et de leurs fils. Pouvait-on rester en dehors de cette généreuse émulation ? Le général Rousseau voulait qu'on fit honte à l'évêque de Luçon d'avoir un clergé qui ne s'associait pas aux efforts faits pour obtenir des soumissions volontaires. Où était le concours des prêtres à cette oeuvre de paix ? Et quelle pouvait être l'influence des deux maisons religieuses de Chavagnes sur les sept réfractaires de cette petite commune qui s'obstinaient ? Appréciation dure et injuste ... L'évêque et son clergé avaient demandé une amnistie générale qui aurait exonéré les réfractaires de toute sanction. Et, d'après sa correspondance avec le préfet, l'évêque ne pouvait qu'encourager les réfractaires à se soumettre depuis qu'ils ne risquaient plus d'être frappés de peines trop sévères.


Le moment est arrivé où la pacification sera mise à l'épreuve. Insurrection de Lyon, du 9 au 12 avril, immédiatement après, barricades à Paris, le 14, enlevées en quelques heures de luttes acharnées, troubles dans plusieurs autres villes ! L'alerte est courte mais sérieuse. Les dépêches du ministère de l'Intérieur se succèdent à Bourbon-Vendée, le 14 avril. A deux heures de l'après-midi, ce jour-là, le ministre peut annoncer : "Tout est rentré dans l'ordre".


Personne n'avait bougé en Vendée. Paulze d'Ivoy avait pris un congé au début du mois et il n'était pas encore rentré. Il s'était rendu à Paris. En son absence, la machine administrative avait fonctionné sans à-coup. Tireau l'avait remplacé ; il était persuadé qu'avant les journées révolutionnaires d'avril, les anciens chefs carlistes, pressentant les évènements (?), avaient parcouru les campagnes pour annoncer que, dans quelques jours, le gouvernement serait renversé. Mais Tireau avait la tendance fort commune à croire à une sorte d'entente secrète et permanente des partis extrêmes contre le gouvernement.


En tout cas, on pensait à la préfecture que l'échec des républicains allait engager les chefs carlistes à plus de réserve. Quoi qu'il arrivât et même à Paris, les vendéens ne prendraient conseil que d'eux-mêmes et leur volonté tendait au calme et au repos. On note le 17 avril que les propositions de soumission de la part des réfractaires composant les bandes sont même plus nombreuses depuis quelques jours.


La pacification ne saurait donc être remise en question. Mais l'hostilité au gouvernement et même au régime persistait dans une grande partie de la population. Le 16 juillet 1836, dans un rapport au ministre de l'Intérieur, Paulze d'Ivoy écrira : "La chouannerie doit être considérée comme entièrement détruite". Mais il devra ajouter : "La masse du peuple conserve cependant une sympathie pour le gouvernement déchu et espérance de son retour. L'hostilité du clergé et de la noblesse, quoi qu'avouée moins ouvertement, est toujours réelle."


Une seule année du moins aura suffi pour mettre fin aux inquiétudes les plus graves. Il reste à transformer la pacification récente en un apaisement total et définitif.


Le budget de la police secrète montra dans les mois et les années qui vont suivre la disparition progressive des dernières traces de l'agitation en Vendée. L'indemnité spéciale de 500 francs disparut avec les colonnes mobiles. Quand aux fonds normaux, ils diminuèrent peu à peu. Des mois entiers s'écoulaient sans qu'on arrêtât un réfractaire, des trimestres entiers sans que Paulze reçut l'allocation habituelle. On dépensait encore quelque argent pour acheter ou réparer des yoles destinées aux douaniers qui surveillaient le Marais du nord, pour rétribuer les agents secrets qui surveillaient les sous-officiers dans les cafés, voire pour épier un bateau suspect. Les fonds de la police secrète ne servirent pas seulement à rechercher les placards séditieux, à apposer les scellés sur une église. On indemnisa aussi, à diverses époques, des paysans que les soldats des cantonnements et des colonnes mobiles, qui avaient parfois la détente trop rapide, prirent pour cibles innocentes et blessèrent.


Paulze en viendra même, grâce à "l'amélioration progressive de l'esprit public", à payer avec ses fonds de police, les circulaires et bulletins électoraux des candidats du gouvernement. Dans le premier trimestre de 1839, les frais de la police secrète s'élèveront à 38 francs 90 pour la réparation des yoles et les renseignements sur divers vagabonds. Il ne s'agit plus de la poursuite des réfractaires ou des mouvements des bandes mais, à trois reprises, au cours de l'année 1839, Paulze accordera des gratifications pour des renseignements concernant les "mouvement des grains". La politique cède le pas à l'économie. Comment le ministre ne pourrait-il pas constater, à la fin de 1839, "l'état de calme et de sécurité" dont jouit la Vendée ! Le 6 août 1841, par l'intermédiaire d'un conseiller de préfecture, Paulze léguait à son successeur sur le reliquat des fonds de la police secrète, la somme modeste de 19 francs 81.

ROGER HUETZ DE LEMPS,
Agrégé de l'Université
Société d'émulation de la Vendée - 1960

 

PAULZE D'IVOY TOMBEAU

 

Photo du site : http://www.napoleon1er.org/monuments-napoleoniens/picture.php?image_id=963&cat=47&expand=2,47

ICI REPOSE
JACQUES CHRISTIAN
PAULZE D'IVOY
PAIR DE FRANCE
ET ANCIEN PRÉFET
NÉ A PARIS LE 6 FÉVRIER 1788
DÉCÉDÉ A COURTIRAS
LE 9 DÉCEMBRE 1856

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La Maraîchine Normande
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