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La Maraîchine Normande
30 octobre 2014

MANOSQUE (04) - 1792 - MASSACRE DE CINQ PRETRES

MANOSQUE (04)   -  1792  -  MASSACRE DE CINQ PRETRES

Manosque

 

Les évènements n'avaient pas rendu les Manosquins hostiles à l'idée religieuse. Déjà, par deux fois, ils avaient demandé le maintien de leurs paroisses. Le 2 mai 1792, le conseil municipal renouvela ses voeux antérieurs, qui s'inspiraient des désirs et du besoin religieux de la population. La paix n'aurait pas été troublée dans ce pays sans la présence de quelques forcenés, poussés par les clubistes de Marseille. Ils avaient déjà manifesté leur esprit, lors de la prestation du serment : ils s'étaient insurgés contre les messes inconstitutionnelles et avaient proféré des cris de mort contre leurs compatriotes, prêtres ou laïques, qui ne pensaient pas comme eux. Ils allaient maintenant déplacer le terrain de la lutte et se livrer à des actes qui rendraient à jamais leur mémoire odieuse à la postérité.


Trois prêtres s'étaient retirés à Meyrigues, hameau de Viens (Vaucluse). C'étaient Vial, ancien curé de Céreste, âgé de 65 ans, Joseph Reyne, ancien curé du hameau, et François Pochet, ex-prébendé de Saint-Sauveur. Les premiers étaient réfractaires ; Pochet avait prêté serment le 4 juin. Perdus dans les bois, ils pensaient être à l'abri de toute persécution. Dénoncés à la fin du mois de juillet, ils virent leur demeure envahie par les révolutionnaires des environs et furent conduits à la prison de Manosque. Il fallait statuer sur leur sort. La société populaire, avant de prendre une décision, délibéra d'envoyer quatre de ses membres pour consulter le comité de Marseille.

 

curé 8

 

Or, celui-ci, peu auparavant, avait fait mettre à mort un prêtre sans autre forme de procès. La réponse était donc toute indiquée : "Il faut les lanterner !" En conséquence, dans la soirée du 4 août, une troupe d'environ deux cents personnes se porta aux prisons. La sentinelle déclara qu'elle était prête à faire son devoir, si on avançait. Sur cette opposition, l'attroupement changea d'objet et se porta à une maison de campagne où logeait le Père Pouttion, supérieur de la prison, octogénaire, infirme et presque aveugle. Il fut enlevé, conduit dans un champ voisin et pendu à un arbre. N'était-ce pas pure folie de mettre à mort ce doux vieillard, qui s'était appliqué à adoucir les rigueurs de la prison. Une lettre-pétition du mois d'avril 1792 montre combien il était estimé à Manosque : "La maison des Observantins, écrit-on, est de temps immémorial l'asile pour gens de famille atteints de démence, ou pour les sujets retenus par lettre de cachet ; il règne dans cette maison la douceur et l'exactitude de la clôture.


Ces avantages sont dus à la sagesse et au talent charitable du Père J.-B. Pouttion. La ville et tout le pays craignent toujours de le perdre et demandent qu'il continue d'être supérieur. Le P. Pouttion s'est opposé à ce que l'on fit une pétition en sa faveur, craignant de paraître l'avoir cherchée et de devenir suspect à son Ordre."


Pourquoi fut-il immolé ? Il ne devait pas être considéré comme réfractaire, puisque, sur sa demande, le maire s'était rendu à sa maison, pour recevoir son serment. Fut-il prié de donner à la sentinelle l'ordre de laisser pénétrer dans la prison et aurait-il expié son refus par la mort, ou bien ces énergumènes, assoiffés de sang, cherchèrent-ils une victime isolée du pays et incapable de se défendre ? Le lendemain, la frayeur se répandit dans la ville, et bon nombre de citoyens, qu'on désignait comme devant être pendus, quittèrent leurs maisons. C'était l'affolement de la grande majorité devant l'insolente audace d'un petit groupe qui se sentait soutenu, le cas échéant, par les étrangers.


Le soir de ce jour, quand la nuit eut plongé la ville dans les ténèbres, le même attroupement vint encore aux prisons. Aucune sentinelle ne s'y trouvait pour barrer le passage. La peur lui avait-elle fait prendre la fuite ? Y avait-il négligence ou connivence de la part de ceux qui devaient pourvoir à la sécurité des prisonniers ? Les trois prêtres furent donc enlevés, traînés en dehors de la ville et pendus. Ces atrocités se passaient au quartier de Saint-Pierre. L'abbé Feraud, dans son Histoire de Manosque, a recueilli sur ce fait des témoignages de contemporains bien informés. Il relate les paroles échangées entre les assassins et leurs victimes. La scène, si elle est exacte, devait être émouvante : "Quels autres que des monstres, dit-il, n'eussent pas été attendris et changés en s'entendant dire avec douceur : à l'un : Mon ami, je t'ai sauvé de la corde, et tu vas m'y mettre ; - à l'autre : J'ai fait, autant que je l'ai pu, du bien à ta famille et à toi surtout. Il ne me reste que ma montre ; accepte-la comme un dernier gage de mon amitié ; - à celui-ci : Je t'ai baptisé, je t'ai marié, je t'ai enseigné tes devoirs ; tu me punis de mon zèle ; - à celui-là, enfin : Je souhaite que ma mort te soit utile".

 

La terreur, que ces évènements tragiques inspiraient était d'autant plus forte qu'on annonçait toujours qu'après les prêtres on pendrait plusieurs autres personnes. Les autorités constituées, paralysées par la frayeur, ne savaient quels moyens prendre pour tranquilliser les habitants. Aussi, plusieurs jugèrent à propos de se cacher ou de prendre la fuite. Après de tels faits, on comprend pourquoi des citoyens français passèrent à l'étranger et prirent même les armes contre leur pays. Etait-ce trahir son pays que de lutter pour le délivrer de tels énergumènes qui le déshonoraient ?


Les registres de la paroisse de Saint-Sauveur, en 1792, mentionnent les actes de décès en un style d'un laconisme suggestif :

le P. Pouttion, ci-devant cordelier, a été trouvé mort et emporté dans sa maison, et, par ordre de la municipalité, il a été enterré, le 5 août 1792, dans le cimetière de la paroisse. François Pochet, prêtre ci-devant prébendé dans la paroisse Saint-Sauveur, âgé d'environ 50 ans, ayant été trouvé mort, a été transporté par les pénitents bleus dans le cimetière de la paroisse et enterré le 6 août ; mêmes actes pour les deux autres prêtres. Signé : Bonnety, curé.


Un cinquième prêtre fut aussi immolé. Etait-il en prison avec les autres ? Pourquoi et comment ? Mystère. Son acte de décès, inscrit en marge du registre, porte ceci : "Un autre prêtre, dont je ne sais pas le nom, a été aussi trouvé mort et enterré le 6 août 1782. Signé Bonnety, curé".

Extrait :
Manosque révolutionnaire : 1789/1804
par l'abbé H. Brun
1911

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