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La Maraîchine Normande
26 juillet 2014

MONT-SAINT-AIGNAN (76) - LA SOCIÉTÉ POPULAIRE D'AIGNAN

LA SOCIÉTÉ POPULAIRE DE MONT-SAINT-AIGNAN

La Société populaire d'Aignan, comme on disait alors, fut constituée, sur les ordres de la municipalité de cette commune, le 20 ventôse an II (10 mars 1794) et elle choisit comme lieu de ses réunions le temple de la Raison, autrement dit l'église. Trente-et-un citoyens la composaient à la tête desquels figurait le maire, le citoyen Grémouin. Parmi les autres membres fondateurs, on trouve les citoyens Tiercinier, Dupont l'aîné, Hamel fils, Anquetil, Fressard, Mauger, Feuillolet, Jobey, Dufour, David, Piseaux, Delahaye, Laigné, Bouteiller, Decouflet, Duché, Chaillon, Boulard, Anquetil, Delalu, Jeffroy, Crevel, Haran, Doisnel, etc.

 

Mont-saint-Aignan église


La première réunion de la nouvelle société fut uniquement consacrée à sa constitution définitive. A cet effet, elle chargea trois de ses membres, les citoyens Grémouin, Tiercinier et Dufour de solliciter son affiliation à la Société populaire de Rouen, en même temps que, de la part de celle-ci, l'envoi d'une délégation pour assister à la petite fête projetée à l'occasion de son installation.


Sans plus tarder, les trois délégués adressèrent à la Société rouennaise la lettre suivante :
Frères et Amis,
Il est un de nos devoirs indispensables, chargé de vous écrire au nom des fondateurs de la Société populaire d'Aignan, canton et district de Rouen, de vous engager de nous recevoir pour vos frères de société.
Nous désirons nous affilier avec vous. Il convient de vous dire en deux mots, en républicains et autant qu'il est en nous et si la plume pouvait interpréter les sentiments de fraternité avec lesquels nous vous le demandons, il ne vous resterait rien de doutes de notre civisme, nous serons éternellement voués à la chose publique. Qu'il nous soit permis de vous dire que notre Société désire avoir quelques membres de la vôtre aux fins de notre installation que nous désirons avec empressement.
L'amitié que nous avons et devons avoir pour vous demandé que nous vous en donnions des marques en vous assurant que nous somme pour la vie :
Salut et Fraternité.


Enfin, la réunion nomma une commission qui eut pour mission de procéder à "l'épurement" de la société. Cette commission fut composée des citoyens Denise, président de la Société de Rouen ; François Osmont, Engrand, Marteau, Bolle et Dumont.


Trois jours plus tard, la Société populaire d'Aignan tenait sa seconde séance sous la présidence du doyen d'âge, le citoyen Godefroy, avec le citoyen Grémouin pour secrétaire. On y reçut 25 nouveaux adhérents parmi lesquels les citoyens Lavigne, Lebret, Vigneux, Henry, Salmon, Antoine et Aignan de Grensu, Fleury, Capron, Venon, Longuet, Feugueur, Bénard, Duval, Chicot, Jobart, Samson.


La Société populaire de Rouen s'était empressée d'accepter l'invitation qui lui avait été adressée et elle avait fait savoir qu'une délégation de ses membres se rendrait le 25 ventôse (15 mars) à Aignan pour procéder à l'installation de la nouvelle société. Celle-ci décida qu'à cette occasion un "dîner frugal et fraternel" serait organisé à l'aide d'une souscription entre tous les membres ; une commission composée des citoyens Lebret, Paul Geoffroy, Grémouin et Dupont fut chargée de s'occuper de l'organisation de la fête et du festin.


La cérémonie était fixée pour dix heures du matin, mais bien avant l'heure le temple de la Raison était envahi par la foule ; la Société Populaire était au grand complet. Les citoyens Grémouin, Tiercinier et Dufour fils avaient pris place au bureau.  A leur arrivée, les délégués rouennais, les citoyens Denise, François Osmont, Engrand, Bolle, Marteau et Dumont, furent acclamés et le citoyen Denise invité à occuper le fauteuil présidentiel.


Sans préambule ni discours, chose rare en pareille circonstance et à cette époque surtout, on procéda à "l'épurement" des membres de la Société de Aignan. Furent ainsi acceptés : les citoyens Grémouin, Tiercinier, Dupont l'aîné, Prosper Anquetil, Lebret, Fressard, Ch. Feuillolet, Lauren, Jobey, Dufour fils, David, Piseaux, Lecouflet, Duché, Boulard fils, Geuffroy, Leroy, Michel Henri, Doisnel, Bréauté, Crevel, etc. Quelques-uns comme les citoyens Delahaye, Louis, Anquetil, Delalu, qui n'avaient pu donner des preuves suffisantes de leur civisme, furent ajournés à quinzaine.
L'opération se continua ainsi jusqu'à trois heures de l'après-midi. Les délégués rouennais estimant alors que leur tâche était suffisamment remplie, chargèrent le bureau de la Société populaire d'Aignan de continuer "l'épurement" de ses autres membres.


On se rendit ainsi au banquet offert aux délégués rouennais. Tout ce que nous en savons, c'est qu'il fut tout particulièrement frugal ; on y chanta des chansons civiques, et la fête se termina par des danses "auxquelles se joignit un grand peuple en faisant retentir les airs et cris mille et mille fois répétés : Vive la République ! Vive la Montagne ! Vive les Sans-Culottes !"


Le 30 ventôse (20 mars), la Société populaire d'Aignan était de nouveau réunie au temple de la Raison. Le citoyen Godefroy, maire, présidait ayant pour assesseurs les citoyens Tiercinier neveu et Dufour. On y admit de nouveaux adhérents et l'on continua "l'épurement" des anciens.


D'un commun accord, on convint qu'il fallait fixer d'une façon régulière les jours de séance de la nouvelle société ; on décida qu'elle se réunirait tous les jours de décadi à dix heures du matin, et les quintidi à sept heures du soir. Ces réunions seraient annoncées par le son de la cloche qui ne devait être sonnée qu'une seule fois pour ne pas rappeler sans doute les offices du culte.


Maintenant que la petite fête offerte aux "frères de la Société rouennaise" était passée, il s'agissait d'en régler les frais. On avait décidé que cette dépense serait couverte par une souscription entre les membres de la société. Cette souscription ne marcha pas tout d'abord avec grand entrain ; mais après un chaleureux appel du président au patriotisme de tous, chacun se décida à remplir ses engagements, si bien qu'on se trouva avoir un excédent de 6 l. 5 s. qui furent versées au trésorier Lebret, en même temps qu'un nouvel appel était adressé à tous les membres pour contribuer aux frais généraux de la société.


L'épuration des nombreux citoyens qui avaient demandé leur inscription fut une des grandes préoccupations du bureau de la Société d'Aignan ; à chaque séance, plusieurs heures y étaient consacrées, et si quelques-uns voyaient leur admission prononcée, par contre d'autres se trouvaient refusés parce qu'ils n'étaient pas inscrits sur les registres de la garde nationale ou n'avaient pas déclaré qu'ils acceptaient la Constitution ; le 30 germinal, malgré des séances assez longues, on épurait encore.


Ce même jour, la société décidait de substituer au tableau du maître-autel de l'église, devenue temple de la Raison, celui des Droits de l'Homme, dont l'acquisition devait être faite aux frais de la société. Les citoyens Grémouin et Tiercinier feraient l'avance de la somme nécessaire.


Mais bientôt, l'enthousiasme des premiers jours faisait place à l'indifférence ; peu à peu, en présence surtout du manque d'attrait des réunions, des abstentions significatives se produisirent, et, à chaque décade, le bureau constatait que les assemblées devenaient de moins en moins nombreuses. Pour remédier à un si coupable oubli des devoirs patriotiques, on décida de prendre des mesures sévères contre tous ceux qui n'assisteraient pas, chaque décade, au temple de la Raison, à la lecture des lois. Tout sociétaire dont l'abscence aurait été constatée trois fois de suite, serait rayé de la société et considéré comme suspect. Mais cette mesure ne produisit pas l'effet attendu, et les séances de la société continuèrent à être peu suivies.

 

mont-saint-aignan intérieur église


Ce fut en vain qu'on essaya de leur donner un caractère plus imposant, qu'on fit construire deux tribunes dans le temple, l'une pour le président, l'autre pour l'orateur chargé de prononcer le discours patriotique de circonstance ; qu'on essaya d'imprimer à la société un caractère plus révolutionnaire que celui qu'elle avait gardé jusqu'alors, en ordonnant la démolition des autels, de manière qu'il ne restât dans l'église "aucun vestige despotique", on ne parvint pas à ranimer le zèle éteint des uns, et à vaincre l'indifférence des autres.


Pendant quelques mois la société jacobine tint ainsi quelques séances sans le moindre intérêt et, les évènements survenant, elle disparut avec toutes les autres sociétés de ce genre.

J. L.
La Normandie Littéraire
1907 (A22, T13)

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