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La Maraîchine Normande
7 avril 2014

LES RESTES DE MONSIEUR HENRI - ACTES ET LETTRES ...

LES RESTES DE MONSIEUR HENRI

 

Monsieur Henri



Cholet, le 29 mars 1816.
Le maire de la ville de Cholet
à Madame la marquise de La Rochejaquelein.
Madame,
Il restait, particulièrement aux vieux Vendéens, un devoir bien cher à remplir, celui de retrouver les restes d'un de leurs plus illustres chefs, Monsieur Henri de La Rochejaquelein, de leur faire les honneurs qu'ils méritent, et enfin de les rendre à une famille dont le nom fait, de plus en plus et avec raison, l'orguil de la Vendée.
Nous pouvons l'assurer, ils sont enfin retrouvés, les précieux restes de celui qu'on a eu raison d'appeler notre idole, dont le souvenir et le regret ne s'effaceront jamais de notre pensée. Ils reposent, en ce moment, dans un lieu sûr et saint.
Ayant eu l'honneur de servir sous ses ordres dès l'âge de quinze ans, les fonctions que je remplis en ce moment n'ont pu qu'ajouter au désir, que j'ai toujours eu, de découvrir le lieu qui semblait jaloux de garder sa dépouille mortelle ; elles m'en imposaient le devoir plus qu'à un autre. J'ai donc dû faire tout le possible pour cela, à l'aide de mademoiselle Louise, j'ai eu le bonheur d'y réussir et je m'empresse de vous transmettre copie du procès-verbal que j'en ai dressé, comme elle m'en a chargé. Il ne contient que la vérité. Je ne doute point, Madame, que bientôt vous ne fassiez réunir les cendres des deux héros dont la perte nous a si profondément affligés, et dont la mémoire nous sera toujours si chère. Je m'estimerai heureux de recevoir les ordres que vous jugerez convenable de me donner à cet égard.
Veuillez agréer l'hommage, etc.
Signé : TURPAULT fils aîné.
(Archives de Clisson)

ACTE D'EXHUMATION

Le vingt-huitième jour de mars mil huit cent seize, nous Denis Hocbocq, chirurgien à Nueil ; Louis-Jean-Baptiste-Etienne-Baguenier Désormaux, chirurgien à Maulévrier, tous les deux chirurgiens majors des armées royales de la Vendée, et René-Jean Terrien, chirurgien à Trémentines, requis par Mademoiselle Louise du Vergier de La Rochejaquelein, soeur de Monsieur Henri du Vergier de La Rochejaquelein, généralissime et commandant en chef l'armée royale de la Vendée, dite la grande armée, nous sommes transportés à la métairie de la Haie Bureau, commune de Cholet, à l'effet de procéder à l'exhumation des restes de Monsieur Henri du Vergier de La Rochejaquelein, tué à l'âge de 21 ans, le .. février 1794, fils de feu Monsieur Henri-Louis-Auguste du Vergier, marquis de La Rochejaquelein, maréchal de camp, et de dame Constance-Bonne-Lucie de Caumont, d'après l'autorisation de Monsieur le préfet du département de Maine-et-Loire, contenue en son arrêté du 6 février 1816, et ce, en présence de Monsieur François-Joseph-Paul Turpault, maire de la dite commune de Cholet.

 

mort de M


Pour parvenir à découvrir le lieu où a été inhumé mon dit sieur de La Rochejaquelein, M. le maire de Cholet a entendu les déclarations des différents témoins qui ont eu connaissance des circonstances de la mort et de l'inhumation.


Le premier témoin, nommé Perrine Bernier, veuve Roution, demeurant à la métairie de la Boulinière, commune de Cholet, a dit qu'au moment du combat qui eut lieu le .. février 1794, près de la métairie de la Haie Bureau, elle se trouvait à la dite métairie de la Boulinière d'où elle a vu très distinctement l'avant-garde à cheval des Royalistes s'avancer par le champ des Trembles ; qu'au même instant elle a entendu plusieurs coups de fusils et qu'alors l'infanterie royaliste était à la métairie de la Brissonnière. Elle déclare en outre que feu Pierre Bernier, son frère, lui a assuré que Monsieur Henri de La Rochejaquelein avait été tué au moment même où elle avait vu les Royalistes dans les positions ci-dessus désignées et où elle avait entendu les coups de fusils. Laquelle déclaration elle a signée après lecture faite.
Signé : PERRINE BERNIER.
La déclaration ci-dessus a été confirmée par celle de Marie Mosset, veuve de Pierre Bernier, à qui son mari avait fait le même rapport qu'à Perrine Bernier.


Le second témoin, nommé Louis Fortin, métayer au Bois-d'Ouin commune de Cholet, a déclaré que, peu de jours après le .. février 1794, le général Stofflet lui avait dit avoir fait enterrer Monsieur Henri de La Rochejaquelein, que Grégoire domestique de M. Stofflet lui avait assuré, quelque temps après, qu'il avait été enterré auprès de plusieurs cerisiers près la Haie Bureau, ce que le dit Fortin a entendu répéter par beaucoup de personnes. Qu'il a souvent entendu dire que M. Henri de La Rochejaquelein avait reçu une balle dans le visage. Le dit Fortin a déclarer ne savoir signer.


Joseph Rotureau, métayer de la Haie Bureau, a indiqué l'endroit où il a abattu les cerisiers dont a parlé Fortin et qui existaient en 1794, ainsi qu'un poirier au pied duquel il était de notoriété publique que s'était faite l'inhumation du corps de Monsieur Henri de La Rochejaquelein.


Monsieur Chenay, chirurgien susdit, déclare que le jour du décès de Monsieur Henri du Vergier de La Rochejaquelein, il recueillit des dépositions de plusieurs témoins oculaires qui attestèrent que M. de La Rochejaquelein avait reçu la blessure dont il est mort dans la tête ; que la balle était entrée par l'oeil et avait défoncé le crâne. D'après les déclarations ci-dessus et d'autres concordantes, nous, médecin et chirurgien susdits, avons fait faire des fouilles dans les endroits indiqués, afin de parvenir à l'exhumation dont il s'agit et après plusieurs recherches, nous avons trouvé une tête à laquelle nous avons remarqué deux fractures qui nous ont paru avoir été faites par une arme à feu ; la première à la fosse orbitaire droite avec brisure de l'apophyse montante de l'os maxillaire supérieur du même côté, la seconde vers le milieu du pariétal droit, dont la table externe a été emportée ; passant ensuite à l'examen des autres os, nous avons reconnus deux fémurs, dont les apophyses sont détruites, un des os des iles du côté gauche, deux humérus dont un est entièrement dépourvus de ses apophyses et dont l'autre a conservé seulement sa tête, plusieurs fragments des premières côtes du côté gauche, un péroné, une portion de l'os sacrum et plusieurs autres petits os qu'il est impossible d'énumérer. Tous ces os ont été considérablement altérés, ce qui empêche de déterminer la stature de l'individu. Néanmoins, nous avons remarqué que ces os devaient appartenir à un jeune homme d'une taille élevée, à raison de leur longueur et du défaut de consistance. Les déclarations des témoins sur la blessure qu'a reçue Monsieur Henri du Vergier de La Rochejaquelein, desquelles il résulte que la balle était entrée par l'oeil et l'état de la tête que nous avons exhumée qui est fracturée précisément à la fosse orbitaire, prouvent clairement que les ossements exhumés sont ceux de mon dit sieur Henri de La Rochejaquelein. En conséquence nous avons fait placer ces ossements dans une bière que nous avons fait transporter dans l'église de Saint-Pierre de Cholet, sous l'autel de Saint-Sébastien, ce jourd'hui à une heure après-midi.
Le transport a eu lieu sous l'escorte d'un détachement de Vendéens qui se sont présentés spontanément à cet effet. Le convoi a été reçu à l'entrée de la ville avec les cérémonies d'usage, par le clergé réuni, et Monsieur le maire de Cholet, à la fin de la cérémonie, a apposé les scellés sur la bière, avec le cachet de la mairie sur cire noire.
De quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal que nous avons signé, ainsi que M. le maire de Cholet ; le tout en présence de Mademoiselle Louise du Vergier de La Rochejaquelein.
Fait à Cholet les jours et an que dessus.
La minute est signée :
HOCBOCQ ; BAGUENIER-DESORMEAUX ;
TERRIEN ; CHÉNAY ; RAIMBAULT, principal du collège ;
PIERRE BOUSSION, ex-commandant de place ; ROUSSELOT ;
ALLION ; BEURIER, curé de Cholet ;
LOUISE DE LA ROCHEJAQUELEIN ;
TURPAULT fils aîné, maire.


MAIRIE DE CHOLET
4me arrondissement de Maine-et-Loire,
Ce jourd'hui sixième jour de mai mil huit cent dix-sept à sept heures du soir.
Nous, François-Joseph-Paul Turpault, maire de Cholet, accompagné de MM. Denis Hocbocq, médecin, Henri Allard, lieutenant-colonel, chevalier de Saint-Louis, résidant à Thouars ; Pierre et René Jagault, et Pierre-Germain Chesnay, chirurgien à Nueil ; en présence d'une foule d'habitants ; nous sommes transportés à l'église Saint-Pierre de Cholet, avons trouvé, sous l'autel Saint-Sébastien, la bière que nous y avions déposée, suivant le procès-verbal du 28 mars dernier ; nous avons reconnu que les scellés que nous y avions apposés étaient sains et entiers. Nous avons retiré les ossements de cette bière et les avons replacés dans un cercueil de fer-blanc, de couleur grise ; nous y avons mis du charbon pour la conservation des ossements et nous l'avons fermé. Sur ce cercueil se trouve attachée une plaque de cuivre sur laquelle est gravée une inscription en ces termes :
"Henri de La Rochejaquelein, né le 30 août 1772, tué le 9 février 1794".
Ce cercueil a été renfermé dans un autre cercueil de bois de chêne ; on a également mis du charbon dans celui-ci ; ce dernier cercueil a été fermé et scellé par des bandes de papier, sur lesquelles nous avons apposé le cachet de la mairie sur cire noire ; après quoi il a été déposé sous l'autel Saint-Sébastien. Et nous avons rédigé le présent procès-verbal que nous avons signé avec les sus-nommés.
Signé : HOCBOCQ, d.-m. ; CHESNAY ; L. ALLARD ; PIERRE JAGAULT ; R. JAGAULT ; TURPAULT fils aîné.

 

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Et ce jourd'hui sept mai mil huit cent dix-sept, à neuf heures du matin, il a été célébré dans l'église Saint-Pierre de Cholet, un service funèbre avec les cérémonies religieuses d'usage ; où se trouvaient MM. les curés et prêtres de Cholet et de beaucoup de communes environnantes ; auquel ont assisté Monsieur Auguste de La Rochejaquelein, chevalier de Saint-Louis, colonel des grenadiers à cheval de la Garde Royale ; Madame Constance de La Rochejaquelein, veuve de M. Guerry de Beauregard, Mesdemoiselles Louise et Lucie de La Rochejaquelein, frère et soeurs de M. Henri de La Rochejaquelein ; Mesdemoiselles Adèle et Sophie Guerry de Beauregard, ses nièces ; Monsieur de Sapinaud, lieutenant général, commandant de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis ; M. de Béjarry, chevalier de Saint-Louis, sous-préfet de l'arrondissement de Beaupréau ; les membres du tribunal de première instance de Beaupréau ; ceux du tribunal de commerce de Cholet ; les membres des autorités civiles et judiciaires de Bressuire ; toutes les autorités et fonctionnaires de Cholet ; une grande quantité d'officiers de l'armée royale vendéenne ; M. le capitaine de la gendarmerie royale de Maine-et-Loire ; M. le lieutenant en résidence à Beaupréau, les officiers en retraite et en non-activité résidant à Cholet. La gendarmerie royale des brigades d'Angers, de l'arrondissement de Beaupréau et des arrondissements voisins, ainsi que la garde nationale de Cholet, étaient sous les armes.
A l'issue de la cérémonie, les restes de Monsieur Henri de La Rochejaquelein, renfermés comme il est dit au procès-verbal précédent, sont partis pour être transportés à Saint-Aubin-Baubigné, lieu de la sépulture de ses ancêtres, sous une escorte de militaires et d'assistants en tête de laquelle étaient Monsieur et Mesdames de La Rochejaquelein ci-dessus nommés.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal, clos par nous, maire de Cholet, et signé par les susdénommés. A Cholet le dit jour et an.
Signé :
AUGUSTE ROCHEJAQUELEIN ; CONSTANCE DE LA ROCHEJAQUELEIN GUERRY DE BEAUREGARD ; LOUISE DE LA ROCHEJAQUELEIN ; LUCIE DE LA ROCHEJAQUELEIN ; ADELE DE GUERRY DE BEAUREGARD ; SOPHIE DE GUERRY DE BEAUREGARD ; AM. DE BÉJARRY, sous-préfet de Beaupréau ; ALEX. ROLLAND, président ; DE LA GARDE, Pr du Roi ; le capitaine commandant la gendarmerie Royale, le chevalier de VAUGIRAUD ; DE SUYROT, lieutenant de gendarmerie ; LAMARQUE, sous-préfet de Parthenay ; DE LARCHENAULT, lieutenant de gendarmerie Royale ; ARNAULD DE LA MESNARDIERE, 1er adjoint de Parthenay ; RENAUDIN DE LEIGNÉ ; PASTUVAT, aumônier de ... ; le marquis DE JOUSSELIN ; L. ALLARD, chevalier de Saint-Louis ; LEMAIGNAN ; NAU ; BLUTEAUD DE BONNÉ ; CHESNAY ; COULON, chevalier de Saint-Louis ; Comte DE CHASTENET DE PUYSÉGUR ; MAS. DE MONSOUDUN, grenadier de La Rochejaquelein ; BARRION, chevalier de Saint-Louis ; BAGUENIER DES ORMEAUX ; AUG. DE LA BÉRAUDIERE ; le comte de KERMAR, chevalier de Saint-Louis ; BELIN, chef de division, chevalier de Saint-Louis ; LEGEAY, chef de bataillon ; MUMHOT ; et TURPAULT fils aîné, maire.

Cholet, le 8 mai 1817.
... (Rappel de ce qui précède)
On est arrivé à l'église au milieu d'un grand concours de peuple, sans qu'il en résultât le moindre désordre, par les sages précautions qui avaient été prises pour maintenir le calme et la décence. Le cercueil était déposé sous un catafalque dressé avec beaucoup d'élégance et de dignité, et qui était orné des armes du défunt et de plusieurs inscriptions analogues à la circonstance, dictées par le sentiment et la vérité.
1ère façade du catafalque :
Quomodo cecidit potens,
qui salvum faciebat Israël ?
Côté gauche :
Ce héros qui sut vous défendre
Mourut sans crainte et sans effroi ;
Il eut la valeur d'Alexandre
La piété de Godefroi.
Devant l'autel :
Deus praecinxit me virtute
et posuit immaculatam viam meam.
Côté droit :
Il fut modeste dans la gloire ;
La bonté régnait dans son coeur :
Il usa bien de la victoire,
Mais il prodigua sa valeur.
Inscription à la grande porte de l'église :
Dominus, fortitudo plebis suae,
Chiffre :
Ingreditur sine maculâ.
Les honneurs qu'on rend aux héros
sont un hommage à tous les braves.
L'église était tendue de noir dans l'intérieur, et offrait partout les attributs de la mort et de la douleur. Un clergé très nombreux, réuni de tous les points de la Vendée, ajoutait encore, par son zèle et son recueillement, à la majesté de ce spectacle touchant et religieux.
M. Jagault, ancien secrétaire du Conseil supérieur de Châtillon, a prononcé l'oraison funèbre. Ce discours, éloquent et pathétique, a justifié pleinement l'idée avantageuse que l'on avait de ses talents. L'orateur a pénétré l'auditoire des sentiments de la plus tendre piété ; il a prouvé d'une manière évidente qu'il connaissait tous les détails de la vie du héros, et qu'il n'avait oublié aucun des évènements mémorables de la guerre de la Vendée. On a admiré son exactitude et son impartialité dans l'éloge qu'il a fait de tous les généraux et des personnes recommandables qui se sont sacrifiées, si généreusement, pour la cause du roi et de la religion. Il a parlé comme le véritable ministre d'un Dieu de paix.
Qu'il eut été difficile de rester insensible à l'aspect d'une réunion qui pouvait, tout naturellement, exciter dans les coeurs les plus tendres émotions ! Qui n'aurait pas gémi, en voyant plongée dans l'abattement et l'amertume une famille si illustre, qui retrouvait parmi d'anciens souvenirs, un nouvel aliment à la douleur sans borne, que doit lui causer des malheurs irréparables encore récents ! Car ne dirait-on pas que le destin, jaloux de la gloire trop méritée de la maison de La Rochejaquelein, a voulu lui faire éprouver tous les désastres qui semblent réservés, ici-bas, aux vertus les plus rares ? Comment retenir ses larmes, en voyant cet accord parfait de tout un peuple réuni pour honorer la mémoire du plus vaillant des héros, qui dès l'âge le plus tendre avait, par ses qualités personnelles, plus encore que par sa naissance et son dévouement, réuni les suffrages que l'on n'accorde qu'à la maturité ! Qu'ils étaient délicieux, ces sentiments de respect et de reconnaissance, que faisaient éprouver tous ces guerriers couverts de blessures pour la défense de leurs frères et de la patrie, et qui regrettaient noblement, dans le jeune Henri de La Rochejaquelein, leur ami et leur compagnon d'armes !
Après l'office, le cercueil a été placé sur un corbillard, orné des inscriptions suivantes :
Noble et franc chevalier il défendit son roi,
Il vécut sans reproche et mourut pour la foi.
Son nom pur et sans tache appartient à l'histoire,
Et la France à jamais conserve sa mémoire.
Le cortège s'est mis en marche pour l'accompagner jusqu'aux extrémités de la ville, sur la route de Maulévrier. C'est alors qu'on a pu juger combien l'affluence était grande, et quel effet produisait la réunion de tout ce que l'attachement avait suggéré pour donner de l'éclat à cette cérémonie lugubre.
Après plusieurs décharges de mousqueterie et les honneurs accoutumés, Monsieur le comte de La Rochejaquelein a fait ses remerciements d'un air affable et gracieux et a continué, ainsi que sa famille, à escorter le convoi funèbre, suivi d'une foule de personnes.
Les dépouilles mortelles du général vendéen ont dû être déposées à Saint-Aubin-Baubigné, dans un tombeau où son illustre frère, mort au champ d'honneur pendant les Cent-Jours, l'a déjà précédé.
Mardi, au matin, veille de la cérémonie, la famille de La Rochejaquelein a fait faire, chez M. Turpault, une distribution de pain fort abondante à tous les pauvres du bureau de bienfaisance ; et le produit de la quête, qui a eu lieu pendant le service, a pu soulager un très grand nombre d'indigents.
(Récit envoyé par M. Turpault à la marquise de La Rochejaquelein, et publié par le journal de Maine-et-Loire, numéro du 14 mai 1817).
(Archives de Clisson)

 

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LETTRE DE M. JAGAULT A MME LA MARQUISE DE LA ROCHEJAQUELEIN
(Archives de Clisson)
Et moi aussi, Madame, je veux être heureux aujourd'hui, je veux avoir l'honneur de vous écrire pour vous entretenir de la cérémonie qui a eu lieu à Cholet, le 7 de ce mois. J'ai vu le rapport que vous en a fait M. de la Garde ; quoiqu'il soit exact et bien fait, je le trouve dépourvu de détails qui auraient pu vous intéresser.
Il ne vous parle point des sentiments des Vendéens, de ces anciens compagnons d'armes de M. Henri, qui, encore fiers d'avoir combattu sous ses ordres, allaient, racontant à tout le monde, les hauts faits de leur général, son humanité, son dévouement sans borne, son attachement aux habitants du pays. A Chemillé, disait l'un, un général républicain avait fait enlever et renfermer dans la ville toutes les femmes des environs avec le projet de les faire périr le lendemain. Nous fûmes en avertir M. de La Rochejaquelein qui seul s'avance jusque sous les murs, prend connaissance de la situation de la place, et dans la nuit les délivre à la tête d'une poignée de braves.
Nous mourions de faim, disait un autre, nulle possibilité de nous procurer du pain, M. Henri en avait un morceau dans lequel il mordait, notre position le touche, il se l'arrache de la bouche : "Mangez, nous dit-il, mes bons et infortunés amis." et il s'éloigne en pleurant. Chacun avait à raconter des traits de ce genre. Tous les habitants de Cholet, quelle qu'ait été leur opinion politique, ont manifesté dans ce jour leur admiration pour lui. Pas un seul qui ne se montrât jaloux d'assister et de concourir à cette solennité. On fut obligé de mettre des gardes partout pour empêcher la foule, l'église n'était point assez vaste pour contenir tous ceux tous ceux qui s'y étaient rendus. J'ai vu chez M. le curé de Saint-Pierre au moins quarante ecclésiastiques, dont la plupart s'étaient trouvés engagés dans cette guerre. Tous parlaient avec émotion de ce que M. Henri avait fait pour eux et pour l'armée, plusieurs reconnaissaient lui devoir la vie. Dans cette immense réunion, chose bien étonnante, il ne s'est pas dit une parole qui n'ait été l'éloge de celui qui en était l'objet.
Si ce n'était pas mon frère qui a prononcé l'oraison funèbre, je vous parlerais de la vive impression que son discours a fait, il a étonné tout le monde ; mais déjà vous en connaissez le plan, M. le procureur du roi vous en a fait passer l'analyse. Cependant, je ne tiens point au désir que j'ai de vous faire connaître le portrait qu'il a fait de M. de Lescure :
"Lescure, a-t-il dit, dont on ne peut prononcer le nom sans réveiller le souvenir des plus hautes et des plus sublimes vertus, fut chargé de les commander (les paroisses des environs de Bressuire). Jamais on n'a eu plus d'intrépidité, plus de sang-froid dans les batailles. Jamais plus d'humanité dans la victoire. Sa vie était si céleste, qu'il semble que Dieu ne l'a précipité dans cette guerre que pour l'y montrer comme un modèle de la perfection à laquelle il élève ses saints ; aussi, après l'avoir laissé quelques jours briller de l'éclat que donne la victoire, il s'est hâté de l'envelopper des rayons de son éternelle lumière."
Un autre morceau qui a encore produit un très grand effet, c'est le parallèle de M. de Bonchamps et de M. Henri. "Tous les deux étaient liés d'une amitié particulière et qui ne s'est jamais démentie depuis. Tous les deux se sont couverts de gloire sans jamais être rivaux. Tous les deux avaient une âme forte et inébranlable. Si le marquis de Bonchamps connaissait l'art de la guerre, Henri de La Rochejaquelein l'avait deviné. Si Henri avait plus d'impétuosité dans les combats, Bonchamps n'avait pas moins de décision ; et l'expérience lui donnait dans le conseil une prépondérance que La Rochejaquelein aimait à reconnaître, quoique lui-même, par une illumination subite, vit presque toujours ce qu'il y avait de mieux à faire. Hélas ! tous les deux étaient destinés à périr par le feu de l'ennemi, après avoir donné l'un et l'autre un immortel exemple des nobles sentiments, qui doivent animer ceux que la Providence appelle à commander une guerre aussi sainte."
Je voudrais pouvoir vous citer tout ce qui m'a frappé dans ce discours ; mais j'espère que la santé de mon frère une fois rétablie lui permettra de s'occuper de sa rédaction et qu'il vous le fera passer en entier. Peut-être pas tel qu'il l'a débité, car on n'est qu'une fois inspiré de même. Pas un seul auditeur qui n'ait regretté de n'être pas Vendéen.
Je suis bien flatté, Madame, de trouver cette occasion de me rappeler à l'honneur de votre souvenir et de vous prier d'agréer, etc.
Signé : R. JAGAULT.
Ce 9 mai 1817.

 

croix La Rochejaquelein Nuaillé

 


LETTRE DE LA COMTESSE DE SONGY A SA SOEUR, LA COMTESSE DE BEAUCORPS.
Saint-Aubin, 27 mai 1821.
"... Mes soeurs et moi étions convenues de l'acheter (le terrain sur lequel Henri de La Rochejaquelein avait été tué). C'est M. Morisset qui en était propriétaire. Nous avons à peu près seize toises sur treize de terrain, y compris les fossés que j'ai fait faire larges et profonds. Il y a une haie très forte plantée tout autour en dedans des fossés, tout autour une double rangée de peupliers à six pieds les uns des autres, en avant du côté de la grande route de Cholet à Vezins, la seconde rangée est interrompue. Nous avons l'intention de placer à l'endroit où il était déposé, une croix de marbre noir avec cette simple inscription : Ici fut déposé Henri de La Rochejaquelein, général en chef des armées vendéennes, né le ... tué en combattant pour Dieu et le Roi, priez pour lui. Mais en attendant il n'y a dans ce moment qu'une croix de bois peinte en noir, de chaque côté de la croix un saul pleureur et en allée vis-à-vis, trois cyprès, de chaque côté presqu'en demi cercle un pin tombant, et au petit bassin derrière où il y a une source, plusieurs arbres verts, et quelques lauriers parsemés dans le reste du terrain. Je dois aller le revoir, ce triste lieu, dans quelques jours et je t'en donnerai ensuite un petit plan ; il y a des lys, des fleurs sauvages parmi. De l'autre côté de la route, il y a une grande croix en pierre, on y avait encadré un morceau de marbre avec une inscription presque semblable à l'autre, excepté ces mots : Ici fut tué ; mais les scélérats, qui ne veulent même pas le souvenir de la vertu, l'ont brisée, du moins l'inscription, c'est ce qui nous a décidées à ne mettre dans l'enceinte qu'une croix de bois, pour le premier moment, de peur que la rage ne se porte aussi contre elle."
Lettre communiquée par le vicomte Maxime de Beaucorps.

M. le vicomte Maxime de Beaucorps nous communique au dernier moment deux lettres de la marquise de La Rochejaquelein, mère de Henri, à sa fille Anne.
Dans la première, datée d'octobre 1793, elle dit qu'elle attend impatiemment des nouvelles d'Henri qui joue un grand rôle en Vendée. "Mon pauvre Henry, ajoute-t-elle, quelle inquiétude il me cause ! ... Comme il nous est cher !"
Dans la seconde, datée du 9 août 1795, elle dit : "Les gazettes nous parlent de la perte que nous avons faite de notre cher Henry. Mon Dieu ! Nous n'aurons dont pas la satisfaction de lui témoigner combien sa conduite a été précieuse pour moi ... que de mères affligées ... mais il y en a peu qui pleurent un fils comme celui-là ..."

Extrait de :
Henri de La Rochejaquelein
et la Guerre de la Vendée
H. CHAMPION
1890

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Commentaires
M
Un article qui m'émeut évidemment fortement... <br /> <br /> Merci pour ce travail.
Répondre
L
Merci pour toute ces actes et lettres très intéressantes, le sujet sur Henry et Louis de la Rochejacquelein m'intéresse beaucoup car étant une descendante de la famille, ce sujet m'est chère !
Répondre
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
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