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La Maraîchine Normande
21 mars 2014

MAULÉVRIER (49) - COUTUME : LA FETE DE LA BACHELERIE

MAULÉVRIER (49)

Une coutume bien curieuse, une de ces solennités pittoresques et populaires de l'âge féodal, qui ont été enveloppées dans le tourbillon révolutionnaire, avec les institutions politiques et religieuses de l'ancienne monarchie, se rattache à l'histoire de Maulévrier.

 

maulévrier



LA FETE DE LA BACHELERIE


Entre les métairies de Lhoumois, des Granges et de la Touche-manoir, les deux chemins qui vont, l'un de Maulévrier au bourg de Moulins, l'autre du village des Echaubroignes à Cholet, forment, en se rencontrant, un "carroil" ou carrefour peu spacieux. Chaque année, le matin du jour de la Pentecôte, tous les jeunes paysans à marier, ou "bacheliers", se réunissaient à cheval dans cet endroit, en présence du seigneur de Maulévrier.
Au milieu du carrefour se trouvait une meule de moulin, et à gauche de celle-ci un fossé large et profond. A un signal donné, les cavaliers s'élançaient vers ce fossé, une pièce d'argent à la main, et celui qui, en le franchissant, laissait tomber sa pièce dans l'ouverture assez étroite, pratiquée au centre de la meule, était proclamé "Roi de la Bachelerie". Toutes les pièces mal jetées étaient le prix de son adresse, le roi de l'année précédente lui remettait, comme marque de sa dignité, une branche d'arbre garnie de ses feuilles. Le vainqueur choisissait alors un certain nombre de jeunes bacheliers, qui composaient son escorte, et rentrait triomphalement au bourg, pour assister à la messe.


Le meunier du moulin de l'Aumônerie (moulin du château) était tenu, ce jour-là, de fournir un immense gâteau qu'il venait présenter lui-même à l'autel, et qu'on distribuait par petits morceaux aux fidèles, après l'avoir porté processionnellement autour de l'église. Le héros de la fête recevait une large part de ce pain béni ; puis, après la messe, le garde du château, accompagné du sacriste, se rendait devant sa porte, tirait un coup de fusil, et criait : "Vive le Roi !"


Le lendemain, à une heure de l'après-midi, le roi et les bacheliers se rendaient à pied à la métairie des Granges, dépendante du château. Là, se réunissaient, sous la présidence du seigneur de Maulévrier, tous les garçons et toutes les jeunes filles qui s'étaient mariés dans l'année.


Les premiers se rangeaient sur une ligne, dans la cour de la ferme, et le garde-chasse, placé à la distance d'une centaine de pas, jetait trois fois à chacun d'eux une balle élastique qu'il fallait recevoir au moins une fois sur une espèce de raquette en bois : c'était ce qu'on appelait "toquer la pelote". En cas de maladresse, les huées de l'assemblée couvraient le joueur de confusion, et le seigneur confisquait la balle. Si, au contraire, la pelote était adroitement renvoyée, le joueur la gardait à titre de récompense. Quant aux jeunes mariées, elle allaient, après le jeu de la paume, se présenter devant le seigneur, qui les attendait assis dans un vaste fauteuil. Chacune d'elles lui chantait quelques couplets, et il les remerciait toutes par un baiser plus ou moins accentué, suivant le mérite de la chanson ou la fraîcheur de la chanteuse.


Dans les jours qui suivaient le lundi de la Pentecôte, le Roi de la Bachelerie choisissait une Reine parmi les "bachelettes" ou filles à marier de la paroisse de Maulévrier.


Le dimanche de la Trinité, il paraissait dans la procession, derrière la croix, en gants blancs, l'épée au côté et la cocarde au chapeau. La grand'messe terminée, il montait à cheval, et reprenait avec ses bacheliers le chemin du carrefour où il avait été élu le dimanche précédent.


Le métayer de la Touche-Manoir l'y attendait avec un troupeau de moutons, et lui remettait à son arrivée une serpe bien affilée dont il devait essayer le tranchant sur le tronc d'un ormeau. S'il parvenait, après trois coups, à ébrécher la serpe, il pouvait prendre, dans le troupeau, le plus gras et le plus laineux des moutons, qu'on ornait aussitôt de rubans et de feuillages ; sinon il était tenu d'envoyer une barrique de vin au métayer.


Du carrefour de la Touche-Manoir, que l'on quittait à la suite d'une légère collation servie sur la meule de moulin, la joyeuse troupe se dirigeait vers les Echaubroignes, où tous les aubergistes devaient fournir au Roi un certain nombre de pots de vin, et lorsque les bacheliers avaient fait d'abondantes libations, ils revenaient à Maulévrier, ayant chacun à la main leur épée nue surmontée d'une orange. Ils se rendaient ainsi successivement chez le seigneur, le sénéchal, les principaux officiers de justice, puis chez la Reine à laquelle ils présentaient un bouquet. Celle-ci désignait à son tour un certain nombre de bachelettes pour former sa cour, et un souper, donné par le Roi, terminait les fêtes de la journée.


Le lendemain, la Reine invitait le Roi des bacheliers et toute sa suite à un repas de laitage qui avait lieu à la métairie de la Roulière, près le bois de Saint-Louis. Vers les deux heures de l'après-midi, le métayer ramenait les nouveaux souverains à Maulévrier, dans une charrette attelée de quatre boeufs, ornée de branchages et escortée de paysans à cheval. En compensation de sa peine, on lui accordait le droit de verser le royal couple en chemin, sur un tas de fumier ou dans un bourbier, et il ne manquait jamais de l'exercer, aux grands applaudissements de la foule qui suivait. C'était alors au Roi à faire preuve d'adresse et de courtoisie, en préservant la Reine de tout accident. Le cortège reprenait sa route, et entrait dans la cour du château où le vin et les gâteaux étaient distribués à discrétion. Le seigneur embrassait la Reine, le Roi embrassait la châtelaine, et, pour clore la Bachelerie, filles et garçons exécutaient, au son des flûtes rustiques, la fameuse "Pilée", cette danse vendéenne qui n'a d'égale que la célèbre gavotte ou le Jabadao des Bretons.

Revue de l'Anjou
et du Maine-et-Loire
Troisième année - Tome premier
1854

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