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La Maraîchine Normande
7 mars 2014

CHATEAUMUR (85)

CHATEAUMUR

 

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Malgré la route commode qui vous mène à Châteaumur, les grands tableaux de destruction que vous offrent partout les châteaux dans la montagne, jettent sur ce pays une teinte d'antiquité et d'intérêt historique que l'on trouverait difficilement ailleurs. Terre primitive, quand déjà les hommes le sont moins ! La nature, toujours inépuisable de force et de jeunesse, a étendu un manteau de lierre sur cette ruine de plusieurs siècles ; elle a couvert de beaux arbres les terres de la première enceinte. C'est sous l'ombrage des noyers et des cerisiers que nous parvînmes à la porte A de la seconde enceinte ; l'absence de la herse nous permît d'y pénétrer, et nous nous trouvâmes devant le donjon.

 

CHATEAUMUR CHATEAU



LE CHATEAU
Sa construction a la forme d'un cube flanqué aux angles de tourelles, massives au rez-de-chaussée, mais au premier contenant trois réduits destinés à différents usages. On y entrait par une ouverture étroite (B), placée à 2 mètres au-dessus du sol, solidement fermée par une porte garnie de fer. A l'intérieur, l'édifice avait deux étages non voûtés, soutenus par des solives. A l'extérieur, rien ne peut aider à reconnaître son origine ; les murs ont été rasés au-dessous des créneaux, et tout le reste est tellement garni de lierre que la maçonnerie paraît à peine. Ces obstacles nous empêchent de lui assigner un âge précis ; nous le croyons cependant du commencement du XIIIe siècle. Peut-être a-t-il été calqué sur celui de Pouzauges.
Les bâtiments qui formaient la seconde enceinte FFFF, sont relativement modernes, et nous paraissent appartenir au milieu du XVIIe siècle, époque où les Mesnard de Toucheprès, derniers barons de Châteaumur, y fixèrent leur résidence. Ils sont dûs probablement à Olivier Mesnard. Ils ne présentent rien de particulier qu'une grande étendue d'appartements d'habitation.
Quant à la première enceinte, désignée sur le plan par les lettres G répétées, elle consistait dans un boulevard très-étendu, formé de terrassements soutenus par des remparts. Elle renfermait les habitations venues s'abriter sous la protection du château, et qui formèrent une agglomération revêtue du titre prétentieux de ville.

Châteaumur était une des vingt baronnies qui rendaient hommage à Thouars.

 

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JURIDICTION
Les droits de juridiction devant, dans ce travail, reparaître presque à chaque seigneurie, il nous semble essentiel de donner sur la justice avant 1789 quelques développements, sans lesquels il serait difficile de retrouver la physionomie d'un temps si loin de nous pour les moeurs, bien qu'il ne date que d'hier.
C'est, nous devons l'avouer, le moins beau côté de l'ancienne société française. Nous ne voulons pas dire que nous en soyons à la perfection ; nous croyons, au contraire, que c'est un des points qui font le mieux ressortir l'imperfection humaine, imbecillitas humana ; mais, enfin, il y a là un progrès incontestable par une meilleure organisation des ressorts. Autrefois, la complication des juridictions et la multitude des officiers judiciaires, vivant des procès qu'ils avaient intérêt à éterniser, loin d'assurer une meilleure et plus prompte administration de la justice, semblaient plutôt instituées pour faciliter à la chicane les moyens de dénaturer le bon droit et de ruiner les plaideurs. Les instances duraient souvent plus que la vie des gens. Un procès intenté, dans le commencement du XVIIIe siècle, par le prieur de Réaumur aux habitants de la paroisse, au sujet de quelques dîmes, dura quarante ans et ne fut terminé que par une transaction entre les parties.
Dans le principe, le comte de Poitou siégeant à Poitiers, était le chef de la justice de la province. Le ressort était divisé en soixante-sept vigueries, vicaria, établies successivement et où la justice se rendait par les viguiers assistés d'assesseurs choisis parmi les notables. Peu à peu cette puissante organisation s'affaiblit ; le morcellement de la souveraineté, qu'implique l'idée féodale, s'opère dans la justice comme dans tout le reste. Les seigneurs du deuxième rang se substituent à ceux du premier pour le fait de la justice. Chaque seigneur devient justicier, et se passe de l'assentiment du suzerain pour la nomination ou la révocation des juges chargés de rendre la justice en son nom. Ce fut le signal de la chute des viguiers, qui tombèrent au XIe siècle. A partir de ce moment commence la justice seigneuriale.
La haute justice comprenait tout : elle avait plénitude de juridiction jusqu'à la mort. Le gibet, les fourches patibulaires, le carcan, la prison sûre étaient ses signes, ses charges, ses privilèges. Cela explique l'existence dans les châteaux de prisons où l'on veut toujours voir exclusivement un moyen d'oppression arbitraire sur les vassaux.
La moyenne justice avait compétence pleine au civil, restreinte au criminel. Elle ne jugeait le fait délictueux que jusqu'à l'effusion du sang, jusqu'à l'amende de 60 sols.
La basse justice avait une très-grande limitation. Sa juridiction ne s'étendait que jusqu'à 60 sols au civil, et 7 sols au criminel.
Ces justices n'étaient pas seulement un honneur pour les seigneurs, c'était une charge souvent lourde. Ils devaient pouvoir sur leurs propres revenus aux frais qu'elles occasionnaient.
Trois cents hautes justices ou environ ressortissaient à la sénéchaussée présidiale de Poitiers, soit nument, soir par appel. Sur ce nombre, il y en avait bien soixante sans exercice, quarante sans officiers, et cinquante au moins, qui étaient fort mal administrées, ce qui veut dire que la moitié des justiciables n'étaient pas jugés, ou, ce qui est pire, l'étaient fort mal. Quant aux moyennes et basses justices, elles étaient innombrables.
Quelle était la valeur de ces officiers, sans autorité, sans garantie pour la résistance aux volontés du seigneur qui pouvait les changer suivant son bon plaisir ? L'appel à tous les degrés. Nos tendances actuelles sont à la restriction de l'appel ; alors c'était la seule garantie contre des juges qui n'étaient pas maîtres de leurs sentences ; c'était aussi un moyen pour la royauté de manifester sa puissance sur ses grands vassaux. Mais de combien de difficultés et de délais cette garantie était entourée ! Que l'on songe aux embarras du pauvre plaideur, si loin de Poitiers, si loin du parlement, dans un pays dépourvu de tous moyens de communications, par des chemins peu sûrs, quand il devait porter son appel et suivre son procès jusqu'au chef-lieu de la province !

 

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Mais revenons à notre baronnie. Elle aussi avait tout un personnel : son sénéchal, juge ordinaire, criminel et civil, un greffier en chef, un procureur syndic et des procureurs. Ces officiers habitaient à la Pommeraye (depuis que Châteaumur était aux Mesnard de Toucheprès), et y avaient leur parquet où s'ouvrait leur auditoire.
Sa juridiction relevait de celle de Thouars, qui elle-même ressortissait de la sénéchaussée et siège présidial de Poitiers. Elle s'étendait en tout ou en partie sur 30 paroisses. Nous ne citerons que celles de la Vendée, les autres dépendant à présent du département des Deux-Sèvres : Sainte-Cécile, Châteaumur, les Châtelliers, Cheffois, les Epesses, la Flocellière, Chantonnay, Saint-Germain-de-Prinçay, Saint-Paul-en-Pareds, la Pommeraye et le Vieux Pouzauges.
Comme la plupart des grandes seigneuries, Châteaumur avait son boisseau, qui donna lieu à un procès dont il est parlé dans Thibaudeau. - Enfin, pour compléter la nomenclature de ses privilèges, il avait seul le droit de pêche dans tout le parcours de la Sèvre sur la baronnie.

 

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HISTOIRE
Nous n'avons sur les premiers barons de Châteaumur que des données décousues. Avec eux cependant, comme ils y habitaient, le château eut une importance qu'il perdit quand il fut, par alliance, annexé aux grandes terres des Belleville, des Clisson et des Penthièvres. Il ne recouvra son existence particulière qu'avec les Mesnard de Toucheprès, qui l'habitèrent jusqu'à la révolution. La tradition parle quelquefois quand l'histoire est muette ; ici, elle ne nous dit rien de plus.
Peut-être ces murailles ont-elles entendu les gémissements du duc Jean V de Bretagne et de Richard, son frère, victimes de la trahison de Marguerite de Clisson et de ses fils. En exécution des mesures prises par le parlement de Bretagne pour venger cet attentat, le duc, rendu à la liberté, envoya une armée en Poitou pour s'emparer de leurs châteaux. Sainte-Hermine, Palluau, les Essarts, Châteaumur, le Coudrai, furent pris, et le duc en fit des présents à ses amis. C'était en 1420 ; ces terres furent occupées par les troupes bretonnes jusques en 1448. En cette dernière année, François Ier, duc de Bretagne, successeur de Jean V, se réconcilia avec les Penthièvre, et les leur restitua. Pour ravoir celles de Palluau et de Châteaumur, ils furent cependant obligés de compter 40.000 écus d'or à Marguerite d'Orléans, comtesse d'Etampes, qui les tenait, et 500 aux traitants.
L'auteur de la fausse chronique de Saint-Maixent, du Fragmentum chronicorum, s'est plu à entourer de fables comme à Pouzauges, le berceau de la maison de Châteaumur au Xe siècle. Il la fait sortir de celle de Mauléon, et en établit la filiation : Arnoul Ier, 2e fils d'Arnoul, premier seigneur de Mauléon, eut Châteaumur en partage ; - Arnoul II, son fils - Raymond, fils d'Arnoul II.



Voici sur ces temps éloignés les mentions que nous avons trouvées éparses dans les titres ; elles sont loin de faire la lumière, mais elles sont exactes :

GUILLAUME de Châteaumur, Willermus de Castello-muro, figure au nombre des barons que le vicomte de Thouars fit contribuer, par un acte du 7 décembre 1098, à la dotation de l'église de Saint-Nicolas, fondée à la Chaize-le-Vicomte par Aimery, son père. Il paraît que Guillaume n'était pas des plus riches, ou du moins des plus généreux parmi les barons présents, car il souscrivit pour une redevance annuelle de 10 sous d'or, decem solidos, tandis que plusieurs s'étaient taxés à 20.

GULIELMUS DANIEL de Castromurio, peut-être le même, figure parmi les témoins du don fait à Raynaud, abbé de Saint-Jouin-de-Marnes et à son monastère, par Aimery, vicomte de Thouars, d'une chapelle près du cimetière d'Argenton.

GEOFFROY DE Châteaumur, assiste comme témoin à la donation faite au monastère de Marmoutier par Guethenoc d'Ancenis, lors de son départ pour la croisade, Hierusalem proficiens, 1178.

MAURICE de Châteaumur, valet, Mauricius de Castro-Muri, valeto, obtient de Maurice de Belleville, la confirmation des donations qu'il lui avait faites, 1277.

JEANNE de Châteaumur, épouse Geoffroy de la Flocellière, 1284. Il nous semble résulter d'un acte du 16 août 1296, que par la qualification de Châteaumur il faut entendre simplement que Jeanne était issue de la maison de Châteaumur, mais non qu'elle fût propriétaire de la baronnie ; nous pensons que ce titre appartenait à Olive, sa soeur probablement.

OLIVE de Châteaumur et son mari, Ebles de Rochefort, transigent avec Ayrois de Châteaumur, dame de Chantemerle, et Thibaut Chabot, son fils, pour raison de la succession de Sébrand Chabot, 1301. Olive meurt sans postérité.
Ce fut alors sans doute que Châteaumur passa à la maison de Belleville ; car, peu d'années après, nous trouvons cette baronnie parmi les terres qui allèrent aux Clisson par le mariage d'Olivier III de Clisson, père du connétable, avec Jeanne de Belleville. Après la mort du connétable, une transaction, arrêtée à l'occasion de sa succession, le 5 mai 1408, attribua Palluau, Châteaumur, etc., à sa seconde fille, Marguerite, épouse du comte de Penthièvre. On sait que ces Penthièvre vinrent se fondre par alliance dans la maison de Brosse, qui, elle aussi, prit le nom de Penthièvre, et lui apportèrent leurs grandes propriétés, telles que les Essarts, Châteaumur, Chantoceau, etc.
Nous n'insisterons pas sur l'histoire des Clisson, pas plus que sur celle des deux maisons de Penthièvre. Ce serait sans intérêt, car Châteaumur n'a point servi de théâtre aux dramatiques évènements qui illustrèrent ces turbulentes familles.
Comment de la dernière passa-t-il aux Echalard de La Boulaye ? Ce fut au milieu du XVIe siècle ; mais nous n'avons pu trouver l'année précise. Le premier, Charles Echalard de La Boulaye, baron de Châteaumur, seigneur de La Boulaye, Chaligné, Pierrefite et la Tour d'Oyré, joua un grand rôle dans les guerres de religion au temps de Henri IV. Il était son conseiller et Chambellan ordinaire, capitaine de cinquante hommes d'armes, gouverneur de Fontenay-le-Comte, lieutenant-général du Bas-Poitou et vice-amiral des côtes de la province. Le titre de gouverneur de Fontenay passa à son fils Philippe et à son petit-fils Maximilien, barons de Châteaumur après lui. Par les mêmes motifs que pour les trois maisons précédentes, nous ne nous arrêterons pas à développer des évènements qui trouveront mieux leur place au château de La Boulaye.


La baronnie de Châteaumur vint ensuite aux Mesnard de Toucheprès et leur resta jusqu'à la révolution. Cette famille, étrangère aux autres Mesnard ou Maynard du Bas-Poitou, remonte assez loin dans l'histoire : Olivier Mesnard de Toucheprès fut maître-d'hôtel de Louis XI. Colbert de Croissy a laissé un triste portrait d'un autre Olivier Mesnard de toucheprès, jeune gentilhomme de son temps. Charles Mesnard, maréchal-de-camp, marquis de Pouzauges, était son oncle. Les deux derniers de cette famille, René-Charles-Bernardin Mesnard, marquis de Toucheprès, baron de Châteaumur, et son fils François-Augustin, occupèrent successivement un siège de conseiller au parlement de Bretagne. La tradition représente ce dernier sous de singulières couleurs ; avare, inhospitalier, sauvage et plein de bizarrerie, avec lui les habitudes du château revinrent aux plus mauvais temps du moyen-âge. D'ordinaire, il se tenait dans un appartement sigué au-dessus de la herse, pour surveiller de là tout ce qui se présentait au château. Un boulet républicain vint le frapper dans cette singulière préoccupation. Par malheur pour la tradition, nous avons la date certaine de sa mort à Paris, le 12 avril 1793. Toutefois, à la Pommeraye où il mettait, en 1789, la dernière main à la construction du château de Toucheprès, nous avons recueilli, comme à Châteaumur, des preuves non douteuses de son impopularité.
Bien que les Mesnard de Toucheprès n'aient pas cesser d'habiter Châteaumur depuis le moment où cette baronnie tomba en leurs mains, il nous paraît préférable de remettre aussi leur histoire pour la commune de la Pommeraye, où était situé le château de Toucheprès, berceau de leur maison.

Le château de Châteaumur a été vendu nationalement le 21 fructidor an VI. Personne ne l'avait décrit avant nous, personne ne le verra après ; car il vient de tomber aux mains d'un propriétaire qui en a fait une carrière.

L'ÉGLISE
Elle était située en face de l'entrée du château, au point I du plan. Ne l'ayant point vue avant sa destruction qui remonte à vingt et quelques années, nous n'en pouvons rien dire.

Etudes historiques et
administratives sur la Vendée.
Les Châtelliers-Châteaumur
Léon Audé
BIB PC 16/2

Annuaire départemental de la Société d'émulation de la Vendée. – (1857) [1e série, vol. 4], p.248-262, p.307-311, [2] p. de pl.
Archives départementales de Vendée

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