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La Maraîchine Normande
19 septembre 2013

CE QUE LA VENDÉE A FAIT ET A SOUFFERT POUR LA MONARCHIE - CE QUE LA MONARCHIE A FAIT POUR LA VENDÉE

CHAPEAU

 Nous allons rappeler ce que la Vendée a fait pour la monarchie, ce qu'elle a souffert pour cette monarchie ; puis nous dirons ce que les ministres du Souverain légitime ont fait à leur tour pour la Vendée.
Il est bon qu'un pareil tableau soit mis sous les yeux des hommes : il instruira les peuples et les rois.

CE QUE LA VENDÉE A FAIT POUR LA MONARCHIE

La Vendée étoit restée chrétienne et catholique ; en conséquence, l'esprit monarchique vivoit dans ce coin de la France. Dieu sembloit avoir conservé cet échantillon de la société, afin de nous apprendre combien un peuple à qui la religion a donné des lois, est plus fortement constitué qu'un peuple qui s'est fait son propre législateur.

Artillerie VendéenneDès les premiers jours de la révolution, les Vendéens montrèrent une grande répugnance pour les principes de cette révolution. Après la journée du 10 août 1792, une insurrection éclata à Bressuire, et un premier combat fut livré le 24 août de la même année. La levée de trois cent mille hommes, ordonnée par la Convention, produisit dans la Vendée une insurrection nouvelle. Un perruquier, nommé Gaston, se met à la tête des insurgés ; il est tué en marchant à l'ennemi. Le Roi meurt, et des vengeurs naissent de son sang. Jacques Cathelineau, simple voiturier de la commune du Pin-en-Mauges, sort de sa chaumière le 14 mars 1793 : il se trouve que le voiturier est un grand capitaine. A la tête de deux cents paysans, il attaque un poste républicain, l'emporte, et s'empare d'une pièce de six, connue sous le nom du Missionnaire : voilà le premier canon de la Vendée. Cathelineau arme sa troupe avec les fusils qu'il a conquis, marche à Chemillé, défendu par cinq cents patriotes et deux couleuvrines : même courage, même succès. La victoire fait des soldats : Stofflet, garde-chasse de M. de Colbert, rejoint Cathelineau avec deux mille hommes ; Laforêt, jeune paysan du bourg de Chanzeau, lui amène sept cents autres Vendéens. Les trois chefs se présentent devant Chollet, forcent la ville, mettent en fuite la garnison, s'emparent de plusieurs barils de poudre, de six cents fusils, et de quatre pièces de canon, parmi lesquelles se trouvoit une pièce de douze que Louis XIII avoit donnée au cardinal de Richelieu. C'est cette pièce, devenue si célèbre sous le nom de Marie-Jeanne : les paysans vendéens y sembloient attacher leur destinée. Dans leur simplicité, ils ne s'apercevoient pas que leur véritable palladium étoit leur courage.

La prise de Chollet fut le signal du soulèvement de la Vendée. Machecoul tombe, Pornic est surpris. Bientôt avec les périls et la gloire proissent Charette, d'Elbée, Bonchamp, Larochejaquelein, de Marigny, de Lescure, et mille autres héros français, semblables à ces derniers Romains qui moururent pour le dieu du Capitole et la liberté de la patrie.

Capture plein écran 06082012 115521Cathelineau marche sur Villiers ; d'autres chefs, MM. de la Roche-Saint-André, de Lyrot, Savin, Royrand, de la Cathelinière, Couëtus, Pajot, d'Abbayes, Vrignaux, menacent Nantes, Niort et les Sables. Charette devient généralissime de la Vendée-Inférieure ; d'Elbée, placé à la tête des forces de la Haute-Vendée, est secondé par Bonchamp, Soyer, de Fleuriot, Scepeaux, noms qui rappellent les premiers temps de la chevalerie. Les paysans du Bocage se soulèvent ; le jeune Henri de Larochejaquelein les conduit. Son premier essai est une victoire : il bat Quétineau aux Aubiers, et court se réunir à Cathelineau, d'Elbée, Stofflet et Bonchamp. Le général républicain Ligonier s'avance avec cinq mille hommes ; il est défait auprès de Vihiers. Quatre jours après, nouvelle bataille à Beaupréau. Ligonier, obligé de fuir, abandonne son artillerie après avoir perdu trois mille hommes. Argenton est pris, Bressuire évacué. Les Vendéens délivrèrent dans cette ville MM. Desessarts, Forestier, Beauvolliers, de Lescure et Donnissan ; illustres otages qui passèrent du pied de l'échafaud à la tête d'une armée ; ils n'acceptèrent qu'une partie du bienfait de la Providence ; la patrie avoit demandé leur sang ; ils répandirent leur sang pour la patrie.

De Bressuire, les Vendéens se dirigent sur Thouars. Une muraille gothique et une rivière profonde entouroient cette ville. Il faut s'en ouvrir les avenues par un combat sanglant. L'assaut est donné. Larochejaquelein monte sur les épaules de Texier, gravit les murs, et se trouve bientôt seul exposé à tous les coups, comme Renaud sur les remparts de Jérusalem. Thouars est emporté ; dix mille républicains, une nombreuse artillerie, des munitions de toutes les sortes demeurent aux mains des vainqueurs. Thouars fournit encore aux royalistes des officiers qui devinrent célèbres. Il faut citer ces braves, dont les noms sont aujourd'hui l'unique patrimoine de leur famille ; ce furent MM. Dupérat, d'Herbaud, Maignan, Renou, Beauvolliers l'aîné, Marsonnière, Sanglier, Moudiou, Laugerie, Orre-Digueur, de Beaugé et de Laville-Regny, avec son fils âgé de douze ans, que l'on voyoit combattre auprès de lui.

Bataille_de_Thouars_1793

Alors on forma sept divisions du pays dont on avoit chassé l'ennemi, et l'on en confia la garde à un égal nombre de corps vendéens. La terreur s'étoit emparée des patriotes ; Nantes s'écrioit : Frères et amis, à notre secours, le département est en feu : ignoble jargon qui se mêloit, dans la Vendée, à la langue de la chevalerie. Cependant une armée vendéenne est battue près de Fontenay : d'Elbée est blessé, et l'artillerie prise avec la fameuse Marie-Jeanne. Quinze mille paysans désespérés reparoissent sous les murs de Fontenay que défendoient douze mille hommes d'infanterie et trente-sept pièces de canon. Chaque Vendéen n'avoit que six coups à tirer. Des paysans bretons de la division du Loroux armés de bâtons ferrés se jettent sur les batteries de canon, assomment les canonniers, et s'emparent des pièces. Les Vendéens d'abord tombés à genoux, se relèvent et se précipitent sur les républicains dont ils font cesser le feu. L'armée ennemie est culbutée, Fontenay emporté, Marie-Jeanne reprise. Quarante pièces de canon, quatre mille prisonniers, sept mille fusils restent en témoignage de la victoire ; et la Convention effrayée songe à faire partir pour combattre les vertus vendéennes, jusqu'aux grenadiers qui gardoient ses forfaits et ses échafauds.

Capture plein écran 13122011 094125

Une proclamation rédigée à Fontenay par M. Desessarts, annonça à l'Europe le succès des hommes fidèles, et leur ferme volonté de rétablir la monarchie. Ils invitoient à rejoindre le drapeau blanc ; mais la terreur dans l'intérieur, la gloire aux frontières enchaînoient tous les Français : le Roi n'avoit alors pour lui que la justice de sa cause et la Vendée.

Quand les divisions militaires de la Haute-Vendée se trouvèrent réunies, elles formèrent une armée de quarante mille fantassins et de douze cents cavaliers. Vingt-quatre pièces de canon avec leurs caissons accompagnoient les corps qui prirent et conservèrent le nom de la Grande Armée. Y eut-il jamais rien de plus prodigieux dans l'histoire que cette armée où l'on ne comptoit pas un fusil qui ne fût une conquête, pas un canon qui n'eût été enlevé avec une fourche ou un bâton ? "Thiron nous écrit, disoit Barrère à la Convention, que toutes les fois que les rebelles ont manqué de munitions, il s'est trouvé à point nommé une déroute des nôtres." C'est ainsi que ceux qui avoient condamné Louis XVI à l'échafaud appeloient les Vendéens des rebelles.
Cependant la Convention avoit rassemblé à Saumur une armée de quarante mille hommes d'infanterie et de huit mille hommes de cavalerie ; quatre-vingts pièces d'artillerie et deux régimens de cuirassiers rendoient cette armée formidable.

000La grande armée vendéenne marche sans s'effrayer à ces nouveaux ennemis ; elle les pousse à Doné, à Montreuil, et les accule dans Saumur. Les bataillons formés à Orléans, seize bataillons venus de Paris, deux régimens de cuirassiers composoient la garnison de cette ville. Trente pièces de canon bordoient son château et ses redoutes nouvellement élevées que le Thoué et la Loire baignoient de leurs eaux. Rien n'arrête les Vendéens ; tous s'écrient : En avant, en avant ! Les Bretons enlèvent les canons ; les républicains reculent jusqu'au pont Fouchard ; M. de Lescure les suit l'épée au poing ; il est blessé. Les cuirassiers chargent les Vendéens qu'étonne cette espèce de cavalerie invulnérable. Un brave soldat nommé Dommaingué, crie aux paysans, comme César crioit à ses légions à Pharsale : Frappez au visage ! Il abats un cuirassier d'un coup de carabine à la tête, et il est emporté lui-même d'un boulet de canon. Les cuirassiers se replient, reviennent à la défense du pont Fouchard que couvroit de feu l'artillerie vendéenne commandée par M. de Marigny. Le combat se maintient de ce côté ; mais Cathelineau et Larochejaquelein avoient tourné les redoutes, et marchoient sur la ville, laissant derrière eux les fortifications et les avant-postes. Les troupes placées à la garde des faubourgs fuient devant Larochejaquelein qui entre dans Saumur accompagné seulement de M. de Beaugé. Il arrive au grand galop sur une place où huit cents républicains étoient rangés en bataille. Il étoit trop tard pour reculer : l'héroïsme vient au secours de l'imprudence. Rendez-vous, dit Larochejaquelein aux ennemis, ou vous êtes morts. Ceux-ci croient la ville emportée, et mettent bas les armes. Quelques momens s'écoulent : personne ne paroît. Les républicains reviennent de leur terreur, reprennent leurs armes, tirent sur les deux Vendéens. Beaugé est blessé ; Larochejaquelein le soutient sur son cheval, et tue d'un coup de pistolet un soldat qui le couchoit en joue. Dans cet instant Desessarts accourt suivi de quinze cents cavaliers : la ville est prise.
Les redoutes tombent ; le château capitule. De toutes parts on ramène des troupeaux de républicains prisonniers ; on les renvoie après leur avoir fait jurer qu'ils ne porteroient plus les armes contre le Roi ; on leur coupe les cheveux pour les reconnoître, en cas qu'ils violent leur parole. Les cheveux repoussèrent, et avec eux l'infidélité : les Vendéens à qui l'on ne faisoit point de quartier, furent bientôt massacrés par ceux qui leur devoient la liberté et la vie.

La renommée des Vendéens se répandit en Europe. Ils trouvèrent à Saumur quatre-vingts pièces de canon, vingt mille fusils, cinquante milliers de poudre, des vivres en abondance, des magasins de toutes sortes. Ils procédèrent à l'élection d'un généralissime. Le choix de MM. de Lescure, Donnissan, Larochejaquelein, et des autres gentilshommes, tomba sur le voiturier Cathelineau dont la gloire avoit fourni les titres. Les paysans charmés s'attachèrent davantage à une noblesse si généreuse et si brave. On proposa dans le conseil, premièrement : de marcher sur Tours, secondement, de s'emparer des Sables et de La Rochelle, troisièmement : d'attaquer Angers, et de rentrer dans la Vendée par le pont de Cé. Le premier avis étoit celui de Larochejaquelein, et c'étoit peut-être le meilleur par son audace ; le second étoit celui de Lescure, et c'étoit le plus sage ; le troisième étoit celui de Cathelineau, et il prévalut.
M. d'Elbée, à peine guéri de sa blessure, vint rejoindre les Vendéens à Saumur. On vit aussi arriver MM. Charles d'Autichamp, de Piron, de Boispréau, Duchénier, Magnan, de la Bigotière. Les vainqueurs se mettent en marche pour suivre le plan du généralissime. Angers ouvre ses portes. Le prince de Talmont se présente : il est sur-le-champ nommé général de la cavalerie royaliste. Charette venoit de reprendre Machecoul dans la Vendée-Inférieure : Cathelineau lui propose de s'emparer de Nantes et de soulever la Bretagne. L'attaque des deux armées vendéennes par l'un et l'autre côté de Nantes devoit être simultanée ; mais Charette arrive trop tôt, ou Cathelineau paroît trop tard. Charette soutient seul la lutte pendant dix heures : il se retiroit lorsque le canon de la grande armée se fait entendre. L'action recommence de toutes parts ; on pénètre dans la ville, on se bat de rue en rue, de maison en maison. La place va capituler, mais Cathelineau reçoit un coup mortel : les paysans s'arrêtent. Il ne restoit plus qu'un léger effort à faire ; il ne fut pas fait : Nantes demeure au pouvoir des républicains. Cinq millions de Français devoient périr, l'Europe devoit être ébranlée jusque dans ses fondemens, avant que le fils de saint Louis remontât sur le trône de ses pères. Tout avoit été prévu pour la prise de Nantes dans les arrangemens de la sagesse humaine, fors les desseins de Dieu.

0_2e68c_7fdc93e2_LCette grande entreprise manquée, les Vendéens ne sont point découragés ; ils se rallient, battent les républicains à Châtillon, et trouvent à Coron un nouveau triomphe. D'Elbée est nommé généralissime, en remplacement de Cathelineau ; mais Charette refuse de le reconnoître : une fatale division commençoit à s'établir entre les chefs. D'Elbée remporte à Chantonnay une victoire éclatante.
Cette victoire attire sur la Vendée une nouvelle masse d'ennemis, qui, selon les rapports du comité de salut public, se composoit de quatre cent mille hommes. On y joignit la garnison de Mayence. Les forces de la Vendée doublent en raison des périls. Lescure, avec cinq mille huit cents hommes, disperse à Thouars, trente-deux mille réquisitionnaires.
La Convention ordonne la destruction entière de la Vendée ; alors commence le système des incendies qu'exécutoient des colonnes justement appelées infernales. Les villes sont embrasées ; les chaumières, les moissons et les bois réduits en cendres.
L'armée de la Haute-Vendée vole au secours de Charette, qui, battu cinq fois, se relevoit toujours. M. d'Elbée rejoint l'habile général. "Où est l'ennemi ?" lui dit-il. "Il suit mes pas, répond Charette ; voyez ces tourbillons de fumée !"
L'armée patriote et l'armée vendéenne se rencontrent auprès de Torfou.

La première étoit, en partie, composée des Mayençais qui voyoient pour la première fois les paysans de la Haute-Vendée. Ceux-ci, à leur tour, n'avoient presque jamais combattu d'aussi belles troupes et aussi bien disciplinées. Il y eut de part et d'autre un mouvement de surprise et d'admiration. Le signal est donné, le combat s'engage. Les deux armées, au milieu des incendies, étoient renfermées dans un cercle de flammes qui embrasoient l'horizon ; c'étoit comme une bataille aux Enfers. L'impétuosité des paysans royalistes l'emporte sur la valeur disciplinée : les Mayençais, contraints de céder le terrain, se retirent en bon ordre. Ils sont défaits de nouveau à Montreuil. On eût poursuivi la victoire, si Charette n'eût voulu secourir la Basse-Vendée que dévastoient des colonnes incendiaires. Il entraîne d'Elbée avec lui.
Les deux armées, après avoir vaincu les républicains à Saint-Fulgent, revinrent pour attaquer les Mayençais, qui se retirèrent sous les murs de Nantes.

La Convention consternée, pour prolonger son horrible existence, veut épuiser tout le sang français : six armées attaquent la Haute-Vendée. La plupart des chefs royalistes étoient blessés, et pouvoient à peine se tenir à cheval. Nouvelle rencontre à Châtillon, nouvelle défaite des républicains. La Convention fulmine des décrets exterminateurs. Une bataille terrible s'engage à la Tremblaye ; elle alloit augmenter la gloire des royalistes fidèles, lorsque Lescure est blessé à mort. On se retire : les républicains entrent dans Chollet.
Le comité de salut public annonce à la Convention que la guerre est terminée ; et, dans ce moment même, les paysans vendéens juroient de s'ensevelir sous les ruines de leur patrie. Les chefs approuvent et embrassent eux-mêmes cette généreuse résolution : c'est un bon parti, quand on aime la gloire, que de s'attacher au malheur. On tient conseil à Beaupréau : les uns veulent marcher à Chollet, et étouffer les vainqueurs au milieu de leur triomphe ; les autres prétendent qu'il faut se rabattre sur la Vendée-Inférieure, et s'appuyer à l'armée de Charette ; d'autres demandent qu'on passe la Loire, et que l'on change le théâtre de la guerre : l'opinion la plus héroïque, celle de Larochejaquelein, l'emporte, et l'on se détermine à marcher droit à l'ennemi.

DRAPEAU LA ROCHEJAQUELEIN

La France et l'Europe virent avec le plus profond étonnement ces paysans magnanimes qu'on croyoit anéantis, venir attaquer une armée régulière animée par des succès, justement fière de sa valeur. Le combat dura dix heures. On se battit à la baïonnette. Les faubourgs de Chollet furent enlevés, abandonnés, enlevés de nouveau : tantôt le drapeau blanc rétrogradoit devant le drapeau tricolore, et tantôt le drapeau tricolore reculoit devant le drapeau blanc. Alors étoient aux prises ces terribles Français dont les bataillons voyoient fuir les armées européennes. Enfin, repoussés, les paysans sont poursuivis par la cavalerie républicaine. Les officiers vendéens se forment en escadron : d'Elbée, Bonchamp, Larochejaquelein, Allard, Dupérat, Desessarts, Beaugé, Beaurepaire, de Royrand, Duchaffaut, Renou, Forêt, Legeai, Loiseau, et cent cinquante braves couvrent les héroïques villageois, et arrêtent l'armée ennemie. Kléber fond sur l'escadron royaliste, à la tête de dix bataillons de troupes régulières. D'Elbée et Bonchamp tombent percés de coups ; trente de leurs compagnons sont abattus à leur côtés. Monté sur un cheval blessé qui jettoient le sang par les naseaux, Larochejaquelein, blessé lui-même, ses habits criblés de balles et tailladés de coups de sabre, demeure seul chargé de la retraite. Dans ce moment, de Piron lui amène deux mille hommes : le combat renaît, se prolonge dans la nuit, laisse aux Vendéens le temps d'emporter leurs blessés, et de se retirer à Beaupréau.

L'indomptable Larochejaquelein vouloit recommencer le combat, et revenir à Chollet : on ne suivit point cet avis de l'héroïsme ou du désespoir. On se replia sur Saint-Fulgent où Bonchamp rendit le dernier soupir. D'Elbée et Lescure vivoient encore ; mais ils étoient blessés mortellement : le premier fut porté à l'île de Noirmoutiers ; le second resta avec l'armée.

Cependant cette armée de la Haute-Vendée, jadis si brillante, maintenant si malheureuse, se trouvoit resserrée entre la Loire et six armées républicaines qui la poursuivoient. Pour la première fois, une sorte de terreur s'empara des paysans : ils apercevoient les flammes qui embrasoient leurs chaumières et qui s'approchoient peu à peu ; ils entendoient les cris des femmes, des vieillards et des enfans ; ils ne virent de salut que dans le passage du fleuve. En vain les officiers voulurent les retenir ; en vain Larochejaquelein versa des pleurs de rage : il fallut suivre une impulsion que rien ne pouvoit arrêter. Vingt mauvais bateaux servirent à transporter sur l'autre rive de la Loire la fortune de la monarchie.
On fit alors le dénombrement de l'armée : elle se trouva réduite à trente mille soldats ; elle avoit encore vingt-quatre pièces de canon, mais elle commençoit à manquer de munitions et de cartouches.

LescureLarochejaquelein fut élu généralissime ; il avoit à peine vingt-un ans : il y a des momens dans l'histoire des hommes où la puissance appartient au génie. Lorsque le plan de campagne eut été arrêté dans le conseil, que l'on se fut décidé à se porter sur Rennes, l'armée leva ses tentes. L'avant-garde étoit composée de douze mille fantassins, soutenus de douze pièces de canon ; les meilleurs soldats et presque toute la cavalerie formoient l'arrière-garde : entre ces deux corps cheminoit un troupeau de femmes, d'enfans, de vieillards, qui s'élevoit à plus de cinquante mille. L'ancien généralissime, le vénérable Lescure, étoit porté mourant au milieu de cette foule en larmes qu'il éclairoit encore de ses conseils, et consoloit par sa pieuse résignation. Larochejaquelein qui comptoit moins d'années et plus de combats qu'Alexandre, paroissoit à la tête de l'armée, monté sur un cheval que les paysans avoient surnommé le daim, à cause de sa vitesse. Un drapeau blanc en lambeaux guidoit les tribus de saint Louis, comme jadis l'arche sainte conduisoit dans le désert le peuple fidèle. Ainsi, tandis que la Vendée brûloit derrière eux, s'avançoient avec leurs familles et leurs autels ces généreux Français sans patrie au milieu de leur patrie : ils appeloient leur Roi, et n'étoient entendus que de leur Dieu.

Si Larochejaquelein, dans la Vendée, avoit brillé par les qualités d'un soldat, il déploya sur l'autre rive de la Loire les talens d'un capitaine : les grands caractères souvent peu remarquables dans la prospérité, font éclater leur vertu dans le malheur, au contraire des faux grands hommes qui paroissent extraordinaires dans le bonheur, et deviennent communs dans l'adversité. Les soldats de l'armée royale et catholique, embrassant eux-mêmes sans s'étonner toute la grandeur de leur infortune, ne voulurent point trahir leurs revers. Jamais la Vendée ne jeta un si vif éclat, que lorsqu'errante et fugitive, elle étoit prête à s'évanouir au milieu des forêts de la Bretagne.
Elle trompa les prophéties de Barrère :
"Les Vendéens, avoit-il dit à la Convention, sont semblables à ce géant fabuleux qui n'étoit invincible que quand il touchoit la terre. Il faut les soulever, les chasser de leur propre terrain pour les abattre." Le comité de salut public se trompoit : les Vendéens tiroient leur force de leur conscience et de leur honneur ; ils emportoient avec eux cette patrie.

La victoire ouvrit leur nouvelle carrière : Ingrande, Candé, Château-Gonthier tombèrent devant eux ; quinze mille gardes nationaux ne les purent empêcher d'entrer dans Laval où sept mille paysans manceaux et bretons vinrent les rejoindre.
A peine s'étoient-ils reposés deux jours dans cette ville, qu'on signala l'approche de l'ennemi. C'étoit les Mayençais, qui, fiers d'avoir forcé les Vendéens à quitter leurs foyers, croyoient qu'ils n'oseroient désormais les attendre. Ils attaquent brusquement les courageux fugitifs qui les repoussent, les forcent à se replier sur Château-Gonthier, après leur avoir tué ou blessé seize cents hommes.

Bataille de Laval

Bientôt toutes les forces conventionnelles sont réunies : elles reviennent à Laval présenter la bataille à Larochejaquelein qui l'accepte. M. de Lescure expirant harangue l'armée ; tout s'ébranle : on se bat avec un affreux acharnement. Les canons sont enlevés à la course, comme de coutume. On en vient à l'arme blanche, aux coups de pistolets ; on se prend aux cheveux ; on lutte corps à corps. Le général républicain Beaupuy, blessé d'un coup de feu, fait porter dans les rangs sa chemise sanglante pour encourager ses soldats. La cause juste est encore une fois victorieuse : les Mayençais sont exterminés par ces mêmes paysans qu'ils venoient de chasser de leurs chaumières.
La bataille de Laval renouvela les frayeurs des conventionnels ; ils crurent voir les Vendéens arriver à Paris. Pour se mettre à l'abri de l'invasion royaliste, on coupe les routes, on fait sauter les ponts, on détruit les magasins. Trente mille hommes des meilleures troupes sont tirés de l'armée du Nord. Une autre armée, composée de gardes nationaux et des garnisons des ports, se forme à Cherbourg. On voit accourir avec leur guillotine, de vieux révolutionnaires tout cassés de crimes, pour battre monnaie et faire des soldats. On arrête, on dépouille, on égorge tout ce qui est réputé suspect : l'innocence malheureuse paie les terreurs de la conscience coupable.

GRANVILLE

Il y avoit quelques fondemens aux craintes des révolutionnaires. Le prince de Talmont, après la dernière victoire, avoit en effet proposé de marcher sur Paris, de fouiller le repaire de la Convention, ou, si la chose étoit impossible, de prendre à dos les armées républicaines de Flandres, et de se réunir aux Autrichiens. Au lieu d'adopter ce plan digne du caractère vendéen, le conseil, par des suggestions étrangères, prit le parti de diriger l'armée sur Granville, dans l'espoir d'établir une communication entre l'Angleterre et les royalistes ; résolution qui perdit tout.
On prit donc la route de Granville par Mayenne, Ernée, Fougères, Antrain, Dol, Pontorson et Avranches : on ne rencontra d'obstacles que dans les faubourgs d'Ernée et de Fougères. M. de Lescure expira avant d'entrer dans cette dernières ville. L'illustre veuve du général vendéen emporta dans un cercueil les dépouilles mortelles de son mari. Elle craignit que la tombe de Lescure ne fût violée. Quelque temps après, cet homme qui laissoit un nom immortel, fut enterré au bord d'un grand chemin, dans un coin de terre inconnu.
Arrivés devant Granville, les Vendéens brusquent la place. Les faubourgs sont forcés ; une brèche est faite aux remparts. Déjà les soldats sont sur les murs ; mais les Anglais ne paroissant point à la vue du port, la garnison continue à se défendre. La lassitude s'empare des paysans : après trente-six heures, ils abandonnent l'assaut de la ville à moitié prise. Une sédition éclate dans l'armée ; les paysans s'écrient qu'ils veulent retourner dans leur pays ; ils entraînent leurs chefs. On reprend le chemin que l'on avoit parcouru.

A peine étoit-on rentré à Dol que trois armées républicaines fondent sur l'armée royaliste. Là se donne une des plus furieuses batailles qui ait jamais été livrée entre Français : elle dura deux jours : commencée dans les faubourgs de Dol, elle ne finit que dans les murs d'Antrain. Douze mille républicains tués ou blessés restèrent sur le champ de bataille. Ce fut à la fois la plus grande et la dernière victoire de ces royalistes qu'avoient commandés Cathelineau, d'Elbée, Lescure et Larochejaquelein.

La Vendée retournoit comme un lion à son antre : les républicains n'osoient plus lui barrer le chemin ; ils se contentoient de l'attendre derrière des remparts. Parvenus sous les murs d'Angers, les royalistes repoussés comme à Granville, ne peuvent passer la Loire : l'armée se rabat sur Beaugé, emporte La Flèche, se retire au Mans où elle doit trouver son tombeau. Des réquisitionnaires conduits par des représentans du peuple, viennent troubler ses derniers momens : elle se lève, les chasse, et se repose. Arrive enfin une armée régulière composée des débris de toutes les armées vaincues par les Vendéens. L'affaire s'engage : le géant de la Vendée se débat écrasé sous le poids de la France révolutionnaire ; il ébranle encore de ses mains le monstrueux monument de l'athéisme et du régicide. Mais la victoire échappoit aux Machabées, et le moment du sacrifice étoit venu. On s'étoit battu tout le jour aux environs de la ville ; malgré la nuit, on continuoit de se battre dans les rues à la lueur des amorces et du feu du canon. "Il étoit neuf heures du soir, dit le bulletin publié par les généraux républicains : là une fusillade terrible s'engage de part et d'autre. On se dispute le terrain pied à pied ; le combat a duré jusqu'à deux heures du matin. De part et d'autre, on est resté en observation ; les brigands profitèrent de l'obscurité pour évacuer la ville ... Les rues, les maisons, les places publiques sont jonchées de cadavres, et depuis quinze heures ce massacre dure encore ... Enfin, voici la plus belle journée que nous avons eue depuis dix mois que nous combattons les brigands ..."

la loire

Les restes de l'armée vendéenne se rapprochèrent de la Loire pour en tenter le passage. Ce n'étoient plus des soldats, mais des martyrs : des prêtres portoient  des malades sur leurs épaules ; de jeunes filles, des femmes, des enfans, des vieillards expiroient dans les fossés et sur les chemins. On se crut heureux lorsque l'on parvint à Ancenis, et qu'on aperçut les champs de la patrie de l'autre côté de la Loire. Mais il n'y avoit que deux bateaux sur la rive bretonne. Quatre grosses barques chargées de foin, étoient attachées à la rive opposée : Larochejaquelein, Stofflet et Baugé, escortés par une vingtaine de soldats, passent dans les deux bateaux pour s'emparer des barques, et les envoyer à l'armée. A peine avoient-ils mis pied à terre, qu'ils sont attaqués par une grosse colonne de républicains : l'escorte royaliste est dispersée. Forcé de se retirer au fond d'un bois, Larochejaquelein se retrouve seul dans cette Vendée, au milieu des champs de bataille déserts où il ne rencontre plus que sa gloire.
Les corps vendéens poursuivis sur la rive droite de la Loire, voulurent gagner le bourg de Nort. Ils étoient encore commandés par MM. Donnissan, de Marigny, Fleuriot, Désessarts, de Laugrenière, d'Isigny, de Piron, de Lyrot, et par le prince de Talmont. Atteints dans Savenay, ces braves chefs firent des prodiges de valeur qui consolent le guerrier expirant, et qui souvent influent par de glorieux souvenirs sur la destinée des peuples. L'armée fut détruite ; ses soldats se dispersèrent dans la forêt de Gavres, et de là se répandirent dans les autres bois de la Bretagne, comme des semences fécondes d'héroïsme et de fidélité.

Quand on a raconté tant de combats, on se sent le besoin de se reposer ; mais l'infatigable Vendée ne laisse pas le temps à l'historien de prendre haleine. Au moment où il croit sa tâche finie, voilà que Larochejaquelein, Stofflet et Marigny reparoissent ; Charette livre de nouveaux combats qui finissent par un traité glorieux, et la guerre des Chouans sort des débris de la grande armée vendéenne.

Cette dernière guerre différa de celle que nous venons de raconter, parce qu'elle s'établit chez un peuple dont les moeurs, sous quelques rapports, s'éloignent des moeurs vendéennes. D'une humeur mobile et d'un caractère obstiné, les Bretons se distinguent par leur bravoure, leur franchise, leur fidélité, leur esprit d'indépendance, leur attachement à la religion, leur amour pour leur pays. Fiers et susceptibles, sans ambition et peu faits pour les cours, ils ne sont avide ni de places, ni d'argent, ni d'honneurs. Ils aiment la gloire, mais pourvu qu'elle ne gêne en rien la simplicité de leurs habitudes ; ils ne la recherchent qu'autant qu'elle consent à vivre à leur foyer, comme un hôte obscur et complaisant qui partage les goûts de la famille. Tels se montrèrent Duguesclin, Moreau, Cadoudal.

chouans

La guerre des Chouans produisit une foule de petits combats et de grandes actions. Quiberon vit son sacrifice : la France révolutionnaire en égorgeant les compagnons de Suffren, abdiqua l'empire des mers. La chouannerie organisée dans les provinces de l'Ouest, s'étendit jusqu'aux portes de Versailles : Georges Cadoudal commandoit le Morbihan, M. de Bourmont le Maine, M. de Châtillon la rive droite de la Loire, M. de la Prévalaye la Haute-Bretagne : la Normandie reconnut les ordres de M. de Frotté. Le Mans fut pris par M. de Bourmont, Saint-Brieux par Cadoudal : Nantes même qui avoit résisté à Cathelineau et à Charette, tomba pendant quelques momens au pouvoir de M. de Châtillon. Quinze mille Vendéens se montroient encore en armes sur la rive gauche de la Loire : c'étoient les restes des nouvelles armées formées par Larochejaquelein, Stofflet, Marigny et Charette. Larochejaquelein avoit enfin terminé dans un combat obscur son éclatante carrière : un corps redoutable recevoit les ordres de Stofflet, mais ce chef violent avoit fait périr le valeureux Marigny. Charette, qui s'étoit toujours maintenu dans la Basse-Vendée, se faisoit admirer même des républicains, par ses retraites autant que par ses attaques, par ses revers autant que par ses succès. Après mille combats et des torrens de sang versé, le général Turreau avoit donné l'ordre d'évacuer la Vendée. L'indépendance et la victoire restoient donc aux royalistes ; la Convention en étoit donc pour les frais de ses crimes ! Enfin le 9 thermidor vint faire cesser le règne de la Terreur. On adopta  contre la Vendée un plan de guerre plus généreux ; les deux partis fatigués commençoient à désirer la paix : Charette entra en négociations.

Les envoyés royalistes demandèrent le rétablissement immédiat de la religion catholique et de la monarchie légitime, la remise entre leurs mains de Louis XVII et de la jeune Princesse, sa soeur, le rappel des émigrés, et, en attendant l'exécution de ces clauses, l'indépendance absolue du pays des Chouans et des Vendéens. Les républicains eurent l'air de se rendre à ces conditions ; mais ils exigèrent qu'elle demeurassent secrètes, et qu'elles ne parussent point dans le traité public, si ce traité avoit lieu. Ils voulurent que la monarchie ne fût proclamée que le 1er juillet 1795 ; que les enfans de Louis XVI ne fussent remis aux Vendéens que le 13 juin de la même année, et que les émigrés ne rentrassent en France qu'à cette même époque. La position de Charette l'obligea à consentir à ces délais, et à souffrir le gouvernement républicain jusqu'au moment fixé pour le rétablissement du trône. Alors un traité public fut signé à La Jaunaie, le 27 février 1795.
Ce traité accorda aux Vendéens le libre exercice de la religion catholique, la possession paisible de leur pays, un corps militaire payé par la république et commandé par Charette, l'exemption de toute réquisition et de toute conscription, le remboursement de 1,500,000 liv. de bons royaux émis par les généraux royalistes, une forte indemnité en argent, mobilier, outils de labourage, la radiation des émigrés vendéens, la restitution des biens saisis, et la levée des séquestres. Les royalistes conservèrent jusqu'aux fruits des biens des réfugiés patriotes, fruits qu'ils avoient perçus pendant l'insurrection : la république se chargea de dédommager les propriétaires.

Traité_de_La_JaunayeCertes, si jamais les hommes ont reconnu l'empire de la vertu, c'est par ce traité de La Jaunaye. Avec qui la Convention capituloit-elle ? Victorieuse dans toute l'Europe, la plupart des Rois étoient tombés à ses pieds : la Vendée même n'existoit plus pour ainsi dire ; c'étoit à ses ruines, c'étoit aux cendres des Larochejaquelein, des Bonchamp, des Marigny, des Talmont, des Lescure, des d'Elbée, qu'on promettoit le rétablissement de la royauté légitime ; tant le seul nom de la Vendée inpiroit de crainte, de respect et d'admiration ! M. Dupérat, envoyé par Charette auprès des représentans pour négocier le traité, refusoit de reconnoître, même provisoirement, la république. "Quoi, lui dit un des représentans, vous ne voulez pas reconnoître une république que tous les Rois de l'Europe ont reconnue ? - Monsieur, répondit fièrement l'ambassadeur vendéen, ces princes-là ne sont pas des Français."
La France parut ivre de joie à la nouvelle de la conclusion du traité ; la Convention elle-même, délivrée de sa frayeur, faisoit entendre des chants de triomphe ; elle s'écrioit : "Enfin la Vendée est rentrée dans le sein de la république !" Mais la Convention n'avoit cherché qu'à tromper Charette pour le désarmer ; elle ne tint point les conditions du traité. Charette éclairé trop tard recommença les hostilités. Jamais il ne déploya plus de talens et de ressources : avec quelques paysans découragés, il obtint des victoires, et lutta contre une armée de cent quarante mille soldats indisciplinés. Enfin resté seul, dangereusement blessé à la tête et à la main, après avoir erré dans les bois, il fut pris par ses ennemis. En immolant ce grand homme, la Convention crut immoler à la fois la monarchie et la Vendée : Stofflet avoit péri peu de temps avant Charette.

Capture plein écran 04062012 115437Quand un homme extraordinaire disparoît, il se fait dans le monde une sorte de silence, comme si celui qui remplissoit la terre de son nom avoit emporté tout le bruit. Trois années de paix suivirent dans la Vendée la mort de Charette. Une conscription, dont on n'exempta point les Chouans et les Vendéens, fit reprendre les armes en 1799. L'emprunt forcé et la loi des otages augmentèrent les troubles. Toutes les provinces de l'Ouest s'ébranlèrent, et ce fut alors que les Chouans obtinrent les succès dont nous avons parlé plus haut. La force et la perfidie mirent fin à cette nouvelle guerre : Buonaparte étoit monté sur le trône de saint Louis.

Pendant le règne de l'usurpation, la Vendée ne fit que soigner ses blessures, et renouveler dans ses veines le sang que ses premiers combats avoient épuisé. Ses transports de joie éclatèrent à la restauration. Lors de la trahison du 20 mars, les Vendéens et les Bretons ne démentirent point leur loyauté ; on vit reparoître quelques uns de ces anciens noms si connus sous la république, si oubliés sous la monarchie. Cette terre vendéenne ne pouvoit se lasser de produire, comme des plantes naturelles à son sol, des Larochejaquelein, des Charette, des Cathelineau : Rome avoit vu de grands citoyens se succéder ainsi dans des familles immortelles. Louis de Larochejaquelein, frère d'Henri, combat et meurt comme cet illustre frère ; il laisse lui-même un frère valeureux, une soeur héroïque pour sauver le présent, un fils pour défendre l'avenir. M. de Beauregard, digne d'être allié à cette famille, expire sur le champ de bataille. Le jeune Charette tombe comme son oncle le grand capitaine ; le jeune Cathelineau combat comme son père. M. de Suzannet perd la vie dans les lieux témoins de sa constante fidélité. N'oublions pas l'infortuné de Guignes, âgé de seize ans, que l'on rencontra parmi les morts, la tête frappée d'une balle et le corps percé de six coups de baïonnette. MM. d'Autichamp, Sapinaud, Dupérat, Duchaffaut, Robert, Tranquille, Renou, semblent pour ainsi dire sortir de la tombe : ce dernier, surnommé Bras-de-Fer, qui avoit fait toutes les campagnes de la Vendée, ne veut pas manquer la dernière. En retrouvant ces capitaines, on croit revivre d'antiques personnages dont on auroit déjà lu l'histoire dans les Chroniques de Froissard, ou dans celles de Saint-Denis. La vertu du sol vendéen fait éclore dans les nobles coeurs les germes de la fidélité ; et le général Canuel ira sauver à Lyon la monarchie qu'il a défendue au combat de Mathes.

D'une autre part, les paysans bretons et manceaux soutiennent la cause royale : MM. de la Prévalaye, de Coislin, de Grizolles, de la Boisière, de Courson, les conduisent au feu. Un traité de pacification, approuvé par les uns, blâmé par les autres, vint suspendre cette guerre des cent-jours. Du moins ce traité, quel qu'il soit, est encore honorable à la valeur vendéenne. Par ce traité, il est libre aux généraux vendéens de rester en France ou de passer en Angleterre, de vendre et d'emporter leurs propriétés ; s'ils se décident à rester en France, ils peuvent habiter partout où il voudront : "En traitant, dit l'art. 4, avec des Français, qui, dans leurs erreurs même, ont montré une loyauté constante, toute défiance seroit injuste." Tous les individus arrêtés seront mis en liberté ; aucune levée d'hommes ne peut avoir lieu dans le pays insurgé pendant le cours de 1815. Buonaparte s'engage à demander et à obtenir des Chambres un dégrèvement pour les impositions des provinces de l'Ouest. Les individus qui ont des talens seront admis aux places aux mêmes conditions que les autres citoyens. On accordera des récompenses et des pensions à ceux qui ont contribué à la pacification générale. Buonaparte s'en rapporte à la loyauté des signataires de la pacification, pour la remise des armes et des munitions qui ont été débarquées sur nos côtes.
Et c'est l'ancien maître du Monde qui suspend sa conscription et ses impôts, qui traite avec de tels égards des hommes armés contre sa puissance !

La première guerre de Vendée fut utile à la monarchie légitime, en maintenant l'honneur de cette monarchie, en prouvant la force des véritables défenseurs de cette monarchie. Elle finit par un traité qui fut violé à la vérité, mais dont les clauses secrètes stipuloient le rétablissement de l'autorité légitime. Charette fit donc avec dix mille paysans à Nantes, ce que l'Europe n'a pu faire que vingt ans après, avec trois cent mille hommes à Paris.

La France monarchique et les rois de l'Europe veulent-ils savoir combien la Vendée leur a été utile, combien elle a retardé leurs défaites et suspendu leurs revers ? Qu'ils écoutent Barrère parlant à la Convention au nom du comité de salut public : "C'est à la Vendée, dit-il, que correspondent les aristocrates, les fédéralistes, les départementaires, les sectionnaires ; c'est à la Vendée que se reportent les voeux coupables de Marseille, la vénalité honteuse de Toulon, les mouvemens de l'Ardèche, les troubles de la Lozère, les conspirations de l'Eure et du Calvados, les espérances de la Sarthe et de la Mayenne, le mauvais esprit d'Angers, et les sourdes agitations de quelques départemens de l'ancienne Bretagne.
Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l'Autrichien.
Détruisez la Vendée, l'Anglais ne s'occupera plus de Dunkerque.
Détruisez la Vendée, et le Rhin sera délivré des Prussiens.
Détruisez la Vendée, l'Espagne se verra harcelée, conquise par les méridionaux, joints au soldats victorieux de Mortagne et de Chollet.
Détruisez la Vendée, et Lyon ne résistera plus ; Toulon s'insurgera contre les Espagnols et les Anglais, et l'esprit de Marseille se relèvera à la hauteur de la révolution républicaine.
Enfin chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départemens fédéralistes et dans les frontières envahies."

Le comité ne disoit que trop vrai, et la Vendée détruite ou pacifiée livra le Monde à la puissance des Français.

lamarqueLa seconde guerre de la Vendée a été du plus grand secours à l'autorité légitime. Pendant les négociations qui eurent lieu à Paris avec les puissances coalisées, le ministère ne présenta-t-il pas les armées royales de l'intérieur comme le contingent du Roi ? En considération de l'entretien de ces armées, n'allégea-t-on pas les charges imposées à la France ? Les alliés eux-mêmes ne sont pas moins redevables à cette seconde Vendée. "L'armée de la Vendée dit le général Gourgaud, commandée par le général Lamarque, comptoit huit régimens d'infanterie de ligne, deux de jeune garde, deux de cavalerie, et dix escadrons de gendarmerie, partie à pied, partie à cheval, formant plus de trois mille gendarmes.
La guerre de la Vendée, ajoute-t-il ailleurs, allumée le 15 mai, avoit diminué l'armée du Nord d'une quinzaine de mille hommes, dont trois régimens de dragons, deux de la jeune garde, et un bon nombre de détachemens et de troisièmes bataillons."

Hé bien, supposons que ces quinze mille hommes eussent pu rejoindre Buonaparte, nous demandons quel eût été le résultat de la bataille de Waterloo ? A quoi le succès de cette bataille a-t-il tenu ? Quel léger poids pouvoit faire pencher la balance !

Que seroient devenues l'Europe et la légimité en cas de revers ? Le même général Gourgaud va répondre. "On proposoit, dit-il, de réunir au 15 juin le plus de troupes qu'il seroit possible, et l'on calculoit pouvoir réunir de cent trente à cent quarante mille hommes sur la frontière du Nord ; d'attaquer, aussitôt de disperser les Anglais, et de chasser les Prussiens au-delà du Rhin. Cela obtenu, tout étoit terminé ; une révolution dans le ministère auroit lieu à Londres ; la Belgique se leveroit en masse, et toutes les troupes belges passeroient sous leur ancien étendard : toutes les troupes de la rive gauche du Rhin, celles de Saxe, de Bavière, de Wurtemberg, etc., fatiguées du joug de la Prusse et de l'Autriche, se tourneroient du côté de la France, etc." Il est possible que les évènemens eussent trompé tous ces calculs, mais du moins il est certain que le sang du second Larochejaquelein et du second Charette, que le sang de Suzannet et de plusieurs autres royalistes français n'a pas inutilement coulé pour les rois de l'Europe. Mais quand l'immolation de la victime sans tache a désarmé la colère du ciel, songe-t-on au sort de la victime ?

Il reste prouvé que dans aucuns pays, que dans aucuns temps, jamais sujets n'ont servi leurs rois comme les Vendéens ont servi le leur. Nous allons bientôt voir ce qu'ils ont souffert pour la cause qu'ils défendoient ; mais on perdroit une partie de l'admiration que l'on doit avoir pour les grandes choses qu'ils ont faires, si l'on ne s'arrêtoit un moment au détail de leurs moeurs et de leur caractère. Les foibles moyens avec lesquels ils ont commencé une lutte gigantesque, en rendent les résultats plus prodigieux.

VENDEENSLes Vendéens eurent pour premières armes quelques méchans fusils de chasse, des bâtons durcis au feu, des faulx, des broches et des fourches. Leurs cavaliers étoient montés sur des chevaux de labourage. Ils se servoient de bâts faute de selles, de cordes au lieu d'étriers. On voyait sur le champ de bataille, en face des troupes républicaines, des paysans en sabots, vêtus d'une casaque brune ou bleue rattachée par une ceinture de mouchoirs. Leur tête étoit couverte d'un bonnet ou d'un chapeau rond à grands bords. Ces bonnets et ces chapeaux étoient ornés de chapelets, de plumets blancs ou de cocardes de papier blanc. Lorsque les Vendéens avoient un sabre, ils l'attachoient à leur côté avec une ficelle : ils suspendoient à pareillement leurs fusils à leurs épaules, comme des chasseurs. Presque tous portoient une image de la croix, ou du sacré-coeur, attachée sur la poitrine. Si les sacrifices à l'honneur et à la fidélité, si l'extrême indigence et l'extrême courage pouvoient être ridicules, les Vendéens l'auroient été quelquefois. Ils remplaçoient leurs chétifs vêtemens pourris par les pluies, percés par les balles, avec tout ce que le hussard offroit à leur héroïque misère : on a vu de leurs officiers se battre entortillé dans une robe de juge ; un autre s'élancer et mourir au milieu du feu, n'ayant pour couvrir sa nudité qu'un morceau de serge. Un adjudant patriote ayant été conduit à M. de Larochejaquelein, alors généralissime, il trouva celui-ci dans une hute de branchages, vêtu d'un habit de paysan, le bras en écharpe, un bonnet de laine sur la tête.

La bravoure des Vendéens étoit reconnue même de leurs plus implacables ennemis. L'antiquité ne nous a point transmis de paroles plus belles que ces paroles si connues de Larochejaquelein : Si j'avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi. A la première affaire de Laval, le jeune guerrier poursuivant l'ennemi, se trouve seul en face d'un grenadier qui chargeoit son arme. Larochejaquelein étoit à cheval, mais blessé et portant le bras en écharpe : il fond sur le grenadier, le saisit au collet avec la seule main qu'il eut de libre. Le grenadier se débat, et cherche à percer de sa bayonnette le cheval et le cavalier. Des paysans surviennent et veulent tuer le grenadier. Larochejaquelein le sauve, et lui dit : "Va rejoindre tes chefs ; tu leur annonceras que tu as lutté avec le général de l'armée royale, qu'il ne porte point d'armes, qu'il n'a qu'une main de libre, et que tu n'as pu le blesser." C'est tout le soldat français.

Le général Turreau a peint Larochejaquelein dans une seule ligne : "J'ai ordonné au général Cordelier, écrit-il, de faire déterrer Larochejaquelein, et de tâcher d'acquérir des preuves de sa mort." Quel est donc cet étrange jeune homme dont il faut déterrer le cadavre pour tranquilliser une république qui comptoit dans ses camps un million de soldats victorieux ? Quel est donc ce héros de vingt-un ans qui causoit aux ennemis des rois la même frayeur qu'inspiroit aux Romains le vieil Annibal exilé, désarmé et trahi ?

BonchampBonchamp rappeloit toutes les vertus de Bayard ; même désintéressement, même humanité, même courage. C'étoit un de ces Français tels que les formoient nos anciennes moeurs, et tels qu'on n'en verra plus. Une foule de prisonniers républicains lui durent la vie ; il engagea le patrimoine de ses pères pour soutenir ses compagnons d'armes. Le représentant du peuple écrivoit à la Convention : "La perte de Bonchamp vaut une victoire pour nous ; car il est de tous les chefs des Vendéens, celui en qui ils avoient le plus confiance, qu'ils aimoient le mieux, et qu'ils suivoient le plus volontiers." ...

La religion sembloit dominer particulièrement dans le jeune Lescure ; il communioit tous les huit jours ; il avait porté long-temps un cilice dont on voyoit la marque sur sa chair. Cette armure n'étoit pas à l'épreuve de la balle ; mais elle étoit à l'épreuve des vices ; elle ne défendoit pas le coeur de Lescure contre l'épée, elle le mettoit à l'abri des passions. Plus de vingt mille prisonniers patriotes, sauvés par l'humanité du général vendéen, trouvèrent sans doute qu'un cilice étoit aussi bon dans les combats qu'un bonnet rouge.

Stofflet, brave soldat, chef intelligent, mourut en criant vive le Roi ! Il avoit du coeur et de cette vertu opiniâtre qui ne cède jamais à la fortune, mais qui ne la dompte jamais.

Charette commanda le feu du peloton qui lui arracha la vie : lui seul se trouva digne de donner le signal de sa mort. Jamais capitaine, depuis Mithridate, n'avoit montré plus de ressources et de génie militaire.

Mort_du_General_d'ElbeeLe fier d'Elbée, couvert de blessures, fut pris dans l'île de Noirmoutiers ; sa foiblesse l'empêcha de se lever. Ceux qui l'avoient vu si souvent debout sur le champ de bataille, le fusillèrent dans un fauteuil. On eût dit d'un monarque recevant sur son trône les hommages de la fidélité.

Le prince de Talmont, en allant à la mort, prouva qu'il étoit du sang de la Trémoille. "Fais ton métier, dit-il au bourreau, je fais mon devoir."

De tous ces chefs, les uns étoient nobles, les autres sortis des classes moins élevées de la société ; les talens marquoient les rangs. Le noble obéissoit au roturier, le roturier au noble, selon le mérite ; et tandis que la Convention décrétoit l'égalité et la liberté en créant le despotisme, l'égalité et la liberté ne se trouvoient qu'à l'armée royale et catholique de la Vendée. ...

POITEVINES

Les femmes rivalisoient d'héroïsme avec les hommes dans le grand dévouement de la Vendée. Comme les matrones de Sparte, elles gardoient leurs maisons les armes à la main, tandis que leurs maris se battoient ; mais, moins heureuses que les Lacédémoniennes, elles virent la fumée du camp ennemi, et ces ennemis étoient des Français ! On compte plusieurs tuées sur le champ de bataille ; d'autres y reçurent des blessures. A l'affaire de Dol, une simple  servante ramena la victoire en se mettant à la tête des Vendéens, et en criant : A moi les Poitevines ! Même magnanimité dans les prêtres qui suivoient les soldats du Dieu vivant. Le lendemain de la déroute de Savenay, un curé qui avoient perdu la vue, erroit dans la campagne avec un guide. Des hussards républicains le rencontrent. "Quel est le vieillard que tu mènes ?" disent-ils au guide. C'est un vieux paysan aveugle," répond celui-ci. Non, messieurs, reprend le véridique pasteur, je suis un prêtre."
La religion animoit également tous les coeurs : "Rends-moi les armes", crioit un soldat républicain à un paysan. "Et toi, rends-moi mon Dieu", répliqua le paysan. Lorsque les Vendéens étoient prêts à attaquer l'ennemi, ils s'agenouilloient et recevoient la bénédiction d'un prêtre. Ils ne couroient point à la mort comme les bêtes des bois, sans penser à celui qui nous a donné nos jours pour les sacrifier quand il le faut à l'honneur et à la patrie. La prière prononcée sous les armes n'étoit point réputée foiblesse ; car le Vendéen qui élevoit son épée vers le Ciel, demandoit la victoire, et non pas la vie.

Dans le cours de sept années, depuis 1793 jusqu'à 1799, on compte dans la Vendée et dans les provinces de l'Ouest, deux cents prises et reprises de villes, sept cents combats particuliers et dix-sept grandes batailles rangées. La Vendée tint à diverses époques soixante-dix et soixante-quinze mille hommes sous les armes ; elle combattit et dispersa à peu près trois cent mille hommes de troupes réglées, et six à sept cent mille réquisitionnaires et gardes nationaux ; elle s'empara de cinq cents pièces de canon et de plus de cent cinquante mille fusils. On a vu ce qu'elle fit, par ses combats et par ses traités, pour la cause du Roi légitime, et même pour celle de tous les souverains de l'Europe ; quand on aura examiné ce qu'elle a souffert pour cette même cause, on aura une idée complète de ses sacrifices et de ses vertus.


CE QUE LA VENDÉE A SOUFFERT POUR LA MONARCHIE

Les premiers martyrs vendéens furent les paysans pris à l'affaire de Bressuire le 24 août 1792. Ils refusèrent de crier vive la nation ! et on les fusilla pour s'être obstinés à crier vive le Roi ! Bientôt aux fléaux ordinaires de la guerre se joignent des espèces d'atrocités légales, telles que pouvoient les inventer une Convention et un Comité de salut public. Les troupes républicaines eurent l'ordre de ne faire aucun prisonnier, de tout dévaster, de tout égorger, de brûler les chaumières, d'abattre les arbres, de faire de la Vendée un vaste tombeau.

"Il sera envoyé à la Vendée par le ministre de la guerre, dit l'article 2 du décret de la Convention du 2 août 1793, des matières combustibles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts."
Article 7. "Les forêts seront abattues, les repaires des rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées, et les bestiaux seront saisis. Les biens des rebelles seront déclarés appartenir à la république."
Autre décret ainsi conçu : "Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin d'octobre. Le salut de la patrie l'exige, l'impatience du peuple français le commande, son courage doit l'accomplir."
Autre décret qui ordonne que toutes les villes qui se rendront aux Vendéens seroient rasées.

Les représentans du peuple, par un arrêté du 21 décembre, avoient organisé une compagnie d'incendiaires. On forma les fameuses colonnes infernales. Au moment où elles se mirent en marche, un général leur fit cette harangue :
"Mes camarades, nous entrons dans le pays insurgé ; je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d'être brûlé, et de passer au fil de la baïonnette tout ce que vous rencontrerez d'habitans sur votre passage."
Il faut remarquer qu'avant cet ordre presque toutes les villes de la Vendée avoient été brûlées, et qu'il ne restoit plus à incendier que les hameaux et les chaumières isolées.

"En cinq jours, dit un nouvel historien, toutes la Vendée fut couverte de débris et de cendres. Soixante mille hommes, le fer et la flamme à la main, la traversèrent dans tous ses contours, sans y laisser rien debout, rien de vivant. Toutes les atrocités précédemment commises n'avoient été qu'un jeu en comparaison de ces nouvelles horreurs. Ces armées vraiment infernales massacrèrent à peu près le quart du reste de la population."

Des républicains témoins oculaires décrivent ainsi la marche des colonnes infernales :

tueurs"On partit de la Floutière après avoir incendié le bourg. Le général m'ordonna de le suivre et de ne pas m'éloigner de lui : dans la route, on pilloit, on incendioit ; depuis la Floutière jusqu'aux Herbiers, dans l'espace d'une lieue, on suivoit la colonne autant à la trace des cadavres qu'elle avoit faite, qu'à la lueur des feux qu'elle avoit allumés : dans une seule maison on tua deux vieillards, mari et femme, dont le plus jeune avoit au moins quatre-vingt ans ... Les hussards surtout étoient les plus acharnés : ce sont des désorganisateurs qui ne savent que piller, massacrer et couper en morceaux ... La colonne de .... a brûlé des blés, des fourrages, massacré des bestiaux ...
A peine les députés furent-ils de retour, que la colonne de Pouzauge, sous les ordres du général, se porta dans la commune de Bonpère, l'incendia en grande partie, massacra indistinctement les hommes et les femmes qui se trouvèrent devant elle, fit érir par les flammes plus de trois mille boisseaux de blé, au moins huit cent milliers de foin, et plus de trois mille livres de laine ...
Le 12, la scène augmenta d'horreur. Le général part avec sa colonne, incendie tous les villages, toutes les métairies depuis la Floutière jusqu'aux Herbiers : dans une distance de près de trois lieues, où rien n'est épargné, les hommes, les femmes, les enfans même à la mamelle, les femmes enceintes, tout périt par les mains de sa colonne. Enfin de malheureux patriotes, leurs certificats de civisme à la main, demandent la vie à ces forcenés, ils ne sont pas écoutés : on les égorge. Pour achever de peindre les forfaits de ce jour, les foins ont été brûlés dans les granges, les grains dans les greniers, les bestiaux dans les étables ; et quand de malheureux cultivateurs connus de nous par leur civisme, ont le malheur d'être trouvés à délier leurs boeufs, il n'en a pas fallu davantage pour les fusiller ; on a même tiré et frappé à coups de sabre des bestiaux s'échappoient.
Si la population qui reste dans la Vendée n'étoit que de trente à quarante mille âmes (dit un représentant du peuple), le plus court sans doute seroit de tout égorger, ainsi que je le croyois d'abord ; mais cette population est immense : elle s'élève encore à quatre cent mille hommes, et cela dans un pays où les ravins et les vallons, les montagnes et les bois diminuent nos moyens d'attaque, en même temps qu'ils multiplient les moyens de défense des habitans.
S'il n'y avoit nul espoir de succès par un autre mode, sans doute encore qu'il faudroit tout égorger, y eût-il cinq cent mille hommes."
Il ajoute ensuite : "Il ne faut point faire de prisonniers ; dès que l'on trouve des hommes ou les armes à la main, ou en attroupement de guerre, quoique sans armes, il faut les fusiller sans déplacer.
Il faut mettre à prix la tête des étrangers, pourvu qu'on les amène vivans, afin de n'être pas trompés, et qu'on n'apporte point la tête des patriotes.
Il faut mettre les ci-devant nobles et les ci-devant prêtres surtout à un prix, avec promesse d'indulgence, d'ailleurs, pour ceux des insurgés qui les livreront.
Il faut mettre la personne des chefs à un prix très-considérable, qui sera payé en entier, si on les amène réellement, et à moitié seulement, si on ne fait qu'indiquer le lieu où les prendre, pourvu que le succès suive l'indication."

Remarquez que ce représentant du peuple, qui est révolté des horreurs commises dans la Vendée, étoit accusé lui-même d'avoir tué de sa propre main, dans les prisons, des prisonniers vendéens, d'en avoir fait fusiller cinq cents autres, d'avoir fait manger le bourreau à sa table, et d'avoir forcé des enfans à tremper leurs pieds dans le sang de leurs pères.
Les vieillards, les femmes et les enfans qui suivirent l'armée vendéenne au-delà de la Loire, périrent en grande partie après la défaite du Mans. Les femmes, après avoir essuyé les derniers outrages, furent égorgées : on exposa dans les rues leurs cadavres nus, unis aux cadavres des Vendéens massacrés ; et ces embrassemens de la mort furent le sujet d'une plaisanterie républicaine.

Capture plein écran 15022012 105303Dans une dénonciation juridique on trouve qu'un général "avoit voulu contraindre une servante à aller lui chercher une salade dans un jardin où étoit le cadavre détruit par son ordre, en lui disant ... Si tu n'y vas pas, je t'attacherai les mains, je te violerai sur le cadavre, et te ferai fusiller après."
Une pauvre fille, appelée Marianne Rustand, de la commune du petit bourg des Herbiers, déclara que lorsque les volontaires de la division de .... arrivèrent chez elle, elle alla au-devant d'eux pour leur faire voir un certificat qu'elle avoit du général Bard : ceux-ci lui répondirent qu'ils en vouloient à sa bourse et à sa vie ; ils lui volèrent 49 liv. et l'obligèrent, en la menaçant, de rentrer chez elle pour lui montrer l'endroit où elle pourroit avoir d'autre argent caché. "Dès qu'elle fut entrée, dit le rapport, quatre d'entr'eux la prirent et la tinrent, tandis que les autres assouvirent leur brutale passion pour elle, et la laissèrent presque nue ; après quoi ils furent mettre le feu dans les granges ; ce que voyant la déclarante, elle rassemblé toutes ses forces pour aller faire échapper les bestiaux ; ce que trois d'eux voyant, ils coururent après elle pour la faire brûler avec ses boeufs ; et étant enfin parvenue à s'en échapper, elle se rendit auprès de sa mère, âgée d'environ soixante-dix ans, lui trouvant un bras et la tête coupée, après lui avoir pris environ 900 l. seul produit de ses gages et de leur travail. Enfin elle fut obligée de l'enterrer elle-même. Après quoi elle se couvrit des hardes qu'on avoit laissées sur sa mère, et parvint enfin à se rendre chez le citoyen Graffard des Herbiers, où elle fut en sûreté, et a déclaré ne savoir signer."

Nantes seul engloutit quarante mille victimes. Julien mandoit à Robespierre qu'une foule innombrable de soldats royaux avoient été fusillés à la porte de la ville, et que cette masse de cadavres entassés, jointe aux exhalaisons de la Loire, toute souillée de sang, avoit corrompu l'air.

Un autre représentant écrivoit : "Les délits ne sont pas bornés au pillage dans la Vendée : le viol et la barbarie la plus outrée sont dans tous les coins ; on a vu des militaires républicains violer des femmes rebelles sur des pierres amoncelées le long des grandes routes, et les fusiller ou les poignarder en sortant de leurs bras ; on en a vu d'autres porter des enfans au bout de la baïonnette ou de la pique qui avoient percé du même coup et la mère et l'enfant."

Philippeaux attribue la disette qui affligeoit la France en 93 aux horreurs gratuites dont la Vendée étoit le théâtre, à l'incendie des subsistances et des chaumières, à la destruction des animaux et de toutes les ressources agricoles dans un pays qui fournissoit quatre cent boeufs par semaine au chef-lieu de la république.

Les prisonniers que par hasard on ne massacroit pas sur le champ de bataille, les vieillards, les femmes et les enfans étoient conduits en différens lieux, et principalement à Nantes. Là on les égorgeoit, on les guillotinoit. M. de Castelbajac a rapporté dans un article sur la Convention l'histoire déplorable de ces enfans vendéens des deux sexes qui se réfugioient entre les jambes des soldats chargés de les fusiller. Le philosophe Carrier inventa principalement pour les Vendéens les mariages républicains et le bateau à soupape. On sait que le comité de salut public avoit fort encouragé le patriote qui proposoit la construction d'une guillotine à cinquante couteaux pour faire tomber à la fois cinquante têtes.

Le chirurgien Geainou écrit à Robespierre :
"Il faut te dire que des soldats indisciplinés (les ordres de tuer tout ce qui se présentoit étoient légaux) se sont portés dans les hôpitaux de Fougères, y ont égorgé les blessés des brigands dans leurs lits. Plusieurs femmes des brigands y étoient malades. Ils ..... et les ont égorgées après."

Six cents détenus furent enfermés à Doué dans une prison qui ne recevoit l'air que par un soupirail ; les prisonniers y périssoient étouffés, en poussant de sourds mugissemens. On n'enlevoit ni les ordures des moribonds, ni les cadavres des morts. Le règne de la Raison et de la Fraternité renouveloit le supplice de Mézence dans les cachots de la Vendée. Enfin la présence d'un soldat républicain finit par produite l'effet de la présence d'une bête féroce : les chiens des paysans, instruits par leurs maîtres, se taisoient quand ils voyoient passer un proscrit, et poussoient, à l'approche d'un bleu, d'affreux hurlemens.

Le massacre des enfans et surtout des femmes est un trait caractéristique de la révolution. Vous ne trouverez rien de semblable dans les proscriptions de l'antiquité. On n'a vu dans le monde entier qu'une révolution philosophique, et c'est la nôtre. Comment se fait-il qu'elle ait été souillée par des crimes jusqu'alors inconnus à l'espèce humaine ? Voilà des faits devant lesquels il est impossible de reculer. Expliquez, commentez, déclamez, la chose reste. Nous le répétons : Le meurtre général des femmes, soit par des exécutions militaires, soit par des condamnations prétendues juridiques, n'a d'exemple que dans ce siècle d'humanité et de lumières. Au reste, quand on nie la religion, on rejette le principe de l'ordre moral de l'univers ; alors il est tout simple qu'on méconnoisse et qu'on outrage la nature.

Plus de six cent mille royalistes ont péri dans les guerres de la Vendée. Presque tous les chefs trouvèrent la mort sur le champ de bataille ou dans les supplices. On évalue à 150 millions la perte causée par l'incendie des moissons, des bois, des grains, des bestiaux. On porte à onze cent mille le nombre des boeufs brûlés ou égorgés. Cinq cents lieues planimétriques furent ravagées et converties en désert.

Nous traversâmes la Vendée en 1803. Sa population n'étoit pas encore rétablie. Des ossemens blanchis par le temps et des ruines noircies par les flammes, frappoient çà et là les regards dans des champs abandonnés. Un demi-siècle d'une administration paternelle ne feroit pas disparoître de ce sol les touchans et nobles témoins de sa fidélité. La plupart des villes et des villages, Argenton, Bressuire, Châtillon, Chollet, Montaigu, Tiffauges, etc. sont à peine rebâtis à moitié.

Ministres du Roi légitime, qu'avez-vous fait pour ce pays ? Avez-vous pansé les plaies du Vendéen ? Avez-vous couvert sa nudité, relevé ses cabanes, soulagé son infortune ? Quelle mesure avez-vous prise pour la restauration de cette province fidèle ? quelle ordonnance est venue la consoler ? quelle loi reconnoissante a voué à l'admiration de la postérité tant de nobles sacrifices ? Loin d'accueillir le Vendéen, ne l'auriez-vous pas repoussé ? ne vous auroit-il pas paru suspect ? n'auriez-vous point cherché des conspirations dans le sanctuaire de la fidélité ? n'auriez-vous point préféré aux habitans du Marais et du Bocage les hommes qui les ont égorgés, ou les hommes dont les principes menacent de nous ramener les mêmes crimes et les mêmes malheurs ? Tel qui porta le fer et la flamme dans le sein de la Vendée ne jouit-il pas d'une pension considérable, tandis que tel Vendéen meurt de faim et de misère ? Ministres du Roi légitime, qu'avez-vous fait pour la Vendée ? Voyons vos actes. Si vous vous étiez rendus coupables de la plus cruelle des ingratitudes envers un pays dont le dévouement marquera dans les annales du Monde, sachez que vous auriez porté un coup mortel à cette monarchie que vous prétendez sauver.

CE QUE LES MINISTRES DU ROI ONT FAIT POUR LA VENDÉE

Rome reconnoissoit que la puissance lui venoit de sa piété envers les dieux. La liberté romaine ayant ainsi au fond de ses lois une force sacrée, ne fut point emportée subitement de la terre ; elle lutta long-temps dans une cruelle agonie, contre la servitude des Césars.

La France, encore plus sainte et plus antique que Rome, s'est pareillement défendue dans la Vendée ; sa résistance offre encore un plus grand caractère.

Lorsque Pompée combattit à Pharsale, Brutus aux champs de Philippes, Caton à Utique, une partie du gouvernement étoit avec ces puissans citoyens ; ils étoient eux-même les rois de Rome ; ils appartenoient à ce sénat qui partageoit la souveraineté avec le peuple : des provinces considérables de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie reconnoissoient leur autorité ?

Mais qu'étoit-ce que la Vendée ? Une petite contrée obscure, sans armes, sans richesses. Quels furent ses premiers chefs ? Des hommes jusqu'alors ignorés, quelques pauvres gentilshommes, un voiturier, un garde-chasse. Aucun pouvoir politique légal n'ajoutoit de poids aux efforts de ces défenseurs des anciennes institutions. La Vendée n'avoit jamais vu les Rois pour lesquels elle versoit son sang : l'un étoit mort sur l'échafaud, l'autre dans les fers, le troisième erroit exilé sur la terre. Que la Vendée dans cette position, abandonnée à ses seules ressources, ait été au moment de triompher d'une république dont les armes menaçoient le Monde, n'est-ce pas un magnifique éloge de nos vieilles lois ? Quel principe de vie devoit exister dans les entrailles de ce gouvernement pour produire une résistance aussi prodigieuse ! Quand nous verrons les politiques du jour souffrir pour leurs doctrines ce que les Vendéens ont souffert pour leurs principes, alors nous dirons que ces doctrines sont fortes. Mais si les partisans de ces doctrines ont été depuis trente ans du côté des oppresseurs, et jamais parmi les opprimés ; si, au lieu d'élever contre la tyrannie une Vendée républicaine, ils ont porté tour à tour le bonnet de Robespierre et la livrée de Buonaparte, alors nous dirons que leurs doctrines sont foibles, qu'elles ne pourront fonder que des sociétés périssables comme elles.

Le tableau des faits d'armes et celui des souffrances des Vendéens sont sous les yeux des lecteurs ; ils cherchent sans doute à présent le troisième tableau ; ils espèrent lire en lettres d'or le catalogue des récompenses, après avoir lu en caractères de sang le dénombrement des services ; ils savent que la France n'a jamais oublié ce qu'on a fait pour elle.
Le trésor de nos Chartes est rempli de grâces, des honneurs, des immunités accordées aux villes et aux provinces qui se sont dévouées à la cause de nos Rois. Par une ordonnance du mois de septembre 1347, "le Roi (Philippe de Valois) donne aux habitans de Calais toutes les forfaitures, biens, meubles et héritages qui échoiront au Roi pour quelque cause que ce soit, comme aussi tous les offices, quels qu'ils soient, vacans, dont il appartient au Roi ou à ses enfans d'en pourvoir, pour la fidélité qu'ils ont gardée au Roi, et jusqu'à ce qu'ils soient tous, et un chacun, récompensés des pertes qu'ils ont faites à la prise de leur ville."

A-t-on donné aux Vendéens des meubles et des héritages ? Ont-ils reçu des offices, quels qu'ils soient, vacans, pour la fidélité qu'ils ont gardée au Roi, jusqu'à ce qu'ils soient tous, et un chacun, récompensés ? Le Vendéen n'a point été dégrevé d'impôts. Les ministres chassent les royalistes de toutes les places ; ils ne reconnoissent que la nation nouvelle. Mais si la politique a ses lois nouvelles, la religion et la justice ont leurs antiques droits ; et quand ceux-ci sont violés, tous les sophistes de la terre n'empêcheroient pas une société de se dissoudre.

Louis XVIIILe souverain d'une monarchie constitutionnelle ne se découvre pas dans tous les actes du gouvernement : il sait, selon sa sagesse, quand il doit survenir, ou quand il doit laisser paroître ses ministres. Lorsqu'il s'est agi du sort de la Vendée, Louis XVIII a pensé qu'il ne devoit pas se retirer dans sa puissance ; il a voulu montrer sa main au peuple généreux qui s'étoit donné pour lui en spectacle aux hommes. Ce que le Roi a fait pour les royalistes de l'Ouest est admirable : non content de prodiguer à ces victimes les marques particulières de sa bienfaisance, il a exigé que ses ministres secondassent ses vues paternelles, que des actes du gouvernement assurassent à des sujets dévoués des secours mérités, une existence honorable : nous allons voir comment ses ordres ont été exécutés.

En 1814, on fit un travail relatif aux veuves et aux blessés Vendéens ; dans ce travail on oublia une partie des malheureux qui avoient des droits à la munificence royale. On s'occupa encore moins de retirer quelques bons, de payer quelques dettes contractées au nom du Roi, pour la subsistance des armées royales, après que les chefs et les soldats eurent épuisé leurs dernières ressources. Les bons étoient à peu près semblables à ceux que la Convention avoit consenti à payer.

Buonaparte reparut. La Vendée, oubliée des ministres, n'hésita pas à prendre les armes : l'honneur compte les périls et non les récompenses.
Pendant les négociations qui eurent lieu à Paris avec les puissances alliées, on fit valoir l'existence des armées vendéennes et bretonnes comme contingent du gouvernement royal. Il étoit juste alors de s'occuper de ces armées. Le Roi le voulut : il ordonna à son ministre de la guerre de lui présenter un plan ; il approuva le 27 mars 1816 une proposition tendante à accorder aux officiers et soldats des paroisses, une gratification qui leur tiendroit lieu de solde pour 1815. Le 1er avril 1816, des comités furent nommés dans chaque corps des armées royales de l'Ouest, afin d'en dresser les contrôles ; ces contrôles furent remis au ministre de la guerre, où ils sont restés ensevelis.

Le travail incomplet, sur les blessés et les veuves, fait en 1814, n'a produit de résultat qu'en 1816 ; une ordonnance du 2 mars accorda des pensions à des officiers et soldats blessés dans les guerres antérieures à 1815. Quelques officiers ont eu 80, 90, 150 et jusqu'à 180 francs de pension ; les soldats ont eu 30, 40, 50, 80 et 90 francs. A la même époque on donna à d'autres royalistes blessés moins grièvement, une gratification une fois payée. Ces gratifications ont été de 40, 50, 60, 80, 90 et 100 fr. Les veuves des Vendéens morts au champ d'honneur ont obtenu d'après une ordonnance du 10 novembre 1815, des pensions de 50, 40 et 30 fr., ce qui fait pour les veuves de la troisième classe 2 fr.50 par mois. Le comité qui avoit été chargé de dresser le contrôle du 4e corps, lequel comité étoit composé d'un colonel, d'un conseiller de préfecture et d'un commissaire des guerres, trouva en parcourant les communes, une si grande quantité de veuves et de blessés oubliés sur le travail de 1814, qu'il crut devoir faire des propositions : il fournit une liste, courte à la vérité, car on auroit été épouvanté de trouver tant d'hommes fidèles.
Voici cette liste :
Cinq cent soixante-sept blessés dans les guerres qui ont eu lieu depuis 1793, jusques et y compris celle de 1815.
Soixante-douze veuves dans les guerres antérieures.
Seize veuves dans la guerre de 1815.
Six femmes grièvement blessées dans les anciennes guerres, et si pauvres, qu'elles sont à la charge de leurs paroisses.

Ce nouveau travail fut encore remis au ministère de la guerre où on ne trouva pas le temps de s'en occuper, et d'où on l'a retiré pour ne pas le perdre.

Toutefois, quelques blessés et les veuves des royalistes de 1815, ont obtenu de foibles secours, parce qu'une ordonnance à laquelle on a bien voulu obtempérer, assimiloit heureusement les veuves et les blessés vendéens de 1815, aux veuves et aux blessés de la ligne, c'est-à-dire des troupes qui avoient combattu à Waterloo et dans l'Ouest, contre MM. Larochejaquelein, Sapinaud, Suzannet et Canuel.

Le Roi qui n'oublie aucun service, et qui répare les injustices aussitôt qu'il les connoît, voulut enfin que son ministère cessât de récompenser des sacrifices réels par des récompenses dérisoires. Il ordonna, au mois de février 1817, la répartition de 250,000 fr. de rente, entre les officiers et soldats des armées de l'Ouest. Il plut également à S.M. d'ordonner que des épées, des sabres, des fusils d'honneur et des lettres de remercîmens soient distribués en son nom ; récompenses dignes des Bretons et des Vendéens.

La part de la Vendée, sur les 250,000 fr., fut de 115,000 fr., donnés sans beaucoup de discernement, à quatre corps d'armées entre lesquels il ne pouvoit exister d'autre différences que celle du nombre d'hommes.

répartition

Cette répartition ainsi arrêtée, on nomma de nouveaux comités qui devoient se transporter dans les chefs-lieux pour distribuer ou plutôt pour promettre à chaque corps les épées, les sabres, les fusils, les lettres de remercîmens, et pour assigner les pensions que les 115,000 fr. devoient produire. Ces pensions étoient de 300, 200, 100 et 50 fr. par an. Les divers comités ayant terminé leur travail, le portèrent aux bureaux de la guerre ;
Voici ce qui en est résulté :
Les armes d'honneur ont été fabriquées, remises au ministère de la guerre, et définitivement déposées à Vincennes. A-t-on craint d'augmenter les armes des royalistes par quelques centaines d'épées, de sabres et de fusils de parade, ou plutôt a-t-on voulu priver la Vendée d'une marque de la satisfaction du Roi ? Il faut convenir que la Vendée méritoit bien une épée ; il est triste pour la France, que des étrangers se soient chargés d'acquitter sa dette. Etoit-ce le Roi de Prusse qui, au nom de l'armée prussienne, devoit remettre une épée au jeune héritier des Larochejaquelein ?
.. Les lettres de remercîmens ont éprouvé le même sort que les armes d'honneur ; elles n'ont point été expédiées. Peut-être les ministres n'ont-ils su quel langage ils devoient parler. Dans ce cas, ils auroient pu prendre pour modèle la lettre que le Roi écrivit jadis à Charette ; ils y auroient appris ce qu'ils ignorent, la convenance et la dignité ; ils auroient trouvé dans cette admirable lettre, pureté de style, noblesse de sentiment, élévation d'âme, enfin une sorte d'éloquence royale, qui semble emprunter sa majesté des adversités de Henri IV, et de la grandeur de Louis XIV.

Quant aux pensions, M. le ministre de la guerre ne sachant sur quels fonds les imputer, porta la somme des 250,000 fr. dans son budget de 1818, et elle lui fut allouée. Les Vendéens avoient cru, et on leur avoit annoncé qu'ils auroient sur la somme votée des pensions royales ; cependant on ne leur délivra ni lettres, ni brevets, et on leur fit entendre, lors du premier paiement, que ce paiement étoit un secours, et non une pension. Le ministre a reproduit la même somme de 250,000 fr. dans son budget de 1819, à titre de secours aux Vendéens. Ainsi, les pensions, devenues des secours, pourront cesser d'être des secours aussitôt qu'il plaira à un ministre de la guerre de ne plus insérer la somme dans son budget, ou aux Chambres de ne plus l'accorder.

Voilà comment les bontés du Roi pour sa fidèle Vendée ont été sans cesse contrariées par l'esprit ministériel. Après la seconde restauration, quelques chefs royalistes se trouvant à Paris, et voyant qu'on payoit aux officiers de Waterloo l'indemnité d'entrée en campagne, leur traitement, pertes, etc. crurent les circonstances favorables pour réclamer modestement l'égalité des droits. On refusa d'écouter leur demande, sous prétexte qu'ils avoient fait la guerre sans mission. Ceux qui avoient reçu mission de Buonaparte pour fermer au Roi l'entrée de son royaume furent payés, et ceux qui se battirent sans mission pour rouvrir à leur Souverain légitime les portes de la France, ne reçurent pas même de remercîment.

Arrêtons-nous à quelques exemples. ... M. Dupérat, volontaire et aide-de-camp de M. de Lescure dès 1793, fit les premières guerres de la Vendée. Après la défaite des royalistes au Mans, et leur déroute à Savenay, il se jeta dans les bois, et travailla à l'organisation de l'armée bretonne. Revenu dans la Vendée, il commanda en 1795 l'infanterie de Charette, se trouva à tous les combats, et reçut plusieurs blessures. Charette ayant succombé, M. Dupérat fut proscrit. Arrêté à Nantes en 1804, il fut d'abord mis au Temple, ensuite enfermé à Vincennes, d'où il ne sortit que pour être envoyé, chargé de chaînes, au château de Saumur. Il seroit mort dans les fers si la restauration n'étoit venue délivrer la France. Dix ans de guerre, autant de blessures, onze ans de cachot, la perte entière de sa fortune, ne lui avoient encore valu aucune récompense, lorsque le 20 mars arriva. Il courut aux armes, et succéda au comte Auguste de Larochejaquelein dans le commandement du 4e corps de l'armée royale.
La campagne de 1815 étant terminée, M. Dupérat fut appelé à jouir du traitement et ensuite de la demi-solde de lieutenant-général ; mais il plut à la commission de ne le reconnoître que comme maréchal-de-camp. Depuis, il a été privé de tout traitement et rayé du contrôle des officiers-généraux. Lorsqu'on a fait des réclamations, les bureaux de la guerre ont répondu : que le brevet du général Dupérat étoit honorifique. M. Dupérat vit sans secours dans les bois où il combattit si long-temps pour la cause royale, comme s'il étoit encore obligé de se cacher du Directoire ou de la Convention.
La noble veuve de Lescure, qui est aussi la veuve de Larochejaquelein, cette veuve de deux officiers-généraux morts si glorieusement pour la défense du trône, n'a pas de pension.
Et la soeur de  Robespierre touchoit en 1814, sous la première restauration, une pension qu'elle touche peut-être encore : il y a des temps où les crimes d'un frère sont plus profitables que les vertus d'un mari.
Me de Beauregard, soeur de Henri et de Louis Larochejaquelein, veuve de M. de Beauregard, officier supérieur tué auprès de Louis de Larochejaquelein dans la Vendée pendant les cent-jours, a été gratifiée d'une pension de quatre cents francs.
Et Buonaparte avoit offert à la veuve de M. de Bonchamp, le fameux général vendéen, une pension de douze mille francs ; et il avoit donné une compagnie de cavalerie au jeune Charette de la Colinière, neveu du général Charette.

Nous avons parlé plus haut de ces autres veuves vendéennes qui touchent cinquante sous par moi. Dans les temps d'abondance, cela fait à peu près une demi-livre de pain par jour, pour des femmes dont on a massacré les maris, égorgés les bestiaux, brûlé les chaumières, et qui sont peut-être assez malheureuses aujourd'hui dans leur détresse, pour avoir dérobé quelques uns de leurs enfans aux colonnes infernales.

Et ceux qui ont conduit ces colonnes, et ceux qui ont été dénoncés à la Convention même pour leur cruauté, jouissent de pensions considérables. Nous ne les nommerons pas : on peut les chercher sur la liste des pensionnaires de l'Etat.

Et une foule de paysans bretons et vendéens mutilés meurent de faim auprès des hôpitaux militaires, qui ne leur sont pas même ouverts.

Et l'on a payé, placé, récompensé tous les hommes des cent-jours ; et l'on a soldé l'arriéré des fournitures des armées de Buonaparte, c'est-à-dire que le trésor royal a payé jusqu'aux balles qui pouvoient frapper le coeur de Mgr le duc d'Angoulême.

Enfin, le bruit s'étoit répandu, il y a quelques mois, que les frais du procès et de l'exécution de Georges Cadoudal n'avoient pas été entièrement acquittés, et il s'agissoit, au terme des lois, d'en demander le montant à la famille du condamné.

Il y a des régicides qui touchent 24,000 fr. de pension. Seroit-ce aussi pour payer à la légitimité les frais du procès de Louis XVI ?

Tant de faits étranges s'expliquent pourtant : les ministres ayant embrassé le système des intérêts moraux révolutionnaires, ont dû sentir pour les habitans des provinces de l'Ouest une grande aversion. La politique philosophique, le jeu de bascule, la nation nouvelle, le gouvernement de fait, la supériorité de la trahison sur la loyauté, de l'intérêt sur le devoir, des prétendus talens sur le mérite réel, toutes ces grandes choses sont en effet peu comprises par des hommes qui s'en tiennent encore au vieux trône et à la vieille croix. De là il est advenu que depuis la restauration, le système ministériel qui s'efforçoit de rien voir dans les affaires de Lyon et de Grenoble, a voulu trouver quelque chose dans les dispositions de la Vendée. Puisque la Vendée étoit en conspiration permanente contre la révolution, n'étoit-il pas évident, qu'elle conspiroit contre la légitimité ? Si les jacobins de Lyon avoient réussi, ils n'auroient chassé que la famille royale ; mais si on laissoit faire les Vendéens, ils ôteroient des grands et petits ministères les hommes incapables, et les ennemis des Bourbons. Il y a donc péril imminent.

SCAPULAIRE ET CHAPELET

Quoi ! la Vendée aura eu l'insolence de se battre trente ans pour le trône et l'autel, de ne pas reconnoître les progrès de l'esprit humain, de ne pas admirer les échafauds et les livres dressés et écrits par tant de grands hommes ! Vite, mettons en surveillance les vertus vendéennes : quiconque aime le Roi et croit en Dieu, est traître aux lumières du siècle.

On a donc cru devoir tenir les yeux ouverts sur la Vendée, placer un cordon de têtes pensantes autour de ce pays tout empesté de religion, de morale et de monarchie. Jadis les médecins révolutionnaires y avoient allumé de grands feux pour en chasser la contagion, et ils ne purent réussir. La Vendée, frustrée en partie des récompenses de la munificence royale, a eu la douleur de voir qu'on soupçonnait sa loyauté. Des espions ont parcouru ses campagnes ; on a cherché à l'aigrir, à la troubler ; on sembloit désirer qu'elle devint coupable, qu'elle fournît une conspiration pour justifier les calomnies, pour servir de contre-poids à la conspiration de Lyon et de Grenoble. L'ingratitude ministérielle a cru lasser la longanimité royaliste, et pour attaquer l'honneur vendéen dans la partie la plus sensible, on lui a demandé ses armes.

C'est surtout après l'ordonnance du 5 septembre lorsque le ministère se jetant dans le parti de la révolution, suspendit les surveillances, rendit la liberté à des coupables pour les envoyer voter aux collèges électoraux, fit voyager des commissaires, se permit d'exclure ouvertement des royalistes ; c'est, disons-nous, peu de temps après cette époque, que l'on commença à demander les armes aux habitans des provinces de l'Ouest. Des lettres ministérielles du 10 décembre 1816 enjoignirent aux préfets de suivre cette mesure ; l'injonction a été souvent renouvellée, et notamment au commencement du mois de mai de cette année.
Quelques unes des autorités qui ont requis la remise des armes vendéennes, occupèrent des places pendant les cent jours : c'étoit alors qu'elles auroient dû faire leur demande ; aujourd'hui il y a anachronisme.

arrêté des Deux-Sèvres 1

arrêté des Deux-Sèvres 2

A la suite de cet arrêté, se trouvent des extraits de la loi du 13 fructidor an V, et du décret du 23 pluviose an XIII ; le tout corroboré d'extraits d'ordonnances conformes à la dite loi et audit décret. Ces actes rappellent les peines encourues par les délinquants qui recéleroient poudres, armes de calibre, etc.
Mais quels sont les boulets, poudres, cartouches et autres munitions de guerre dont on a fait dans la Vendée la grande découverte ? L'arrêté a pris soin de vous le dire : ce sont les boulets, poudres et cartouches qui furent débarqués pour le service du Roi pendant les cent-jours dans la Vendée. Ces munitions de guerre dont l'entrée a coûté la vie à Larochejaquelein, Beauregard et Suzannet, rendent passibles de peines et de condamnation les Vendéens qui en seroient dépositaires !
Et par quelles lois les Vendéens seront-ils frappés ? Par la loi du 13 fructidor an V, et par le décret du 23 pluviose an XIII. Ainsi les autorités ministérielles de la légitimité font exécuter contre les Vendéens les lois du Directoire et de l'Empire.

Buonaparte avoit aussi réclamé ces mêmes munitions de guerre ; mais il s'en rapporta à la loyauté des signataires de l'acte de pacification pour les lui remettre. Il ne menaça point les Vendéens du décret du 13 fructidor. Toutefois il traitoit avec des ennemis, et les poudres n'avoient pas été fournies pour soutenir son autorité, mais pour la combattre.

L'article 2 de l'arrêté de M. le conseiller de préfecture ordonne la déclaration et la remise des armes de calibre ou d'artillerie. Nous ne savons pas si les Vendéens ont conservé des armes de calibre ou d'artillerie ; nous ne le croyons pas ; mais, dans tous les cas, ce sont donc les fusils et les canons qu'ils ont enlevés au prix de leur sang qu'on leur demande ? Mais quand on leur aura ravi ces glorieux trophées de la fidélité, on n'aura désarmé ni les Bretons, ni les Vendéens. Ne leur restera-t-il pas les bâtons avec lesquels ils ont pris ces canons qui vous inquiètent ? Voulez-vous aussi qu'on vous apporte ces bâtons suspects ? Mais tous les bois n'ont pas été brûlés dans la Vendée, et ces arsenaux ne fourniront-ils pas au paysan de nouvelles armes pour enlever les canons aux ennemis du Roi ? Vous n'avez pas voulu distribuer aux royalistes de l'Ouest les armes d'honneur que la magnanimité du Roi leur destinoit, ne peuvent-ils du moins garder celles qu'ils ont conquises pour le Roi sur le champ d'honneur ?

Vous réclamez les fusils des Cathelineau, des Stofflet, des Bonchamp, des Lescure ! Que ne demandez-vous aussi l'épée des Charette et des Larochejaquelein ? Ah ! la main qui porta cette épée ne put être désarmée par 400,000 soldats ; elle ne s'ouvrit pour céder le fer que lorsque la mort vint glacer le coeur qui guidoit cette main fidèle ! On avoit promis à cette épée la restauration de la monarchie ; on lui avoit juré de livrer à sa garde le jeune Roi Louis XVII et son auguste Soeur. Le traité fut conclu à la vue des ruines de la Vendée, à la lueur des flammes qui dévoroient ce dernier asile de la monarchie. Quand on vous aura remis les armes vendéennes, qu'en ferez-vous ? Elles ne sont point à votre usage : ce sont les armes de vieux Francs, trop pesantes à votre bras.

Si les royalistes de l'Ouest ont des armes, si on les leur demande de par le Roi, ils les abandonneront, puisqu'ils ne les ont prises que pour le Roi. Mais est-on bien sûr qu'on n'aura jamais besoin des Vendéens ? Le système ministériel n'a-t-il pas produit un premier mars, et ne peut-il pas en amener un second ? Qui nous défendra alors ? Seront-ce les hommes qui nous ont déjà trahis ? Chose remarquable : on veut désarmer les paysans de la Bretagne et de la Vendée, et l'on fait rendre les armes qu'on avoit prises aux paysans de l'Isère, dans un département qui s'étoit insurgé contre le souverain légitime.

La faction qui pousse les ministres, et dont ils seront la victime, a ses raisons pour presser le désarmement de la Vendée. A diverses époques on a tenté ce désarmement, et l'on n'a jamais pu y réussir. Le nom du Roi présente une chance : en employant cet auguste nom, on peut espérer que les paysans royalistes s'empresseront d'apporter les fusils qu'ils pourroient encore avoir. Mais dans ce pays il y a aussi des jacobins, et ceux-là ont très-certainement des armes, et ceux-là ne les rendront pas au nom du Roi. Alors s'il arrivoit jamais une catastrophe, non-seulement la population royaliste de l'Ouest deviendroit inutile dans le premier moment à la cause de la légitimité, mais encore elle seroit livrée sans armes à la population révolutionnaire armée. Voilà pourtant à quoi nous exposent ces mesures déplorables.

La Vendée, que la Convention laissa libre, qu'elle exempta de réquisitions et de conscriptions, la Vendée à qui elle permit de garder ses armes, et même la cocarde blanche, la Vendée dont elle paya les dettes, et dont elle promit de relever les chaumières : les Vendéens, que Buonaparte appeloit un peuple de géans, et au milieu desquels il vouloit bâtir une ville de son nom, les Vendéens que l'usurpateur traitoit avec estime, les Vendéens dont il reconnoissoit la loyauté, dont il plaçoit les enfans, et pensionnoit les veuves ; cette Vendée, ces Vendéens n'ont donc pu mériter par trente années de loyauté, de combats et de sacrifices, la bienveillance des ministres du Roi ?
Que si la loi des élections, en amenant une Chambre démocratique, produisoit, par une conséquence naturelle, des ministres semblables à cette Chambre ; que si ces ministres, ennemis de toute monarchie, et surtout de toute monarchie légitime, conspiroient contre le gouvernement établi, que pourroient-ils faire de mieux que de persécuter la Vendée ? Ils obtiendroient, par cette persécution, des résultats importans : ils feroient accuser le gouvernement d'ingratitude, d'absurdité et de folie ; ils le rendroient méprisable aux yeux de tous, odieux à son propre parti ; et quand la catastrophe arriveroit, ils auroient, ou désarmé les seuls hommes qui pourroient s'opposer à cette catastrophe, ou refroidi dans le coeur de ces hommes le sentiment de la fidélité. En administration l'incapacité orgueilleuse et passionnée, produit les mêmes effets que la trahison.

Heureusement il n'est donné à personne de détruire la haute vertu vendéenne ; elle a résisté au fer et au feu de l'effroyable Convention, et ce ne sont pas de tristes agens ministériels, d'obscurs traîtres des cent-jours, des espions, des commissaires de police qui achèveront de démolir des débris impérissables : les petits serpens qui se cachent à Rome dans les fondemens du Colisée, peuvent-ils ébranler ces grandes ruines ?

Quiconque a quelque goût de la vertu, aime à s'entretenir des hommes qui sont devenus illustres par de saintes adversités, et des devoirs accomplis. Leur mémoire, bénie de race en race, fait le contre-poids de l'abominable renommée d'une autre espèce d'hommes, lesquels vont aux âges futurs tout chargés de prospérités maudites et de crimes si énormes, que ces crimes en prennent un faux air de gloire. Nous devions à la patrie et à l'honneur de venger la Vendée des outrages ministériels, de parler des Vendéens avec le respect et l'admiration qu'ils inspirent. Les noms immortels des Charette, des Cathelineau, des Larochejaquelein, des Bonchamp, des Stofflet, des Lescure, des d'Elbée, des Suzannet et de tant d'autres, n'avoient pas besoin de nos éloges ; mais du moins nous les aurons marqués dans cet écrit, comme le sculpteur inconnu qui grava les noms des compagnons de Léonidas sur la colonne funèbre aux Thermopyles.

LE VICOMTE DE CHATEAUBRIAND.

Extrait de :
LE CONSERVATEUR
Le Roi, la Charte, et les Honnêtes Gens.
Volume 4
1819
publié par Le Normant

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