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La Maraîchine Normande
13 septembre 2013

LES VENDÉENS A AVRANCHES

LES VENDÉENS A AVRANCHES

Avranches

La ville n'étant plus, dès 1744, classée au nombre des villes de guerre, ses fortifications n'avaient pas été entretenues.
Dès le 19 mars 1793, les Administrateurs du District d'Avranches avaient connu le soulèvement de la Vendée.
Sachant que l'armée vendéenne marchait vers la Bretagne et la Normandie, chacune des victoires qu'elle remportait augmentait leurs alarmes.

A plusieurs reprises, ils avaient demandé aux Représentants du peuple en mission dans la Manche, Le Carpentier et Garnier de Saintes, au général Sépher, commandant le Département, aux Administrateurs du Département, au Comité de salut public, des troupes, de l'artillerie, des armes, des munitions, des subsistances et un général capable de mettre Avranches en état de défense.
"Les circonstances sont pressantes, écrivaient-ils ; les rebelles de la Vendée font des progrès effrayants ; ils s'avancent à grands pas vers notre département.
C'est nous qui en gardons la barrière ; mais sans armes et sans munitions, qu'aurons-nous à opposer à l'ennemi ?"

Des troupes avaient été promises et annoncées, mais à la dernière heure le représentant Le Carpentier les avait concentrées à Granville.
Le 12 novembre 1793, la garnison d'Avranches ne comprenait que 8 compagnies de contingent, sans discipline, sans expérience, quelques centaines de laboureurs armés de mauvais fusils et de bâtons, 40 à 50 gendarmes.
Aucune réparation n'avait été faite aux remparts et aux fortifications de la ville.
Le Comité de défense avait fait simplement barricader le pont du Pontaubault sur la Sélune, dont une arche avait été à moitié coupée, et construire des redoutes en gazon au Quesnoy, au Montjarry, au haut du grand chemin, à l'entrée de la ville, dans les champs du Séminaire.
On avait coupé les routes et fait des abattis d'arbres sur les chemins qui donnaient accès dans la Ville, à l'Est et au Midi.
Le pont sur la Sélune était défendu par un poste de 200 hommes et des gendarmes, commandés par le capitaine de gendarmerie Fontaine.
L'armée vendéenne, venant de Pontorson, arriva à Pontaubault vers dix heures.

Manche

Dès les premiers coups de canon, le poste lâcha pied, se retira sur Avranches et jeta le plus grand désordre parmi les troupes qui se trouvaient au Quesnoy et au Montjarry, à l'entrée de la ville.
L'adjudant Coffin, qui commandait à Avranches, fit savoir aux Administrateurs qu'il était temps d'abandonner la ville et il ordonna la retraite.

Avant de partir, les Administrateurs du District consignèrent sur le registre des délibérations la déclaration suivante :
"Du 22e du 2e mois de l'an II de la République, Une et Indivisible.
Le Conseil général assemblé en permanence ... ... Depuis que les brigands menacent notre territoire, nous n'avons cessé de réclamer, auprès de l'Administration du département, des représentants du peuple Garnier et Lindet, du général Sépher, les secours en hommes, armes et munitions, qui nous étaient nécessaires pour le mettre à l'abri de l'incursion des rebelles ...
Réduits à nos seuls moyens de défense, sans général, sans commissaire des guerres, sans armée, n'ayant pour appui qu'un rassemblement informe de gens de campagne mal armés, sans souliers, sans fusils ; de compagnies de volontaires mal disciplinés et à peine organisés, abandonnés de tous, nous ne quitterions point notre poste si notre mort pouvait être utile à nos concitoyens et les préserver du pillage et des cruautés de nos ennemis ...
Nous réclamons contre la calomnie le témoignage des vrais amis de la liberté, des républicains zélés qui ont suivi nos délibérations ...
Nous abandonnons nous-mêmes nos propriétés à la fureur des brigands et nous désirons qu'elles puissent suffire pour assouvir leur rage.
Signé : LE MARIÉ, président ; BOURHONNET, J.-J.-C. ALLAIN, LE MAISTRE, FREMOND, FRAIN, F. LE THIMONNIER, LOUICHE, NELET."

Vendéens 3Les Vendéens entrèrent à Avranches le 12 novembre, vers midi, poursuivant de si près les troupes républicaines qu'elles eurent à peine le temps de quitter la ville. Une partie de leur cavalerie, poursuivant les fuyards, les atteignit sur la route de Granville et fit plusieurs prisonniers, au nombre desquels le citoyen Burdelot, administrateur, ancien député à la Constituante.
La plupart des patriotes les plus ardents d'Avranches avaient pris la fuite ; quelques-uns de ceux qui étaient restés chez eux furent incarcérés.

Le général de Marigny délivra les royalistes et les suspects qui étaient incarcérés et qui demandèrent et obtinrent l'élargissement des patriotes.
En dehors des pillages ordinaires causés par une armée qui traînait à sa suite une multitude de femmes, d'enfants, de vieillards et de blessés, il n'y eût pas d'exécution ni de massacres. Seuls le garde-magasin des subsistances Mochon et un habitant de Tirepied, nommé La Piganière, furent fusillés à l'entrée des Vendéens dans la ville.
De la Rochejaquelein, Stofflet, d'Autichamps, Desessart, le chevalier de Beauvallier et Villeneuve quittèrent Avranches avec le gros de l'armée et marchèrent sur Granville, qui fit des prodiges de résistance, pendant un siège de 24 heures, les jeudi 14 et vendredi 15 novembre.
Les bagages, les non combattants étaient restés à Avranches, avec le surplus de l'armée, pour garder la retraite.

Après avoir essuyé des pertes considérables, les Vendéens rentrèrent à Avranches, d'où ils reprirent le chemin de Pontorson le 18 novembre, ne voulant pas attendre l'arrivée annoncée de l'armée du général Sépher.
Le 19 novembre, ils quittèrent Pontorson.
Entrés victorieux dans l'arrondissement le 10, ils le quittaient le 19, poursuivis par les généraux Westermann et Bouin de Marigny, qu'ils battaient à Dol et à Antrain, malgré les renforts amenés par Kléber et Rossignol.
Dans un rapport adressé au Département, Le Carpentier avait accusé les administrateurs du District d'Avranches de lâcheté ou de trahison. Jean-Bon-Saint-André et Laplanche les avaient dénoncés au Comité de salut public.

Voulant donner des preuves de leur civisme et désarmer les représentants qui les avaient accusé d'avoir pactisé avec les rebelles en leur livrant la ville sans résistance, le premier soin des Administrateurs, rentrés à Avranches, fut de donner l'ordre d'enlever de l'hôpital les malades et les blessés vendéens qui s'y trouvaient, et de les fusiller.
Le jeudi 21 novembre, 55 à 60 de ces malheureux furent arrachés de leurs lits, transportés dans le champ de Lansoudière, vis-à-vis l'établissement, et passés par les armes.
Le représentant Laplanche, arrivé à Avranches le même jour, ayant appris qu'il y avait dans la ville et les environs de nombreux traînards, ordonna de les rechercher, les saisir et les fusiller.
800 malheureux infirmes ou blessés furent passés par les armes sur le côteau de Changeons, dans Avranches ; trois bataillons réunis en ce lieu avaient reçu l'ordre de tirer jusqu'à ce que personne ne restât debout. (*)
Le 24 novembre, les Administrateurs du Département, Delalande et Robine, qui avaient présidé à la fusillade de Changeons, firent faire des perquisitions dans les maisons de la commune et emprisonner tous les suspects.
Les ponts sur la sélune avaient été soigneusement gardés, et en particulier celui du Pontaubault. Les malheureux qui avaient échappé aux perquisitions et voulurent le passer, furent jetés dans la rivière où ils se noyèrent.

De leur côté, les Administrateurs du District enjoignirent aux municipalités des communes d'envoyer des détachements de la force armée, accompagnés d'un officier municipal ou d'un Membre du Comité de surveillance, faire des perquisitions dans les maisons des villes et des bourgs, et dans les fermes, pour saisir et emprisonner tous les étrangers suspects.
Les citoyens, convaincus d'avoir recélé une personne sans passeport en règle, ou l'officier municipal qui ne se serait pas conformé à ces ordres, devaient eux-mêmes être arrêtés.

Pendant plusieurs jours, des battues furent organisées ; ce fut une véritable chasse à l'homme.

Beaucoup d'habitants des communes du District, suspectés d'incivisme, propriétaires, artisans, laboureurs, notamment à Poilley, Ducey, Sacey, St-Georges-de-Reintembault, La Lucerne, La Mouche, Saint-Quentin, Saint-Loup, Le Val-Saint-Père, Saint-James, Sainte Eugienne, Saint-Sénier, furent incarcérés et leurs biens séquestrés ; quelques-uns furent guillotinés. A Tirepied le nombre des prévenus était de 24, dont 9 femmes ; 4 furent guillotinés le 4 avril 1794.

Dans son rapport à la Convention, de décembre 1793, le représentant du peuple Lequinio avoua ces atrocités :
"Toutes ces horreurs, dit-il, ont aigri les esprits et grossi le nombre des mécontents, forcés de reconnaître souvent moins de vertus à nos troupes qu'aux brigands, dont plusieurs, il est vrai, ont commis des massacres, mais dont les chefs ont toujours eu la politique de prêcher les vertus et d'affecter souvent une sorte d'indulgence et de générosité envers nos prisonniers."

Malgré les ordres barbares qu'ils avaient donnés, les Administrateurs du District redoutaient les dénonciations faites par les représentants Le Carpentier, Jean-Bon-Saint-André et Laplanche.
Après la publication du rapport de Le Carpentier, ils passaient dans public et dans les sphères officielles, pour s'être conduits en lâches ou en traîtres devant l'ennemi.
Le représentant Jean-Bon-Saint-André écrivait de Dinan au Comité de salut public :
"Avranches s'est déshonorée en ouvrant ses portes à 200 de ces scélérats."
Le représentant Laplanche écrivait au même Comité :
"Encore quelques jours, citoyens collègues, et j'espère vous annoncer l'anéantissement de la nouvelle Vendée de la Manche et brûler, s'il est nécessaire, l'infame Avranches. Comptez sur mon énergie et mon courage révolutionnaire."

La Convention avait en effet décrété, le 1er novembre :
"Toute ville de la République qui recevra dans son sein les brigands, qui leur donnera des secours ou qui ne les aura pas repoussés avec tous les moyens dont elle est capable, sera punie comme une ville rebelle, et, en conséquence, elle sera rasée, et les biens des habitants seront confisqués au profit de la République."

Les Administrateurs invoquèrent pour leur défense le témoignage des officiers supérieurs, des commissaires du Département, des représentants Le Carpentier, Garnier, de Saintes, Lindet, Pocholle.
Ils préparèrent un mémoire justificatif pour le Comité de salut public et prièrent le représentant Le Carpentier, qui n'avait plus de motifs personnels pour les dénoncer, de l'appuyer.
Ils demandèrent l'appui des officiers municipaux d'Avranches, auxquels ils écrivirent :
"C'est à vous spécialement qu'il importe de venger vos concitoyens, de prouver à la Convention nationale qu'ils ne sont que malheureux, et que jamais ils n'ont été coupables de l'imputation qui leur est faite."
Ils voulurent aussi intéresser à la cause de la ville le Comité de surveillance et la Société populaire des sans-culottes.
Les sans-culottes étaient irrités contre le Conseil général de la commune qui, dans la même journée du 4 nivôse, n'avait pas voulu prendre en considération la demande qu'ils lui avaient faite de faire rentrer les billets de confiance de la commune et leur avoir refusé des fonds pour la fête de la Raison et des Martyrs de la liberté, dont ils avaient pris l'initiative et fait les préparatifs.
Les sans-culottes déclarèrent qu'ils ne prêteraient pas leur concours à des "fédéralistes et à des conspirateurs." Sans se préoccuper des dangers qu'ils pourraient faire courir à la ville, n'écoutant que leur ressentiment, ils dénoncèrent le Conseil général au citoyen Bouret, représentant du peuple, délégué par la Convention près l'armée de Cherbourg.

Le 2 nivôse an II (22 décembre 1793), le Conseil général, officiers municipaux et notables réunis, firent publier une proclamation faisant savoir que le mémoire justificatif des Administrateurs du District et celui du Conseil général de la commune prouveraient à la Convention que si les scélérats de la Vendée n'avaient pas été repoussés, c'est que l'on en avait pas eu les moyens.
Que le Conseil général se disposait à demander des secours et des indemnités, mais qu'il fallait que chaque citoyen rédigeât un procès-verbal des pertes subies, et le déposât au Greffe de la Municipalité.

Le 15 du même mois de nivôse, le Conseil général, pour apaiser la colère des sans-culottes, délégué deux membres, nommés par la Société, pour aller à Paris près le citoyen Chaumont, député à la Convention, défendre les intérêts de la ville et lui présenter le mémoire suivant :
"Citoyen Représentant,
Notre commune est sensiblement affligée d'apprendre qu'elle ait été dénoncée et représentée à la Convention nationale sous les traits les plus envenîmés.
Cette dénonciation est une pure calomnie.
Lorsque la Convention nationale aura sous les yeux les mémoires justificatifs et les pièces au soutien, nous sommes assurés qu'elle reconnaîtra notre innocence.
Nous avons la douleur d'être informés qu'il est question de faire rendre un décret déclarant que la commune d'Avranches a démérité de la Patrie, et que les maisons des habitants seront rasées.
Serait-il possible que la commune d'Avranches éprouvât de semblables malheurs sans être coupable ?
Pouvait-on empêcher 100.000 ou 130.000 hommes d'entrer à Avranches, dont, citoyen, tu connais le local, étant dépourvus de toutes armes, de munitions de guerre et autres, de toutes forces ?
Nous te demandons d'employer ton crédit pour que la Convention ne prononce pas sans avoir connaissance des faits ...
L'Administration et la Municipalité ont dressé des mémoires actuellement à l'impression, qui te seront adressés ainsi qu'à la Convention. Nous sommes persuadés que l'intérêt que tu prends à la Cité qui t'a vu naître, qui ose se flatter de mériter ton estime et ta protection, te portera à faire tout ce qui sera possible."

Les mémoires justificatifs parurent le 21 nivôse an II (12 janvier 1794), démontrant d'une manière indiscutable que la ville avait été dans l'impossibilité de se défendre. Les dénonciations de Le Carpentier, qui du reste avait reconnu son erreur, de Laplanche et de Jean-Bon-Saint-André n'eurent aucune suite fâcheuse pour la ville, mais le Conseil général de la commune fut cassé et renouvelé par le représentant Bouret.

Son arrivée à Avranches avait été annoncée pour le 24 nivôse. Le Conseil général lui avait fait préparer un logement convenable, et avait décidé de se porter à sa rencontre avec la garde nationale.

Ledit jour, 24 nivôse, après sa réception à Avranches, le représentant Bouret prit l'arrêté suivant :
"Au nom du Peuple Français, Liberté, Égalité, Unité et Indivisibilité de la République,
Nous, Représentant du peuple, envoyé par la Convention nationale à Cherbourg, département de la Manche,
Convaincu de la nécessité de renouveler les autorités constituées du District d'Avranches,
Considérant combien il importe au salut public et à la prospérité du département de la Manche de ne laisser subsister, dans les corps administratifs, judiciaires et de surveillance, établis dans chacun des Districts de cette partie de la République Française, que des citoyens dont le civisme, le zèle, le courage et la fermeté soient à l'abri de tout reproche ;
Considérant que le fédéralisme, manifesté dans le Calvados, avait étendu dans ces contrées ses perfides manoeuvres ;
Que ce système subversif du gouvernement républicain y avait des partisans et des défenseurs, et que les ennemis de la Patrie, vaincus et dispersés par la valeur des sans-culottes, pourraient encore méditer dans l'ombre de faire revivre leurs coupables projets ;
Qu'un des plus puissants moyens de déjouer leurs complots est dans la pureté, l'intégrité, le républicanisme et la vigilance de tous les fonctionnaires publics ;
Considérant enfin que les troubles causés par l'invasion des rebelles ont pu mettre quelque confusion dans le choix des autorités constituées de la commune d'Avranches ; qu'il s'en trouve qui occupent à la fois plusieurs places et fonctions incompatibles ;
Après avoir pris l'avis de la Société populaire des sans-culottes, du Comité de surveillance et de plusieurs bons citoyens de la commune d'Avranches, arrêtons ce qui suit :

ARTICLE 1er - Les citoyens Félix Ebrard, maire ; Millet, Frault, La Huppe, officiers municipaux ; Audran, Mardelé, Huet, Porée, Ozenne, Cordoen ; Beaumont, Firman, Le Court, notables, ne seront plus compris au nombre des membres de l'Administration municipale ; ils cesseront leurs fonctions aussitôt que leurs successeurs seront installés.
ARTICLE 2e - L'Administration sera composée des citoyens dont les noms suivent :
Isaac Haudrière, maire ; Guérin, Fleury, Hullin, Quesnel, Cahours, Lepeltier du Theil, Bécherel, médecin, Lethimonnier des Aulnais, officiers municipaux ; Porée, Lecourt, imprimeur, Dodeman, Desboulets, Le Barbé, Héon, Roquet, Morel, Salles, Breillot, Becquet, Launay, Foucher le jeune, Lantouce, Durand, Sevestre père, Barbe, Lefrançois, Majorel, notables.
ARTICLE 3e - Le présent arrêté sera envoyé au Directoire du District, à Avranches, pour faire procéder à l'installation de la nouvelle Municipalité, immédiatement après la réorganisation du Directoire, et suivant les formes indiquées par la loi.
Fait à Avranches, le 24 nivôse an II de la République."

Le 27 nivôse, les citoyens ci-dessus nommés furent installés et prêtèrent serment d'être fidèles à la Nation, à la loi, à la liberté, à l'égalité, à l'unité et à l'indivisibilité de la République, et de mourir à leur poste en les défendant.

Il fallut réparer les ruines et indemniser les habitants des dommages qui leur avaient été causés. Il fallait évaluer ces dommages et faire la répartition des indemnités que la Convention devait voter.
Le District chargea les citoyens Lemarié et Bourhonnet de faire cette évaluation pour la commune.
Le ministre Paré envoya dans le département les citoyens Joseph La Caze et Louis Albarède, pour procéder à un travail d'ensemble.
Le décret du 23 nivôse an II enleva leurs pouvoirs.

Une Commission nommée par le District, en exécution de loi du 28 floréal, et composée des citoyens : Pérée, pour Granville ; Burdelot et Pinot-Cocherie, les remplaça.
Elle alloua à la ville 267,823 livres 12 sols, sur une somme réclamée de 573,647 livres 12 sols.
Le District demanda à la Convention de fixer le montant des indemnités à 297,000 livres 18 sols 6 deniers, ce qui fut accordé, la Commission des secours près la Convention ayant autorisé la Trésorerie nationale à mettre cette somme à la disposition des Administrateurs, pour être distribuée entre les ayants-droit.

Le 14 messidor an II, l'Administration fit transcrire au registre le mémoire des pertes éprouvées par la commune. Elles s'élevaient :

Pièce jointe article les Vendéens à Avranches

Le 15 prairial an III, 4,017 livres ayant été mises à la dispositions de la commune, sur le montant de ces indemnités, le Conseil général décida de prélever sur cette somme celle de 2,000 livres, pour être employée à la confection commencée du chemin (boulevard du Sud actuel) allant de la grande route à l'Ecole centrale.
Nous n'avons pu savoir si les sommes accordées par la Convention aux habitants leur furent payées en tout ou en partie ; cinq ans après, la Trésorerie nationale n'avait encore rien payé.

L'Administration faisait savoir en effet, le 1er vendémiaire an VII (22 septembre 1798), qu'en exécution des lois des 19 et 26 vendémiaire an VI et des instructions du ministre de l'Intérieur, le Département avait nommé les citoyens Cantilly et Burdelot pour rédiger à nouveau l'état général des pertes subies ; elle invitait les habitants à remettre aux commissaires leurs états respectifs, les prévenant qu'après la décade expirée, nul ne serait plus admis à les déposer.
Et le 5 brumaire suivant, les citoyens ayant éprouvé des pertes se réunirent en l'église Saint-Gervais, afin de censurer mutuellement, tant leur civisme, lors du séjour des brigands, que la fidélité de leurs déclarations respectives.

Revue de l'Avranchin
Bulletin trimestriel de la Société d'Archéologie
de Littérature, Sciences et Arts
d'Avranches et de Mortain
1906-1907

(*)  Dans son Histoire de l'hôpital d'Avranches, F. Jourdan dit qu'"une quête faite dans la commune par les soins de M. Ebrard, maire, pour enterrer ces malheureux et ceux que les privations de toute sorte avaient fait mourir, produisit 163 livres. En relevant les morts pour les enterrer, une femme couverte de blessures fut trouvée encore vivante ; elle fut conduite à l'hospice où elle guérit et devint hospitalière."

Selon M. F. Jourdan, cité ci-dessus, "60 de ces infortunés furent enlevés de leurs lits et fusillés dans le champ de l'Ensoudière appartenant à l'hospice, de l'autre côté de la route, où se trouve aujourd'hui un plant de pommiers." Il ajoute : "Avant de quitter Avranches, M. Denisson avait eu le soin de faire enterrer M. de Lescure, son gendre, dans un terrain isolé que l'on croit être l'ancien petit cimetière de l'Hospice, pris dans une partie du champ de l'Ensoudière. Mme de la Rochejaquelein, veuve de M. de Lescure, n'a pu préciser dans ses Mémoires le lieu exact de la sépulture."
Nous ignorons depuis combien de temps, mais il existe à l'endroit cité par M. F. Jourdan une stèle du souvenir. ...

stèle Avranches hôpital

LA FOURNÉE D'AVRANCHES

La fournée d'Avranches est le nom donnée à une vague d'arrestation menée par le représentant du Peuple Jean-Baptiste Le Carpentier contre des suspects contre-révolutionnaires en 1793. Elle s'inscrit dans une série d'arrestations du même genre dans le département appelée « fournée de la Manche ».

Libérés en novembre 1793 par l'armée vendéenne, les «ex-nobles», comme on les appelle, sont de nouveau arrêtés par le Comité de surveillance d'Avranches. Le Grand Doyenné leur sert de geôle.

Le Carpentier, par une attention délicate envers ses collègues du Comité de Salut public, avait réservé pour le couperet du terrible Sanson les 32 citoyens et citoyennes ci-après nommés, dont 29 nobles, un marchand, un ancien notaire, un prêtre insermenté.

  1. ° René-Jean-Baptiste Artur de la Villarmois, âgé de 46 ans, ex-noble, ancien député à la Constituante ;
  2. ° Marie-Anne de la Motte, fille de l'ancien seigneur de Saint-Planchers, âgée de 40 ans, sa femme ;
  3. ° Louis-Gabriel Boessel-Dubuisson, ancien conseiller au bailliage, ancien maire d'Avranches, âgé de 30 ans ;
  4. ° Gilles Belle-Étoile du Motet, ex-noble, ex-officier des mousquetaires noirs, chevalier de Saint-Louis, âgé de 60 ans ;
  5. ° François Vallat de Saint-Roman, ex-noble, ex-maréchal de camp, chevalier de Saint-Louis, âgé de 60 ans ;
  6. ° Louis-Ambroise Provost, ancien avocat du roi au bailliage, âgé de 62 ans ;
  7. ° René-Robert Lesplu-Dupré, ancien notaire, âgé de 65 ans ;
  8. ° François Le Normand de Garat, ex-noble, âgé de 66 ans ;
  9. ° Marie-Françoise Durand, âgée de 60 ans, sa femme ;
  10. ° Pierre Le Chevalier de la Martre, ancien lieutenant de dragons et major-général des troupes à Saint-Domingue, chevalier de Saint-Louis, ex-noble, âgé de 61 ans ;
  11. ° Gervais-Marie de la Cornillière, ex-noble, ancien député aux États de Bretagne, chevalier de Saint-Louis, âgé de 82 ans ;
  12. ° Henriette Hellouin, fille de l'ex-seigneur du Mesnilbus, femme de Léonor-Robert Danjou, ancien garde du corps, émigré, âgée de 30 ans ;
  13. ° Elisabeth Poret des Biards, femme de La Beslière, ex-seigneur de Vains, émigré ;
  14. ° Louise de La Beslière, veuve Lancisse, âgée de 64 ans, ex-noble ;
  15. ° Marie-Jeanne de La Beslière, veuve Godefroy, ex-noble, âgée de 66 ans ;
  16. ° Marie-Jeanne Langlois, veuve de la Pigannière-Fumesson, ex-noble, âgée de 67 ans ;
  17. ° Louis-Charles de Carbonnel de Canisy, ex-noble, ex-comte de La Lucerne, ex-maréchal de camp ;
  18. ° De Tesson de la Mancellière, veuve de Jean-Louis de Carbonnel, ex-seigneur de Marcey ;
  19. ° Dubois Delaunay, ex-noble, ex-seigneur de Montviron, âgé de 65 ans ;
  20. ° Pierre Ernault de Chantore, ex-noble, ex-seigneur et patron de Bacilly ;
  21. ° Femme Lottin de la Peichardière, née Adam, de Lolif ;
  22. ° Marie-Anne Tuffin de Ducy, ex-noble, âgée de 55 ans, parente du Breton Tuffin de la Rouërie ;
  23. ° Louis-Marie de Bordes de Chalandrey, ex-seigneur de Chalendrey, ex-noble, âgé de 40 ans ;
  24. ° Jean-Baptiste Le Bedel des Acres, prêtre réfractaire ;
  25. ° Jean-François Toussaint de Lorgeril, ex-seigneur de Parigny ex-noble, chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine de vaisseau, âgé de 43 ans ;
  26. ° Françoise-Marguerite de Kerjégu, veuve de Antoine-Louis-Jacques Boudier de Codeville, ex-noble, âgée de 51 ans ;
  27. ° Louise-Marie de Guiton, fille de l'ex-seigneur de Montanel, veuve de Léonor-Pierre de Clinchamp, ex-seigneur de Juvigny,  ex-noble ;
  28. °  Madeleine-Françoise de Clinchamp, veuve Le Breton, ex-noble, âgée de 63 ans ;
  29. ° Jacques-Antoine Angot, ancien subdélégué, directeur des messageries, ex-noble, âgé de 64 ans ;
  30. ° Michel-Gilles Carbonnet, marchand, père de 12 enfants, âgé de 54 ans ;
  31. ° Rodolphe-Henry Billeheust de Saint-Georges, ex-seigneur des Loges-sur-Brécey,  ex-noble, âgé de 55 ans ;
  32. ° Jean-Baptiste-Gabriel-Victor Payen de Chavoy, ex-seigneur de Chavoy, ex-noble, âgé de 50 ans.

Cette liste, transmise à Paris le 23 juillet 1794, compte 12 femmes et deux détenus hors d'Avranches,  l'ancien député Artur de La Villarmois et sa femme, arrêtés à Amiens. Deux autres suspects, Boëssel du Buisson et de Lorgeril (1), parviennent à s'évader, ramenant à 28 le nombre de prévenus avranchinais. Ils partent le 7 thermidor pour Paris dans « trois charrettes couvertes ». Arrivés à destination le 10 thermidor (27 juillet 1794), ils échappent à la guillotine qui leur était promise. Incarcérés dans la prison du Plessis et dans celle de l'Égalité, rue Jacques, ils sont relaxés le 15 octobre 1794 par arrêtés du Comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention et les scellés apposés sur leurs biens levés les mois suivants.

Le 19 vendémiaire de l'an III (10 octobre 1794), les administrateurs du district d'Avranches font placarder en ville des affiches par lesquelles ils affirment n'être pas responsables de l'envoi de ces nobles devant le tribunal révolutionnaire.

(Source : WIKIMANCHE)

(1) Pages d'Histoire locale de M. Félix Jourdan
"Après sa fuite de la maison d'arrêt d'Avranches, le citoyen Toussaint Lorgeril avait été mis à nouveau en arrestation, mais le représentant du peuple Bouret avait ordonné sa mise en liberté.
Cependant, il s'était volontairement constitué prisonnier à la maison d'arrêt de Vire.
Le 19 vendémiaire an III (10 octobre 1794), le citoyen Botrel, représentant du peuple en mission près l'armée des côtes, prend l'arrêté suivant :
Vu la pétition du citoyen Toussaint Lorgeril, détenu en la maison d'arrêt de Vire ;
Vu les certificats de la commune d'Avranches, lieu de son domicile, celui de la commune de Parigny, district de Mortain, lieu de son ancien domicile, desquels il résulte qu'il s'est toujours comporté en homme paisible, qu'il a fait des dons patriotiques, qu'il a sauvé la vie à divers particuliers lors de l'invasion à Avranches  des Brigands de la vendée ;
Vu les motifs d'arrestation du pétitionnaire et de sa mise en liberté par le citoyen représentant du peuple Bouret ;
Considérant que depuis sa mise en liberté, il ne paraît pas qu'il ait donné aucun motif de plaintes contre lui ; que les motifs de son arrestation étaient vagues ; que l'arrêté qui l'envoyait au Tribunal révolutionnaire ne portait aucun motif particulier ; que les autorités constituées n'avaient pas été consultées pour cet arrêté ; que ceux qui ont été envoyés à Paris par le même arrêté n'ont pas paru devoir être traduits devant le Tribunal révolutionnaire, puisque plusieurs ont été mis en liberté ; que la fuite du pétitionnaire ne peut lui être imputée à crime aujourd'hui qu'il s'est volontairement constitué prisonnier.
Arrête qu'il sera sur le champ remis en liberté et les séquestre et scellés mis sur ses propriétés levés par le juge de paix de son canton ; charge le Comité de surveillance de Vire de mettre le présent arrêté à exécution.
Signé : BOTREL.
La présente copie délivrée par nous membres du Comité de surveillance de Vire au citoyen Toussaint Lorgeril, et conforme à l'original."
Vire, 19 vendémaire an III de l'Ere républicaine (10 octobre 1794)

Avranchin, Journal d'Avranches, n° du dimanche 23 novembre 1902.


Les administrateurs d'Avranches écrivaient au Comité de salut public, le 26 frimaire :
"Aussitôt que nous avons été informés que l'armée scélérate avait évacué la ville d'Avranches, nous nous sommes empressés d'y rentrer et de reprendre nos fonctions. Un de nos premiers soins a été de faire fusiller cinquante-cinq à soixante de ces coquins, que nous avions fait arrêter ou qui étaient RESTÉ A L'HOPITAL ... Nous nous sommes occupés, sans perdre de temps, des moyens de découvrir et de livrer au glaive de la loi ces êtres lâches et perfides qui, sans avoir eu le courage de se joindre à la horde fanatique, ont partagé ses forfaits en lui indiquant des patriotes à piller et à égorger ; déjà plusieurs sont arrêtés et envoyés à la commission militaire de Granville, et l'oeil attentif des patriotes est à la poursuite des autres."

De son côté, le représentant Laplanche, ex-prêtre, avait écrit à la Convention :
"Nous avons trouvé hier, à notre arrivée ici, beaucoup de rebelles qui étaient restés en arrière et auxquels notre arrivée inopinée n'a pas donné le temps de fuir. L'hôpital en était également rempli. La vengeance nationale s'est exercée sur eux, et il n'en est plus question. Dans le nombre était une femme qui avait cherché un asile dans une auberge, sous prétexte de maladie ...
Ainsi, des blessés, des malades, tirés de l'hôpital, étaient fusillés à Avranches et le Comité de salut public le savait officiellement et par le Moniteur ! Que dut faire ce comité après un tel acte de barbarie ! Ce qu'il fit, quelques jours plus tard, instruit, encore par le Moniteur, des noyades de Nantes : RIEN !"

Extrait de :
La justice Révolutionnaire
août 1792 - prairial an III
Tome I
1870

 

 

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