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La Maraîchine Normande
3 juin 2013

COMMEQUIERS SOUS LA TERREUR ♣ LETTRE DE J. RABALLAND, CURÉ

COMMEQUIERS SOUS LA TERREUR
UNE LETTRE DE J. RABALLAND, PRETRE, CURÉ DE COMMEQUIERS

Commequiers 2

Commequiers, ce 16 octobre 1878

Monsieur,

J'applaudis des deux mains au projet que vous avez formé et j'en désire de tout coeur le succès. Seulement j'ai le regret de n'avoir que très peu de renseignements à vous offrir, malgré mes recherches. Je n'ai trouvé aucun écrit ni à la mairie, ni à l'église. Le peu que j'ai à vous marquer me vient de la tradition orale ; mais je la regarde comme digne de confiance.

La famille Toublaud n'est plus représentée à Commequiers que par la lignée féminine portant le nom d'Amélineau ; encore sont-ce deux femmes veuves sans enfants. Véronique Guyon, veuve Amélineau, sait de source certaine que Etienne Toublaud, son aïeul, fut emmené et guillotiné aux Sables pour avoir forgé des armes aux Chouans. Deux de ses fils, dont l'un s'appelait Etienne, furent assassinés par les Bleus dans un coin du chemin qui conduit du bourg de Commequiers au village de la Chaulière. Leur crime était le même.

Pierre Troussicot, d'après le témoignage de sa petite-fille Justine Troussicot, fut aussi emmené aux Sables, enchaîné avec un autre, parce qu'il avait réparé les armes des Chouans. Cette famille Troussicot est toujours une des plus recommandables de ma paroisse.

A l'époque de la Révolution, Avaud, qui n'est plus qu'une ferme, était une maison seigneuriale habitée par des dames de la Roche et de l'Espinay, parentes l'une de l'autre. Ces deux dames furent emmenées à Noirmoutier et fusillées, plutôt que guillotinées comme on dit ici. Car M. le curé actuel de Saint-Gilles prétend que la guillotine n'a jamais été dressée à Noirmoutier, sa patrie. Toujours est-il que ces dames allèrent à la mort en chantant le cantique : Avancez mon trépas, Jésus, ma douce vie !

Mme de l'Espinay avait été suivie jusque dans sa prison de Noirmoutier par ses deux filles, Mlles Marie et Mariette et par Louise Renaud, soeur de lait de cette dernière. Mais ces jeunes personnes, âgées alors de 18 à 20 ans, furent renvoyées chez elles quand les deux dames furent exécutées. Mlle Mariette de l'Espinay épousa plus tard M. de l'Estang de Furigny, commune de Neuville, près Poitiers. Mlle Marie mourut célibataire à Nantes dans un âge avancé. Toutes les deux entretinrent la correspondance la plus amicale avec cette Louise Renaud qui avait partagé avec elles les jeux de l'enfance et les dangers des jours mauvais. Dans une lettre du 8 février 1825 que j'ai sous les yeux, Mlle Marie de l'Espinay écrivait à sa chère Lisette, comme elle l'appelait, ces mots héroïques de la part d'une personne qui avait vu immoler ses parents les plus chers : "Surtout point de vengeance, ma chère Lisette, et ne faisons point de tort au prochain. Dieu ne bénit point ceux qui ont de la haine dans le coeur."

Un de ces Messieurs de l'Espinay du château d'Avaud, désigné dans la famille sous le nom de Lili, était prêtre et à ce titre poursuivi comme ennemi de la nation. Pour échapper aux Bleus qui le cherchaient, il se mit en devoir de couper des épines. Mais son peu d'habileté dans ce travail le trahit. Il fut reconnu sous son déguisement et emmené on ne sait où. Mais il ne reparut plus.

Louise Renaud, sus-mentionnée, fut, au temps de la Terreur, amenée sur la place de Commequiers et sommée par l'autorité locale d'aller baiser l'arbre de la liberté. "Faites-en ce que vous voudrez, répondit-elle ; puis elle ajouta en crachant sur l'arbre : pour moi, voici le cas que j'en fais." Cette irrévérence fut accueillie par les rodomontades d'un républicanisme bien senti, mais n'eut point d'autres suites.

Dans des jours plus sereins, l'intrépide Louise devint la digne compagne d'un brave ouvrier de Commequiers, Thomas Coutouis, ancien soldat de l'armée de Charette, et nommé par le chevalier de Maynard sous-lieutenant des grenadiers de Commequiers. Le sang généreux de ces deux époux ne paraît pas devoir dégénérer ni dans leur fils, M. Isidore Coutouis, maire de Commequiers depuis de longues années, ni dans les veines de leurs petits-fils ou arrière petits-fils.

La famille Doux, et non pas Ledoux, est encore représentée par trois frères meuniers au moulin des Reliques en Commequiers, comme elle l'était en 1793 par les trois frères Pierre, Louis et Nicolas Doux. Pierre Doux, qui avait été précédemment maire de sa commune, fut guillotiné à Bressuire. Louis Doux fut pris pour avoir attaché aux vergues de son moulin une serviette en guise de drapeau blanc ; et il ne reparut plus. Nicolas Doux, aïeul des Doux actuels, fut pris occupé à couler des balles pour les Chouans, et il est mort dans la prison des Sables. Jacques Doux, son fils, répondait un jour aux patriotes qui voulaient lui faire crier : Vive la république : "Comment voulez-vous que je l'aime ? Elle a détruit tous mes ancêtres !" Cette même famille vit aussi emprisonner un des siens du nom de Raguais et habitant le Chef-du-Bourg.

C'était aussi un membre de leur famille, ce Jérôme Sauzeau de Saint-Maixent-sur-Vie, homme exalté et d'une force herculéenne, qui alla provoquer les MM. La Violais, de Saint-Christophe-du-Ligneron, reconnus comme patriotes, et qui fut fusillé par eux dans leur cour.

Un certain Mainguet, du bourg de Commequiers, était poursuivi par les Bleus et caché. Sa femme l'ayant appelé, on ne sait à quel dessin, il fut découvert, fusillé et enterré dans le jardin actuel de Jean Perrin, où ses ossements ont été retrouvés il y a cinquante ans.

Jean Grivet, mort aux Sables, est l'aïeul paternel des Grivet et l'aïeul maternel des Phiet existant à Commequiers. Puissent-ils reconnaître, en étudiant l'histoire, les vrais ennemis de leur famille !

La paroisse du Fenouiller, près de Commequiers, compte la famille Voisin comme une des plus marquantes et des plus honorables. Louis Voisin, bisaïeul des Voisin actuels, était, avant la Révolution, retiré dans un petit ermitage au Pas-au-Peton, après son mariage qui ne lui avait pas donné d'enfants. Il ne s'occupait que de prier Dieu, était vénéré comme un saint, et avait fait voeu de ne pas se remarier. Mais à la suite d'une visite qu'il reçut de quelques pieuses demoiselles venues pour s'édifier près de lui, il changea de résolution, se fit relever de son voeu et épousa l'une de ses visiteuses, de laquelle descend la famille en question. Les époux rentrés dans leur propriété de la Colombière y cachèrent un prêtre pendant la tourmente révolutionnaire. Pour ce fait, Louis Voisin et son domestique, complice de son prétendu crime, furent emprisonnés aux Sables. Déjà Voisin était condamné et devait être guillotiné le lendemain, lorsque le matin de l'exécution il fut trouvé mort dans la prison, d'une main tenant sa tête et de l'autre son crucifix. Le pieux usage qu'il avait de porter le crucifix sur lui a été suivi par ses descendants. Quant à son domestique, il fut congédié quelques jours après par suite d'une amnistie. Je pense que c'est à la chute de Robespierre.

Le petit-fils de ce martyr, nommé comme lui Louis Voisin, portait pendant les Cent-Jours les correspondances des chefs vendéens dans un bâton creux. Il avait le grade de capitaine de Saint-Maixent et Saint-Révérent, deux paroisses voisines. Ce capitaine, aussi pieux que brave, fit en 1855, le pèlerinage de la Salette, et à l'âge de 72 ans, il aurait entrepris celui de Jérusalem, si son pasteur ne l'eût détourné de ce projet comme d'une imprudence.

Les renseignements sur cette famille m'ont été donnés par Joséphine Voisin, fille de ce dernier.

Parmi les sources publiques où vous avez à puiser pour votre sujet, il est inutile de vous signaler la nouvelle Histoire de la Vendée publiée en ce moment par M. l'abbé Deniau, et la Grande Vie des Saints de Collin de Plancy. Il ne vous aura point échappé que les victimes désignées dans ce dernier ouvrage sous le nom de missionnaire de la Compagnie de Marie, étant de Saint-Laurent, sont de la Vendée par le fait.

Faites, maintenant, Monsieur, l'usage que vous voudrez de ces quelques notes, et agréez l'hommage de mes civilités très respectueuses.

Votre très humble serviteur,

J. RABALLAND
prêtre,
Curé de Commequiers.

Revue du Bas-Poitou
1901 - 1ère livraison

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