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La Maraîchine Normande
2 mai 2013

PRETRES CONSTITUTIONNELS

Extraits
Histoire du clergé pendant la Révolution française
par l'abbé Barruel (Nouvelle édition, revue & corrigée 1801)

... Alors les prêtres non jureurs furent plus recherchés que jamais ; alors quiconque les suivoit à la messe, ou leur demandoit les sacremens, ne fut plus qu'un ennemi de la patrie ; alors ce fut trop peu que d'aller troubler & menacer les catholiques dans leurs églises ; les moyens les plus violens furent employés pour les entraîner malgré eux aux églises des intrus, surtout aux jours de fêtes les plus solennelles. L'âge le plus respectable, les conditions les moins suspectes ne mirent personne à l'abri de ces violences.

Un malheureux vieillard, que sa profession de cordonnier devoit au moins préserver de tout soupçon d'aristocratie, n'en fut mas moins menacé à Gouberville, de périr sous les coups des brigands, s'il ne les suivoit à la messe constitutionnelle. Tremblant, & sa conscience lui reprochant une espèce d'apostasie, il se laisse conduire ; mais, entrant dans l'église, il se prosterne au pied du crucifix, il s'écrie, fondant en larmes : Pardon, Seigneur, pardon ! L'intrus s'étonne, & lui dit brusquement : A quoi bon & ces cris & ces larmes ! .. Hélas ! lui répond le vieillard, je demande au bon Dieu pardon du sacrilège que nous allons commettre ; vous, en disant la messe, & moi en y assistant. L'impitoyable intrus n'en commande pas m¤ins qu'on l'empêche de sortir. Les larmes, les soupirs, les hauts cris du vieillard troublent le sacrifice ; les constitutionnels n'en opposent que plus constamment leurs sabres aux efforts qu'il fait pour s'échapper.

Dans la paroisse d'Yvecique, pays de Caux, le curé intrus, rugissant de se voir abandonné, met en jeu les municipes & les gardes nationaux, pour entraîner les citoyens à son église. Ils y mènent de force jusqu'à M. l'abbé Engrand, vicaire de la paroisse, & dont les leçons avoient contribué à maintenir l'horreur du schisme. Il n'est pas d'efforts qu'il ne fasse pour s'échapper ; un honnête citoyen, nommé Lavon, s'indigne de ces violences ; on le met en prison ; il ne doit en sortir qu'en promettant d'envoyer ses enfans à la messe de l'intrus. Il choisit la prison, & y reste.
Le même intrus étoit venu à bout de persuader à une jeune enfant qu'elle pouvoit recevoir de lui sa première communion. Mieux instruite, la jeune communiante déclare publiquement que le faux pasteur l'a trompée, & qu'elle ne veut plus le reconnoître. L'intrus la fait conduire par force à son église ; elle proteste avec tant de chaleur, elle pousse des cris si violens, que l'intrus est forcé de la laisser sortir.

Dans le diocèse d'Agen, une soeur du curé de Sainte Cécile montre encore plus de répugnance. Les brigands n'ont pu l'entraîner dans leur église constitutionnelle ; ils s'en vengent d'une manière horrible ; les coups les plus cruels ne font que le plus léger de leurs outrages ; martyre à la fois de la pudeur & de la religion, elle expire devant ces forcenés.

A Villeneuve, près Cordes en Albigeois, deux jeunes époux ont refusé, pour leur mariage, le ministère de l'intrus ; le soir même de leurs noces, les brigands de la nouvelle église viennent enfoncer la porte de la maison. Le mari, se croyant le seul objet de leur fureur, s'évade ; l'épouse évanouie reste en proie à cette horde de scélérats. Ils assouvissent une passion infâme, & la férocité leur reste toute entière. De leurs ongles même, comme des griffes d'un lion, ils déchirent, ils arrachent les seins de cette victime, ils en jettent les lambeaux épars sur le plancher, & la laissent attendant une mort qui vient enfin terminer d'affreux tourmens.

J'ai eu soin d'en prévenir ; la plume se fatigue à décrire ces horreurs ; le lecteur se révolte. Qu'il apprenne à connoître l'impie révolution qui en rendit capable des français. Mais aussi qu'il apprenne à connoître le pouvoir de la religion, & qu'il cherche dans les fastes de l'univers plus de grandeur d'âme que la France religieuse ne va lui en offrir dans les traits suivans.

A quelques lieues de Rennes, un laboureur, dont je suis fâché que mes mémoires ne portent pas le nom, un simple laboureur refusoit d'adhérer au schisme, aux hérésies, aux intrus de la constitution. Une compagnie de gardes nationaux vient le chercher dans son habitation, pour le conduire à l'office du faux pasteur. Il répond à leurs premières instances, que sa religion ne le lui permet pas. Les nationaux lui ord¤nnent de les suivre à l'église constitutionnelle. Il refuse ; on l'entraîne ; il marche comme un homme qui suit sans réticence, quoique malgré lui, le mouvement que des mains étrangères lui donnent. Un premier échalier (espèce de clôture qui sépare les champs ou les diverses possessions) se trouve sur la route. Les nationaux lui ordonnent de monter, de franchir l'échalier ; il ne peut pas le faire sans se donner lui-même le mouvement : il reste immobile & tranquille. Ils s'irritent, & ils lèvent leurs sabres ; il en attend les coups. Ils le saisissent, place son cou sur le poteau. L'un a saisi sa tête par les cheveux en delà de la barrière, & la tient fortement appuyée ; les autres en deçà le tiennent par le corps ; d'autres enfin, le sabre levé, menaçant de jetter la tête d'un côté, le corps de l'autre, s'il ne promet de franchir l'échalier. Il reste immobile, il répond : vous pouvez frapper. Soit que les armes tombent des mains des nationaux, soit qu'ils aiment à prolonger l'épreuve, ils le saisissent, le soulèvent, le jettent par dessus la clôture. Il faut en franchir trente pour arriver où ils l'entraînent : trente fois, de la part des nationaux, même instance, mêmes menaces, mêmes mesures ; trente fois, de la part du laboureur, même immobilité ; &, la tête appuyée sur le poteau, presque sciée par les sabres, même réponse. Est-il un seul martyr qui l'ait été tant de fois en un jour ? Ce laboureur est français ; j'aime à l'être encore, malgré les révolutions de ma patrie. Tant qu'elle produira des hommes de cette espèce, je ne rougirai pas de me dire sorti de son sein.

Il est aussi français ; Jean Chantebel, fermier, demeurant au village du Chêne, paroisse de Martigné-Fer-Chaud, diocèse de Rennes, province de Bretagne ; & la France à ce nom, peut ne plus envier à Rome antique celui de Scevola.
Jean Chantebel connoissoit les devoirs de sa religion ; il aimoit à les lire & à les retrouver dans un petit catéchisme à l'usage des fidelles pendant les persécutions du schisme. Ce livre précieux à la foi fut son crime ; les brigands le trouvèrent chez lui, & c'en fut assez pour le constituer prisonnier. Un comité s'assemble, & ordonne que ledit catéchisme soit brûlé. Un bûcher est dressé en grande pompe. Chantebel est amené ; on lui lit la sentence de son livre & la sienne. Il est condamné à prendre la torche qu'on lui présente, & à mettre le feu au catéchisme. Il répond : "Cet ouvrage contient les principes de ma foi, vous n'obtiendrez pas de moi que j'y renonce." On le menace, il n'en est pas ému. Un des brigands saisit la torche enflammée, brûle la main du généreux confesseur. Oh ! ce n'est pas ma main seulement, dit Chantebel, c'est tout mon corps que vous pouvez brûler, plutôt que de me voir commettre un acte indigne de ma religion.
Les brigands confus, déconcertés, délibèrent. Un nouvel arrêté ordonne qu'il sera conduit par les rues de Martigné, monté sur un cheval dont il tiendra la queue à la main. Il ne témoigne pas la moindre répugnance ; son front, tranquille au milieu des huées & de la populace qui l'escorte, annonce tout le calme de sa conscience. Dans le nombre des personnes attirées par le spectacle, se trouve l'épouse de Chantebel même. Nouvelle Machabée, elle s'empresse, & dans son langage plein d'une simplicité sublime : Tien bon, lui crie-t-elle ; c'est pour le bon Dieu, & il t'en récompensera. ...

A Gondreville, district de Vezelize en Lorraine, les habitans se crurent obligés d'adresser au département de la Meurthe une requête contre leur curé constitutionnel, habitué à traiter dans ses prônes de rebelles, de traîtres, d'ennemis de la patrie, dignes de toute l'animadversion publique, des hommes qui n'avoient d'autres crimes que de n'avoir voulu, comme lui, ni se parjurer, ni changer de religion. Fanatisés par les leçons de soi-disant patriotes, au sortir de son sermon, se répandirent dans les maisons des catholiques, leur firent essuyer des traitements horribles. Une veuve & sa fille furent spécialement l'objet de cette explosion. Leur maison fut dévastée, leurs personnes battues, traînées, outragées ; elle ne survécurent à tant de cruautés, que pour montrer combien leur foi étoit supérieure à toute la noirceur de l'apostat qui les persécutoit. ...

Les prêtres constitutionnels inventèrent encore alors un nouveau genre de persécution. Ils étoient seuls autorisés pour les sépultures. Pour engager les fidelles à recourir à leur ministère dans les dernières maladies, ils refusèrent d'ensevelir ceux qui avoient reçu les sacremens d'un prêtre catholique. Ils exposèrent leurs cadavres à mille outrages de la part de la populace, qui tantôt découvroit la bière, pour percer de piques, ou déchirer le mort, & tantôt le traînoit dans les rues, ou le jettoit à la voirie, ou ne l'enterroit qu'à demi ...

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