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La Maraîchine Normande
28 mars 2013

LES ÉCHAUBROGNES ♣ LA COUDRAYE-NOYERS

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"La maison noble de la Coudraye-Noyers, paroisse de Saint-Pierre d'Eschaubrogne, est composée d'une maison belle et sollidement bastie, d'une cour d'entrée entourée d'escuryes, estables et aultres bastiments, un parterre derrière la maison, en lequel est une chapelle, terrasse, jardin pottager ; à la suitte un estang joignant le mur de la cour ; une belle prairie plusieurs allées et venues, etc." Cette description mise en tête d'un acte de partage de la Coudraye-Noyers, fait en 1757, lui convient de tous points encore auj¤urd'hui. Bien qu'elle soit réduite à n'être plus qu'une ferme, tombée depuis bien des années déjà, entre les mains des industriels choletais, qui ont remplacé un peu part¤ut en nos alentours les vieilles familles nobles ou bourgeoises d'autrefois. Avec son bel étang, sa noble architecture, ses grosses tours, la Coudraye-Noyers a encore grand air, et, comme au dernier remaniement de la paroisse des Echaubrognes, les gens de Loublande tenaient essentiellement à avoir cette bague au doigt, il a fallu tailler à travers champs afin de la comprendre dans les limites de la paroisse nouvelle.

Le portail d'entrée est surmonté d'un écusson que l'on retrouve sur la façade du logis ; il porte une fasce surmontée de trois têtes d'oiseaux arrachées. Le corps de bâtiment regarde le midi, il se compose de deux parties accolées ensemble : celle qui est sur le bord de l'étang, au levant par conséquent, paraît être la plus ancienne, et elle est aussi la plus dépourvue d'ornements. Elle est, depuis la Révolution du moins, surmontée d'une charpente plus élevée et recouverte de tuiles ; tandis que l'autre partie a une toiture très aigüe et est recouverte d'ardoises. Une petite échauguette domine l'angle sud-est du côté de l'étang. Deux ou trois grandes fenêtres garnies de meneaux sont maintenant murées et on n'a laissé ouverte que celle du rez-de-chaussée qui est protégée par un fort grillage en fer comme les fenêtres de l'autre corps du logis. A l'angle nord-est est un des deux escaliers en pierre conduisant à l'étage supérieur. La partie la plus récente du logis, à l'ouest, contient une vaste pièce d'habitation et les étages, dont l'un s'est effondré il y a quelques années et n'a pas été rétabli, sont fort élevés. Cette portion du château est flanquée, aux angles, de deux grosses tours munies de mâchicoulis et surmontées d'une toiture très aigüe. L'une de ces tours forme l'angle sud-ouest et une autre, qui contient un escalier, donne sur la terrasse qui précède le jardin. Le tout est d'une belle architecture et le trumeau de maçonnerie dans lequel s'ouvrent les trois fenêtres superposées de la façade est tout en pierres de taille. Ces fenêtres avec leurs meneaux sont ornées de moulures et de motifs qui rappellent les meilleurs temps de la Renaissance. Le millésime, 1595, qui surmonte la poterne s'ouvrant sur la chaussée de l'étang ne peut rappeler qu'une réparation faite au vieux logis qui accuse une date plus ancienne dans son ensemble. La chapelle formait une construction isolée ; elle était située à l'angle nord-est du jardin ; il n'en reste plus traces. Si notre vieil édifice n'a point la coquetterie du castel de Saint-Georges que M. Brissonnière a fait construire il y a quelques années, près de là, du moins, avec ses fortes assises et ses puissantes tours, il semble aussi bien, sinon mieux que ce dernier construit pour braver pendant de longues années encore l'action destructive du temps, lequel ne l'a guère entamé, bien qu'il soit vieux de près de trois siècles.

En 1587, noble et puissant Mre René de Corneillaud, chevalier de l'ordre du roy, lieutenant de cinquante hommes d'armes, sieur de la Coudraye et du Mazureau, faisait sa demeure au dit lieu et maison noble de la Coudray-Noyers, paroisse de Saint-Pierre d'Echaubrogne. Le 29 janvier 1627, (ou 1637), Pierre de Corneillaud, son fils, est acquéreur d'un pré sur le Louin appartenant antérieurement à Mre de Meulles seigneur du Fresne-Chabot et de la Durbellière, en Saint-Aubin, puis à Jacques de Hillerin, seigneur de Bazoges. Le seigneur du Puy-Herbert lui devait la journée d'un homme afin de faucher le dit pré.

En août 1642, damoiselle Marguerite de Romagny, épouse de Simon Cheminée, écuyer, sieur de la Ménardière, tant en son nom que comme soi faisant forte pour René Cheminée, écuyer, sieur des Brosses, et damoiselle Philippe de Cormeillaud, son gendre et sa fille, et de damoiselle Anne, sa seconde fille encore mineure, et de présent demeurante à Mortagne, vend à Pierre de Corneillaud, écuyer sire de la Coudraye, y demeurant, le droit de dîmes sur le lieu de l'Audouinière. Pierre de Corneillaud avait épousé damoiselle Jeanne Gyerault d'une famille d'ancienne bourgeoisie demeurant à Angers ; et par contrat gratieux (sic) passé par devant Me Rocquet, notaire à Maulévrier, le 22 septembre 1673, il lui cède une partie de la Coudray, et lui vend le surplus d'icelle pour la somme de 2078 l 14 s 4 d. La Coudraye était tenue féodalement du comté de Maulévrier. Jeanne Gyerault était veuve en 1678, époque où elle acquiert le tennement de la Frérie de Mre Gabriel Carion, seigneur de l'Eperonnière. Ce petit domaine est situé à la sortie du bourg d'Echaubrogne entre la route de Châtillon et un champ qui longe un autre chemin allant dudit bourg à la Planche-aux-Moines.

Dans l'église de Saint-Pierre, on voyait il y a une cinquantaine d'années, à l'entrée du choeur du côté de l'évangile, une plaque de cuivre fondu portant l'inscription suivante : "Puissange dame Guyerault, épouse de M. Pierre de Corneillaud, vivant écuyer, seigneur de la Coudraye-Noyers, décédé le 17 juillet 1696, a fondé en cette église à perpétuité deux messes solennelles, vigiles et office des morts, à même jour de son décez, par acte de J. Chaillou et L. Chastain, notaires de Mauléon, le 16 may 1596, Requiescant in pace Amen". Ladite plaque porte en chef un écusson au champ chargé d'un chevron de ... accompagné de 3 corneilles de sable, et surmonté d'un timbre ou casque d'écuyer. Grâce à l'épaisse couche de badigeon qui la recouvrait, cette inscription fut respectée par les révolutionnaires. Lors de la réparation faite à l'église en 1840, M. Hubert, le curé d'alors, se refusa à laisser remettre en place cette plaque ainsi qu'une autre, concernant les seigneurs de Touvois, sous prétexte que les fondations qu'elles relatent ont été abolies par la Révolution. M. l'abbé Rivière, son successeur, raisonnant de même façon, se crut autorisé à donner au propriétaire de la Coudraye la dite plaque. Celui-ci la fit attacher sur le trumeau d'une des cheminées du vieux logis, où l'on ne s'attendait pas à la voir venir échouer.

De Jeanne Gyerault, la Coudraye passa à ses neveu et nièce, François et Lucrèce Gyerault : elle resta indivise entre eux. En 1721, ils firent acquisition d'une rente sur le moulin de la Voie dans le voisinage, dont le tenancier s'engage à leur payer à la fête des Rois, outre le prix de ferme convenu entre eux "un gasteau ou fouace de fleur de froment de la grandeur d'un boësseau et bien embeurré." A diverses époques, Lucrèce Gyerault rend hommage de la terre de la Plaine, autre ferme située pareillement non loin de là, à Mre René Barjot, en sa qualité de baron de Cholet, pour la moitié de ladite propriété qui est de l'Anjou ; et pour l'autre qui est du Poitou, elle en doit hommage au sénéchal de Mauléon. En vertu de quoi, elle est tenue, comme une vassale, au baiser à son dit seigneur, à la première rencontre.

Mais nous voyons, le 29 novembre 1714, François Gyerault comparaissant à Mauléon, au nom et comme fondé de procuration de sa soeur pour payer ledit tribut, et rendre hommage au sieur de la Morinière pour lors sénéchal de cette dernière baronnie.

Le 13 mars 1721, le jeune seigneur de la Sicardière, François Garnier, venait à peine de contracter alliance avec Dame Elisabeth Baudry d'Asson, quand, pour faire face à ses prodigalités, il se vit contraint d'aliéner le meilleur de ses revenus, en vendant à ce même seigneur de la Coudraye-Noyers ses terrages de la Marche, qui consistaient principalement en rentes de blé, argent, et menus suffrages à percevoir sur les villages de l'Aussendière, la Petite-Coudraye, la Grande-Coudraye, la Grande et la Petite Saunerie, la Touche aux Charries, la Gaudière, le Fontenil, la Maubretière, le Bordage de Bossiron, Alias Aubert, les Bouschages, etc., ensemble environ 69 boisseaux de blé, sans parler des menus avec le droit de banc dans les églises d'Echaubrogne et de Moulins ; mais avec entre autres charges de payer 29 boisseaux au seigneur de la Foucherie, et six boisseaux au sieur curé de Saint-Pierre d'Echaubrogne. Le jeune dissipateur les vendit indemnes de cette charges, car nous voyons que dans le procès qui suivit sa mort, c'est aux héritiers de la succession et non au seigneur de la Coudraye-Noyers que le possesseur de la rente s'adresse pour rentrer dans ses fonds. François Gyerault en rendit hommage pour la première fois, le 4 août 1722, à messire Nicolas de Neupville, duc de Villeroy et de Beaupréau, son suzerain.

Pendant que le sieur Garnier de la Sicardière dissipait les restes de sa fortune, nous voyons le sieur de la Coudraye, en compagnie de sa soeur, vivant paisiblement de leur vie demi-champêtre, demi-bourgeoise, séjournant tantôt à la Coudraye, tantôt à Angers où il était paroissien de Saint-Maurille, s'occupant à diriger l'exploitation de sa propriété dont il renouvelle périodiquement les baux de ferme. A cet éloge, il n'y a qu'une petite restriction à faire ; ils n'auraient pas été de leur temps si, pour occuper leurs loisirs, il n'avaient pas eu au moins un ou deux bons procès se poursuivant tranquillement pendant des années avec quelques-uns de leurs voisins. Ils n'y faillirent pas, et c'est même grâce à ce la que nous connaissons leur existence et quelques-uns de leurs faits et gestes recueillis à travers une vingtaine de liasses contenant une double procédure. La bonne demoiselle Lucrèce ou plutôt Lucresse Gyerault ainsi qu'elle s'obstine toujours à signer son nom, sans se soucier de son orthographe historique, soutient le premier de ces procès contre demoiselle Colbert de la Fougerie, au sujet de redevances sur la Plaine. De son côté messire François Gyerault de concert avec Pierre Rochard, écuyer, sieur de Landebergère, en poursuit un autre contre les propriétaires de l'Emonière et de la Gautrêche. Nous y découvrons entre autres choses que rien que pour ce dernier, le fisc n'oublie pas de prélever les épices de 100 l. plus 60 autres livres dues au greffier pour la grosse, plus 12 l. pour le prix du parchemin (10 feuilles de velin in-4e couverts de l'écriture la plus fine et la plus serrée).

F. Gyerault mourut vers 1741, et sa soeur en 1755. A la mort de cette dernière, le domaine de la Coudraye, vu le grand nombre d'héritiers ne put être divisé. Après publications faites au prône de la messe dans les églises d'Echaubrogne, Boësse, la Renaudière, etc. la Coudraye fut adjugée, le vendredi 19 août 1757, à l'un des cohéritiers, la dame Eveillon, pour la somme de 35.200 livres. Ce domaine comprenait, outre le logis, le bordage de la Coudraye, la métairie de la Petite-Coudray, la métairie du Gast, le Pré Maillard, la métairie de la Plaine, la rente foncière de 90 l. sur les moulins de la Voie, le bordage de la Frérie, le bordage Garnier, quatre maisons au canton des Monneries et le fief des terrages de la Marche.

Puis, le 20 août 1817, une autre dame Eveillon, veuve de messire Charles-Jean Eveillon, ancien capitaine au régiment de Lally, demeurant à Angers, en qualité de donataire de son défunt mari, vend ces mêmes biens à M. Henri Le Chat de Tessecourt, à M. Augustin Le Chat, chevalier de Saint-Louis et à M. Arsène Avril de Pignerolle ; et dans ce partage entre les nouveaux acquéreurs, la métairie du Gast et de la Frérie passèrent à M. de Tessecourt, tandis que le château, la métairie de la Coudraye, celle de la Plaine, le bordage Garnier et la rente sur les moulins de la Voie échurent à M. de Pignerolle. Ce dernier a vendu depuis lors la Coudraye à M. Bonnet, de Cholet, dont les héritiers la possèdent encore.

Revue historique de l'Ouest
1901

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