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La Maraîchine Normande
28 janvier 2013

LE PROCES DU ROYALISTE ELION (1794) ♣ ANGOULEME

JUGEMENT
et dernier ressort et sans recours au Tribunal de Cassation, rendu par le Tribunal criminel de la Charente, séant à Angoulême,

qui condamne Jean-Hyacinthe Elion à mort, convaincu,
1° d'avoir chercher à inspirer de la terreur aux Citoyens, et à les détourner d'aller à la défense de la Vendée, en y représentant les Brigands épais comme la cendre qu'il répandoit sur le pavé, et c'étoit s'aller faire bûcher ;
2° d'avoir tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, en disant qu'on ne pouvoit se promettre ni paix, ni tranquillité, tant qu'il n'y auroit pas un gouverneur, un supérieur, un roi ou une puissance ;
3+ d'avoir cherché à avilir la Convention en disant que ses Décrets étoient de la barbe de lièvre et des attrape-sots.

Du 17 du second mois de l'an deuxième (7 novembre 1794) de la République françoise, une et indivisible.

Au nom de la République Françoise, à tous présens et à venir, salut ;

Le Tribunal criminel du Département de la Charente a rendu le Jugement suivant :

Vu par le Tribunal criminel du département de la Charente l'Acte d'accusation dressé par l'Accusateur public, près ledit Tribunal, contre Jean-Hyacinthe Elion, Huissier, accusé d'avoir tenu des propos contre-révolutionnaires, tendant au rétablissement de la royauté.

Pierre Mallet, Accusateur public, près le Tribunal criminel du Département de la Charente, autorisé par les Lois des 7 et 9 avril à poursuivre et faire juger sur la réquisition des Corps administratifs et sans recours au Tribunal de cassation, les prévenus de provocation au rétablissement de la royauté.

Expose que le Citoyen Hyacinthe Elion, Huissier, à la résidence de la ville d'Angoulême, auroit été arrêté et conduit à la maison de justice en vertu des Délibérations du Comité de surveillance établi en cette ville, des 23 septembre et 5 octobre dernier (vieux style) desquelles Délibérations, prises sur la dénonciation qui avoit été faite par le Procureur-syndic du District de Cognac, contre ledit Elion, devant le Directoire dudit District, le 14 dudit mois de septembre dernier, et transmise au Comité, portant que ledit Elion étant prévenu d'avoir tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, et à avilir la Représentation nationale, devoit être séparé des bons Citoyens et mis en arrestation, et qu'il seroit dénoncé à l'Accusateur public.

Qu'aussitôt que l'Accusateur public a été averti de l'arrestation d'Elion, il a requis qu'il fût interrogé ; et qu'attendu qu'il n'y avoit encore d'autres renseignemens sur les délits imputés à Elion que la dénonciation, que les témoins indiqués par le dénonciateur n'avoient point été entendus, il lui fût permis de les faire ouïr préalablement, afin d'acquérir par là, s'il étoit possible, la certitude de l'existence des délits et des complices du prévenu s'il en avoit, ce qui auroit été ainsi ordonné par l'Ordonnance du Président du Tribunal du 11 octobre.

Qu'en effet, Elion auroit subi un interrogatoire le 3 du présent mois, et plusieurs témoins entendus.

Qu'examen fait de toutes les pièces relatives aux délits dont est prévenu ledit Elion, il en résulte que le mardi 10 septembre dernier, Elion étant dans la maison du Citoyen Pierre Naud, en présence de la femme de celui-ci et du citoyen Pierre Desmotes ; interpellé sur les affaires de la République avec les brigands de la Vendée, auroit dit qu'on n'alloit là que pour se faire bûcher, que les brigands y étoient aussi épais que la cendre, qu'il prit à l'instant même dans le foyer et répandit sur le pavé, qu'il vaudroit mieux entrer en composition que de se battre plus longtemps, qu'on finiroit par succomber ; que quelque grand que fût le nombre des soldats de la République, on ne pouvoit se promettre de paix et de tranquillité, tandis qu'il n'y auroit pas un supérieur, un maître, une règle ou une puissance ; et sur l'observation qui lui fut faite, qu'il y avoit un Décret qui ordonnoit de sonner le tocsin et de se porter en masse contre les brigands qu'il finiroient par être écrasés, Elion répliqua que ce décret ne signifioit rien, qu'il y en viendroit bien un autre qui le détruiroit, que ce n'était que de la barbe de lièvre et des attrape-sots.

Il en résulte encore que Elion interrogé sur tous les propos à lui imputés, les a presque tous déniés, seulement il est convenu d'avoir dit, sur le rapport que lui en avoit fait un Gendarme qu'on avoit tué beaucoup de brigands dans la Vendée, qu'ils se réfugioient dans les bois, et qu'ils y étoient épais comme de la cendre ; que ceux qui lui imputoient des propos tendans au rétablissement de la royauté, à avilir la Représentation nationale, et à décourager les Volontaires, qui se dévouoient au service de la Patrie, avoient imaginé ces propos, par haine et par vengeance, en ce qu'il n'avoit pas voulu leur livrer du bois au prix qu'ils le demandoient.

D'après l'exposé ci-dessus, l'Accusateur a dressé le présent Acte d'accusation contre ledit Hyacinthe Elion, pour avoir méchamment et à dessein, le 10 septembre dernier, cherché à éloigner les bons Citoyens de se dévouer à la défense de la Patrie, en marchant contre les rebelles de la Vendée, à avilir la Représentation nationale, et à provoquer le rétablissement de la royauté, en disant qu'aller à la Vendée, c'était aller se faire bûcher, les brigands y étant aussi nombreux que la cendre qu'il versoit à poignée sur le sol de la chambre, qu'une paix étoit préférable à la guerre que l'on faisoit ; mais que pour l'obtenir il falloit un supérieur, un maître, une règle ou une puissance ; que les Décrets de la Convention étoient de la barbe de lièvre et des attrape-sots.

En conséquence, requiert l'accusateur public qu'il lui soit donné acte de la présente accusation, qu'il soit ordonné que par l'huissier, porteur de l'Ordonnance à intervenir, ledit Elion sera pris au corps et écroué sur les registres de la maison de justice ; le présent acte, ainsi que l'Ordonnance notifiée, tant à l'accusé qu'à la municipalité de cette ville. Fait à Angoulême, le 10 du second mois de la IIe année de la République, une et indivisible.

Signé : Mallet

Le Tribunal, par Jugement, en dernier ressort et sans recours au Tribunal de Cassation, après avoir ouï l'Accusateur public, conformément à l'article III de la Loi du 19 mars 1793, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu : le fait demeurera constant, soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d'une seule signature, confirmée par la déposition d'un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins, déclare ledit Jean-Hyacinthe Elion convaincu d'avoir cherché à inspirer la terreur aux Citoyens et à les détourner d'aller à la défense de la Vendée, en y représentant les brigands comme étant aussi épais que la cendre qu'il répandoit avec profusion devant les témoins, et que ce seroit aller se faire bûcher.

Déclare aussi ledit Elion, convaincu d'avoir tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, en disant qu'on ne pouvoit se promettre ni paix, ni tranquillité tant qu'il n'y auroit pas un gouverneur, un supérieur, un roi ou une puissance.
Convaincu encore d'avoir cherché à avilir la Convention, en disant que ses décrets étaient de la barbe de lièvre et des attrape-sots.

En conséquence, condamne ledit Elion à mort, conformément à la Loi du 4 décembre 1792, et à l'article III de la Loi du 9 avril dernier, dont il a été fait lecture, lesquels sont ainsi conçu :
La Convention décrète que quiconque proposeroit ou tenteroit d'établir en France la royauté ou tout autre pouvoir du Peuple, sous quelque dénomination que ce soit, sera puni de mort.
Article III de la Loi du 9 avril 1793, les Tribunaux criminels de tous les départements de la République sont également chargés de poursuivre et juger les mêmes délits dans les mêmes formes et d'après la même loi, et celles précédentes auxquelles il n'a pas été dérogé.
Déclare tous ses biens, dudit Elion confisqués au profit de la République, conformément à l'article VII de ladite loi du 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu :
Art VII - La peine de mort prononcée dans les cas déterminés par la présente Loi emportera la confiscation des biens, et il sera pourvu sur les biens confisqués à la subsistance des pères, mères, femmes et enfants qui n'auraient pas d'ailleurs de biens suffisans, pour leur nourriture et entretien : on prélèvera en outre sur le produit desdits biens le montant des indemnités dues à ceux qui auront souffert de l'effet des révoltes.

Ordonne que ledit Elion sera, dans les 24 heures, livré à l'exécuteur des Jugements criminels ;
Et sera, le présent Jugement imprimé, publié et affiché dans l'étendue du Département.

Fait et prononcé à Angoulême, le dix-sept du second mois de l'an second de la République française, une et indivisible, en l'audience du Tribunal criminel du Département de la Charente, où siégeoient les citoyens Léridon, Président ; Mourou, Gautier et Mallet, Juges, qui ont signé la minute dudit Jugement.
Signé : Léridon, Président ; Mourou, Gautier, Mallet, Juges.
Pour expédition :
Signé : Léridon, Président ; Thibaud, Greffier.

Angoulême : chez les Citoyens P. Broquisse et L.-M. Marvaud,
Imprimeurs du Département, rue Saint-François, 1793.

Communiqué par M. LUCIAT, instituteur à Pleuville
Bulletin de la Société charentaise des études locales.

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