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La Maraîchine Normande
25 janvier 2013

LA SOCIETE DES RÉPUBLICAINES D'AUCH ET LEUR BANNIERE EN 1793

LA SOCIETE DES RÉPUBLICAINES D'AUCH ET LEUR BANNIERE EN 1793

Par M. G. BREGAIL

Le musée de la ville s'est enrichi d'un précieux souvenir de la Révolution ; nous disons précieux, parce qu'un objet comparable n'existe nulle part, et que le musée Carnavalet lui-même, où sont réunies tant de curiosités révolutionnaires, ne possède pas son pareil. Il s'agit de la bannière autour de laquelle se ralliaient les femmes républicaines de la commune d'Auch en 1793. Elle est constituée par un rectangle de soie blanche ou taffetas, qui mesure près de deux mètres de long sur quatre-vingt-cinq centimètres de large. Peinte à l'aquarelle et très sobrement ornée, elle porte en lettres capitales cette inscription, dont nous respectons l'orthographe : DRAPAU DE LA REUNION DES REPUBLICAINES D'AUCH. Mais par sa forme et sa disposition, elle est moins un drapeau qu'une bannière. Son unique décor consiste dans un médaillon de soixante centimètres de diamètre placé au milieu et fermé de trois larges anneaux concentriques, l'un bleu, l'autre blanc et le troisième rouge. Formant couronne, deux rameaux de chêne l'entourent de leur feuillage vert sombre. Entre l'anneau bleu et l'anneau rouge, on lit : République une et indivisible, et, à l'intérieur même du médaillon : Le peuple français debout contre les tyrans.

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En présence de cet emblême, qui fut témoins de l'agitation révolutionnaire dans la ville d'Auch au cours de l'année tragique, et qui servit de signe de ralliement à de nombreuses femmes, on se demande si un club féminin, à tendances jacobines, n'exista point parallèlement au fameux club montagnard auscitain qui dirigea le mouvement révolutionnaire dans le Gers jusqu'au 9 thermidor.

Ce groupement féminin n'aurait pas constitué une exception. Les citoyennes de la ville d'Aunay, dans le Poitou, n'avaient-elles pas constitué une milice dénommée "les amazones nationales", et n'envoyèrent-elles pas à la Constituante une adresse patriotique dont la lecture fut saluée par de vifs applaudissements ? D'autre part, plusieurs sections de Paris n'avaient-elles pas chacune un club de femmes que le club masculin correspondant prenait sous sa tutelle et auquel il donnait asile dans son propre local ? Ne sait-on pas enfin que les héroïnes des 5 et 6 octobre avaient fondé de bonne heure la Société des femmes républicaines révolutionnaires, qui siégeait dans le charnier de l'église Saint-Eustache ? Ignore-t-on qu'elles avaient une place marquée dans les cérémonies civiques et qu'elles marchaient précédées, elles aussi, d'une bannière portant d'un côté l'inscription : Ainsi qu'une vile proie, elles ont chassé le tyran devant elles, et de l'autre : Femmes des 5 et 6 octobre. En viragos impérieuses, elles tenaient à se mettre sur le même rang que les hommes et, dans leurs paroles comme dans leurs actes, elles semblaient vouloir affirmer les droits politiques de leur sexe.

Y a-t-il analogie complète entre ces clubs féminins de la ville de Paris et le groupe des "républicaines d'Auch" ? Nous ne le croyons pas. Un vrai club révolutionnaire se réunissait périodiquement pour délibérer, pétitionner, dénoncer, organiser la propagande, surveiller les ennemis de l'intérieur et agir avec énergie sur les pouvoirs publics. Cessant d'exister, il laissait après lui de nombreuses traces dans les archives publiques et particulières : règlement intérieur, procès-verbaux des séances, pièces de comptabilité, adresses, pétitions, correspondances, etc. Or, on ne trouve rien de semblable concernant les "républicaines d'Auch", ce qui nous autorise à croire qu'il n'exista point dans cette ville une société populaire de femmes régulièrement organisée, mais plutôt un groupement amorphe, à effectif flottant, qui se réunissait d'une manière spontanée sous l'empire de l'émotion, de la colère ou de l'enthousiasme causé par tel ou tel évènement public.

A Auch, comme dans tout le département du Gers, les femmes, en grande majorité, restèrent fidèles à l'ancien régime et en particulier à la religion catholique. Cependant, quelques-unes assistèrent avec plus ou moins d'intérêt et d'assiduité aux séances des sociétés populaires d'hommes ; d'autres, mais le cas est plus rare, participèrent effectivement et d'une manière très active à leurs travaux. Certaines, comme la citoyenne Larroche à Lectoure, rédigent des adresses aux pouvoirs publics ou prononcent des discours très applaudis ; d'autres remplissent dans les clubs un rôle prépondérant et se rendent indispensables : tel est, par exemple, le cas des soeurs Garros au sein de la société populaire de Saint-Jean-Poutge ; l'une y remplit les fonctions de président et l'autre celles de secrétaire, cependant que leur père présente les motions et que le curé les inspire secrètement tous trois.

Sous les apparences trompeuses du plus pur jacobinisme, la famille Garros peut ainsi vivre dans une sécurité absolue, dissimuler sa haine de la révolution avec une incroyable habileté, et même protéger ou secourir à l'occasion ses amis restés partisans de l'ancien régime.

A la société populaire d'Auch, les femmes ne sont point admises à titre de membres actifs, mais elles ont la faculté d'assister aux séances, et le représentant du peuple Dartigoeyte n'est pas éloigné de rendre leur présence obligatoire :
"La liberté triomphe", s'écrie-t-il à la séance du 21 messidor an II (9 juillet 1794) ; "nous nous sommes réjouis de ses victoires, et j'ai eu la douleur de ne voir aucune femme parmi nous. Lorsqu'il faut aller au bal ou à des amusements puérils, elles se présentent en foule. J'espère qu'à l'avenir elles se joindront à leurs époux, qu'elles leur disputeront le patriotisme et qu'elles se montreront dignes d'être les compagnes d'hommes libres".

L'impérieuse invitation du farouche conventionnel ne reste pas sans effet, et désormais un assez grand nombre de citoyennes, parées de la cocarde aux trois couleurs, assistent aux séances. C'est parmi ces zélées patriotes qu'on prendra des actrices pour le théâtre révolutionnaire et des choristes pour chanter les hymnes dans les cérémonies civiques. Nous connaissons toutes celles dont le talent est mis le plus fréquemment à contribution ; ce sont les citoyennes Cézérac, Dupuy cadette, Guérard, Delcros cadette, Laborde, Brun, Sansot fille, Sarrau aînée, Blaisine Latour, Duran fille, Jeanneton Sauvé, Doat, Dupuy aînée, que parmi ces femmes il n'en est pas une seule qui porte le nom d'un des militants du parti jacobin. On peut en inférer que si des jacobins, comme Lantrac, Boubée, Bonne, Druilhet, Delille, Gros et Toulouzet, se sont jetés avec fougue dans le torrent révolutionnaire, leurs femmes et leurs filles ne les ont pas suivis. En paisibles bourgeoises, elles restent au foyer, soit par prudence, soit par opposition d'idées, soit par indifférence, soit enfin pour ne pas se commettre avec des femmes du peuple. Car, ce n'est point douteux, celles que l'on nomme les républicaines d'Auch sont des femmes du peuple, mères, épouses ou filles de petits ouvriers ou de gens sans sou ni maille. Elles seules s'intéressent aux séances du club, participent aux cérémonies patriotiques et assistent aux fêtes décadaires.

Au rédacteur d'un journal qui s'indigne du peu de zèle avec lequel on célèbre le décadi, un habitant des faubourgs de la ville répond vertement ce qui suit :
... Si au lieu de rester dans lieux hauts de cette ville et parmi ce qu'on appelle "les-gens-comme-il-faut", malgré nos principes d'égalité en droit, vous fussiez descendu dans nos parages, vous auriez vu que l'esprit qui nous animait en 89 est encore le même ; vous nous auriez vu pour la plupart quitter nos ateliers pour monter au temple décadaire ... vous nous auriez entendus dire à nos femmes de nous accompagner et nos femmes nous répondre que, pour ce qui est d'obéir à la constitution et aux lois, d'assister à toutes les fêtes nationales, elles étaient prêtes d'y courir avec nous, mais qu'elles craignaient d'être honnies par "les belles-dames", qui faisaient fi du décadi et des fêtes républicaines ; encore, nous disaient-elles, que ce soient les femmes des ci-devant qui n'y vinssent pas, cela ne nous surprendrait pas ; mais les dames patriotes être les premières à manifester ce dédain !!
Qu'avons-nous à dire et que devons-nous penser de ces fêtes ? Quelle importance voulez-vous que nous y mettions et comment voulez-vous nous faire croire que ce soit un devoir d'y assister quand nous n'y avons jamais vu la citoyenne David, jamais les citoyennes Abadie qui ont tant de motifs d'être républicaines ; jamais les citoyennes Boduër, jamais la citoyenne Amade, jamais la citoyenne Bédout, jamais aucune femme de nos municipaux, aucune femme de nos membres de justice qui tiennent ici ménage, jamais ou bien rarement la citoyenne Sol, femme respectable, aussi attachée à la chose publique qu'elle l'était à la ci-devant intendance ; jamais aucune de ces femmes du "Chemin-Droit" qui s'endimanchent si bien, jamais leurs voisins de la place Marie qui ne leur cèdent en rien, jamais, jamais, etc., car nous en pourrions citer une infinité d'autres qui, si elles se montraient au temple décadaire nous y verraient bientôt, quoique nous n'ayons pas comme elles des domestiques pour avoir soin de notre ménage et de nos enfants pendant que nous serions au temple ; nous porterions ceux-ci dans nos bras et, dès la mamelle, ils apprendraient notre air chéri de "ça ira".
Citoyen rédacteur, vous voyez que nous n'avions rien à répondre à de si justes objections. Faites part de ma lettre à vos abonnés, et peut-être aura-t-elle son effet si elle tombe dans les mains de "ces dames" qui, tout en profitant des bienfaits de la révolution, sont au courant de l'ancien régime.

Ainsi donc les "républicaines d'Auch" ne paraissent point appartenir à la bourgeoisie révolutionnaire ; ce sont des femmes du peuple qui se réunissent dans chaque quartier ou section qu'elles veulent participer à une fête civique. Le 5 décembre 1793, on les voit se présenter à la porte de la salle des séances du club montagnard au moment où l'aubergiste Barcarin Delisle rend compte de sa mission auprès de la Convention nationale. Ayant obtenu l'autorisation du président, dit le procès-verbal, "elles entrent précédées d'une musique guerrière et, après avoir promené dans la salle au milieu des applaudissements, la citoyenne Cézérac obtient la parole. Elle témoigne à Delisle, au nom de ses compagnes, le plaisir qu'elles ont de le voir de retour après avoir heureusement rempli sa mission, et elles lui font hommage du civisme qu'il a su leur inspirer. Delisle témoigne à ces citoyennes sa sensibilité et leur promet de les guider toujours dans le sentier de la Montagne. Comme c'est l'usage dans les clubs révolutionnaires et que d'ailleurs, en Gascogne, la galanterie ne perd jamais ses droits, le président donne "le baiser fraternel" à la "citoyenne commandant ses compagnes" ; puis, mis en goût, il embrasse aussi leur "orateur". Ce que voyant, l'un des sociétaires "propose une accolade générale qui est acceptée avec transport, et la séance est terminée par la danse de la carmagnole". Ce serait donc une erreur d'affirmer que les séances du club étaient ou lugubres ou violentes, puisque celle dont il s'agit ici commence par un air de musique et se termine dans une sarabande échevelée au bruit des danses et des baisers.

Toutefois, il faut bien le dire, les rapports entre ces joyeuses luronnes et les sans-culottes du club montagnard ne furent pas toujours aussi cordiaux, et cela par la faute de quelques-uns d'entre eux qui manquaient totalement de bonne éducation. Peut-être appartenaient-ils à ce quartier du Caillou qui, d'après un journaliste de l'époque, était à la ville d'Auch ce qu'était le faubourg Saint-Antoine par rapport à Paris. Les patriotes du Caillou, pauvres hères pour la plupart, étaient certes nombreux et décidés ; mais leur zèle était excessif et, vraisemblablement, ils n'avaient rien de la distinction du langage et de l'élégance des manières qui caractérisent l'aristocratie du XVIIIe siècle. Or donc, certain jour, dans une cérémonie civique, l'un d'eux, membre de l'administration départementale, conduisait le groupe de jeunes citoyennes qui en était le plus bel ornement. Après leur avoir fait prendre place dans le cortège, prêt à se dérouler processionnellement dans les rues de la ville, il leur donne le signal de marche en ces termes grossiers et infâmes : "En avant, mes putains !" "Soudain", ajoute le narrateur à qui j'emprunte ces renseignements, "l'indignation s'empare de ce sexe qui fait, à juste titre, l'honneur et la gloire de notre commune. Le détachement se sépare et notre fameux général reste seul, abandonné de sa charmante troupe. Une insulte aussi grave porta une teinte de sensibilité inexprimable au coeur de ces estimables citoyennes qui ne manquèrent pas de s'en plaindre et d'en témoigner leur mécontentement. L'auteur de cette apostrophe, dénoncé à la société populaire, ne trouva pas de nombreux partisans, des hommes probes, vertueux et austères tonnèrent contre lui."

Mais, le croirait-on, un membre du club osa prendre sa défense, ce fut le chef même des terroristes gersois, le docteur Lautrac :
"Quoi !" s'écria-t-il, en bondissant à la tribune, "ces citoyennes pourraient-elle se fâcher de ces expressions ? Bien loin de porter atteinte à leur honneur, elles servent au contraire à leur donner les éloges que mérite leurs patriotisme. Ici, citoyens, le mot peut être pris sous un double rapport ; car si on les appelait "pucelles" en patriotisme, ce serait alors qu'elles pourraient témoigner leur indignation ; mais "putains" en patriotisme, c'est accorder à leurs actions le prix qu'elles méritent ; en un mot, c'est les nommer montagnardes républicaines". La majorité de l'assemblée se laissa convaincre par cet inconcevable plaidoyer, et elle eut la faiblesse d'absoudre celui qui, en public et sans motif, avait ignominieusement outragé des jeunes femmes.

De tout ce qui précède, il est permis de conclure que les "républicaines d'Auch" formaient un groupe inorganisé qui participait aux manifestations populaires et aux cérémonies civiques. Quand à leur "drapeau", nul ne connaissant son histoire, notre curiosité n'avait eu d'autre aliment, jusqu'à ce jour, que de simples conjectures :

"Il me paraît à peu près inadmissible, écrivait M. Bénétrix, que les républicaines d'Auch aient fait elles-mêmes l'acquisition de leur drapeau. Quels en auraient été dans ce cas les généreux donateurs ? Ici encore l'absence de documents précis oblige à se tenir prudemment dans le domaine des conjectures. Mais une chose digne de remarque, c'est que la société montagnarde avait l'habitude de faire de semblables cadeaux ... Il aurait pu être donné aussi par la municipalité d'Auch, par l'administration centrale ou encore par le représentant du peuple en personne ; mais c'est la première de ces hypothèses qui me paraît la plus vraisemblable".

Or, un très curieux document, dont la découverte est toute récente, va nous permettre enfin d'élucider ce point d'histoire locale ; c'est le procès-verbal de la séance tenue par le club montagnard auscitain le 2 frimaire an II (22 novembre 1793), sous la présidence du conventionnel Cavaignac, représentant du peuple, en mission dans le Gers. Sa lecture va nous renseigner d'une manière exacte et définitive sur l'origine et la destination du drapeau en question ; de plus, elle va nous faire assister à une intéressante séance du club jacobin au cours de laquelle se présentent les "femmes républicaines" groupées sous les plis de leur bannière flambant neuve qu'elles viennent offrir à leur "frères et amis" de la montagne. Nous aurons même la satisfaction d'entendre le discours savoureux prononcé à cette occasion par l'une d'elles, Blaisine Latour, au nom de ses compagnes, ainsi que la réponse du citoyen Cavaignac. Ce procès-verbal s'exprime ainsi :

... Fonblanc demande l'admission des citoyennes de la commune qui portent le drapeau de la réunion. Sur la proposition de Lantrac, les citoyennes qui ont quitté leur drapeau sont invitées à retourner à leur poste ; ce qui s'exécute.
Les citoyennes des trois sections entrent au son d'une musique guerrière et au milieu des applaudissements, ayant à leur tête le drapeau de la réunion.
La citoyenne Latour le présente à la société et prononce le discours qui suit :
"Citoyens montagnards,
Les citoyennes des trois sections de la commune d'Auch viennent consacrer dans le foyer de l'esprit public ce gage d'une réunion à jamais durable. Amies sincères de l'égalité et de la liberté, elles immolent sur l'autel de la Patrie ces odieuses prétentions prétentions que produisaient entre les enfants de la même mère de vaines différences de rang ou de fortune.
Une seule rivalité subsiste entre elles, c'est de concourir chacune suivant ses moyens à la prospérité et à l'ornement de la République
Elles abjurent aussi ces erreurs trop longtemps accréditées au nom de la Divinité, qui s'emparaient d'elles au moment de leur naissance et jetaient le poison de la tristesse dans des imaginations tendres et délicates.
Filles, épouses, mères, libres des préjugés de l'orgueil et du fanatisme, elles ne reconnaissent d'autres préceptes que ceux de la raison, d'autre joug que celui des vertus, d'autres chaînes que les doux sentiments qui naissent de la nature.
C'est le triomphe de la montagne, qui, donnant un libre essor à nos facultés, rompt les liens affreux qui jusqu'ici ont comprimé et flétri nos âmes.
Vive à jamais cette montagne, qui toujours a reçu les premiers et les plus beaux rayons de l'astre qui nous éclaire. Qu'assise sur des fondements inébranlables et portant son front dans les cieux, elle serve à jamais de phare à la félicité publique !"

Réponse du président :
"Dignes républicaines,
L'union fera toujours la force des peuples contre les tyrans et le désespoir des fédéralistes, des aristocrates, de tous les ennemis de la liberté. Le signe de cette union que vous venez offrir à la société, lui servira de ralliement dans les dangers de la Patrie ; c'est en le voyant suspendu à la voûte de ce temple que les citoyens qui s'y rassemblent, que ceux qui viennent entendre leurs débats civiques et s'instruire avec eux se rappelleront avec une douce émotion qu'il parut, pour la première fois, dans une fête civique, le jour où le peuple d'Auch, secouant les chaînes du fanatisme et de la superstition, en a précipité dans les flammes les les ridicules idoles. Ils se rappelleront que le dépôt leur en fut confié par la vertu, par ce sexe dont elle est le plus bel apanage.
Dignes républicains, ce temps n'est donc plus où, réduites à une nullité humiliante, le despotisme d'un sexe plus fort et mieux instruit comprimait votre énergie, rétrécissait votre âme par des occupations minutieuses ; l'amour de la Patrie et de la liberté brûlait aussi dans vos coeurs ; votre conception était aussi susceptible d'idées grandes et sublimes. la révolution vous a rendues à la nature, à vous-même : la société vous félicite du bel usage que vous faites chaque jour, de votre régénération. Bientôt les Françaises, distinguées des autres femmes de l'Europe, par leur beauté, leur douceur et leurs grâces, vont acquérir une célébrité plus durable, telle que l'ont encore parmi nous les femmes de Sparte et de Rome, c'est-à-dire celle qui est due au courage, au patriotisme, au dévouement.
La société, sensible et reconnaissante pour l'hommage que vous venez de lui présenter, vous invite aux honneurs de la séance."

Il résulte donc de ces discours, que la superbe bannière sous laquelle se rangèrent "les citoyennes des trois sections de la ville d'Auch" le 2 frimaire an II (22 novembre 1793), symbolisait à leurs yeux la réunion des femmes républicaines dans les sentiments d'égalité sociale, dans l'abjuration du catholicisme et dans l'adhésion aux principes montagnards. Le citoyen Cavaignac nous apprend qu'elle parut pour la première dans une fête civique, "le jour où le peuple d'Auch, secouant les chaînes du fanatisme et de la superstition, en précipita dans les flammes des ridicules idoles", c'est-à-dire le 30 brumaire an II (20 novembre 1793), jour où fut célébré à Auch, en grande pompe, la fête de la Raison. Cavaignac nous apprend enfin que, offerte au club montagnard, elle fut suspendue au plafond de la salle des séances, lesquelles se tenaient à cette époque au théâtre municipal.

Telle est l'histoire, très courte comme on l'a vu, de l'intéressante bannière admirablement bien conservée et aux teintes à peine pâlies, qui vient de prendre place au musée de la ville d'Auch, à côté de quelques autres souvenirs de la Révolution. Après avoir connu la fièvre dévorante de l'année terrible, frissonné au souffle des acclamations populaires et promené ses plis soyeux, en triomphatrice, au-dessus d'un peuple en délire, un destin plus modeste lui est désormais réservé. A ceux qui la contempleront, immobile, dans le silence et le calme paisible de la vaste nef où est installé le musée, elle rappellera simplement la participation hardie de quelques femmes d'Auch à l'immense drame révolutionnaire dont elle servit un instant de décor.

Société archéologique du Gers - 1919

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