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La Maraîchine Normande
24 janvier 2013

LETTRE D'UN SOLDAT QUERCYNOIS DE L'AN II

A la citadelle de Bayonne, le 23 thermidor l'An II de la R.F., une, indivisible et impérissable.

MON TRES CHER FRERE,

Je m'empresse de t'apprendre les bonnes nouvelles qui nous arrivent à tout instant des différents camps qui nous environnent. Tout va à quatre roues, victoire sur victoire. Irun est pris, Fontarabie et Saint-Sébastien sur le compte (sic). Le courage avec lequel nos braves frères ont foutraillé nos ennemis est admirable ; on n'a jamais vu pareille chose. Le diable ni l'enfer ne résisteraient pas. Ils sont déjà à Pampelune ; de Pampelune, ils vont à Madrid, si le tyran espagnol ne porte pas sa tête (sic). Mais je crois qu'il n'attendra pas, ni son peuple non plus, que nous poussions plus avant, pour se rendre.
Nous venons aussi de lui prendre le grand camp des Emigrés, dans lequel s'est trouvé un général qui avait déserté la France et qui vient d'être conduit à Bayonne. Nous avons 4.000 prisonniers en ville ; 2.000 sont sous la responsabilité de 5 compagnies placées à la Citadelle et dans l'une desquelles l'on m'a fait sergent.
Nous sommes là assez bien.
Nous avons vu arriver avant hier tout l'Etat-Major de St-Sébastien. Beaucoup de femmes avec eux. Nous leur avons fait crier aussi souvent que nous avons voulu : Vive la République.
Ils ont été obligés de passer sous (sic) un drapeau espagnol que la Garde nationale traînait dans la boue des rues de Bayonne, tambour battant et tous les musiciens jouant ; suivis d'un vétéran avec toute sa compagnie organisée d'enfants, tous armés et marchant en mesure en chantant le mépris du drapeau de ces lâches.
Dans cette seule campagne, nous avons tout au moins pris 10.000 hommes au tyran espagnol, nous en voyons passer tous les jours un nombre infini, je crois que toute l'Espagne entre (sic). Aujourd'hui je viens de voir arriver les habitants de la ville de St-Sébastien, au nombre de sept à huit cents conduits par deux gardes nationaux.
Il nous arrive tous les jours de (nouvelles) forces. Nous ne savons qu'en faire. Nous sommes environ 20.000 hommes dans cette ville ou à la citadelle ou au camp ; la citadelle ou le camp ne sont éloignés de la ville de plus d'un demi-quart d'heure.
Nous nous voyons tous les jours, entre camarades, nous mangeons le plus souvent ensemble, quoique nous soyons séparés en partie.
Bouzaguet Virelèvre est resté au camp (en qualité de sergent). A proportion qu'il arrive des forces, on lui donne 16 hommes pour les commander et les faire partir, quand le cas le requiert, et quand les 16 sont partis, on lui donne (encore) pareil nombre.
Il est au camp de Bayonne pour longtemps, et j'espère que je ne quitterai pas la citadelle plutôt que lui, le camp.
La ville est couverte de laurier, on en met de nouveau tous les jours. Ce que vous devez tous faire (vous aussi), dans votre commune : le canon vous annonce toujours la victoire. Ca éveille ceux qui aiment le sommeil dans un temps si précieux. Nous espérons d'ici peu de temps, de vous porter une branche de laurier.
Tout va être fini. Les lâches que nous avons laissé dans notre commune vont mourir de honte. Pour tout le monde je ne voudrais pas être à partir.

Je prie la municipalité de faire part de ma lettre à tous ceux qui se trouvent dans ce cas.
Adieu, mon très cher frère, je t'embrasse de tout mon coeur, avec ma très chère mère et mes soeurs.

BOULZAGUET, sergent.

Fais-moi savoir des nouvelles du païs et de celles de toute la maison. Boulzaguet Virelèvre te fait bien des compliments et salue toute la municipalité.

(Nous devons cette communication à l'obligeance de notre aimable collègue M. Auguste Lacaze, qui la tenait de M. Paumès, d'Ondres. Elle est extraite du Bulletin de la Société des Etudes du Lot, Octobre à Décembre 1928, page 70.

Bulletin trimestriel
Société des sciences, lettres, arts et d'études régionales de Bayonne
1929

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