Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
2 octobre 2012

NOTICE SUR LA VIE DE STOFFLET PAR M. LANDRIN, L'UN DE SES OFFICIERS

 

 

M. Louis Chanlouineau, originaire de Maulévrier, étudiant à Paris en 1825, avait demandé à un ancien officier de l'armée de Stofflet des renseignements sur son ancien général.

M. LANDRIN, René, fils de Joseph Landrin et de Marie David, né à Saint-Etienne-de-Montluc (Loire-Inférieure), officier de Stofflet, notaire à Drain (Maine-et-Loire), maire de cette commune de 1810 à 1824, chevalier de Saint-Louis, mort en sa maison de la Renellerie le 8 juillet 1852, veuf de Charlotte Bureau. Homme de courage et d'énergie, il avait la figure et le corps couverts de cicatrices. Renseignements communiqués par Madame Veuve Landrin, sa belle-fille, et M. Baguenier-Desormeaux, avoué à Cholet.

M. Landrin lui répondait, le premier avril 1825, par la lettre suivante :

Drain, le 1er avril 1825

Monsieur,

J'ai bien reçu votre lettre du 11 mars dernier et, je partage bien votre manière de penser au sujet du général Stofflet. Aux avant-dernières élections, je m'entretins quelque temps à ce sujet avec M. le comte de Colbert et lors de la souscription que l'on fit pour le monument de M. de Bonchamps, je manifestai le désir qu'auraient les officiers et soldats de l'armée d'Anjou de voir figurer leur chef sur la place de Maulévrier. A cela M. le comte me répondit que son défunt frère avait employé tout son crédit pour élever un monument à la mémoire de M. Stofflet, mais que tout ce qu'il avait pu obtenir, c'était, par l'intermédiaire de Monsieur, aujourd'hui roi, de faire une niche dans une aile de son château pour y placer le buste de ce grand homme. Je m'empresse donc de vous envoyer une notice sur Stofflet, où vous y verrez quelques traits qui pourront peut-être vous être inconnus, parce que chaque compagnon d'armes est témoin de quelque chose. Je regrette beaucoup que mon ami Coulon, ancien secrétaire de Stofflet, soit mort, parce qu'il aurait pu vous répéter au besoin ce que je vous marque sur les derniers moments de ce général. Car c'est de sa bouche que je les tiens. On pourrait peut-être encore en savoir plus long en se transportant sur les lieux indiqués. Ma mémoire ne peut en ce moment vous indiquer les époques, ni les lieux où se sont passés les évènements. En parcourant un mémoire de Mme de la Rochejaquelein, j'en ai trouvé beaucoup auxquels vous pourrez avoir recours au besoin. Si les moyens me le permettaient, par le désir que j'ai de voir figurer le général Vendéen au rang des grands hommes, j'entreprendrais une tournée qui aurait pour but de recueillir de tous les officiers et soldats marquants, les traits dignes de figurer dans son histoire. Mais c'est une dépense que mes moyens ne me permettent pas de faire en ce moment. Je désire donc que vous trouviez dans cette notice ce que vous recherchez, et croyez-moi bien sincèrement, avec une haute considération, Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

LANDRIN

Officier de Stofflet et chev. de Saint-Louis.

 

 

A cette lettre était jointe la notice que nous reproduisons ci-dessous. Celle-ci ne contient rien de bien nouveau peut-être, si ce n'est quelques détails sur l'organisation des Chasseurs de Stofflet, dont M. Landrin a fait partie en qualité de capitaine, sur les établissements créés par ce général dans la forêt de Maulévrier, et sur les circonstances qui amenèrent le jugement et l'exécution de Bernard de Marigny. Contrairement à l'opinion admise par la plupart des historiens que l'abbé Bernier avait abusé de son influence sur Stofflet pour décider celui-ci à ordonner l'arrestation de Marigny, M. Landrin ne signale pas la présence du curé de Saint-Laud à Cerizay au moment de cette exécution. Il attribue la détermination de Stofflet à cette circonstance que, la présence de M. de Marigny dans les environs de Cerizay ayant été dénoncée publiquement, ce général n'avait pu se dispenser d'ordonner l'exécution du jugement rendu plus de deux mois auparavant, dans un conseil de guerre, qui avait condamné à mort ledit Marigny pour insubordination.

M. Landrin est d'accord sur ce point avec un autre officier de l'armée de Stofflet, M. Barbot Jean-Jacques, ancien chef de division du Loroux et ensuite du Fief-Sauvin. Celui-ci, dans une lettre adressée de Champtoceaux, le 30 août 1823, à M. le Chevalier des Fontaines à Nantes, dont nous avons une copie sous les yeux, affirme que ce sont des lettres de Charette, lettres qu'il jure avoir lues, reprochant à Stofflet le retard mis par lui à faire exécuter le jugement rendu à Jallais contre Bernard de Marigny, qui décidèrent ce général, bien à contre coeur, à ordonner l'arrestation du condamné, et M. Barbot nie formellement que l'abbé Bernier ait pris une part quelconque à ce malheureux évènement.

Nous avons dû relever quelques inexactitudes dans le récit de M. Landrin, inexactitudes qui s'expliquent du reste par la date à laquelle écrivait celui-ci, plus de 30 ans après les évènements qu'il avait entrepris de raconter. Nous avons cru cependant devoir publier cette notice, écrite par un contemporain désintéressé et qui témoigne d'une façon touchante de l'admiration et de l'affection conservées par les anciens soldats de l'armée d'Anjou pour leur ancien général.

 

NOTICE SUR LA VIE DE STOFFLET

GENERAL VENDEEN

PAR M. LANDRIN, L'UN DE SES OFFICIERS.

 

Stofflet zzz

 

 

VIE MILITAIRE

En 1793, faisant partie de la division aux ordres de M. de Bonchamps, je ne connaissais que de renommée le général Stofflet, qui était alors le Major-Général de l'armée aux ordres de M. d'Elbée, généralissime des armées de la Vendée, appelée par le soldat "la Grande Armée". Mais, dans la campagne d'outre-Loire, me trouvant sous ses ordres, car il remplissait dans cette campagne les mêmes fonctions de Major-Général, j'ai été témoin de ses hauts faits d'armes. Toujours à la tête de l'armée et des expéditions majeures, il montrait l'activité et le courage que l'on trouve peu chez les hommes. Il était, en un mot, l'âme de l'armée, car, sans son zèle et son courage, elle eut succombé plus tôt ; aussi était-il aimé et craint du soldat ; je dis aimé, car quand les braves le voyaient à leur tête, ils s'écriaient : "Vive le Roi, la victoire est pour nous". Je dis craint, car s'il était aimé des braves, les lâches le redoutaient. Aussi, plus d'une fois, l'ai-je vu casser son sabre sur leur dos et mortifier l'officier poltron par des regards et des expressions honteuses, comme celles qu'il adressa un jour à certain gentilhomme nantais qui se trouvait à la tête de l'avant-garde qui rencontra sans s'y attendre l'ennemi. "En arrière, M. de M., on se bat en avant.

De retour dans la Vendée, après cette mémorable campagne, Stofflet fut le bras droit du général La Rochejaquelein, jusqu'au jour où ce jeune et intrépide guerrier reçut le coup de mort de la main d'un soldat républicain. Le général La Rochejaquelein mort, l'armée vendéenne proclama Stofflet son général et marcha sous ses ordres. Quelques officiers briguèrent le généralat, mais la majorité l'emporta en faveur de Stofflet. Cet officier général s'occupa de suite de l'organisation de son armée qui, depuis le retour, n'avait été qu'une masse d'hommes de toutes armes sous les ordres d'un chef. En mars 1794, époque où les armées Vendéennes recommençaient à triompher, et où la terreur républicaine était à son comble, il forma trois compagnies de chasseurs et une compagnie de cavalerie. Il prit pour commander ces hommes des braves qui l'avaient suivi dans les différents combats. La première compagnie fut donnée à un nommé Simon, ancien militaire des armées du Roi ; la 2e au nommé Barbot, aussi ancien militaire, et la 3e au nommé Cussonneau, ancien domestique du général de Bonchamps. Le premier capitaine avait le titre de chef de bataillon. Il donna à ce bataillon un adjudant instructeur, nommé Marionneau, très brave et très instruit dans la tactique et la manoeuvre militaire. Le 1er capitaine fut tué, peu de temps après l'organisation, dans une affaire qui eut lieu à Nueil-sous-Passavant. Le général me confia alors le commandement de cette compagnie, avec son titre de lieutenant-colonel. Le commandement de la cavalerie fut donné au nommé Meunier, ancien sous-officier de cavalerie, qui, dans une charge, fut blessé à mort et ensuite achevé à l'hôpital par les républicains. Cet officier mort, le commandement de son corps fut donné au nommé Cesbron, qui survit encore. Le corps des tambours fut en même temps organisé en forme de petite cavalerie.

Le major, surnommé La Ruine, qui était très bien monté et équippé, a, à ma connaissance, plus d'une fois décidé de la victoire et de la défaite des bataillons républicains par le bruit de sa caisse qu'il portait toujours avec un sabre à la Malbrouck. L'armée de Stofflet, surnommée l'armée du Bas-Anjou et Haut-Poitou, ainsi organisée, parvint, dans l'espace de six mois, à nettoyer son territoire des armées républicaines. Pendant ce beau temps de victoire, si l'on peut ainsi parler, plusieurs anciens généraux de la Vendée qui étaient restés en Bretagne par l'effet du passage de l'armée, vinrent se réunir à Stofflet, tels que MM. de Fleuriot, de Rostaing, Soyer, Martin, etc... à la fin de 1794. L'armée de Stofflet, jouissant en paix du fruit de ses victoires, s'organisa par divisions. Le major général, M. Trotouin, et le commissaire général, M. l'abbé Bernier, firent à ce sujet des règlements dignes d'être connus. Une imprimerie fut établie et dirigée par le sieur Chambart. Des hôpitaux furent établis et la direction en fut donnée à M. des Ormeaux. Des ateliers d'étoffes, de chapellerie, de cuirs et de fers furent aussi établis et dirigés par différents chefs. Des salpêtrières et manufactures de poudre furent dirigées par le sieur Boisgontier, etc. Enfin une secrétairerie, composée du Bureau militaire, des finances et des subsistances, était dirigée par M. Gilbert, secrétaire général de Stofflet. Pendant cette tranquillité éphémère il se fit dans la chapelle de Mallièvre (Ce n'est point à Mallièvre, mais au château de la Boulaye, près Châtillon) un traité d'alliance entre les trois généraux vendéens, Stofflet, Sapineau et Charette. L'armée de Charette et celle de Sapineau, surnommée l'armée du Centre, vinrent ensuite porter secours à celle d'Anjou. La réunion eut lieu à Jallais. Ce fut dans cette réunion, qui devait faire l'honneur et la force des armées royales, que prit naissance la désunion et le déshonneur des chefs. M. de Marigny, ancien officier de marine, je crois, qui faisait partie et ambitionnait le commandement de l'armée du Centre, jaloux de n'être pas admis au conseil des trois généraux, ou plutôt par sa mauvaise tête, mit le désordre dans l'armée qui était à la veille de marcher sur une colonne incendiaire qui était campée à Chaudron, sous le prétexte que ses soldats n'avaient pas de vivres et n'étaient pas aussi bien traités que les autres. Il vint, le matin du jour désigné pour le combat, la tête encore toute chaude des excès de la nuit, déclarer aux trois généraux que ses soldats refusaient de marcher et qu'ils allaient s'en retourner, ce qu'il effectua de suite, en ordonnant la retraite à ceux qui voulaient le suivre. A cette nouvelle, Charette, homme vif et impérieux, ordonna de suite à M. de la Robrie, commandant de sa cavalerie, de courir sus et d'amener mort ou vif le chef de désordre, ce qu'il effectua. Mais M. de Marigny, ayant de l'avance, ne put être atteint. On rapporta seulement quelques étendards et on ramena quelques cavaliers. Pendant le désordre, l'armée se contenta de se faire voir en ligne et de la provoquer par quelques décharges de mousquetterie. La nuit survenue, l'armée royale se retira à quelque distance pour observer la colonne ennemie qui se renferma dans les murs de Saint-Florent. Cette position de la part de l'ennemi étant considérée comme inexpugnable, on le laissa, et les trois armées se retirèrent chacune en son cantonnement ordinaire. Mais, avant de se quitter, les généraux et officiers généraux tinrent un conseil, dans lequel M. de Marigny fut condamné à mort comme chef de désunion et traître au pays.

Peu de temps après cette expédition, Stofflet reçut du général Charette une demande de secours pour détruire de son côté une colonne incendiaire. L'armée fut de suite sous les armes et se mit en marche pour Belleville, en prenant la route de Cerizay. Dans cette marche, je fus, par un de ces coups de bonheur, détourné par un ami pour lui choisir un fusil, de manière que j'arrivai quelques heures après l'armée à Cerizay. L'armée à peine arrivée, des soldats vinrent déclarer à Stofflet que M. de Marigny était en tel endroit, avec des cavaliers. Stofflet également furieux du désordre de M. de Marigny et craignant sans doute de déplaire à Charette qui avait montré beaucoup d'entêtement dans la condamnation à mort de Marigny, se trouva, sur le rapport qui lui fut fait, en présence de son Etat-Major, pour ainsi dire contraint d'ordonner l'arrestation de Marigny et son exécution à mort. Il ordonna donc au commandant des chasseurs, qui, dans mon absence, était le capitaine de la 2e compagnie (M. Barbot), d'arrêter M. de Marigny ainsi que ses soldats, de fusiller le chef, après lui avoir laissé le temps de se reconnaître. Ce qui fut ordonné fut exécuté exactement, et, pour preuve, cet officier apporta à Stofflet les croix et décorations dont était porteur M. de Marigny au moment de son arrestation. Le lendemain l'armée se mit en marche le coeur un peu gros de cette expédition. Mais, disait-on, il faut cependant de l'union pour nous soutenir. Arrivés à Belleville, les trois armées se portèrent sur Chalans où était l'ennemi. (M. Landrin a commis ici plusieurs erreurs. Le comba de Chalans, dont il parle, eut lieu le 6 juin 1794, un mois avant la mort de Marigny dont il vient de raconter les incidents. C'est en se rendant à la Châtaigneraye que Stofflet, passant par Cerizay, ordonna l'exécution de ce général, le 8 juillet 1794). La veille de l'attaque, et en pleine nuit, le commandant de cavalerie de Charette vint me demander 25 hommes des plus forts et des plus braves pour arrêter M. Joly, chef de division de Charette qui avait été condamné à mort pour cause de désunion et refus d'obéissance à son chef. J'accordai à la demande de l'officier, mais la troupe ayant cerné le château et escaladé la maison, n'y trouva que des soldats endormis, le chef était évadé. Ce chef de désordre fut arrêté quelque temps après dans l'armée du Centre et fusillé.

Le démon de l'anarchie marchant donc avec les armées ne pouvait que les entraîner dans leur perte ; effectivement la bataille de Chalans, où l'armée royale était double de l'armée républicaine, fut perdue par cet esprit d'ambition ; l'armée de Charette, jalouse de la victoire, tenta l'assaut la première et essuya tout le feu qui la mit en déroute. Vint ensuite celle du Centre qui ne fit que voir l'ennemi. L'armée d'Anjou, qui, suivant la tactique ordinaire de son chef, avait tourné l'ennemi, se vit seule aux prises avec un ennemi supérieur et s'en tira glorieusement, en culbutant tout ce qui se trouvait sur son passage, par une retraite de près de deux lieues en plaine, quoique harcelée par la cavalerie ennemie (Le 6 juin 1794). Cette expédition, quoique manquée, étonna néanmoins l'ennemi, de manière qu'il ne vint point à la poursuite des armées royales, aussi se séparèrent-elles après quelques jours. Là, le conseil des généraux décida que de part et d'autre il serait créé des bons royaux pour l'entretien des armées ; que ces bons auraient cours dans l'étendue de chaque armée. Ce parti pris par les généraux, qui devait cimenter leur union et celle du pays, fut encore un objet de discorde. Charette, qui avait su prendre l'ascendant sur le général Sapineau, revint avec ce général sur cet arrêté d'émission de papier monnaie, je ne sais par quels motifs. Stofflet continua néanmoins à en émettre pour quelques centaines de mille francs (2 243 000 d'après les Notes de Coulon) qui eurent cours pendant quelques mois et tombèrent comme ceux de la république.

 ♣♣♣

Ensuite de cette désunion vint la pacification de la Jaunaie où Charette traité avec les républicains et entraîna encore avec lui le général Sapineau. Stofflet, appelé par les représentants républicains pour en faire partie, voyant le piège qu'on tendait à la Vendée, se retira en criant : Vive le Roi et l'honneur. Là, plusieurs officiers marquants de Stofflet l'abandonnèrent et passèrent, les uns dans la république, les autres dans les armées qui avaient traité. D'après ce refus de traiter de la part du chef de l'armée d'Anjou, celle-ci se trouva en guerre avec les républicains et les armées pacifiées, au point qu'elle fit une incursion sur l'armée du Centre, mit en déroute tous les chefs et s'empara de ses caisses, de papier-monnaie en assignats qu'elle avait reçus en pacifiant. (Mme de Sapinaud dit, en effet, dans ses Mémoires que Stofflet marcha contre Sapinaud, chef de l'armée du Centre et enleva de son château du Sourdis ses chevaux et tout ce qu'il put emporter). Un chef de division de Stofflet fut arrêté comme traître et condamné à mort (M. Prudhomme (Julien, chef de la division du Loroux, avait signé le traité de la Jaunaie avec Charette et Sapinaud), fusillé à Maulévrier). Enfin l'anarchie était à son comble parmi les chefs pacifiés et ceux en guerre. Dans cet état, l'armée républicaine tomba en force sur l'armée d'Anjou et la resserra si bien, qu'un jour, était réduite à peu d'hommes, elle se vit sur le point d'être faite prisonnière. Mais son chef, usant d'une ruse de guerre, demanda une entrevue avec le général républicain, pour traiter s'il était possible. A cette demande, le passage fut accordé avec tous les honneurs militaires à l'armée vendéenne, qui se rendit au château de la Treille, près Cholet, où étaient alors les généraux républicains. En passant par la ville de Châtillon, un grenadier républicain présenta à Stofflet une bouteille pour boire à la santé de la république, dit-il, Stofflet, d'un air méprisant, détourna avec son sabre la main de ce grenadier et donna un coup d'éperon à son cheval qui pensa renverser l'homme et sa bouteille. Alors on entendit de toutes parts les soldats républicains vomir des imprécations, au point que je crus que l'on allait en venir aux mains. Rendue au château de la Treille, l'armée vendéenne reçut des secours en bois et vivres, même de l'armée républicaine. Mais, après deux heures de conférences, Stofflet rejoignit son armée - il était alors minuit et ordonna le départ qui fut très précipité, n'ayant, dit-il, que deux heures pour s'éloigner du camp ennemi. Sortie et réchappée de ce pas, l'armée d'Anjou sut en tirer parti. Car, profitant de l'amnistie des chouans, elle traita à Saint-Florent-le-Vieil, assez avantageusement, si l'on avait tenu les promesses. Mais cette pacification éphémère ne fut qu'un piège aux Vendéens. Peu après, on s'emparait des chefs, on les détruisait secrètement ou lâchement, enfin on porta, par des vexations, la Vendée à reprendre les armes. Mais cette guerre ne fut plus une guerre d'honneur. L'habitant des campagnes avait goûté des douceurs de la paix au point qu'il était difficile de le mener au combat. Les chasseurs, dragons, et quelques braves étaient seuls à guerroyer, ennuyés et harcelés au point de se battre trois et quatre fois par jour, Stofflet ordonna le licenciement pendant quelque temps pour détourner l'armée républicaine que l'on demandait ailleurs. En 1796, après quelques semaines de repos, Stofflet, profitant d'une dépêche à lui adressée de l'armée de Bretagne, convoqua ses officiers et un certain nombre d'hommes et leur assigna pour rendez-vous le Pin-en-Mauges, où était l'abbé Bernier, afin de répondre à ces dépêches. Je reçus l'ordre de m'y rendre également. Pendant que l'armée était à une lieue du Pin-en-Mauges, le général et ses officiers supérieurs se réunirent dans la métairie de ... (La Saugrenière, ferme, commune de la Poitevinière. Le nom de cette ferme est demeuré en blanc dans le manuscrit), à un quart de lieu du Pin, afin d'y conférer sur le sujet des dépêches apportées par M. Erondelle, officier Chouan (envoyé près de Stofflet par les Chouans de Bretagne). La conférence tenue, Stofflet resta à la métairie avec son secrétaire, M. Coulon, son aide-de-camp, M. de Lischtenheim, M. Erondelle, envoyé des chouans, et deux domestiques, dont je ne me rappelle pas les noms, pour répondre aux dépêches. Les minuit survenus, les lettres étant signées, Stofflet dit à son secrétaire de clore les dépêches, qu'il allait se jeter sur un lit, en attendant le jour pour aller rejoindre l'armée. A peine les paquets du secrétaire étaient-ils cachetés, qu'il entendit un coup de fusil et un piétonnement autour de la maison, ce qui le surprit et lui fit éveiller le général et la maisonnée. Un instant après, le commandant républicain somma d'ouvrir les portes, ce qui fut fait, mais reconnaissant la troupe républicaine, la porte fut refermée et aussitôt Stofflet ordonna d'éteindre le feu et les lumières, afin de profiter de l'obscurité pour faire une sortie, préférant ce parti à celui de se défendre. Alors, tout étant disposé pour la sortie, Stofflet, son aide-de-camp et Erondelle s'élancèrent sur l'ennemi en faisant une décharge. Stofflet était déjà à plus de cinquante pas, lorsqu'il reçut un coup de sabre sur la figure qui l'aveugla et le fit tomber et en même temps saisir après une vigoureuse résistance. Arrêté, on le ramena à la maison pour le reconnaître, ainsi que MM. Lischtenheim et Erondelle. Le secrétaire avait profité de l'obscurité pour se cacher derrière une armoire, où il déchira sa correspondance, et les domestiques se couchèrent avec les fermiers et se sauvèrent par ce moyen. En rentrant dans la maison, la seule grâce que Stofflet demanda au commandant de la troupe républicaine fut celle de la maison où les soldats se livraient au pillage et au désordre, grâce qui lui fut, dit-on, accordée, et, contente de son expédition, la troupe républicaine partit de suite avec ses prisonniers pour Chemillé, distant d'environ deux lieues, d'où elle était partie. Peu après, l'armée vendéenne accourut au bruit, mais elle ne put rejoindre la troupe républicaine avant son arrivée à Chemillé, d'où elle expédia dans le jour, je crois, ces Messieurs pour Angers. On rapporte ici que Stofflet conserva toujours l'espoir d'être délivré dans sa route.

Pendant ce coup fatal, j'étais avec le corps des chasseurs sur la Chapelle-du-Genêt, distante de trois lieues. Stofflet m'ayant donné l'ordre de rejoindre ce jour le rassemblement du Pin. Cette nouvelle nous parvint dans la marche et nous était incroyable jusqu'au lieu de l'enlèvement où nous vîmes des témoins oculaires. De marcher à la poursuite, il n'était plus temps, nous rapportèrent plusieurs officiers qui en arrivaient. De désespoir, l'armée royale jeta ses soupçons sur un fermier voisin de la métairie et le condamna à mort comme coupable de l'enlèvement de Stofflet (Raimbault, fermer au Souchereau, que les républicains avaient forcé, sous menaces de mort, de leur servir de guide). Dans les jours d'après, qui, je crois, correspondent au mois d'avril 1796, le corps des chasseurs, ainsi que l'armée proclamèrent M. d'Autichamp pour leur général en chef. Ce général comme on le sait, avait figuré dans l'armée Vendéenne et fut fait prisonnier au Mans, ensuite emmené sur les frontières comme chasseur-dragon, d'où il était revenu en vertu de la pacification vendéenne qui donnait droit à tous les militaires de cette contrée d'y retourner, pour suppléer au déficit des bras qui y étaient rares. Pour début de sa carrière militaire, ce général changea le nom des chasseurs en celui de gardes de la Couronne et m'en laissa le commandement ainsi qu'aux deux autres capitaines, etc...

 

VIE PRIVEE

Stofflet au commencement de l'insurrection pouvait avoir 40 ans. Il avait de taille au moins 5 pieds 5 pouces. Il était d'un physique sec, les cheveux noirs, clairs et plats, figure longue et brune, bouche moyenne, nez idem, les yeux roux et vifs, le col long et les jambes un peu bancales.

Aux talents militaires, il réunissait l'art de plaire et d'aimer. Dans la société, et à table même, il était très affable, parlant galanterie et chantant son couplet à son tour et rang. Aussi ses marches guerrières étaient-elles gaies et cadencées. Il était sobre dans ses repas. J'ai dîné bien des fois à sa table, comme il m'a honoré plusieurs fois de sa présence et jamais je ne l'ai vu dérangé par le vin. Le luxe ne régnait ni sur ses habits, ni sur sa table. Comme il n'était ni avare, ni prodigue, il eut une liaison avec la fille qui lui servait de cuisinière, ménagère, etc. Mais cette liaison ne le détournait aucunement de ses opérations, on ne s'en aperçut seulement que par les rejetons que cette liaison produisait, quoiqu'il prit soin de l'éloigner lorsqu'il y avait apparence.

Pour copie conforme :

E. QUERUAU-LAMERIE

Notice sur la vie de Stofflet / M. Landrin, l'un de ses officiers ; éd. Émile Queruau Lamerie. - Vannes : Eugène Lafolye, 1889 1889.

Bibliothèque du vicomte Paul de Chabot - Archives départementales de Vendée

Voir également : http://www.tombes-sepultures.com/crbst_645.html

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité