UN PRETRE RÉFRACTAIRE ♣ L'ABBÉ MITRESSEY, CURÉ DE LA GROLLE
Pendant la Révolution, la vie des prêtres réfractaires ne fut qu'un long martyre. Exposés aux dénonciations, à l'emprisonnement et à la mort, ils trouvèrent cependant auprès des catholiques fidèles un appui permanent et de sûres retraites.
Parmi ces prêtres fidèles, l'abbé Julien Mitressey mérite d'attirer notre attention.
Né en 1752 à Fougères, il était âgé de trente neuf ans en 1791. D'abord vicaire à Saint-Fulgent en 1783, puis aux Brouzils de 1784 à 1789, il fut appelé à la cure de Notre-Dame de la Grolle en Bas-Poitou, vacante par le décès M. Yvon, le 2 novembre 1789.
Grand, bien fait, les cheveux noirs, épais et un peu crépus, la figure agréable et d'un ovale parfait malgré quelques marques de petite vérole, il avait l'allure vive et décidée.
Sa parole vibrante, chaude et expressive, impressionnait les foules et, à la veille de la Révolution, retentissait en accents enflammés lorsqu'il entreprenait ses critiques acerbes contre la constitution civile du clergé et les idées nouvelles. De toutes les paroisses environnantes, de nombreux groupes de paysans se pressaient à ses sermons et en retournant dans leurs chaumières commentaient ses paroles, prêts à se soulever pour défendre leur religion et leur foi menacée.
C'était aussi un homme de caractère ferme et résolu, que le nouveau gouvernement essaya en vain de rattacher à sa cause en lui offrant la cure de Rocheservière. Ceci nous est d'ailleurs prouvé par une lettre de Jean-Victor Goupilleau à son frère, le constituant Goupilleau, le 30 octobre 1791 : "De tous les curés que nous avons nommés, j'en ai tout au plus que quatre ou cinq qui acceptent ; Mitressey, curé de la Grolle, a refusé tout net la cure de Rocheservière."
L'abbé Mitressey refusa énergiquement de prêter le serment exigé par la Constitution Civile du Clergé et, pour échapper à la loi de déportation il se réfugia parmi ses paroissiens qui lui ménagèrent des asiles si sûrs qu'il échappa toujours aux poursuites de ses ennemis.
Pour sauver sa tête et se soustraire à l'exil et à la mort, il dut mener une vie errante et changer souvent de retraite, afin de dérouter ses persécuteurs. Déguisé en paysan, il en adopta le langage et les manières ; son costume favori se composait d'une veste de péchinat ardoisée et d'une grande culotte de bure, il portait aussi des guêtres et de gros sabots ferrés aux pieds. On trouve les traces de son passage dans toutes les paroisses avoisinant Rocheservière.
Au mois de Mars 1793, l'abbé Mitressey exhorta fortement ses paroissiens à ne pas partir aux frontières servir le nouveau régime et à résister à la loi de la conscription.
Le 11 Mars, il se mit à leur tête pour culbuter le commissaire du Gouvernement de la République qui venait faire le recensement des hommes valides de la commune.
Le 13 du même mois, accompagné de l'abbé Veillard, vicaire de Cugand, il conduisit ses paroissiens à l'attaque de Montaigu, qui fut pris par les insurgés.
Après la prise d'armes de Mars 1793, l'abbé Julien Mitressey devint l'aumônier des révoltés et les accompagna dans leurs expéditions, mais il sut aussi, à plusieurs reprises, employer son influence pour défendre et sauver de la mort les prisonniers républicains.
Le 4 Avril 1793, le Mercredi-Saint, dit le docteur Sue, maire de Rocheservière, oncle du romancier Eugène Sue, Mitressey s'introduisit parmi les prisonniers patriotes enfermés avec le maire de Rocheservière. Pendant que la foule royaliste, émue par les mauvaises nouvelles venues de Nantes (le camp des Sorinières avait été forcé), voulait les massacrer, il les confessa tous et parvint à calmer l'impatience du peuple qui, le lendemain, ne songea plus à sa vengeance.
Le même docteur Sue écrivait à ce propos, le 30 octobre 1793, au citoyen Goupilleau, de Montaigu : "La Providence m'a sauvé des mains des malheureux brigands de la Vendée, j'ai eu pendant cinquante jours le glaive de la mort suspendu sur ma tête ; vous rapporter tout ce que j'ai souffert, il faudrait faire un volume. Je me bornerais à vous faire part d'une de leurs dispositions, qui vous fera apercevoir l'étendue de leurs atrocités . Vous connaissez le monstre Mitressey, ci-devant curé de la Grolle. Hé bien, cet animal vint nous demander le Mercredi-Saint à neuf heures du soir si quelqu'un de nous avait quelque chose à lui dire ; il fallait se presser, parce que notre sentence de mort était prononcée et que nous devions être égorgés dans l'instant. J'approchais de ce scélérat le premier pour lui dire seulement que je ne croyais pas qu'il mit assez de zèle pour nous sauver. Sur cet article nous eûmes une discussion vive, mais courte, il se pressait pour entendre chaque prisonnier et il fallait se séparer. Ensuite vint le fanatique Noéau, le jeune, qui eut la fermeté de prendre par écrit les volontés de chacun de nous, même celles de son malheureux frère, qui était prisonnier avec moi. Pendant toutes ces cérémonies, on délibérait sous la halle que chacun de nous serait égorgé par les plus proches parents. En conséquence, on se rendit chez mon beau-frère, où ma femme et toute la famille était réunie, plongée dans la douleur que doit inspirer un projet aussi barbare. Cette désolation n'excita aucune pitié à tous ces monstres. Au milieu de cette famille on enleva le plus jeune des garçons, âgé de dix-sept ans : c'est par lui qu'on avait le projet de me faire assassiner. J'ai su (sic) qu'il prit un pistolet dans sa poche avec le dessein de tuer le premier qui lui ferait en ma présence cette proposition. Enfin le hazard voulut que cette sinistre sentence ne serait point exécutée dans la nuit, les esprits furent plus tranquilles le lendemain et, par un effet de la Providence qu'il serait difficile d'expliquer, nous avons échappé."
Pendant les années 1793 et 1794, les habitants de la Grolle eurent beaucoup à souffrir du passage des armées républicaines.
Le 14 Septembre 1793 Kléber et son avant-garde passèrent la nuit à la Grolle ; les soldats y firent cinq victimes, inscrites par l'abbé Mitressey sous cette rubrique : "Tués par l'ennemi".
Quelques jours plus tard les célèbres Mayençais allaient se faire écraser par la Grande Armée Catholique et Royale à la bataille de Torfou.
Au mois de Février 1794, l'église de la Grolle fut en partie incendiée par une colonne infernale sous les ordres du général Cordelier. Le 27 du même mois, en une seule journée, trente et une personnes furent massacrées et, durant le reste de l'année, plus de trente personnes périrent de mort violente. De sorte qu'en 1794 M. Mitressey fit, dans la seule paroisse de la Grolle, plus de cinquante sépultures.
Avec un soin pieux, l'abbé Mitressey, aidé de quelques uns de ses paroissiens échappés aux massacres, s'occupait d'enterrer les victimes et récitait sur leurs tombes les dernières prières de l'Eglise. Il tenait avec une grande régularité un registre où étaient inscrits les baptèmes, mariages et sépultures des habitants de Rocheservière. Ces actes, paraphés par Rousseau, inspecteur des administrations de l'armée de Charette, forment un véritable "martyrologe" pour le canton de Rocheservière.
L'abbé Mitressey exerçait son ministère pendant la nuit, procédait aux cérémonies du baptème et célèbrait les mariages ; il disait sa messe entre l'heure de minuit et les premières heures de l'aube, soit dans une ferme isolée, soit dans une clairière des bois ; le jour il restait caché au plus profond des grands champs de genêts, si nombreux encore dans notre Vendée, il y a une vingtaine d'années, en compagnie des renards et des loups, moins à craindre pour les pauvres Vendéens que les Républicains dont ils n'avaient à attendre aucune pitié.
Avec une audace incroyable et d'ailleurs servi par les circonstances, il prend plaisir à exaspérer ses ennemis. En l'an III, il prend part au synode du Poiré-sur-Vie. Au mois de Juin 1796, dans un pays sillonné à chaque instant par les troupes républicaines, il fait sonner les cloches de son église pour appeler ses paroissiens aux offices. Dénoncé bientôt et craignant d'attirer sur les habitants de la Grolle de nouvelles calamités, il ne veut pas exposer son sanctuaire aux représailles des bleus, mais lui-même sort dans le cimetière qui entoure son église, et avec une petite cloche avertit les fidèles que le service divin va commencer.
La persécution diminuant de violence, l'audace de M. Mitressey ne connaît plus de bornes, il parcourt les paroisses voisines, le Sacré Coeur sur la poitrine et fait rétablir les fleurs de lys sur la croix qu'il fait aussi replacer au sommet branlant du clocher.
Le 11 octobre 1796 nous voyons dans l'état général des églises du District de Montaigu, que la paroisse de la Grolle était médiocre et l'église en bon état, le culte s'y exerçait ; il faut la laisser à sa destination ajoutait le rapporteur.
Le 7 Vendémiaire an VI - 28 septembre 1797, l'abbé Mitressey figure sur l'état des prêtres réfractaires résidant dans le Département de la Vendée et qui exercent le culte dans avoir fait les déclarations prescrites par les lois : "Mitressey, de la Grolle, réfractaire à toutes les lois, dangereux, se tient caché depuis la proclamation de la loi du 19 Fructidor."
Le commissaire du Directoire près le canton de Rocheservière, tente à plusieurs reprises de le faire arrêter, mais le juge de paix s'y oppose absolument. Il lui voue alors une haine implacable et accumule rapports sur rapports qui d'ailleurs restent inexécutés.
Ne pouvant s'emparer de M. Mitressey, les Républicains veulent perdre sa réputation, et ont recours pour cela au mensonge et à la calomnie. Le commissaire le dépeint d'un caractère violent et impétueux, ses moeurs dit-il sont légères et c'est un homme immoral. Quoique sa réputation soit très mauvaise, il n'en est pas moins très influent dans les communes avoisinant Rocheservière.
Pour être plus tranquille l'abbé Mitressey fait alors répandre partout le bruit qu'il est parti pour la Normandie. Mais son plus ardent ennemi le commissaire Girard s'aperçoit bien vite qu'on essaye de le tromper, et commence de nouveaux rapports contre lui.
Le 28 Frimaire an VI - 9 Novembre 1794, il obtient même par un arrêté du Directoire exécutif, signé de Barras, sa condamnation à la déportation rédigée en ces termes : "Mitressey, prêtre réfractaire de la commune de la Grolle, fanatique, très dangereux, qui s'est ligué avec d'autres réfractaires pour ne pas se soumettre aux lois de la République. Le nommé Mitressey sera sur le champ arrêté et déporté."
Mais c'est en vain que Girard lance contre lui ses policiers et met sa tête à prix, l'abbé Mitressey a quitté la Grolle, il a disparu sans laisser de traces.
Bientôt cependant sa présence est signalée dans un village distant à peine d'un quart de lieue de Rocheservière, situé dans le canton de la Limouzinière. Il y fait sa retraite durant le jour, et la nuit rôde dans les environs de Rocheservière, allant de village en village confesser les malades et porter les derniers secours de la religion aux mourants. Souvent aussi à l'orée d'un chemin, un jeune garçon et une jeune fille l'arrêtent au passage et au pied d'une croix abattue par les bleus, il les unit par les liens sacrés du mariage. Le Dimanche, dès les premières lueurs du jour, une foule nombreuse se dirige vers sa retraite et il y célèbre la messe, pendant que de jeunes enfants font le guet pour annoncer aux fidèles l'approche des républicains.
Averti par ses espions, le commissaire Girard écrit aux administrateurs du Département de la Vendée : "je ne négligerai rien pour faire arrêter cet homme si dangereux, une visite domiciliaire de nuit est le seul moye que l'on puisse employer avec succès".
Le 4 Septembre 1798, - 18 Fructidor an VI, il écrivait de nouveau : le curé de la Grolle fait répandre le bruit qu'il va partir pour son pays, c'est-à-dire qu'il veut se dérober, se cacher dans les villages et organiser un nouveau 13 Mars 1793. Si j'ai de la force armée à temps, je le préviendrais en le faisant arrêter.
Mais pendant que le commissaire envoie des troupes pour s'emparer de l'abbé Mitressey, celui-ci est déjà loin, il a disparu pour la seconde fois et tandis qu'on le cherche dans les environs de Rocheservière, il a passé sur la rive droite de la Loire en traversant audacieusement la ville de Nantes, vêtu en paysan.
Il se réfugie au village de la Blottière dans la paroisse de Saint Donation, mais bientôt dénoncé, il se retira un peu plus loin à Carquefou, où il partagea la vie agitée de l'ancien recteur Monsieur l'abbé Héry.
Il acquit bien vite une grande célébrité dans les campagnes environnant la ville de Nantes, et bientôt ne fut plus connu que sous le nom de "Monsieur Julien". Ses refuges habituels se trouvaient chez les Gendron à Doulon et, au village du Clos en Carquefou chez la famille Potiron.
Dans le même endroit était cachée Madame de Carheil, de Launay, qui au plus fort de la terreur ne trouvant pas cet asile assez sûr, se tenait blottie dans les roseaux de l'étang de Launay, situé tout à côté. C'est là qu'un domestique d'une fidélité éprouvée, nommé Piraud lui apportait sa nourriture au moyen d'un bateau qu'il tenait caché au fond de l'eau tout le long du jour pour éviter les soupçons.
L'abbé Mitressey ne craignait pas les espions, habillé en ouvrier ou en paysan, il se rendait souvent à Nantes pour visiter ses confrères, cachés comme lui dans des maisons amies.
Vêtu d'une veste et d'une grande culotte de bure, chaussé de gros sabots et de guètres, son costume se complétait d'un bonnet de coton blanc, piqué sur le sommet de la tête, ce qui lui donnait la physionomie d'un inoffensif paysan. Pour achever la ressemblance il tenait presque toujours à son bras un panier, dans lequel il mettait quelques légumes, aussi l'appelait-on quelquefois : "le vendeur de paniers".
Une de ses caches favorites se trouvait près de Carquefou, à la métairie de la Jacquelinerie, isolée des grands chemins et située sur le bord des marais de l'Erdre. Or un jour qu'il revenait de visiter des malades et qu'il regagnait sa cachette, il aperçut venant vers lui une troupe de soldats républicains. La fuite était impossible, et pour ne pas éveiller les soupçons à l'abbé Mitressey s'adresse au chef de la troupe et lui demande de l'air le plus niais qu'il peut prendre : "Vous n'auriez pas vu ma petite vache noire qui vient de s'ensauver de chez nous ?".
Et disant ces mots il pleure et se lamente, puis il fait promettre aux soldats de rechercher sa vache. De cette façon les républicains ne soupçonnèrent pas sa qualité, et il eut la joie d'entendre ceux-ci dire en s'en allant : "Oh le pauvre homme, il a perdu sa petite vache noire".
Le 10 Pluviose an VI - 30 janvier 1798, - une personne anonyme, qui tenait à garder le plus grand secret, dénonçait en ces termes l'abbé Mitressey au commissaire du Directoire Exécutif près l'Administration du Département de la Loire-Inférieure : "Le curé réfractaire de la Grolle, l'un des plus sanguinaires et des plus coquins qui fut à la tête de la guerre de la Vendée, fait les fonctions sacerdotales en la commune de Doulon. Les habitants l'appellent M. Julien, mais son nom est Mitressey : il a pris un passeport à Rocheservière, où il prend la qualité de rentier. On le croit Normant. Le Dimanche 2 Pluviose, il a dit sa messe chez le chouan Gendron en Doulon, leur demeure s'appelle le Gohard en le Haut-Doulon, il l'a dite (sic) hier à une heure du matin au Petit Blottereau en Doulon, maison appartenant à l'émigré la Ruelle, il y a fait huit baptêmes, il l'a dit quelquefois à la Papotière, à la Botière, à l'Abragement, en la commune de Doulon. Il va souvent à Nantes.
Le rédacteur de cette note vous en demande, citoyen commissaire, le plus grand secret et qu'elle ne sorte pas de chez vous.
Le meilleur moyen de les capturer (il s'agissait aussi de M. Roché, curé de la Chapelle-sur-Erdre et de M. Héry, curé de Carquefou), surtout le curé de la Grolle, qu'il faudrait prendre le premier, est de surveiller l'endroit où ils vont dire la messe depuis minuit à quatre heures. On verra aisément la foule du peuple se porter, de se déguiser en marins, de demander à Doulon à acheter des pois, des oignons, en Carquefou de l'avoine et du bled noir.
La fête de la Chandeleur arrive. Vendredi 2 Février - 14 Pluviôse - ces Messieurs feront la bénédiction des cierges et purifieront plusieurs femmes nouvellement accouchées, il sera bon surveiller où ils diront leur messe qu'ils ne disent guère deux fois de suite dans le même endroit."
Au mois de Février 1798, les autorités républicaines se plaignent encore de ne pouvoir s'emparer de l'abbé Mitressey.
Bien avant le rétablissement du culte, dès le 21 Fructidor an VI, - 7 Septembre 1798, - l'abbé Mitressey célébrait les offices divins dans la chapelle de Toutes-Aides, en même temps qu'un autre prêtre qui nous parait être le curé de la Chapelle-sur-Erdre.
Marchais, commissaire du Directoire pour le canton de Thouaré, déclarait : "Il y a à Toutes-Aides, une boîte sur l'autel destinée à recevoir des offrandes qui s'y font à profusion, pour être distribuées à deux prêtres rebelles dont l'un est l'ex-curé de la Grolle, qui se fait appeler Monsieur Julien".
Le 11 Septembre suivant une nouvelle sommation était adressée cette fois par le commissaire central au général Grigny, afin que l'autorité militaire dissipât les rassemblements provoqués par M. Mitressey. "Deux prêtres, écrit le commissaire, insoumis et cachés dans la commune de Doulon, continuent leurs efforts pour fanatiser les habitants crédules ; ils y occasionnent des rassemblements dangereux (pour la messe) et les jours appelés chez les catholiques fêtes et dimanches. Il se réunit à la chapelle de Toutes-Aides, près de Richebourg, un nombre considérable de fanatiques. On place sur l'autel une boîte où se déposent les offrandes pour l'entretien de deux prêtres dont un se nomme Julien, ex-curé de la Grolle, déjà connu et que nous recherchons depuis longtemps. Je vous prie de donner des ordres pour que ces rassemblements soient dissipés."
Ne pouvant atteindre l'abbé Mitressey, le commissaire Marchais, ainsi que son collègue de la Vendée, Girard, a recours à la calomnie. Il tente de le représenter comme un homme immoral pour le perdre dans l'esprit des populations du pays.
Le 30 Messidor an VI - 18 Juillet 1799, - il déclarait aux Administrateurs de la Loire-Inférieure : "Le curé de la Grolle se tenait caché en Doulon, Carquefou et Saint-Mars-du-Désert, mais ayant voulu se mêler de caresser les filles, les habitants ne veulent plus le voir. Il était il y a quelques jours au Clos, chez Potiron, il pourrait bien y être encore. Il est vêtu fort salement et porte un bissac, une règle d'ouvrier ou un outil de laboureur."
Malgré les manoeuvres du commissaire Marchais, l'abbé Mitressey restait introuvable, aussi celui-ci insistait-il de nouveau le 22 Septembre 1799 auprès des autorités républicaines pour en finir le plus vite possible avec les prêtres de Doulon. Cette fois encore il désignait M. Mitressey ainsi que plusieurs autres ; tous étaient condamnés à la déportation à la Guyane. "Ils ne sortent, disait Marchais, qu'avec des instruments de labourage et des paniers contenant des denrées.
Ils remplissent leurs fonctions sacerdotales en Doulon, au Petit Blottereau, à la Papotière, à l'Herbergement. M. Mitressey, qui parle avec une grande vivacité, a un passeport qu'il a pris à Rocheservière."
M. Mitressey fut sans doute l'instigateur de la pétition que firent les habitants de Doulon pour demander le rétablissement de la chapelle de Notre-Dame de Toutes-Aides et la restitution des ornements enlevés le 30 Fructidor an VI. Cette pétition fut refusée le 9 Ventôse an VIII, mais quelques paroissiens se constituèrent en société civile et rachetèrent à l'Etat la chapelle qu'ils firent servir au culte catholique, non sans péril, car ils furent cités devant le tribunal révolutionnaire, toutefois ils ne furent pas condamnés.
A la pacification, M. Mitressey ne retourna pas à la Grolle, cette paroisse ayant été supprimée et réunie à Rocheservière. Il revint dans son pays natal et fut nommé, en 1803, recteur de Poilley, près de Louvigné-le-Désert. Il y exerça son ministère jusqu'en 1809 et ensuite il se retira à Fougères.
Marquis de Goué
(Selon les registres paroissiaux de la Grolle, son nom ne s'écrivait pas avec deux s mais avec un c : Mitrecey)
La paroisse de la Grolle, réunie pour le culte de Rocheservière en Août 1827, avait pour curé M. Mitrecey, au moment de la Révolution. Né en 1752, M. Mitrecey avait été vicaire à Saint Fulgent, en 1783, puis au Brouzils du 20 Octobre 1784 au 28 Novembre 1789, lorsqu'il fut appelé à la cure de N.-D. de la Grolle, vacante par le décès de M. Yvon survenu le 2 Novembre 1789. C'était un homme de caractère, qu'on essaya de rallier aux idées nouvelles en lui offrant la cure de Rocheservière :
"M. Mitrecey, curé de la Grolle, a refusé tout net la cure de Rocheservière" écrivait, le 3 Octobre 1791, le constituant Goupilleau à son cousin de Montaigu. Il avait en effet refusé aussi le serment schismatique et, en Août 1792, il se déroba à la loi de déportation et se cacha dans le pays, où il continua à exercer, avec un zèle inlassable, le ministère sacerdotal. En août 1795, il assista au synode du Poiré, sur la liste duquel il figure sous le numéro 27. La persécution s'acharna contre lui, et son nom est le plus souvent cité dans les rapports du commissaire Girard, qui représentait le directoire dans le canton de Rocheservière.
Rapport du 27 Fructidor an IV : "Le curé de la Grolle faisait sonner ; il ne le fait plus depuis un mois. Seulement il sort dans le cimetière avec une petite cloche et avertit les fidèles que le service va commencer."
Du 22 Brumaire an V : "Des trois prêtres restés dans le canton, deux Sauvager à Bouaine, et Amiaud à Mormaison, paraissent fort tranquilles. Le curé de la Grolle, homme immoral, d'un caractère remuant, est mésestimé de tout le monde, même des bonnes gens de la campagne". Nous donnons sous toutes réserves l'opinion de M. le commissaire.
Du 22 nivose an V : "Le juge de paix du canton refuse de poursuivre le curé de la Grolle. Néanmoins il a ôté le Sacré-Coeur de dessus son bras, et il assure qu'il fera ôter les fleurs de lys de sa croix, ce qu'il a effectué".
Du 6 Fructidor an VI : "Julien Mitrecey, curé de la Grolle, habitait la ci-devant cure et y faisait les fonctions de curé. Cet homme d'un caractère violent, impétueux, m'a toujours été désigné comme un homme dangereux. Quoique ses moeurs soient très mauvaises, qu'il a sa réputation très mal établie, il n'en est pas moins influent dans les communes de la Grolle, Rocheservière et autres. Il vit extrêmement caché. On a fait courir les bruits qu'il était mort, qu'il était parti pour la Normandie, etc. Des rapports certains m'assurent qu'il existe dans son pays, aux environs de Rocheservière. C'est l'un des plus dangereux du département".
Après le 18 Fructidor : "Mitrecey résidait à la Grolle, réfractaire à toutes les lois, dangereux, se tient caché depuis la promulgation de la loi du 19 Fructidor. Il y aura certainement des arrestations à faire. Le curé de la Grolle a obtenu un passeport pour voyager dans l'intérieur de la République ; il est inscrit sur la liste des émigrés du département de la Manche. Si j'avais de la force armée à mes ordres, il serait arrêté sous deux jours. "Le curé de la Grolle fait répandre le bruit qu'il va partir pour son pays, c'est- à-dire qu'il veut se dérober, se cacher dans les villages et y organiser un nouveau 18 Mars 93. Si j'ai de la force armée à temps, je le préviendrai en le faisant arrêter. Il paraît qu'aucun prêtre du pays ne fera le serment exigé par la loi".
La force armée ne vint probablement pas à l'appel du commissaire Girard, puisque M. Mitrecey continua à lui fournir ample matière pour ses rapports.
Du 27 Vendémiaire an VI : "Quant au prêtre de la Grolle, il est un des plus dangereux de ce département. Je vous l'ai récemment fait connaître. Il a obtenu de l'ancienne administration de ce canton un faux passe-port ; il a fait répandre le bruit qu'il partait pour son pays, la Manche. Il rôde dans les environs de Rocheservière, va nuitamment par les villages confesser les malades. Il paraît faire sa retraite dans un village distant de Rocheservière d'un quart de lieue, situé dans le canton de la Limouzinière (Loire-Inférieure). Les dimanches matins, les âmes pieuses prennent la direction de ce côté-là. On présume que c'est quelque bonne messe qui les attire. Enfin ce prêtre est inscrit sur la liste des émigrés de son département. Je ne négligerai rien pour faire arrêter cet homme si dangereux. Une visite domiciliaire de nuit est le seul moyen qu'on puisse employer avec succès. L'arrestation et la juste punition de ce scélérat feraient le plus grand bien au pays." La bonne volonté et la perspicacité du commissaire continuèrent à être prises en défaut, bien que le Directoire exécutif eût condamné à la déportation, le 8 Frimaire an VI, "Mitrecey, prêtre réfractaire de la commune de la Grolle, fanatique très dangereux, qui s'est ligué avec d'autres réfractaires pour ne point se soumettre aux lois de la République. Le nommé Mitrecey sera sur-le-champ arrêté et déporté."
Cette condamnation demeura platonique. Pendant qu'on le cherchait aux environs de Rocheservière, M. Mitrecey s'était retiré à Doulon, dans la Loire-Inférieure. "Il était habillé ordinairement en paysan, avec un panier au bras. Il faisait les fonctions sacerdotales, dit un témoin du temps, chez Gendron au haut de Doulon. Il disait aussi la messe au petit Blottereau, maison d'émigré. Il a officié à la Blottière, à la Bergemont ; il venait parfois à Nantes, muni d'un passe-port pris à Rocheservière ; il s'énonce avec beaucoup de vivacité, et est désigné sous le nom de M. Julien."
En Vendémiaire an VIII, il était signalé comme exerçant le culte à Saint Donatien, à Nantes.
De Nantes, il se retira à Fougères, d'où, le 8 Pluviose an XI, il écrivit au préfet de la Vendée pour lui réclamer un certificat attestant qu'étant curé de la Grolle, il recevait un traitement de 1200 livres ; il dit qu'il s'est retiré à Fougères depuis bientôt trois ans. De la Préfecture on lui répondit que toutes les archives du département ayant été incendiées le 25 Mars 1793 par les Vendéens, il était impossible de lui délivrer cette pièce.
On n'entendit plus parler de lui.
L'église N.-D. de la Grolle, incendiée par les colonnes infernales de Cordelier en Février 1794, fut assez pauvrement réparée pour ne plus pouvoir servir au culte en 1808. On acheva peu après de la démolir. Le presbytère fut vendu nationalement le 24 Frimaire an VII.
Revue du Bas-Poitou 1911 (2e livraison) page 140 à 143
Le village de La Grolle, situé sur la limite de Vieillevigne a été jadis le siège d'une paroisse.
Une première fois, l'église de La Grolle est détruite par les Protestants en 1568, puis incendiée par le général Cordelier en 1794. Elle est ensuite restaurée et on y dit à nouveau la messe en 1808.
Cette paroisse est ensuite réunie à celle de Rocheservière. L'église est alors démolie en 1832 et les pierres vendues pour paver la route de Vieillevigne.
(http://www.infobretagne.com/vieillevigne.htm)