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La Maraîchine Normande
17 août 2012

BEAUVOIR SUR MER ♣ L'HIVER DE 1789, PAR L'ABBÉ GERGAUD

 

Beauvoir sur mer

Le rigoureux hiver de 1789 a laissé une impression profonde de terreur dans le souvenir de la génération qui l'a ressenti. Aujourd'hui déjà, il se présente à l'état de tradition confuse. De nombreuses descriptions en existent sans doute ; mais elles diffèrent suivant les localités et selon le talent d'observer dont étaient doués les narrateurs.

Voici une description qui a été consignée sur les registres de l'état civil de Beauvoir-sur-Mer, par l'abbé Gergaud, curé du lieu. Il ne l'a inscrite qu'après l'année révolue, afin de mieux constater sans doute toutes les conséquences du terrible phénomène qu'il enregistrait.

Cet évènement coïncidait avec l'aube de la Révolution, que le digne curé trouvait déjà avoir été sanglante, lorsque l'année 1790 s'ouvrait à peine. - Il a vu la suite. - Il a été banni de son presbytère, et a erré dans les champs vendéens, portant partout son ministère, sans être promoteur de guerre civile. La vénération qu'il inspirait aux populations environnantes était unanime. On en vit une expression touchante au mois de juillet 1800. Les hommes de Beauvoir et de Noirmoutier ayant spontanément attaqué et fait prisonniers des marins anglais acharnés à la destruction d'une flotille marchande, dans la rade de Fromentine, furent appelés à Paris pour être félicités et récompensés. Le Premier Consul leur demanda quelle chose leur serait le plus agréable. - Rendez-nous notre curé Gergaud, répondirent-ils simplement. - Il leur fut rendu en effet, dès que le culte eut été rétabli, et il est resté leur digne pasteur jusqu'à la fin. M. André Gergaud mourut dans l'exercice de son ministère, à Beauvoir, le 27 avril 1813, âgé de 73 ans. Il était fils d'André Gergaud et d'Anne Saurin. - Nous ne savons au juste en quelle commune des environs il était né.

Voici le texte de la note météorologique qu'il a laissée sur les registres de l'état civil, à la date du 15 janvier 1790 :

"Dans cette année 1789 est fini, au 14 janvier, l'hiver le plus rigoureux qu'on ait peut-être jamais vu dans ce pays. Le baromètre y descendit 2 degrés et demi plus bas qu'en 1709. Il commença vers la mi-novembre 1788 ; et finit au 14 janvier suivant. Un vent de nord violent, sous un ciel toujours couvert, rendit le froid insupportable et continua de se faire sentir sans cesse pendant deux mois. Par deux reprises il tomba un verglas fort épais qui couvrit la terre près de quatre semaines, et empêcha toute circulation de denrées, tout commerce, et suspendit tout genre de travail. Il tomba des neiges en quantité, et, ce qui ne s'était jamais vu sur ces bords maritimes, la neige s'éleva jusqu'à dix pouces. Plusieurs personnes moururent de froid. La plupart des oiseaux périrent aussi, à l'exception des pinsons, et, dans cette dernière année, nous n'avons vu ni merles, ni grives. Tous les poissons des fossés périrent, jusqu'aux anguilles, toutes les huîtres furent gelées, et un superbe banc nouvellement découvert fut entièrement détruit par la gelée. Toute la baie qui sépare de Noirmoutier n'était que glaces. Des tas énormes amoncelés formaient des rochers de glace dans le Gois à mer basse.

Les blés furent gelés en partie ; mais ils ne périrent pas tous, à cause de la grande sécheresse qui avait précédé l'hiver. Les grains dernier semés restèrent en terre aussi sains que dans le grenier, et germèrent à la fin de janvier. Tous ceux qui repiquèrent du blé, même du froment, eurent une excellente récolte. Ce repiquage réussit jusqu'au commencement d'avril.

Quoique ce pays recueillit une excellente récolte en toutes sortes de blé, le froment s'est vendu 16 livres le boisseau. Le royaume fut fort maltraité. A la suite de cet hiver, la misère a été extrême. On en prévint les horreurs en faisant venir des blés étrangers.

Année mémorable encore par la grande révolution opérée dans le royaume, à l'occasion de l'Assemblée nationale, la plus fameuse qui se soit jamais tenue en France. L'histoire en instruira la postérité : je prie Dieu qu'elle n'ait qu'à se louer des fondements qui se jettent aujourd'hui comme base du bonheur dont le peuple français est si digne de jouir ; mais qui ont d'abord été accompagnés de tant de troubles, de tant de révoltes et d'une si grande effusion de sang, qu'on aura peine à le croire.

A Beauvoir, ce 15 janvier 1790

GERGAUD, Curé"

Revue des provinces de l'Ouest

1858

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