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La Maraîchine Normande
10 août 2012

PRECIS HISTORIQUE DES CRIMES COMMIS DANS LE DEPARTEMENT DE LA VIENNE

Les Représentans du peuple Piorry, prêtre, et Ingrand, établirent à Poitiers le siège de leur tyrannie, et organisèrent la société populaire de cette ville, de telle sorte que ce n'était plus qu'un assemblage de brigands à leur dévotion. Piorry d'abord seul pro-consul, avait écrit à cette société populaire de Poitiers :

"Vous nous avez paru désirer dans votre sein un bon b... de Représentant qui n'ai jamais dévié des principes, un véritable Montagnard parmi vous.

Songez, braves Sans-culottes, qu'avec le patriote Ingrand, vous pouvez tout faire, tout obtenir, tout casser, tout briser, tout enfermer, tout juger, tout déporter, tout guillotiner, et tout régénérer."

Ingrand établi à Poitiers, écrivit à la Convention pour l'établissement d'un tribunal révolutionnaire dans cette Commune.

Il y avait long-tems que Piorry travaillait aux progrès de l'esprit public : il mandait à un de ses amis, le 6 septembre 1792 : "On a massacré depuis sept à huit jours tous les bandits, scélérats et contre-révolutionnaires qui étaient dans les prisons de Paris : le nombre s'élève à sept ou huit mille hommes. Cet exemple terrible doit, dit-on, se propager dans toutes les villes du royaume."

On apprit cependant à Poitiers qu'Ingrand le digne coopérateur de Piorry, allait être envoyé à l'armée de l'Ouest, et remplacé dans le département de la Vienne, par Brival son collègue. Le Comité de Salut public conserva les pouvoirs d'Ingrand dans ce département. Brival s'y rendit pour agir de concert avec lui et fut indigné de l'audace et du despotisme de quelques hommes ; il prit un arrêté pour distinguer les innocens des coupables. Il parla de justice, d'humanité ; dès lors on l'accusa de modérantisme. Il fut improuvé par une lettre du Comité de Salut public, datée du 6 nivôse (16 décembre 1793), dont voici l'extrait ... "Ton arrêté est contraire à nos principes ; tu dois arrêter, mais tu ne peux élargir. Il ne faut point d'humanité en révolution." Brival fut récompensé de sa franchise et de sa modération par son rappel.

Ingrand alors cassa toutes les opérations de Brival, et par un arrêté du 23 ventôse (13 mars 1794), il ordonna la réintégration dans les maisons d'arrêt, de toutes les personnes suspectes, et même de celles que Brival avait concouru à élargir avec son Collègue.

Plusieurs calomnies, dès le premier ventôse (19 février 1794), avaient été provoquées dans une séance tenue au département. Ingrand, dans la société populaire menaça ceux qui osaient dire qu'il y avait des oppresseurs et des opprimés.

Molet, accusateur public fut destitué pour avoir rendu quelques visites à Brival pendant qu'il était à Poitiers, malgré qu'il eût passé par toutes les épurations de la société populaire.

Lecarlier, administrateur du district de Poitiers, écrivait :

"Il ne suffit pas de faire incarcérer les personnes suspectes : Comment va la guillotine ? Il paraît qu'elle reste dans l'inaction, et cependant elle ne manque pas de gibier ... J'espère faire tomber la tête d'un individu qui sûrement ne s'y attend pas. Mon adresse est sous le couvert de Piorry.

J'ai appris qu'on poursuivait la clique Brivardoise ; c'est-à-dire, ceux qui avaient osé parler au représentant Brival. A mon retour, je compte faire voyager au tribunal révolutionnaire deux individus qui, à coup sûr, ne s'en méfient pas : au tribunal criminel, cela serait trop long."

Le Comité révolutionnaire de Lusignan avait, quoique composé de gens ignares, imaginé un moyen simple mais ingénieux de trouver des gens suspects. Il invitait les citoyens de se rendre dans son sein avec leurs certificats de civisme, les leur arrachait d'une main, et de l'autre expédiait contr'eux des mandats d'arrêt.

On se plaignit à Ingrand de toutes ces horreurs : ceux qui le firent, ne recueillirent de leur zèle que des persécutions. Les lettres anonymes ne réussirent pas mieux. Ce n'était pas assez pour lui d'avoir écarté de toutes les fonctions publiques les hommes probes, d'avoir frappé tous les esprits de terreur ; il fallait  faire guillotiner. Dans le tems des fabuleuses conspirations des prisons de Paris, les Jacobins de Poitiers prétendirent qu'elles avaient des ramifications dans les prisons de cette Commune.

C'est Piorry qui conduisit à la mort Sabourin, Chauveau et tant d'autres. Il revisa, analysa, apostilla les pièces de leur procès et les transmit à Fouquier-Tinville. Le jour qu'ils ont été massacrés, il siégea à côté des jurés, il les accompagna jusqu'au lieu de leur supplice. Il n'existe au procès aucune pièce, aucune déposition qui certifiait que ces citoyens aient eu aucune connaissance des projets infâmes de Folleville, évêque d'Agra, ni aucune correspondance avec ce chef des Vendéens.

Pour rendre la position de ces citoyens plus défavorable, Piorry les fit mettre en jugement le 17 messidor (5 juillet 1794), avec deux ci-devant nobles du département.

Parmi leurs dénonciateurs, était un nommé Briquet, qui étant devenu amoureux de la fille de la Messélière, ci-devant noble, n'ayant pas eu l'agrément du père, engagea cette fille à dénoncer son père, pour avoir caché ses titres. Sur cette atroce dénonciation, la Messélière, homme vertueux et presque septuagénaire, est condamné à plusieurs années de fers ; il est mort aux galères.

Ingrand n'était pas étranger à ces opérations, il en avait préparé tous les matériaux : il fesait d'ailleurs, quoique résidant à l'armée de l'Ouest, quelques comparutions à Poitiers, pour maintenir ce qu'il appelait l'esprit public.

L'insolence des dominateurs était sans bornes : huit ou dix scélérats règnaient en despotes sur trois cent mille individus consternés ou frappés de stupeur. Sans parler de leur dilapidations énormes au fort de la disette, et lorsque le peuple manquait de subsistances, ces Magistrats consommaient dans des orgies, les denrées qu'on avait mises en réquisitions chez lui.

Le Comité révolutionnaire enlève tous les papiers sans inventaire. Giraut et Piorry, tous deux prêtres et administrateurs, supprimaient des registres de la société populaire, tous les arrêtés ou discours favorables aux citoyens dont on avait juré la perte.

Les détenus étaient entassés dans les maisons d'arrêt. La guillotine était depuis long-tems en permanence ; on avait creusé une fosse sous l'échafaud, au pied de l'arbre de la liberté : ses racines, disait-on devaient croître et s'étendre dans le sang des coupables.

La guillotine n'allait pas assez vite : il faut, disait Bobis, greffier du tribunal, septembriser les détenus. Il fut question entre lui et un militaire de les faire tous descendre dans le jardin le lendemain, et de les faire fusiller.

Chenevières, membre du Comité révolutionnaire, disait que tous ces MM. qui avaient de la fortune, devaient être guillotinés, et qu'il fallait réduire le nombre des habitans de la France à huit millions. Piorry écrivait : "Tapez dur : faites tomber les têtes, inspirer la terreur, etc."

Les Jacobins d'abord attérés à la nouvelle du 9 thermidor (27 juillet 1794), revinrent plus audacieux et plus insolens. Ils disaient que la contre-révolution était faite, mais que cela ne durerait pas. On n'en sera pas étonné, lorsqu'on connaîtra la lettre que Piorry écrivait à la société populaire le 11 thermidor (16 août), dans laquelle il disait à plusieurs autres députés, en arrivant d'une guillotinade, "qu'il n'en manquait pas une, qu'il était entraîné par un pouvoir irrésistible vers cet instrument de mort ; il répétait dans un dîner, qu'il avait vu plus de 300 têtes, et que s'il passait une charretée de condamnés, il laisserait la table pour aller les voir guillotiner."

Ingrand qui se rendait près de l'armée de l'Ouest, dit en passant à Lusignan, à son ami Villeneuve, que la révolution du 9 thermidor était un vent impur qui avait passé, et qui ne durerait que quinze jours.

C'est au retour de son dernier voyage de Paris à Niort (c'était en messidor), qu'il dit en présence du Comité de cette ville : "Ceux qui échapperont à la dénonciation du peuple, ne se sauveront pas : il viendra une commission à mort qui rafflera le reste."

Après les évènemens du 9 thermidor, on arrêta en sa présence, dans la société populaire, de dénoncer la conduite des représentans Hentz et Francastel. Pourquoi, dit-il, ne l'avoir pas fait dans le tems ? ... Et toi, lui observa-t-on, qui avait connaissance de tout, tu n'en a pas informé la Convention ... J'avais, répondit Ingrand, ma malle à porter, d'ailleurs ce sont mes collègues.

Histoire générale et impartiale

des erreurs, des fautes et des crimes

commis pendant la révolution française

Tome 5

Louis Prudhomme

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