M. Gaspard de Millet, né à la Chapelle-Moche (Canton de Juvigny-sous-Andaines), vers l'année 1735, s'attira la haine des révolutionnaires par son attachement à l'Eglise catholique. Comme il était frère d'un prêtre exilé pour la foi, ce fut un nouveau crime aux yeux des persécuteurs qui jurèrent la mort de ce pieux gentilhomme.
Un jour de marché (le 16 août 1792), l'ayant aperçu au moment où il traversait la place publique pour se rendre à son château, ils le poursuivirent de leurs injures et lui demandèrent où était son frère, prêtre insermenté et ennemi du peuple.
En vain, essaya-t-il d'apaiser ses ennemis en leur disant que son frère n'avait refusé le serment que parce qu'il était contraire à la fidélité due au chef de l'Eglise, qu'il aimait comme lui le peuple, et que, s'il avait quitté sa patrie, c'était uniquement parce qu'on l'avait menacé de mort. - "Vous êtes tous deux des fanatiques, des aristocrates, des ennemis du peuple", reprirent ces brigands.
En même temps, ils commencèrent à faire pleuvoir les coups de bâton sur le défenseur du prêtre fidèle. Cependant on accourait de toutes parts, et le pieux gentilhomme se voyait sur le point d'être enfermé dans un cercle infranchissable.
Pour éviter les coups des assassins, il se précipita sous une charrette, chargée de foin, qui se trouvait là par hasard. Ses ennemis l'y poursuivirent, et, ne pouvant l'arracher de cet asile, ils donnèrent tant de coups sur la tête qu'il tomba couvert de sang. Un homme de Juvigny-sous-Andaines l'acheva d'un coup de hache qu'il lui déchargea au milieu du dos.
Sa mort ne put apaiser la fureur de ses ennemis. Ils rivalisèrent d'insultes envers le cadavre du martyr, et ne l'abandonnèrent qu'après l'avoir mis en pièces.
M. Jean-René de Millet, curé de Madré (53), se vit chassé de sa paroisse en 1791 à cause de sa fidélité aux principes de la foi catholique.
Bientôt la violence de la persécution l'obligea de quitter sa patrie, et d'aller chercher un asile en Angleterre. Il y priait pour la conversion et le bonheur de son pays, lorsqu'il apprit de la bouche d'un prêtre, son compatriote, la mort cruelle infligée par les ennemis de la religion à son frère M. Gaspard de Millet, de la Chapelle-Moche.
Ce fut comme un coup mortel porté au cœur sensible de ce vertueux prêtre. Après avoir langui pendant quelques mois en proie à un chagrin dévorant, il vit arriver sans peine la fin de son pèlerinage sur la terre, et alla rejoindre dans la patrie céleste le frère bien-aimé qui était mort pour sa défense.
Les Martyrs de la Révolution dans le diocèse de Séez
Par l'abbé J.-B.N. Blin, Curé de Durcet
Tome premier - 1876