Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
31 mai 2016

LA MOTTE-FOUQUET (61) - LA LITIÈRE DU CHÂTEAU DE LA MOTTE-FOUQUET - MARQUIS DE FALCONER - L'ABBÉ HOUYEL DE LALANDE

La Motte-Fouquet

 


Le comte de Contades raconte que, dans un grenier de château abandonné, il a découvert une litière du dix-huitième siècle. Cette litière, en forme de berline reposait, comme une chaise à porteur, sur deux longs brancards entre lesquels, en avant et en arrière, étaient attelés deux chevaux. Cet équipage servait à parcourir les chemins étroits de la campagne où un carrosse n'aurait pas pu passer. L'usage des litières était fort répandu au dix-septième siècle. Il commençait à se perdre à la fin du dix-huitième siècle. C'était de cette époque que datait la litière de la Motte-Fouquet.

 

Litière

Voici comment la décrit le comte de Contades :

"Cette litière était une sorte d'étroite berline à deux places vis-à-vis l'une de l'autre. Elle était peinte en jaune pâle, le jaune de nos vieilles diligences françaises. La caisse était vernie ... Des armoiries de grande dimension s'étalent sur les panneaux des portières, derrière la caisse et sous l'oeil-de-boeuf du panneau de devant ... L'impériale est recouverte de cuir noir, fordé de clous dorés et étendu sur une planche fort mince. Aux quatre angles de la caisse sont attachées des baguettes moulurées du travail le plus fin, terminées par une chute du meilleur style Louis XVI ; sur le devant de la litière un oeil-de-boeuf ovale, entouré d'un gracieux cadre à noeuds, sert à éclairer l'intérieur. Cet intérieur se compose d'un plafond, - en terme de carrosserie du vieux temps, cela signifiait le plancher, - et de deux sièges vis-à-vis avec pantes et coussins de plumes. Tout cela, coussins et panneaux intérieurs, recouvert de velours d'Utrecht rouge. Des rideaux de taffetas sont placés à chaque portière et un store à l'oeil-de-boeuf."

Le comte de Contades lève ce store et nous fait voir la belle dame qui s'en allait ainsi, en litière, à travers le bocage normand. 

C'est Armande Bazin de Bezons, fille de Jacques Bazin de Bezons et arrière-petite-fille du maréchal Jacques Bazin de Bezons et épouse de Jean-David FAULCON de FALCONER, gentilhomme des environs de Falaise, né le 24 juin 1740, à Vesqueville (Belgique), qui, en 1760, avait acheté le château et la terre de la Motte-Fouquet [mariage le 29 septembre 1774]. Union de courte durée, puisque la jeune châtelaine de la Motte mourait deux ans après. De ce mariage, il avait une fille Armande-Jeanne-Suzanne, née le 9 novembre 1775, et un fils Amable-Jean-David, né à la Motte le 27 juin 1776.

Avant son mariage, Armande de Bezons ne connaissait peut-être de la campagne que le village suburbain dont ses ancêtres de fraîche noblesse avaient tiré leur nom. Elle dut être épouvantée de la solitude de la Motte-Fouquet. La commode litière, en lui permettant de voisiner avec les hôtes de tous les châteaux d'alentour, dut être précieuse pour la Parisienne exilée au fond de la Basse-Normandie. La dame de Falconer finit, semble-t-il, par s'accoutumer à sa seigneurie de campagne. "Elle était aimable, et l'on dit qu'elle fut aimée."

Le 27 juillet 1789, M. de Falconer, mal rétabli d'une attaque de paralysie, reposait dans sa chambre lorsqu'on vint l'avertir que plusieurs hordes menaçantes (en tout cinq cents personnes, au moins) marchaient sur le château ...

Les forcenés se rendirent dans la chambre du feudiste pour y prendre les titres qui pouvaient y être conservés. Les titres tumultueusement apportés au milieu de la cour, les meubles, les parchemins de noblesse, on en fit un monceau auquel on mit le feu. Pendant que railleries et injures pleuvaient sur M. de Falconer, il regardait atterré, cet auto-da-fé sinistre où son précieux terrier flambait avec des grésillements et où ses parchemins entassés se recroquevillaient au milieu d'un tourbillon d'âcre fumée. Plusieurs fois même, il fut poussé brutalement vers le foyer et si près qu'il se brûla légèrement un pied et les deux mains. Les bandes se retirèrent enfin, en hurlant des refrains patriotiques, et en vociférant la menace d'une nouvelle visite.

M. de Falconer était de haute taille ; il avait des cheveux châtains qui commençaient à blanchir, des yeux roux, le visage long et haut en couleur, avec un nez fortement busqué. Malgré son attaque de paralysie, dont il ne se remit jamais complètement, il semblait encore assez vert à cette époque. Doué d'un esprit très pratique, il se plaisait à entrer dans les plus petits détails de l'administration de ses affaires ; jaloux de ses droits, il ne reculait jamais devant les procès et parfois les provoquait. D'un caractère assez méfiant, il devint, depuis le pillage de son château, plus soupçonneux encore, et très aigri contre ses semblables qui avaient assez fait pour cela. D'ailleurs, excellent homme, pointilleux sur le terrain des affaires ; hors de là, d'un commerce agréable, ne bornant pas ses distractions à la chasse et aux chevaux, mais donnant une part de ses loisirs aux livres, dans une noble préoccupation des choses de l'esprit.

Le lendemain, en effet, après une journée si tragique, il reçut encore leur visite. Ils le contraignirent à quitter le lit et le conduisirent chez un notaire : "il faut que les nobles y passent", criaient-ils, chemin faisant, "le roi s'est bien fait tiers état." M. de Falconer fut obligé de renoncer par acte authentique à ses droits féodaux.

Le 14 avril 1790, il fait un voyage à Paris, pour mettre en ordre quelques affaires d'argent ; il revoit son fils et revient à la Motte, mais cette fois décidé à y rester peu de temps et à chercher ailleurs un refuge plus assuré ...

Enfin, au mois de juillet 1791, après avoir hésité sur le choix d'une nouvelle résidence, il se détermina pour Caen et, ayant confié l'administration de sa maison à Dupont et à Rocher, deux fidèles serviteurs, il partit avec sa fille, âgée alors d'une quinzaine d'années, et un valet nommé Saint-Jean ...

En l'an VI, M. de Falconer revint s'installer  à la Motte et s'y maria clandestinement.

On lit, en effet, sur les registres de l'état-civil de la Motte : "13 fructidor an VI, par devant Thomas Lefevre, agent municipal et officier public de la Motte, mariage de M. de Falconer, âgé de 58 ans, domicilié dans la commune de la Motte depuis plus de quatre mois, avec la citoyenne Agathe-Charlotte-Catherine-Élisabeth Philippe, âgée de 35 ans, domiciliée à la Motte depuis plus de quatre mois, fille de défunt Charles Philippe, domicilié dans la commune de Saint-Martin-de-Mailhoc (Calvados), et de feue Maria-Marguerite-Élisabeth Deshaies. Mariage affiché à Falaise, où les époux ont habité deux ans avant leur retour à la Motte."

Le 1er juillet 1808, au moment où la grosse horloge du rez-de-chaussée sonnait trois heures du matin, il expira. M. de Falconer fut inhumé dans sa chapelle. 

Falcon de Falconer acte décès

 

Château de La Motte-Fouquet entrée allée

 

Lorsque, à l'extrémité d'une admirable avenue de vieux arbres, j'arrivai devant la grille de la Motte-Fouquet, j'eus une première déception. Je rencontrai un garçon de ferme : "Il y a ici une litière que je voudrais bien voir. - Une litière ! - Oui, une voiture, dans un grenier. - La voiture à bras, on l'a vendue". J'exprimai alors le désir de pénétrer dans le vieux château, une construction de granit, très simple, sans ornements ni sculptures, mais d'une sobre et froide élégance ; j'espérais y découvrir quelque meuble, ou quelque boiserie qui pût m'aider à évoquer l'ombre d'Armande de Bezons. "Le nouvel acquéreur ne veut pas qu'on entre dans sa maison", me fut-il répondu et l'on m'offrit de faire le tour du parc.

Il est sombre et mélancolique, ce parc, où se mêlent les sapins et les chênes ; il est plein de mousses, de fougères et de rochers ; les racines de ses grands arbres plongent dans des étangs mornes et noirs ; et, de toutes parts, des couleuvres glissent dans les sentiers dont l'herbe a presque effacé le dessin. C'est un lieu d'une inexprimable tristesse. Si tout cela n'est point l'oeuvre d'un siècle d'abandon, si tel était au dix-huitième siècle le parc de la Motte-Fouquet, il faut plaindre la pauvre Parisienne qui fut condamnée à vivre dans ce site tragique ... Cette simple phrase de son biographe : "Elle était aimable et l'on dit qu'elle fut aimée" me revient à la mémoire ... Et je songe aux confidences qu'a dû entendre la litière, la belle litière que je n'ai pas vue, que je ne verrai jamais ... à moins que je ne la retrouve, un jour, dans quelque "Rétrospective" de la carrosserie.

 


 

PIERRE-PAUL HOUYEL DE LALANDE, curé de La Motte-Fouquet, dans le diocèse du Mans, avait refusé de trahir sa Foi par la prestation du serment de la constitution civile du clergé ; et il étoit trop attaché aux catholiques de sa paroisse pour sortir de France à l'époque de la loi de déportation du 26 août 1792.

La continuation de son séjour dans sa contrée, pour y exercer son ministère, l'exposa aux plus grands périls. Il fut obligé de se cacher en des réduits misérables où il souffrit la privation des choses indispensables à la vie ; mais, en évitant les baïonnettes des impies, il périt de misère en 1793, dans l'espèce d'antre où il s'étoit comme enseveli pour leur épargner le crime de l'assassiner. 


 

Château de La Motte-Fouquet - chapelle

 

LA CHAPELLE DU CHÂTEAU

Un document publié par M. Vérel, fixe à l'année 1591, la date de la construction de la chapelle, placée sous le vocable de saint Hubert.

Après avoir constaté que la maçonnerie en coûta 27 écus, la charpente 25 écus, plus les journées de quatre serviteurs pour les maçons, à 5 sols par jour, il donne le nom de six chapelains :

François Penlou, inhumé dans l'église de la Motte, le 9 février 1677 ; Mathurin Renault, le 17 avril 1716 ; G. Gaultier, 1716 ; A. Esnault 1736 ; René Vaillant 1747 ; Jacques Ledonné, 1755.
Nous ajouterons à ces noms :
- Pierre de Saint-Rémy, auquel succéda, le 18 juin 1664, Jullien de Saint-Rémy.
- Le chapelain Léveillé qui mourut en 1791.

Les travaux de construction de cette chapelle furent poussés avec beaucoup de lenteur, puisque, commencée à la fin de 1591, elle n'était pas encore bénite en 1614 et ne le fut qu'en 1646, par le doyen de la Roche-Mabile. Elle subit, depuis cette époque, d'importantes restaurations, comme il appert de la date de 1699, gravée sur le linteau de la porte.

Le campanile élégant, qui surmonte le toit, cache, dans le feuillage des arbres, une croix en fer forgé, enrichie d'ornements artistement ouvragés.

En dépouillant les anciennes minutes du notariat de la Ferté, nous avons retrouvé deux actes de prise de possession. Le premier, de 1636, concerne la cure de la Motte ; le second de 1664, la chapelle de Saint-Hubert. Ces titres, que nous allons reproduire, relatent les cérémonies prescrites, en pareille circonstance, par le droit canon.

"Le 10 juin 1636, ont comparu vénérable et discrète personne François Penlou, prêtre, curé de la Motte-Foucquey, lequel s'est transporté au presbytaire du dit lieu de la Motte, en l'église du dit lieu où estant entré par la grande porte se serait aspergé et tous ceux de sa compagnie, et le dit serait allé devant l'image du crucifix où à deux genoux il aurait fait ses prières et oultre serait allé au grand autel où semblablement il aurait réitéré ses prières et ouvert et fermé le livre missel, et après serait allé aux fonds qu'il aurait veus et visités, de plus aurait fait sonner les cloches de la dite église et en oultre se serait transporté au lieu presbytéral du dit lieu où il aurait ouvert et fermé les portes, estainct le feu qui était dans l'une des cheminées avec de l'eau de la selle, et rompu quelques branches d'arbre, disant le toult faire par exploict et prinse de pocession de la dite cure de la Motte Foucquey, suivant les lettres de collation et provision sur signature de M. le Vicaire général de Mgr le Révérendissime evesque du Mans, en dabte du 7e de ce présent moys et an, signées des Chapelles, et plus bas De mandato sancti domini vicarii generallis, etc., et scellées des armes du dit seigneur en cire rouge, etc.
Présence de vén. pers. Alexis Courgenouil, prêtre vicaire de la paroisse, noble seigneur d'Olliamson, sr de Coulliboeuf ; Titterville, etc., Jehan Picot, écuyer, Philippe du Mesnil Bérard de la Chaise, écuyer, etc., etc."

Voici l'autre pièce :

"L'an mil six cent soixante et quatre, le 18e jour de juin, par devant les dits tabellions de la Ferté-Macé,

Au manoir seigneurial de la Motte Foucqué et en présence des témoins cy après nommés, fut présent noble et discrette personne Julian de Saint-Rémy, pbre du diocèse du Mans quand au spirituel, lequel sur la présentation de luy faicte par Jacques de Saint-Rémy, écuyer seigneur de la Motte Foucqué, Saint Patrice et Orgère, patron et présentateur de la chapelle Saint-Hubert, sise et située en l'enclos du manoir seigneurial dud. lieu à pnt vacante par le décès de noble homme Pierre de Saint-Rémy, en son vivant curé de Titierville, dernier chapelain et paisible pocesseur d'icelle, lad. présentation faicte à Monseigneur et Révérendissime évesque du Mans, et sur icelle collation octroyée aud. Julian de Saint-Rémy de lad. chapelle en dabte du 3e du présent mois et au bas de laquelle est signé René des Chapelles, un paraphe, et au dessous "De mandato dicti domini vicarii generalis", etc., et scellé d'un grand sceau, led. Sr de Saint-Rémy pbre, en nos présences, ce dit jour et an, a prins la corporelle réelle et actuelle pocession de lad. chapelle Saint-Hubert ensemble de tous les droits et revenus d'icelle, en y entrant et s'agenouillant devant l'autel et faisant prière à Dieu devant l'image de Monsieur Saint Hubert, baisant led. autel, sonnant la cloche de lad. chapelle et observant les solennités en tel cas requises et accoutumées laquelle prinse de pocession a été par nous criée à haulte voix devant lad. chapelle et ne s'est trouvé personne qui s'y soit opposé.
Faictes présence de discrette et vénérable personne François Penlou, pbre, curé de la Motte Foucqué et Messire Alexis Courgenouil, pbre de lad. paroisse, et Claude Chesnel aussi pbre de la par. de Magny, Julien de Saint-Rémy, etc., et plusieurs aultres.

La liste maintenant n'est plus interrompue des ecclesiastiques qui, successivement, prennent possession de la cure de la Motte ; mais dans la petite chapelle close, où reposent M. de Falconer, nul prêtre ne vient, depuis longtemps, baiser l'autel, sonner la cloche et prier M. saint Hubert, peint à genoux dans la boiserie du retable, et encore en extase, après tant d'années, devant l'apparition fantastique de la légende, arborant sur sa tête, à la haute ramure, une croix auréolée.

Sources :

André Hallays - Journal des débats politiques et littéraires - 3 août 1900 (Numéro 213)

Le château de la Motte-Fouquet - Wilfrid Challemel - 1912

Les martyrs de la foi pendant la Révolution française ... par l'Abbé Aimé Guillon - troisième volume - 1821

AD61 - Registres d'état-civil de La Motte-Fouquet

Publicité
Commentaires
S
Au cas où vous ne le sauriez pas encore, je vous signale que la litière dont vous parlez est exposée dans les écuries du château de Montgeoffroy, à Mazé, dans le Maine-et-Loire. Vous trouverez quelques photos sur des sites consacrés à ce château et sur : https://www.attelage-patrimoine.com/2018/09/litiere-basternes-chaise-muletiere.html
Répondre
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité