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La Maraîchine Normande
5 avril 2015

LÉRY (27) - L'ÉGLISE SAINT-OUEN ET LA CROIX DE LÉRY

 

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L'église de Saint-Ouen, à Léry, est une des plus curieuses de la Normandie. Elle a eu l'honneur d'attirer depuis longtemps l'attention des archéologues et des savants. Hyacinthe Langlois, de Pont-de-l'Arche, a inséré dans un recueil in-4°, paru en 1817, une vue du portail de cette église qu'il avait dessiné en 1816. John Cotman, dans ses Architectural Antiquities of Normandy, formant deux volumes in-f°, imprimés à Londres en 1820-1821, a donné une vue générale de l'église de Léry, dessinée en 1817 ou 1818. Les Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, de Nodier, Taylor et Cailleux, contiennent trois litographies in-f°, faites en 1824 et reproduisant, la première, le portail avec le porche, que Langlois avait supprimé dans son eau-forte ; la seconde, l'intérieur de l'église, et la troisième, la croix fort estimée du XIVe siècle. Enfin dans un ouvrage in-f°, publié sans texte à Laigle, en 1856, intitulé : Les plus beaux monuments de l'Eure, on trouve l'église de Léry et sa croix de pierre.


Hy. Langlois, qui avait connu, dès la fin du XVIIIe siècle, cette église, que Richard II, duc de Normandie, donna en 1018, avec ses revenus, à l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen, lui attribue une origine carolingienne. "Pour lui confirmer, dit-il, l'honneur de cette antiquité reculée, il ne faut qu'examiner avec réflexion les différents détails du centre de la façade, à commencer par les colonnes soutenant la retombée du triple archivolte des fenêtres, dont les moulures et les chapiteaux à doubles tailloirs sont parfaitement semblables, quoique d'une plus petite proportion, à ceux de quelques chapelles souterraines de l'église de Saint-Denis en France. Ces chapiteaux, d'où saillent des volutes ciselées en pétoncle, offrent encore, quoique frustes et altérées par le temps, des vestiges de rinceaux et de palmettes fort singuliers ainsi que l'ornement des tailloirs, composé de baguettes fort déliées, ajustées en double treillis.

 

PORTAIL EGLISE LERY


"Le couronnement de la porte ... se compose de trois corps angulaires portant sur l'entablement des colonnes latérales, dont ils suivent les retraites et l'envoncement : le premier de ces corps est extérieurement entouré d'une large bande circulaire, ornée d'un guillochis bizarre et très profond, bordé d'un étroit listel chargé de petites rosaces uniformes, taillées très finement en creux, et dont l'étroit rapprochement forme un agréable chapelet. Le second angle est décoré d'une suite de losanges grossièrement ébauchés, qui embrassent chacun de ses blancs et que son arête partage longitudinalement par moitié. Enfin, le plus enfoncé de ces corps est chargé d'un lourd bâton, qui court par brisures sur son flanc extérieur. Les chapiteaux des six colonnes de ce portail n'ont rien qui les distingue les uns des autres, et sont revêtus seulement de deux jets de feuilles très simples, fort plates et ressemblant à de larges fers de lances.

 

église de Léry 6


Le monstre perché sur la pointe du pignon et qui, vu par devant, a la physionomie d'un hibou difforme, se termine de profil par une espèce de croupe, de sorte qu'on ne sait si le sculpteur a voulu figurer l'oiseau de Minerve ou un sphinx."


Le portail de l'église de Léry est un des modèles de style lombard, disent de leur côté les auteurs des Voyages pittoresques, auxquels le savant archéologue, Aug. Le Prévost, avait fourni pour nos contrées les notes qui servirent à la rédaction de leur texte. "Ce monument modeste, ajoutent-ils, en parlant de l'église, se fait remarquer par une ordonnance noble et sévère. C'est le génie de l'architecture romane ... Infiniment moins vaste et moins élégant que le superbe vaisseau de Saint-Georges de Boscherville, celui de l'église de Léry lui cède à peine en beautés originales."


Les auteurs, dont on vient de lire quelques extraits, avaient vu l'église de Léry, il y a bientôt un siècle ; leur souvenirs et leurs descriptions étaient intéressantes à recueillir, car les travaux, qui ont été exécutés depuis, ont sensiblement modifié l'aspect du monument.


L'église primitive de Saint-Ouen ne comprenait qu'une nef, deux chapelles et le sanctuaire. Elle avait alors exactement la forme d'une croix, dont le centre était occupé par une tour carrée, finissant autrefois en pyramide et qui supporte aujourd'hui une flèche élancée en bois, couverte en ardoises.

 

église de Léry intérieur

 

Lorsqu'on voulut édifier des nefs latérales, on procéda comme à Notre-Dame-du-Vaudreuil. Les murs de la nef principale furent ouverts à des distances régulières et les parties conservées furent arrondies et servirent à établir, de chaque côté, quatre piliers et deux demi-piliers, sur lesquels s'appuyèrent cinq arcades cintrées en pierre. Mais, à la différence de ce qui fut successivement fait au Vaudreuil, les piliers de Saint-Ouen sont restés en moellon, enduits de plâtre ou de ciment, à la hauteur du sanctuaire. La tour en pierre est portée sur des arcades cintrées, qui reçoivent à une assez grande hauteur des piliers dont les chapiteaux sont godronnés. Les doubles nervures de sa voûte, celles des chapelles et du sanctuaire retombent sur des colonnes en encorbeillement, terminées par des têtes grotesques d'hommes et d'animaux.

 

église de Léry 4

 

On accède par une tourelle cylindrique en pierre à la tour, qui a conservé à l'extérieur, sur chaque côté, ses doubles fenêtres, divisées par un meneau et surmontées de cintres denticulés et et zigzagués et ses six petites fenêtres romanes séparées par des colonnettes à chapiteaux carrés.

 

LÉRY 271

 

Des modillons composés de chimères, de monstres et de mascarons règnent sous la corniche de la nef principale, de la tour et des chapelles, et deux cordons en pierre courent autour de l'église.

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L'église de Léry avait été souvent, et notamment en 1845, l'objet de fâcheuses modifications. Des travaux importants de restauration les ont fait disparaître à une date encore récente. On a reconstruit les murs des nefs latérales et rétabli leurs fenêtres romanes géminées. Il en a été de même du portail, où l'on a réparé le cintre et les archivoltes de la porte, et les trois fenêtres placées au-dessus. La longue toiture, qui descendait du haut de l'église sur les murs des nefs latérales, a été coupée à la hauteur de la nef principale, dont les petites fenêtres romanes ont été réouvertes et ornées, ainsi que les fenêtres des nefs latérales, de vitraux modernes d'une bonne exécution. Le sphinx, placé au pignon du portail a été remplacé, comme au Vaudreuil, par une croix grecque, substitution qu'on a voulu expliquer en disant, pour l'une et l'autre église, que la pierre, devenue entièrement fruste, ne laissait plus apercevoir aucuns dessins et qu'il était impossible de rétablir le sujet primitif. Enfin, on a reconstruit, derrière le sanctuaire, un bâtiment rond, à usage de sacristie, utile sans doute, mais d'un effet disgracieux.

 

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On remarque, à l'intérieur de Saint-Ouen, un Christ et sa croix avec deux statues placées contre le grand arc qui sépare la nef du sanctuaire et qui paraissent être du XIVe siècle, et, parmi les sept statues peintes et relativement modernes de la nef, une sainte Barbe un peu plus ancienne.

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Les vitraux des trois fenêtres du portail représentaient autrefois des sujets très curieux de la vie de saint Louis. En 1816, il n'y restait déjà plus le moindre vestige de couleur. Ces verrières étaient du XIVe siècle, époque où les sujets tirés de la vie de saint Louis étaient fort en honneur, et il serait possible qu'elles eussent été l'oeuvre de Gilles de Paris, verrier, demeurant à Rouen, qui, pendant plusieurs années et dès 1348, travailla à des verres "ouvrés de ymagerie" au manoir de Léry et au château du Vaudreuil, pour compte de Jean, encore dauphin et duc de Normandie.

 

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Quelques pierres tumulaires, dont les inscriptions étaient presque effacées, mais qui annonçaient le XIVe siècle, ont fait place à un pavage moderne. L'une d'elles sert de seuil à la porte de l'église.

 

Le livre des jurés de Saint-Ouen de Rouen, dressé en 1291, lorsque la perte des titres de l'abbaye, par suite du désordre des guerres, fit craindre aux religieux de perdre aussi leurs biens, donne une énumération détaillée de leurs propriétés et de leurs revenus à Léry, provenant de la donation faite par Richard, et sans doute de quelques acquisitions postérieures. Ces revenus étaient importants, et l'abbé de Saint-Ouen percevait, en outre, vingt-quatre parts de toutes les dîmes de la riche paroisse de Léry, ne laissant au curé que la vingt-cinquième part. Mais il était tenu de faire à l'église les réparations nécessaires et de payer au curé et à son vicaire une rente qui, au XVIe siècle, s'élevait à 1.500 livres et fut peu après réduite à 450 livres.Quant aux réparations, les abbés de Saint-Ouen ne paraissent pas s'en être beaucoup préoccupés ; au XVIIIe siècle, ils ne prenaient plus à leur charge que les menues réparations du choeur et du chancel de l'église, dont ils imposaient le paiement à leurs fermiers. En réalité, ils gardaient pour eux tous les revenus et laissaient aux paroissiens le soin de pourvoir aux besoins de leur église et de leur curé.

 

église de Léry gravure

 

L'église de Saint-Ouen de Léry fut l'un des lieux de réunion des nombreuses conférences tenues en octobre et les 2 et 29 décembre 1448, par les commissaires des rois de France et d'Angleterre, pour traiter de la paix. Le comte d'Eu, Guillaume Chartier, évêque de Paris ; Charles, seigneur de Culant ; Guillaume Cousinot, Jean Beson et Jean Herbert, y représentèrent le roi de France ; Raoul Roussel, archevêque de Rouen ; Adam Moleyns, évêque de Chichester, garde du sceau privé ; Guillaume, seigneur de Faucomberge ; Robert Roos, auxquels s'adjoignirent parfois Louis Gallet, lord Talbot, Reginald, abbé de Glocester, Osbiern Mundeford, furent les commissaires du roi d'Angleterre.

 

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La croix de Léry est fort connue et appréciée et a été plusieurs fois reproduite dans les recueils historiques. Elle était autrefois dans le cimetière, entourée d'arbres qui l'ombrageaient, mais elle avait subi les ravages du temps, et les archéologues ne l'admiraient plus guère que par tradition. Elle a été très habilement restaurée en 1875, sous la direction de M. Simon, architecte à Rouen. Ses branches sont garnies de feuilles frisées et elle présente d'un côté l'image du Christ attaché à la croix, et de l'autre celle de la Vierge portant l'Enfant Jésus. Au-dessous, une couronne appuyée sur des têtes d'anges entoure son fût, qui est rond ; plus bas, sont les statuettes de saint Pierre, de saint Ouen et d'un autre évêque, et, sous ces personnages, des têtes d'anges aux ailes éployées.

LÉRY 27

PAUL GOUJON
La Normandie monumentale et pittoresque - Eure - Deuxième partie - 1896

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