Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
19 janvier 2015

LA BRUFFIERE (85) - JEAN-BAPTISTE TRIMOREAU, CHAPELAIN-DESSERVANT DE SAINT-SYMPHORIEN

JEAN-BAPTISTE TRIMOREAU
Chapelain-Desservant de Saint-Symphorien
1738-1793

Le petit bourg des Touches (diocèse de Nantes), donna naissance, en 1738 (2 ou 3 octobre), à un enfant très désiré, la première bénédiction accordée à un jeune foyer, et le complément de son bonheur. La piété régnait dans cette famille.

acte de naissance JB Trimoreau


Enfant prédestiné, aux instincts les plus heureux, il répondit de bonne heure aux espérances de ses parents. Jeune encore, il fut confié à son oncle, Jacques-Claude Trimoreau, vicaire de la Bruffière, qui, pendant plusieurs années, devint son maître et son guide dans la science et la vertu.


A la rentrée des classes qui suivit sa première communion, Jean-Baptiste fut dirigé vers la cité nantaise, au collège des Oratoriens, qui possédaient alors le monopole de l'instruction de la bourgeoisie française. Les penchants du jeune homme le portaient vers le sanctuaire et personne n'y mit obstacle.


Sa mère seule lui restait et habitait la Bruffière. Elle fut heureuse de la vocation de son fils, qui entra au séminaire diocésain. Jean-Baptiste y trouva pour maîtres les enfants de M. Olier, qui, depuis plus de deux cents ans, remplissaient là l'importante mission de la formation des clercs. Il devint l'un des meilleurs élèves de ses heureux maîtres et leur fut redevable de ce qu'il y eut de bon en lui.


Le jeune clerc devint prêtre en 1757 et fut nommé vicaire à la Bruffière. Le curé de cette paroisse, qui aimait singulièrement le jeune prêtre, n'était pas, sans doute, étranger à cette nomination. Ainsi le fils était rendu à sa mère et logeait probablement chez elle, car, à cette époque, les vicaires habitaient rarement avec leur curé.
C'était, certes, un très beau début que le ministère à exercer dans cette grande paroisse pour se former à la parole, à la direction des consciences, au soin des enfants et des malades. L'abbé Jean-Baptiste Trimoreau remplaçait son oncle, devenu vicaire de la collégiale d'Ancenis.

 

Saint-Symphorien église

 


Le nouveau vicaire déploya là une grande activité pour satisfaire son zèle et sa piété. Ce qui dura douze années, après lesquelles il fut nommé vicaire non loin de la Bruffière, à la Boissière-de-Montaigu. Il y demeura cinq années dans les travaux ordinaires du ministère. Enfin, en 1774, M. Trimoreau reçut des pouvoirs comme prêtre auxiliaire desservant le prieuré de Saint-Symphorien (1), situé dans sa bonne paroisse de la Bruffière. Là, il avait l'avantage de connaître le caractère et les dispositions de son petit troupeau et celui d'être de nouveau auprès de sa vieille mère. En attendant les graves évènements dont nous allons parler, nous n'avons rien à signaler dans la vie du nouveau pasteur.


Cette vie fut celle de tant d'autres ministres de Dieu, qui passent de longues années dans les obscures occupations du ministère pastoral, faisant le bien en secret, sans autre désir que de sauver les âmes en leur apprenant à connaître et aimer Jésus-Christ et la sainte doctrine.


En attendant que des circonstances imprévues commandassent le sacrifice de sa vie, l'abbé Trimoreau faisait à Dieu l'oblation de tout son temps, de ses forces, de ses talents, de ses ressources pour soulager les corps et les âmes de ses paroissiens. Il avait été pourvu, en 1776, de la Chapellenie des Audureau, attachée à l'église de la Bruffière, qui augmentait quelque peu ses modestes ressources. Il y succédait à M. J. Ménard, chapelain, qui, lui-même, avait remplacé M. Vinet. Il vivait là tranquille et vénéré de ses paroissiens.


Mais déjà le chapelain de Saint-Symphorien entendait gronder l'orage révolutionnaire et s'efforçait de préserver de ses terribles effets ses chers paroissiens, craignant plus pour eux que pour lui-même, en vrai pasteur des âmes. Vivant dans la solitude et adonné tout entier à son ministère, le bon prêtre était étranger à la politique. Ce qu'il en savait ne lui fit pas croire aux crimes prochains de la Révolution. Comme beaucoup d'autres, il se fit des illusions. Il crut d'abord que les violences et les abus de justice de la première heure ne dureraient pas.


On était arrivé à l'année 1790, année de terrible épreuve pour le clergé. Le serment à la funeste constitution lui était demandé ; il ne se mit pas en peine de le faire, qu'avait-il à en attendre ? Bientôt il vit traquer les prêtres, les riches, les royalistes, les suspects. C'était trop fou pour durer : il n'y pouvait croire.


Il était bon, dit son biographe, mais d'une rare bénignité, d'une modération et d'un calme exceptionnels. Ses réponses à ses juges le démontreront plus loin. Il n'avait sondé que le fond de son coeur et y assimilait celui des autres. Voilà pourquoi il s'obstina à rester dans le pays.


Toutefois, ce ne fut pas pour longtemps. Il allait être obligé de fuir.


Au moment où l'armée catholique se précipitait vers la Loire, laissant derrière elle les maisons en flammes, les églises dévastées, une colonne incendiaire, venant de Montaigu, se dirigea vers Tiffauges et Cholet, mettant tout à feu et à sang sur son passage. Après avoir fait un affreux massacre de Vendéens dans un champ de genêt, elle déboucha à Saint-Symphorien, un matin, à l'instant où M. Trimoreau disait la sainte messe.


Instruit de l'approche des bleus, il se hâta de terminer et s'enfuit précipitamment. Ce fut heureux pour lui, car, quelques heures plus tard, le hameau, l'église et le prieuré étaient la proie des flammes.


Un officier républicain, chargé par Kléber d'une reconnaissance, quelques jours après fait, de ce pays désolé, le tableau suivant :

"Arrivé à Saint-Symphorien, le bourg était encore en feu, et je vis quelques habitants occupés à ravir aux flammes le peu d'objets qui n'étaient pas encore consumés. Après avoir dépassé le bourg, à une demi heure, nous commençâmes à découvrir la trace de quelques chevaux. Tout le pays que nous parcourions, naguère si vivant, ressemblait alors à une vaste solitude. De gros tourbillons de feu et de fumée annonçaient seulement des habitations, autrefois l'asile du bonheur, aux environs desquelles erraient des troupeaux de toutes les espèces qui garnissent les fermes. Leurs cris plaintifs, qui peignaient leur inquiétude, ajoutaient encore une sorte d'horreur à ces lieux.


Ici, sur les décombres fumants, des chiens dont les hurlements lamentables déchiraient l'âme, par l'idée des malheurs arrivés à leurs maîtres ... Là, sur un tertre et devant des maisons encore embrasées, des vaches que leurs mugissements répétés appelaient celles qui leur donnaient des soins, des troupeaux cherchaient inutilement leurs bergères ... Dans les champs, dans le chemin creux, tous ces animaux fuyant à droite et à gauche comme s'ils étaient toujours poursuivis, annonçant ainsi les regrets de leur domesticité et l'embarras que leur causait cette liberté. Depuis que nous avions quitté Saint-Symphorien, nous n'avons rencontré figure humaine. Nous avancions en tâtant le terrain de tous côtés, écoutant attentivement sans rien découvrir, ni amis ni ennemis. C'était le désert."

Cependant, le chapelain, suivi d'un certains nombre d'hommes de sa paroisse, avait réussi à rejoindre le corps de la grande armée, du côté de Cholet et de Saint-Florent. Avec elle il passa la Loire, mais se sépara d'elle dès la première étape, c'est-à-dire à Candé, et se réfugia dans une contrée religieuse, peu distante de son pays. Pendant six longs mois d'hiver, le fugitif mena une vie errante et menacée, changeant souvent d'asile pour ne pas compromettre les braves gens qui le logeaient.


Bientôt il se hasarda à changer de refuge et de pays. Il ne put aller loin. Il traversait une vaste lande, appelée Lande-du-Moulin-Blanc, lorsqu'apparut une patrouille républicaine qui le reconnut pour un prêtre et l'arrêta. Conduit aussitôt à Segré, emprisonné, M. Trimoreau comparaît devant le magistrat instructeur qui dresse un mandat d'arrêt, l'interroge avec rigueur et l'envoie à la prison d'Angers, pour y comparaître devant le tribunal criminel du département de Maine-et-Loire.


Là, son calme, sa dignité et la sincérité de ses réponses étonnent tous les assistants, excepté les juges, peu sensibles à sa candeur.


L'abbé Jean-Baptiste Trimoreau n'avait prêté aucun serment. Au lieu de se soumettre à la loi de déportation, il l'avait bravée en restant sur le territoire de la République.
Quand on lui demande pourquoi il n'a pas prêté serment : "Je ne l'ai pas jugé à propos, et, en plus, je ne l'ai pas voulu, répond-il."


Il reconnaît aussi que c'est la crainte de perdre sa liberté qui l'a détourné de répondre aux exigences du Directoire de la Vendée, l'obligeant à se rendre à Fontenay, dans la maison de réclusion des prêtres. On pourrait dire le "parc" des malheureux prêtres entassés sans pitié sur une litière peuplée des plus répugnants insectes.


Aux yeux des juges, il reste démontré que le chapelain est un grand coupable, digne de la déportation à Cayenne ou de l'échafaud. C'est la perspective qui plana sur le prisonnier, pendant un mois, dans les cachots de Segré.


La victime, épuisée par les privations d'une vie de fugitif pendant onze ou douze mois et par les mauvais traitements de la prison, semble absolument résignée à tout. Il avait fait à Dieu le sacrifice de sa vie. Ce sacrifice fut agréé, et, le 28 brumaire, on le trouva mort dans la maison de détention d'Angers.


Au revers du dernier feuillet du dossier du prétendu criminel, de l'insoumis aux lois cruelles de la République, on lit : "Procédure de Jean Trimoreau, prêtre non assermenté, détenu dans les prisons de Segré." Puis, un peu au-dessous et d'écriture différente : "décédé en la prison nationale, dix heures du soir."


L'éloge du saint prêtre est tout entier dans ces quelques lignes. Il est court, mais complet, "Prêtre non assermenté", c'est-à-dire prêtre catholique, ferme dans sa foi, fidèle à son Dieu et à la sainte Église de Jésus-Christ. "Décédé à la prison nationale", c'est-à-dire mort pour sa foi, martyr et victime de ses saintes convictions, fidèle jusqu'à la mort au devoir du prêtre.


Extrait : Le Clergé Vendéen, Victime de la Révolution Française - par l'abbé Armand Baraud - 1904/1905

(1) Les religieux de la Madeleine de Geneston avaient fondé anciennement ce prieuré au village de Saint-Symphorien. La chapelle, mise sous le vocable du saint martyr d'Autun, remonte à une époque très ancienne. Il s'y faisait autrefois de toute la contrée un pèlerinage aujourd'hui dégénéré en foire ou plutôt en assemblée. Ce bourg et le domaine de Saint-Symphorien avaient été bâtis sur la terre du fief de la Roulière appartenant aux seigneurs de l'Échasserie.

Publicité
Commentaires
D
Un détail qui n'enlève rien à la véracité des faits mais qui pourrait être utile à ceux qui s'intéressent à ce hameau: l'intégralité du récit cité par l'abbé Baraud (reproduit en couleur verte ci-dessus), décrivant les ruines fumantes de Saint-Symphorien, n'a aucunement été rédigé par un officier républicain aux ordres de Kléber, c'est le témoignage oculaire du mémorialiste blanc Bertrand Poirier de Beauvais (p. 135-136) qui est expressément chargé d'effectuer une reconnaissance demandée par le généralissime (donc d'Elbée) (p. 134) et qui date ces faits du début octobre 1793 (page 131).
Répondre
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité