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La Maraîchine Normande
8 novembre 2014

CHATEAUBRIAND (44) - 1834 - EXÉCUTION DE LOUIS JULIEN DIT BOUIN ET DE JEAN POULAIN DIT DAUBE-LES-BLEUS

EXÉCUTION A MORT DE DEUX CONDAMNÉS POLITIQUES
Nantes, mercredi 29 janvier 1834

 

LA GUILLOTINE

L'instrument de mort qui n'avait pas fonctionné depuis 1823, a été expédié pour Chateaubriant samedi dernier. Le propriétaire du bateau à vapeur a refusé de le transporter jusqu'à Nort, comme on le lui avait proposé, en exprimant énergiquement toute l'horreur que lui inspirait une semblable commission.


Les deux condamnés, Louis et Poulain, ont été extraits de la prison lundi à quatre heures du matin, accompagnés de M. l'abbé Raguideau, vicaire de Saint-Nicolas, qui, ne pouvant se placer au milieu d'eux, se tenait derrière. Cet estimable ecclésiastique s'était empressé de leur consacrer son consolant ministère dès le moment de leur condamnation. Il fait les plus grands éloges de la piété et de la résignation chrétienne de ses pénitens, et lui-même a sollicité la permission de les suivre jusqu'à l'échafaud.


L'exécuteur des hautes-oeuvres de Rennes, et celui de Bourbon-Vendée, ont assisté leur confrère de Nantes qui était le roi de cette fête de sang. C'est une solennité digne des fastes révolutionnaires de 1793 ! Enfin le programme de cette sanglante cérémonie où deux têtes de 20 et 25 ans sont tombées, répudiées qu'elles sont par la clémence du pouvoir, est empreint d'un grandiose remarquable. 1.500 hommes ont été échelonnés depuis Nantes jusqu'à Châteaubriant, le tout pour constater l'assertion du ministère public, que le délit n'était pas un délit politique ! ...


Il y a eu aujourd'hui à la messe de onze heures, dans toutes les églises de la ville, une grande affluence de fidèles. Ce n'était point une réunion convenue ; chacun était naturellement entraîné à porter aux pieds des autels le tribut de ses prières, et à y déposer le poids de la douleur dont son coeur était oppressé. Une seule intention réunissait les voeux de l'assistance, celle de recommander à la miséricorde de Dieu les deux âmes qui montaient vers lui par la voie de l'échafaud.


Midi sonne ! tout est consommé ! tout est jugé là-haut !!! Ah ! sans doute, ce ne sont pas les victimes que nous devons plaindre !!!

 

CHATEAUBRIAND 44 gravure 1848

 

CHATEAUBRIANT, 30 janvier.


Notre ville a été hier le théâtre de deux sanglantes exécutions ; Poulain et Louis ont eu la tête tranchée, au milieu de la Motte. A onze heures du matin, cinq cents hommes étaient sous les armes ... Ces deux malheureux jeunes gens, traités de léopards et de tigres par les hommes du parti contraire, et qui n'ont vraiment eu à se reprocher qu'une trop violente récrimination envers des gens qui s'étaient montrés leurs ennemis, sont montés sur l'échafaud avec calme et résignation. L'un d'eux, avec un courage que la religion seule peut inspirer, s'est écrié avant de présenter sa tête au bourreau : Je pardonne à mes ennemis.
On dit qu'un certain nombre de personnes ont eu l'impudeur d'assister par curiosité à ce sanglant spectacle, et que les militaires sous les armes ont hué un groupe de femmes, qu'ils ont obligées par ce moyen à se retirer. On s'était attendu à quelques cris d'à bas les chouans ! mort aux chouans ! Il n'y en a eu aucun ; la partie humaine de la population a probablement, par son attitude silencieuse, imposé silence aux hommes sans coeur et sans âme. (Gazette de Bretagne).

 

Nous croyons utile de reproduire quelques passages d'une lettre publiée dans la Quotidienne, et faisant le triste récit de la barbare exécution, qui a eu lieu à Châteaubriant, des deux jeunes Vendéens condamnés à mort pour délit politique.


"En partant de Nantes, le convoi funèbre était escorté par 150 hommes du 56e régiment de ligne et 6 gendarmes, commandés par le capitaine Moreau. M. le chef de bataillon Shirnn ouvrait et commandait la colonne. Les deux victimes reconnurent dans leur escorte des hommes du 56e qui, ayant fait partie des cantonnemens établis dans l'arrondissement de Châteaubriand, avaient été déguisés en habitans du pays pour commettre, sous les noms des réfractaires, et nommément sous celui de Poulain et de Louis, toute espèce de vexations. Malgré la présence de M. l'abbé Raguideau, leur saint confesseur, ces malheureux ne purent contenir leur indignation et la manifestèrent fréquemment en termes véhémens, dans le trajet de Nantes à Nort, aux soldats à qui le pouvoir avait fait jouer ce rôle odieux.


En arrivant à Nort, le convoit était attendu par 400 hommes du même régiment, et 80 à 100 gendarmes. La 5 ou 6 enfans, qui précédaient la populace de cette localité accourue pour se repaître les yeux de deux chouans conduits à la guillotine, insultèrent, par leurs cris et par leurs gestes, à ces infortunés. "Malheureux, s'écria le vertueux prêtre, pouvez-vous répondre que dans quelques-uns de vos parens ne se trouveront pas à la place de ceux envers qui vous vous montrez si barbares ?" Ces paroles, prononcées d'un ton prophétique, imposèrent à ces misérables, et on permit au convoi de continuer sa route vers le lieu du supplice. A Nort, M. le capitaine Moreau reçut du confesseur, au nom des patiens, des excuses pour les reproches que ceux-ci avaient adressés durant ce premier trajet à des hommes de leur escorte, et des remercîmens pour la bienveillante pitié que cet officier avait montrée en cette rencontre. L'officier prit la main du prêtre avec émotion, et lui dit "M. l'abbé, vous portez jusqu'à l'héroïsme les vertus de votre ministère ; allez, que Dieu vous bénisse." Et l'officier détourne la tête sans pouvoir dérober à la vue du prêtre, qui l'observe avec attendrissement, les larmes qui roulent dans ses yeux. Et le prêtre est rendu, après le départ de l'officier, à toute la sollicitude évangélique que lui inspirent ses deux jeunes pénitens.


Pendant toute l'agonie de ce long trajet, Poulain a répandu des larmes amères sur le sort de son père et de sa mère que sa mort allait peut-être faire périr de douleur. "Toujours, s'écriait-il, ils ont été si bons pour moi ! Oh ! je ne mourrai pas content, s'il ne m'est pas donné de recevoir leur bénédiction. Ma pauvre mère ne pourra pas venir, elle est trop âgée, et puis elle mourrait en chemin. Mais mon père ! mon père ! je veux voir mon père !" En arrivant à Châteaubriand, ses premières paroles ont été demander qu'on l'envoyât chercher. "J'ai de l'argent, s'écriait-il, qu'on le prenne tout, car je veux tout donner pour embrasser mon père. Quand mourrai-je, demanda-t-il au procureur de Louis-Philippe ? car on ne me l'a pas dit quand je suis parti de Nantes. Si c'est demain, il faut que toute la nuit on aille chercher mon père". Le magistrat de juillet lui promit de l'envoyer chercher et tint parole, mais il ajouta qu'il ne pouvait lui dire quand il mourrait. "Je m'en vais vous le dire, mon enfant, reprit le ministre de Dieu ; c'est après-demain matin, à onze heures." Le courrier envoyé à son père revint le lendemain matin, lui apporter la nouvelle que sa bonne mère était morte de douleur, il n'y avait que six jours, et que son père, accablé sous le poids de l'afflixion, ne se sentait pas capable de se rendre au voeu qu'il lui avait fait manifester, mais qu'il l'exhortait à mourir en bon chrétien, pour son Dieu et son roi. Cependant, faisant un dernier effort sur lui-même, cet infortuné père est venu le matin même de l'exécution se jeter dans les bras de son fils."

 

LE JUSTE-MILIEU entre la guillotine et la liberté


Nous ferons suivre ces touchans détails des réflexions suivantes empruntées à La Mode.


Certes, la France ne l'a pas oublié : Plus d'exécutions poltiques ! c'est le voeu le plus cher à mon coeur" avait dit l'élu des deux cent dix-neuf, quand il vint, humble, souple, caressant, ramasser la couronne de France tombée dans la boue des barricades ! "Plus d'exécutions politiques !" Nous l'avons entendu. Oh ! cette promesse-là s'est réalisée, nous devons en convenir, pour des hommes souillés de crimes infâmes ; ceux-là n'avaient fait qu'assassiner ! Parfois aussi des condamnés républicains, dont on ne sentait pas le courage d'élever l'échafaud. Mais deux fils de la Vendée ! ... mais deux jeunes gens coupables de ce nom de Vendéens, coupables de dévouement et d'intrépidité, deux hommes qui n'avaient point versé le sang, quoi qu'en aient dit les Fouquier-Tinville du juste-milieu ! oh ! pour ceux-là, point de grâce, point de pitié ! Après avoir traité les Vendéens comme jamais peuple conquis ne fut traité, après les avoir ainsi mis en droit de s'armer contre une oppression dont le juste-milieu est aujourd'hui forcé de reconnaître la brutale illégalité, qu'on les supplicie, tous n'ont pas été fusillés ; c'est équitable, c'est bien ; qu'on tranche la tête à ceux que la maladresse des chasseurs d'hommes avait épargnés, ce sera encore les assassiner !

 

LOUIS-PHILIPPE


Et disons-le bien haut. Dans cette hideuse histoire, le juste-milieu a trouvé moyen d'enrichir encore sur ses actes les plus honteux. Versé du sang par férocité, par haine aveugle et acharnée, c'est affreux sans doute, c'est horrible ! Mais verser du sang froidement, par un calcul de pusillanimité, oh ! c'est plus infâme encore ! La lâcheté qui se fait sanguinaire ! des gens qui tuent par peur, comme d'autres fois ils ont épargné par peur ! De misérables pédans doctrinaires ont supputé combien de temps deux têtes coupées à propos pourront encore les maintenir au pouvoir. Car c'est là tout le secret de ces exécutions infâmes. On a voulu jeter les tête des deux Vendéens aux aboyeurs du Constitutionnel et de la Gazette des tribunaux, qui, pour porter au ministère l'avocat Dupin, leur patron, se tenaient tout prêts à accuser de carlisme les dépositaires du pouvoir qu'ils convoitent. Puis l'incorruptible et consciencieux magistrat que vous savez, l'irréprochable accusateur de M. Berrier, n'était-il pas là, qui montrait l'émeute déjà toute déchaînée dans les rues de Nantes, si le sang des deux condamnés n'assouvissait les haines prétendues d'une population que cet homme ne craint pas de calomnier en l'assimilant à lui ? Assurément d'anarchistes vociférateurs aux passions déchaînées, à la rage aveugle, aux cris de cannibales, sont faciles à trouver, quand on en veut ; ces habitués des spectacles de couperet et d'échafaud, qui dansaient, en 93, autour de la guillotine, et faisaient leur plaisir quotidien des noyades de Carrier, ne sont pas tous morts ; ils ont pu même laisser dans l'Ouest quelques élèves formés à leurs leçons, pour qui le sang vendéen est aussi doux en 1834 que pour leurs prédécesseurs de la révolution première. C'est aux sanguinaires réclamations de quelques feuilles soi-disant libérales, c'est aux haines de ces gens si bien représentés à la chambre par les individus qui souillent le nom de députés de l'Ouest, c'est en même temps à ses concurrens politiques que le juste-milieu jette l'offrande de deux têtes ! ...

Le Vendéen
Journal du Poitou
11 février 1834 - n° 82 - 3e année

La Quotidienne vient d'ouvrir une souscription pour les parents de Louis et Poulain, on devrait l'étendre aussi à Huet, leur compagnon d'infortune et qui, plus à plaindre qu'eux, va subir sa grâce dans les bagnes du juste-milieu, confondu avec des criminels de tous genres.
C.M. Le Vendéen

 

ETAT-CIVIL DE CHATEAUBRIAND - Janvier 1834 - AD44 :


29 janvier 1834 - DÉCÈS DE :


Louis Julien dit Bouin, laboureur, âgé de vingt-et-un ans, demeurant à Maisdon, né à Bain, département d'Ille-et-Vilaine, fils de Julien Louis et de Perrine Deniard, demeurant commune de Bain.
Jean Poulain dit Daube-les-Bleus, ouvrier bûcheron, âgé de vingt-trois ans, né commune d'Erbray et demeurant commune de Juigné, fils de Jean Poulain, laboureur et de Marie Gauchet.

 

acte de décès de Julien Louis dit Bouin

Acte de décès de Jean Poulain

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