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La Maraîchine Normande
20 août 2014

1792 - LE CHATEAU DE LA MOTTE D'USSEAU (86) - REFUGE DE L'ABBÉ COUDRIN

1792

P1260142


... A peine ordonné, il quitte Paris et revient chez son père, à Coussay. Grande fut la joie de sa famille, on le devine sans peine, quand les regards attendris des siens le virent monter au saint autel ! Non moins grande satisfaction pour le curé de la paroisse, assuré de rencontrer en lui un dévoué auxiliaire ! Mais les difficultés ne tardent pas à surgir et l'intrépidité de son âme se trouva mise à l'épreuve.


A Coussay, comme à Poitiers et ailleurs, les jacobins de Paris avaient des adhérents. A leurs affidés, ils envoyèrent ce mot d'ordre : "Osez tout contre les prêtres ! vous serez soutenus." Sous leur impulsion, une minorité de prétendus patriotes, comme un mauvais levain qui fermente, travailla et agité cette population de cultivateurs jusque là si honnête. Très ingénieux à feindre le zèle pour une religion qu'ils persécutaient, ils eurent l'audace de demander à l'abbé Coudrin : "Qui vous a fait prêtre ? - J'ai donné à M. le curé, répondit-il, la preuve que je suis prêtre ; cela doit vous suffire." Un instant contenue par la fermeté de cette parole et le sang-froid qui l'accompagne, la haine des patriotes veut prendre sa revanche en se retournant contre le pasteur légitime, elle le dénonce et le fait expulser comme rebelle au serment schismatique. Sur le champ, notre vaillant abbé le remplace et continue courageusement son ministère.


Un dimanche, au moment où il allait célébrer le saint sacrifice, le maire de l'endroit lui présente une lettre d'un prêtre intrus du voisinage, annonçant sa venue pour le soir même, avec l'intention avouée de donner la bénédiction du très saint Sacrement. Le maire presse l'abbé Coudrin de la lire en chaire, "Donnez," dit simplement celui-ci ; après quoi, il commence la messe. Quand il l'eut achevée, il se tourne vers les assistants ; au lieu de faire le jeu du maire : "Mes frères, leur dit-il, un faux pasteur doit venir vous tromper ; mais ni moi ni les miens ne prendront part à un acte de schisme."

 

T


Nouveau grief pour les révolutionnaires qui redoublent de rage contre l'abbé Coudrin et ses parents. Et alors, comme dans la Passion du Sauveur, on voit une troupe d'hommes furieux accourir avec des piques et des bâtons, quelques-uns même avec des fusils. Ils cernent sa maison, menacent de tout briser, s'il n'est remis entre leurs mains, et Dieu sait quel sort ils lui réservent ! Le jeune prêtre leur échappe pourtant, en cherchant un asile au fond des bois. Quels furent alors ses sentiments ? Lui-même en fit plus tard la confidence à ses premiers enfants : "Je fus extrêmement heureux, leur dit-il, de me trouver dans un dénûment absolu et d'avoir à souffrir pour le Nom de Jésus-Christ". Furieux d'avoir manqué leur proie, les méchants rabattirent leur colère sur les parents du fugitif ; des menaces de mort furent proférées contre eux ; on les traîna devant les autorités civiles, on les accabla d'injures grossières. Rien n'y fit : leur constance demeura inébranlable.


Quelque temps après, un intrus fut envoyé à Coussay, en qualité de curé, par l'évêque schismatique. La municipalité requit les Coudrin pour transporter les meubles du nouvel arrivant. Chrétiens fidèles, ils refusèrent, ce qui accrut la fureur des partisans du schisme. Ils en voulaient surtout au père, Abraham, et à son fils, Charles. La mère et la soeur qui étaient à la maison, coururent les prévenir dans les champs où ils se trouvaient. Cette fois encore, une prompte fuite les déroba aux poursuites de leurs ennemis. Quand cet orage fut apaisé, ils purent rentrer dans leur demeure ; mais la haine n'avait point désarmé, elle continuait d'avoir l'oeil sur eux.


D'autres griefs s'ajoutèrent, contre la famille Coudrin, à celui d'une trop grande fidélité religieuse. Charles Coudrin et son parent, Maumain, s'étaient mariés depuis peu. Le ministère d'un intrus leur faisant horreur, ils avaient demandé à un prêtre catholique de bénir leur union. Comme les deux jeunes ménages habitaient chez Abraham Coudrin, les patriotes se portèrent de ce côté. Avertis à temps, les nouveaux mariés se sauvèrent et cherchèrent retraite au château de la Motte-d'Usseau. Les persécuteurs se vengèrent sur les autres membres de la famille et sur de nombreux amis également attachés à la religion de leurs pères.


Ils se saisirent donc du père, de la mère et de leur fille Marie, de la belle-mère de Charles, Mme Venault, qui arrivait à sa soixante-dix-septième année et de plusieurs bons chrétiens du voisinage, une cinquantaine environ ; ils les traînent à Châtellerault comme des malfaiteurs. C'était pitié de voir des hommes, des femmes de tout âge, harcelés sans cesse par leurs bourreaux et traînés à la mort, comme un vil bétail. Heureusement, à Châtellerault, les esprits étaient moins exaltés. Cette ville, aux moeurs douces, ne voulut point épouser les colères des gens de Coussay, et les prisonniers, bientôt relâchés, rejoignirent leurs foyers, sans que l'alerte eût d'autres suites.


En sortant de la maison paternelle, vers la fin de mars 1792, l'abbé Coudrin se rendit secrètement à Poitiers pour prendre les instructions de M. de Bruneval à qui incombait l'administration du diocèse. Il reçut de lui les pouvoirs les plus étendus. Puis, comme il était impossible, vu l'effervescence des esprits, de revenir à Coussay, il se décida à attendre des jours meilleurs et, par les bons offices de Maumain, son parent, vint se réfugier au château de la Motte-d'Usseau.


A proximité du chemin de fer de Tours à Poitiers, sur un monticule peu élevé au pied duquel se groupe le village d'Usseau, on découvre aujourd'hui un vieux manoir féodal qui doit dater de la fin du XIVe siècle. Malgré les toitures qui s'affaissent, les murailles qui se lézardent dans les dépendances, lui, le vieux château se tient debout, dressant fièrement les grosses tours rondes dont sa masse est flanquée. Vers le milieu du XVIIIe siècle, la famille de Viart en devint propriétaire. Il y a quelque trente ans, le T.R. Père Euthyme en fit l'acquisition au nom de l'Institut des Sacrés-Coeurs, dont il était le troisième Supérieur général. Par son ordre, des travaux importants furent entrepris qui le restaurèrent et le rajeunirent. Dans sa pensée, on pouvait y fonder soit une maison de retraite pour les religieux infirmes, soit un noviciat ou une école apostolique. Ainsi voulait-il honorer et conserver la mémoire du bon Père Coudrin qui avait trouvé là un asile au début de sa carrière. Sa mort tant regrettée l'empêcha de donner suite à son projet.


A l'époque où nous sommes, en mai 1792, Maumain, dont nous avons déjà cité le nom, était fermier du château, lequel appartenait alors à Mlle de Viart qui, dans la suite, devenue religieuse des Sacrés-Coeurs, succéda à la fondatrice, comme Supérieure générale.


Réfugié dans ce vieux manoir, l'abbé Coudrin avait eu d'abord l'espérance d'y demeurer ostensiblement. Mais la Révolution montait toujours, et comme, en province, on était exposé aux vexations les plus capricieuses, il prit des mesures pour s'y dérober. Il fut convenu entre Maumain et lui qu'il se cacherait dans une humble retraite à très peu de distance du château. Pour dépister la curiosité des domestiques et leur donner le change, il feignit un départ vers un autre pays. Il fit donc ses adieux aux personnes de la maison et partit en plein jour, accompagné de Maumain. Tous deux s'enfoncèrent dans le bois et y restèrent jusqu'à minuit. A cette heure, ils revinrent ensemble à la Motte-d'Usseau.

 

CHATEAU DE LA MOTTE-D'USSEAU


A quelques pas du château s'élève une maison fort simple, n'ayant qu'un seul étage : c'était le logis du fermier. Un escalier en pierre adossé au mur opposé à la façade, donne accès dans un pauvre réduit, un grenier, sorte de couloir étroit, obscur, irrégulier de forme, mesurant de douze à quinze pieds de longueur, et, dans sa plus grande hauteur, pas même cinq pieds : moins qu'une cellule, un galetas, un tombeau, on peut le dire, si bas qu'on ne peut s'y tenir debout, ni s'y promener ; quelque chose de noir, d'étouffé, tellement que pour avoir un peu d'air et de lumière, il fallait écarter les tuiles du toit. Ce grenier, - il existe encore dans le même état - ce fut l'abri et comme le cénacle de l'abbé Coudrin, abri contre les patriotes du temps, cénacle où Dieu se plut à lui révéler sa double mission d'apôtre et de fondateur d'Ordre. Comment, avec son tempérament plein de sève et de vigueur, a-t-il pu vivre, en pareil lieu, d'une existence de reclus ? Comment ses vingt-quatre ans ont-ils pu s'immobiliser, cinq mois durant, dans cette inaction forcée ? Reconnaissons-le sans hésiter : c'est ici que se fait connaître une fois de plus l'action de la Providence, Dieu se sert des évènements et des hommes, il les fait tourner quand et comme il lui plaît, à l'accomplissement de ses desseins.


Être ainsi séquestré du monde et de toute relation extérieure, obligé de vivre sans cesse sur le qui-vive de la défiance, constamment en garde contre de fâcheuses indiscrétions qui amèneraient de nouvelles poursuites, quelle existence amère, crucifiante pour la nature ! Le corps n'est pas moins éprouvé que l'âme. La nourriture qu'on lui apporte, à l'abbé Coudrin, préparée loin de sa cachette, est presque toujours froide et par conséquent fort peu appétissante. Ce régime, joint au manque d'air et d'exercice, amène rapidement chez lui une extrême maigreur et un complet dépérissement. Puis d'autres douleurs, vraies angoisses, viennent agiter son esprit. Par l'intermédiaire de Maumain, il apprend les horribles massacres qui ont ensanglanté Paris. Le 26 août 1792, l'Assemblée Législative avait lancé contre les prêtres insermentés un décret de déportation. Peu de jours après, ce décret fut converti par la Commune de Paris en arrêt de mort dont l'exécution était confiée au cruel Danton. Le 2 septembre, deux cent vingt ecclésiastiques furent assassinés dans le couvent des Carmes : affreuse boucherie qui se reproduisit à Versailles, Orléans, Lyon, et en d'autres villes. Un grand nombre de prêtres, plus de trois mille, parvinrent, dans ce seul mois, à passer en Angleterre.


A la nouvelle de cet horrible catastrophe, notre reclus ne tarde pas à se persuader que c'en est fait des prêtres en France et que seul ou presque seul il a échappé à la mort. En proie à de telles anxiétés, il commence à se demander s'il peut en conscience demeurer plus longtemps caché. "Combien d'âmes, se dit-il, sont privées des secours de la religion tandis que j'ensevelis ici le talent que Dieu m'a confié !" Cependant, tout bien réfléchi, ne voyant pas jour encore à dessiner suite aux projets de son zèle, force lui est de passer cinq mois entiers dans ce pauvre réduit où tout semble conspirer pour l'accabler, les tortures morales aussi bien que les privations physiques.


Toutefois, il importe de le noter, au milieu de ces tristesses, son âme n'est pas sans jouir de célestes consolations. Dans le silence de la solitude, dans ce tête-à-tête  prolongé du disciple avec le grand Maître, il éprouve de plus en plus cette puissance d'ascension qui l'emporte vers Dieu sur les ailes de la prière et lui fait goûter les suavités d'une union de jour en jour plus étroite. Il se sent attiré, pénétré par la grâce qui le prévient des lumières et des douces intimités de l'oraison, une oraison privilégiée, affective, continuelle, sans effort ni contention d'esprit, par le seul élan du coeur. Entre Dieu et lui, les communications d'en-haut, les effusions de la reconnaissance forment comme un double courant qui se croise et se répond. "En ce temps-là, racontait-il plus tard, on ne commettait pas beaucoup de fautes volontaires. Le peu qu'on avait à se reprocher trouvait contrepoids dans l'amour de Dieu. S'il s'en échappait une plus saillante, on en gémissait devant Dieu, on s'excitait le plus qu'on pouvait à la contrition et l'on n'y pensait plus. Je n'avais pas plus besoin de me confesser au bout de cinq mois, que je n'en ai besoin maintenant au bout de huit jours."


Ces confidences naïves, en même temps qu'elle nous découvrent la simplicité de coeur de l'abbé Coudrin, nous permettent aussi d'entrevoir la pureté du prêtre et la sainte liberté de l'enfant de Dieu. Il ne s'effraie point s'il vient à s'apercevoir qu'il a commis une faute légère ; il s'excite à la contrition, il s'humilie devant son Juge, et quand il a au fond de l'âme la conviction intime d'avoir mérité le pardon, confiant en la bonté de son Père, il n'y pense plus. Il reprend joyeusement, filialement son commerce avec son commerce Dieu : la paix est faite.


Une telle innocence de vie n'a rien de surprenant. L'occasion de pécher n'existe guère quand on consacre son temps, comme l'abbé Coudrin, à la prière, à l'étude de la Bible et de l'histoire ecclésiastique. A la lumière qui jaillit des combats sans cesse renaissants de l'Eglise militante, il comprend mieux les épreuves actuelles et entretient l'espoir d'une prochaine délivrance. Cependant, les jours vont succéder aux jours sans que sa situation paraisse s'améliorer. Impossible de sortir pour aller respirer un peu d'air pur. Il y a trop à craindre de la curiosité des nombreux ouvriers de la ferme. Si devant Maumain, leur maître, ils affectent une certaine retenue, une fois rendus à eux-mêmes, la licence de leurs propos témoigne assez clairement qu'à eux aussi les idées du temps ont tourné la tête. De son grenier, l'abbé Coudrin les avait entendus parler très mal du fermier, et, malgré l'affaiblissement de ses forces, il surmonta la lassitude de cette réclusion prolongée ; il persista sagement à demeurer prisonnier dans son cachot.

 

GRENIER DE LA MOTTE-D'USSEAU


En attendant, chaque nuit, quand tout dort, il descend par une trappe dans un petit cabinet où, sur un autel improvisé, en présence de Maumain et de sa femme, personne des plus vertueuses, il immole la divine Victime. Adorateur et réparateur, il en remplit alors les fonctions, il les continue, une fois remonté dans sa cachette. Il aime à se tenir prosterné devant le corporal qu'il emporte avec lui, dans la pensée que, malgré tout le soin mis par lui à le purifier, une parcelle oubliée lui procurait le bonheur de la présence réelle de Notre-Seigneur. De sa part, c'est une adoration en quelque sorte perpétuelle, pieux exercice qu'il devait laisser en héritage à ses enfants. Dès cette époque, la présence de Dieu est, pour ainsi dire, constante à son esprit. Cette sainte habitude, toute sa vie il la conserva ; car on l'entendit sur la fin de ses jours se reprocher, à lui-même, en gémissant, de rester parfois dix minutes sans penser à Dieu.


Ce coeur si bon, mais élargi encore et comme pétri de tendresse par l'onction du sacerdoce, c'est l'amour divin qui l'enflamme, qui l'alimente et le soutient. Quelles lumières, on pourrait dire prophétiques, comme quand il annonce à Maumain la fin du schisme dans dix ans ! Quelles communications ne reçut-il pas d'en haut pendant ces longues heures du jour et de la nuit ! La modestie du Père Coudrin s'est toujours opposée à ce que le voile qui les couvrait, fût complètement soulevé. Nous savons seulement qu'avec les douces et fortes énergies de la grâce, Dieu lui donna la générosité d'un dévouement héroïque. Comme instruction suprême, il lui révéla sa future mission de fondateur d'Ordre. En effet, d'après la tradition religieusement conservée dans la Congrégation, c'est là qu'il eut la première révélation de l'Institut qu'il devait établir.


Une nuit, au mois de septembre, - c'était en 1792 - il venait d'offrir le saint Sacrifice et il priait ; au milieu de son action de grâces, il se trouva transporté en esprit dans une vaste campagne. Autour de lui se rassemblaient de nombreux ouvriers évangéliques, destinés à répandre partout la lumière de la foi. Ils lui apparaissaient vêtus de blanc. A leur suite, marchait un cortège de vierges, ayant un vêtement de même couleur, dont le but principal serait de prier pour ces apôtres. Il vit même la maison qui devait être le berceau de cette nouvelle famille religieuse. Depuis lors, le désir de fonder une Congrégation ne l'abandonna plus.


Telle est cette vision qui, répétons-le, est de tradition constante parmi les enfants du Père Coudrin. Quelques paroles échappées à sa simplicité donnèrent le premier éveil sur cette révélation. On en fut pleinement convaincu, lorsque en 1797, Mme Henriette Aymer entreprit d'acheter à Poitiers un lieu de résidence pour les soeurs de la nouvelle Congrégation qu'elle fondait de concert avec l'abbé Coudrin. Une maison était à vendre rue des Hautes-Treilles. L'abbé Coudrin l'alla visiter en compagnie de Mme Aymer et de Mlle de Viart. En entrant, surpris et joyeux, il s'écria dans un mouvement qu'il n'eut pas le temps de réprimer : "Voilà bien ce que j'ai vu !" Mlle de Viart en fut extrêmement frappée ; devenue Supérieure générale, elle raconta le fait au P. Hilarion qui l'a consigné dans ses "Mémoires". Depuis le vénéré Fondateur en a plusieurs fois fait l'aveu en termes plus ou moins explicites. En 1803, à Mende, alors qu'il voyait déjà un certain nombre de disciples autour de lui, il disait au P. Régis Rouchouze : "Il me semblait toujours que plusieurs jeunes gens me suivaient."


Ce témoignage est encore confirmé par deux lettres de Mgr de Beauregard, évêque d'Orléans. Ce prélat avait eu de fréquents rapports avec l'abbé Coudrin, à Poitiers, de 1799 à 1802. Il écrivait en 1837 au P. Hippolyte Launay : "Je suis bien attaché à votre Institut, et je sais le bien qu'il procure à l'Eglise de Dieu ... J'ai vu que vos frères avaient la mission d'annoncer l'Evangile dans les îles de la mer Pacifique. Ces évènements ont été d'autant plus touchants pour moi, que ce bon M. Coudrin me les avait fait connaître. Un jour qu'il m'ouvrait son coeur, il me dit, élevant les yeux vers le ciel : Je les vois, ces chers enfants, dans leurs courses apostoliques, dans les pays lointains, gagnant des âmes à Jésus-Christ".


Dans une autre lettre adressée au P. Hilarion, le même prélat écrit : "Mes rapports avec votre vénérable Père ont été une des circonstances les plus remarquables de ma vie ... J'ai lu souvent dans son coeur, et je puis dire que je n'en ai jamais connu de plus droit et de plus pur. Sa foi était grande, et le motif de toutes ses actions était un amour de Dieu d'une grande générosité. Une des choses qui m'a le plus frappé, c'est l'ouverture qu'il me fit une fois en 1801. - "Mes frères, mes enfants, disait-il, iront sauver les âmes. Je les vois partir pour les missions, pour les îles lointaines, où ils feront aimer Notre-Seigneur."


Ainsi favorisé du ciel, l'abbé Coudrin sentait frémir en son coeur les impatiences du zèle qui le dévore. Qu'il lui tarde de travailler aux oeuvres du ministère ! Ses parents, Maumain et sa femme, effrayés de périls trop évidents, unissent en vain leurs efforts pour le détourner d'une entreprise aussi dangereuse, et les récents massacres de septembre donnaient du poids aux représentations de leur amitié. Mais en lisant la vie des Saints, le pieux solitaire est tombé sur la vie de saint Caprais, martyr d'Agen. Frappé de rencontrer des circonstances identiques à celles au milieu desquelles il vit, il croit voir là une indication de Dieu sur la conduite qu'il doit tenir ... Le jour même de la fête de saint Caprais, il quitte son grenier et prend congé de ses hôtes alarmés, pleurant même sur sa détermination. Son affectueux et reconnaissant souvenir, il le leur promet et jamais, depuis, il n'y a manqué.


Malgré tous les dangers qu'il prévoit, il a un secret pressentiment que Dieu le gardera pour l'oeuvre qu'il a paru lui indiquer. Ce pressentiment, il le fit valoir pour rassurer et consoler Maumain qui, les larmes aux yeux, l'estimait un homme perdu, en le voyant s'éloigner ainsi : "N'ayez aucune crainte, lui dit-il, il ne m'arrivera rien ; Dieu a des desseins sur moi."


Ces desseins de Dieu vont se dérouler successivement, sans qu'il cherche à les deviner où à les prévenir. Par la marche des évènements ou la force des choses, la Providence se chargera de lui montrer clairement ce qu'elle attend de lui.


Le 20 octobre, fête du saint évêque, martyr d'Agen, fut donc une date mémorable dans la vie de l'abbé Coudrin, elle resta profondément gravée dans sa mémoire. En 1823, il écrira de Troyes à Mme Françoise de Viart : "Il y a eu trente ans le vingt octobre (il aurait dû dire trente et un ans) que le pauvre Caprais (le Père Coudrin avait d'abord adopté ce nom) quitta le grenier de la Motte, et c'est aujourd'hui dans un autre grenier où je loge, que je vous écris : Vive le Sacré Coeur de Jésus !" Trois ans plus tard, cette dame l'ayant invité à visiter la maison de Cahors dont elle était supérieur, lui offrit la chambre qu'avait occupée Mgr de Perpignan. Il répondit le 26 février 1826 : "Grâce à Dieu, ma chère Fille, je n'ai pas oublié que le grenier de la Motte me conviendrait mieux que la chambre de Mgr de Perpignan." C'est dans le même esprit de pauvreté qu'en 1823, logeant à Troyes chez M. le chanoine Saget, il choisit pour sa chambre un grenier où il pouvait à peine se tenir debout.


Au sortir de sa retraite, l'abbé Coudrin ne savait trop de quel côté il devait diriger ses pas, car il pouvait à chaque instant être arrêté par les révolutionnaires. Tout d'abord, il voulut se prosterner au pied d'un chêne, non loin du château. A genoux, il fit de grand coeur à Dieu le sacrifice de sa vie ... Ayant au coeur et dans le regard cette flamme du zèle qui donnait à son allure tout l'entrain d'un apôtre, le jeune prêtre se répandit dans les bourgs et les villages sans pasteurs, portant aux fidèles les secours de la religion. Plus d'une fois, il fut contraint de se cacher dans les bois, les montagnes et les cavernes ; plus d'une fois aussi, il fit des rencontres qui mirent à l'épreuve son courage et sa présence d'esprit. ...

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Extrait : Vie du T.R.P. Marie-Joseph Coudrin
Fondateur et premier supérieur de la Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie
et de l'Adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement de l'Autel (Picpus)
par le R.P. Stanislas Perron, prêtre de la même Congrégation
Paris - 1900

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